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      Législatives au Royaume Uni : Boris Johnson, le modèle à suivre ?

      Frédéric Mas · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 13:24 · 4 minutes

    Par Frédéric Mas.

    Let’s get Brexit done . C’est sur ce slogan que l’actuel Premier ministre britannique a mené sa campagne. Pari gagné.

    Les conservateurs ont remporté une majorité écrasante aux législatives face aux travaillistes. Avec 364 sièges remportés sur 650, le parti conservateur 43,6 % des suffrages face à un parti travailliste qui lui n’obtient que 203 sièges, soit 32,2 %.

    Les électeurs ont choisi de clarifier la situation en donnant à Boris Johnson les moyens d’acter la sortie de l’Union européenne dans les temps. La décision des électeurs de quitter l’Union européenne est cette fois-ci indiscutable.

    Il n’est plus possible pour les opposants ou les commentateurs d’imaginer un hypothétique second vote ou de refaire la campagne pour gagner les esprits et les cœurs des Britanniques.

    Un camouflet pour Corbyn

    C’est une première depuis Margaret Thatcher, et un camouflet pour Jeremy Corbyn . Le programme libéral-conservateur et souverainiste n’est pas sans rappeler celui de Margaret Thatcher , qui a remis sur pied la Grande-Bretagne au début des années 1980 après une longue période de léthargie socialiste. La situation de 2019 n’est bien sûr pas la même.

    Le Premier ministre, souvent critiqué pour son opportunisme, n’a sans doute pas la stature politique de la dame de fer, mais ses propos sur le libre-échange sont clairs. Il fait confiance à la libre entreprise et à la mondialisation pour assurer la prospérité de son pays. Ses prises de position sur l’immigration sont beaucoup moins strictes que celles de Theresa May, et ses positions sont libertariennes sur le plan sociétal.

    Face à lui, la ligne socialiste dure de Jeremy Corbyn a été défaite. Celui qui promettait de détricoter l’héritage de Thatcher au nom d’une sorte de mélenchonisme local n’a pas remporté les suffrages des classes moyennes. Le modèle libéral britannique ne disparaîtra pas.

    En France, l’opinion est divisée : c’est un coup dur pour le parti européen qui redoute le Brexit, et un sujet de réjouissance pour une partie des souverainistes et des libéraux, mais pas pour les mêmes raisons.

    Le parti européen voit dans la Grande-Bretagne de Boris Johnson le témoignage du repli identitaire en Europe, et l’influence du populisme xénophobe qui traverse tout l’Occident, des États-Unis de Donald Trump à la Hongrie de Orban . Il est vrai que la panique identitaire a beaucoup joué dans le vote leave et la décision de Theresa May de quitter l’UE.

    Pour les souverainistes comme le Rassemblement national à l’extrême droite, la politique de Boris Johnson est un modèle à suivre car il respecte la « volonté du peuple » de sortir des traités européens.

    Certains libéraux se réjouissent aussi de la victoire des conservateurs non seulement parce qu’elle sort Corbyn du jeu électoral, mais parce que la Grande-Bretagne fait sécession d’ un empire bureaucratique européen d’inspiration social-démocrate. Il convient cependant de remettre les idées à l’endroit.

    La démocratie britannique fonctionne

    Le résultat des législatives britanniques nous donne une leçon capitale : la démocratie fonctionne, et réussit même à contenir la radicalisation populiste. La discussion entre brexiters et remainers a été vive, et l’électorat s’est mobilisé pour voter de manière cohérente avec ses premiers engagements pour le leave . L’extrême gauche à la Corbyn est contenue, et, plus remarquable encore, le parti du Brexit de Nigel Farage n’obtient aucun siège.

    Seulement, cette leçon démocratique n’est pas exportable telle quelle. Le souverainisme en France se divise entre un camp national et un camp socialiste qui ne pourrait tenir les promesses de prospérité du parti conservateur britannique.

    Accepter le Frexit serait aussi accepter le retour aux affaires d’une classe politique totalement prisonnière des corporatismes nationaux. Qu’on soit partisan ou adversaire de la construction européenne, force est de constater qu’une partie non négligeable des réformes libérales en France nous ont été inspirées par Bruxelles. Notre personnel politique franco-français est constitué d’énarques et de bureaucrates qui ont tout intérêt à ce que rien ne change. Ce n’est pas le cas de la Grande-Bretagne, heureusement pour elle.

    Maintenant, avec le retrait certain des Britanniques, le poids des pays non libéraux au sein de l’UE va sans doute se faire sentir avec plus d’insistance. La victoire des conservateurs britanniques pourra-t-elle inspirer les partisans de la liberté sur le continent pour se rassembler et enfin agir ?

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      La guerre gouvernementale contre internet continue

      h16 · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 08:30 · 6 minutes

    Par h16.

    Pour les politiciens français, toute liberté n’est que menace. Elle doit être sévèrement encadrée, régulée voire réprimée si c’est possible puisqu’elle représente une façon de s’affranchir de l’influence de l’État et, plus concrètement, de s’affranchir de leur pouvoir. Or, si les députés, les ministres et tous les autres élus se sont bien fait suer pour arriver là où ils sont, ce n’est certainement pas pour voir se débiner sans mal ceux sur lesquels ils entendent régner, scrogneugneu !

    C’est donc exactement pour cela que, dès ses débuts, un espace de liberté comme internet n’a jamais été considéré que comme un danger avant tout et que nos politiciens, dès les années 1990 où le développement des réseaux devenait enfin visible, se sont donc employés à déverser lois, décrets et contraintes pour l’amener dans le champ du régulable et du taxable.

    Malheureusement, au contraire de bien des domaines dont la nature concrète rend aisées les opérations de bombardement législatif en continu, la nature essentiellement abstraite et numérique d’internet, ainsi que la technicité évidente de ce domaine provoquent une dissonance cognitive grave entre d’un côté, la volonté farouche de nos pisse-lois d’enfin l’encadrer au plus serré , et de l’autre, ce marché fluide, extrêmement mobile et versatile, que ceux qui l’utilisent maîtrisent finalement nettement mieux que ces trop zélés élus.

    Autrement dit, pour internet, il est bien plus aisé de pondre de la loi au kilomètre que de la faire appliquer et qu’elle ait effectivement un impact. On pourrait multiplier les exemples où le législateur s’est parfaitement ridiculisé avec ses tentatives idiotes, depuis HADOPI en passant par l’obligation de facturer la livraison pour Amazon (qui a donc facturé 1 centime ) jusqu’à la dernière tentative de taxe GAFA qui sera, comme tout le monde s’y attendait, intégralement reportée sur les vendeurs et donc sur le consommateur , mais on comprend rapidement l’idée : dans le domaine, les agitations de nos élus, ministres et autres sbires gouvernementaux se sont systématiquement soldées par des échecs qui, bien qu’inavoués, n’en sont pas moins cuisants.

    Logo HADOPI : haute autorité destinée à observer les petits internautes

    C’est donc sans surprise mais avec cette consternation toujours entière que nous découvrons l’énième tentative de nos gouvernants de faire semblant de comprendre quelque chose aux problèmes de copie privée, de droit d’auteur, de blocage de sites et d’interdictions de contenus divers et variés : l’idée est encore une fois aussi simple qu’idiote puisque, cette fois-ci, le gouvernement entend « muscler » la lutte contre les sites méchants en pourchassant de leurs assiduités mal foutues « les sites miroirs ».

    Ainsi, profitant de l’improbable fusion entre la HADOPI (dont on ne rappellera surtout pas les performances, cataclysmiques ) et le CSA pour enfin disposer d’un mélange carpe/lapin à même de faire des étincelles sur les intertubes, Franck Riester , l’actuel ministricule de la Culture, tente de pousser une nouvelle bordée de petites lois de derrière les fagots pour lutter notamment contre ces abominables sites pourtant interdits (parce que produisant du contenu « contrefait ») qui se servent de noms de domaine non couverts par les décisions de justice pour continuer leurs méfaits.

    On attend avec gourmandise les textes de lois précis et pointus qui tenteront d’encadrer une pratique dont les déclinaisons sont suffisamment larges pour rendre rapidement caduques ces pathétiques tentatives, et avec la même appétence le développement de l’utilisation de services VPN qui ruinera durablement les éventuels résultats que l’ARCOM, la fumeuse fusion CSA-HADOPI, ne manquera pas de fanfaronner sur toutes les ondes pour justifier de son existence.

    Ouf, Frank Riester n

    Eh oui : la loi n’est pas encore votée ni même appliquée, la fusion n’est pas même encore opérée qu’il existe déjà de multiples solutions à la fois simples et peu coûteuses pour contourner les décisions de justice françaises basées sur des textes législatifs écrits par des personnes qui n’y comprennent à peu près rien…

    Et si nos gouvernants comprennent confusément leur impuissance, ils ne peuvent tout simplement pas se résoudre à cette dernière, malgré les échecs, les coûts, l’humiliation qu’ils subissent et font subir à l’appareil législatif et judiciaire français, et ce quand bien même cette impuissance ne se traduit par aucun effet néfaste palpable (doit-on encore une fois revenir sur les chiffres de tous les domaines soit-disant impactés négativement par la copie pirate et dont les profits sont, actuellement, au plus haut ?).

    Et malgré l’échec humiliant de ces mesures généralement inappropriées voire contre-productives, on continue d’observer un acharnement compact de la part des gouvernants et des élus à vouloir absolument dicter au numérique sa façon de se comporter, sans jamais tenir compte des effets de bord néfastes et de plus en plus nombreux qu’entraîne cette politique de législation compulsive.

    Ainsi, à mesure que l’internet « à la française » ressemble de plus en plus à un rigolodrome des contournements rapides de lois imbéciles (au milieu d’un internet « à l’européenne » passablement encombré de popups aussi agaçants qu’inutiles à la sauce RGPD ), on découvre que nos députés continuent obstinément sur la lancée générale de législorrhée : et c’est ainsi qu’internet devient un champ d’expérimentations pour le signalement vertuel grotesque d’une député LREM, Paula Forteza, qui entend montrer à tout le monde à quel point elle est bien bio-compatible et éco-consciente en imposant une interdiction de l’ autoplay sur les navigateurs internet, ainsi qu’une réduction de la résolution des vidéos, le tout pour favoriser une baisse de la consommation énergétique des internautes.

    Oui, vous avez bien lu : barbouillant son texte de « sobriété énergétique du numérique » , la député LREM demande donc que les contenus vidéos soient proposés par défaut dans une qualité combinant un confort suffisant pour l’utilisateur et la consommation de données la plus faible possible » , ceci afin de « diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la consultation de vidéos en ligne .

    Lutte chimérique contre la copie numérique et les sites miroirs, lutte ridicule contre un chat spatial géant rose qui ne fait rien qu’à réchauffer la planète avec ses vidéos pornos en 4K, rien n’arrête l’engeance politique qui cherche encore une fois à justifier son existence en multipliant les jetons de présence législatifs qui viendront s’entasser sur des codes déjà obèses.

    Toujours jugée aux intentions et jamais à ses résultats, cette engeance continue à pourrir la vie de ceux qui ne lui ont pourtant rien demandé.

    Vous ne vouliez pas d’une augmentation des coûts de livraison ? Vous l’avez eue. Vous ne vouliez pas d’une taxe GAFA ? Vous la paierez quand même. Vous n’aviez nul besoin d’un HADOPI inutile, d’un CSA encombrant ? Vous aurez l’ARCOM, la fusion des deux, tout aussi nul, mais certainement encore plus coûteux. Vous n’aviez que faire d’une interdiction de l’autoplay, d’une diminution a priori de votre qualité d’image vidéo ? Peu importe, la députaillerie tentera de vous l’imposer !


    —-
    Sur le web

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      Retraites par capitalisation : les autres l’ont fait, pourquoi pas nous ?

      Contrepoints · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:45 · 5 minutes

    capitalisation

    Par la rédaction de Contrepoints .

    Il est à la mode d’évoquer la préservation des générations futures, de penser à ce que nous laisserons à nos descendants. Et si ce raisonnement ne s’appliquait pas seulement à la protection de l’environnement ? Si on pensait aussi aux finances de nos enfants, à la charge qui sera la leur lorsqu’ils devront payer nos retraites ?

    Car c’est cela, le régime par répartition : la fameuse solidarité qui unit ceux qui payent et ceux qui comptent sur la génération suivante pour avoir une retraite.

    Est-ce que notre responsabilité n’est pas justement de faire le choix de ne pas dépendre des plus jeunes ? De ne pas faire peser sur eux la charge que nous représenterons ? C’est cela, le régime par capitalisation.

    Le choix de la capitalisation

    Dans l’étude de l’Institut Molinari en partenariat avec Contrepoints , Cécile Philippe écrit :

    « Sauf évolution radicale de l’opinion et des finances publiques, l’enjeu n’est pas de remplacer la répartition par la capitalisation. Il est de faire monter en puissance une dose de capitalisation, pour rééquilibrer notre système de retraite, en l’appuyant sur deux jambes à l’instar de ce qui se fait chez nos voisins. »

    Car  d’autres pays l’ont fait et avec succès.

    « Un grand nombre d’États se sont dotés de mécanismes de capitalisation, au sein des systèmes publics, ou en parallèle de ceux-ci . Un nombre significatif de pays de l’OCDE ont des fonds publics de réserves des retraites, permettant de réduire la dépendance à la répartition et de diversifier les risques (tableau ci-dessous). En France, cette façon de faire a été pratiquée de façon probante par l’AGIRC-ARRCO. »

    Principaux fonds de réserves des retraites publics selon l’OCDE

    Et les fonds de pension privés ?

    La France est frileuse sur ce point. Or des pays comme le Danemark, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume Uni ont des fonds de pension privés qui génèrent de la richesse sans recourir à la fiscalité. Se privant de ce support financier, qui avoisine les 61 milliards d’euros, la France n’a d’autre choix que de compenser par plus d’impôt, plus de charges sociales ou plus de déficit.

    Ainsi qu’en témoigne l’étude de l’Institut Molinari 1 :

    « Le manque-à-gagner lié au sous-développement de l’épargne retraite nous prive de 2,6 points de PIB par an, soit 61 milliards d’euros annuels représentant 19 % des sommes allouées aux retraites.

    Cette somme manque pour préparer ou servir les retraites. Faute d’être générée par des provisions ou réserves manquantes, elle doit être compensée par des charges sociales, des impôts, des déficits ou une dégradation du pouvoir d’achat des retraités. »

    Estimation des conséquences financières du sous-développement des fonds de pension privés français

    capitalisation Source : Actifs et performances d’après l’OCDE (2019), Pensions at Glance, p. 211 et 215. Actif des fonds de pensions privés en 2018 (ou dernière année disponible) et rendement réel moyen sur 10 ans (moyenne géométrique 2009-2018 sauf UK 2008-2017) et calculs IEM (*). Les données sur les actifs et les rendements proviennent de l’OCDE. Les nd signifient non disponible. Le calcul IEM du fruit de l’épargne manquant en France a été fait en partant de l’hypothèse que les rendements des fonds de pensions français sont en ligne avec les moyennes simples ou pondérées de l’OCDE, ce qui donne une fourchette du manque-à-gagner de 1,2 à 2,6 points de PIB par an devant être compensé par des charges et impôts (ou déficits) faute d’être généré par les rendements de l’épargne.

    La capitalisation est un système qui fonctionne bien. Les fonds de pension sont rentables et permettent de servir des retraites sans faire appel aux cotisations sociales. C’est ainsi que l’Australie peut servir de modèle :

    « La réforme australienne s’est appuyée sur des organismes de prévoyance collective existants, notamment sur une multitude de fonds de retraite, traditionnellement choisis par les employeurs à l’issue d’un processus négocié. Les banques ont été autorisées à proposer des comptes épargne retraite. Les gestionnaires de fonds bénéficient d’une importante marge de manœuvre, avec une grande liberté de choix en matière de placements. Selon la dernière évaluation de l’OCDE, les fonds de pensions australiens ont accumulé une richesse équivalente à 141 % du PIB au titre du seul secteur privé. »

    Des réticences injustifiées

    L’argument qui s’oppose le plus fréquemment à une mise en place progressive de la capitalisation est que les cotisants « paieraient deux fois », une fois pour la répartition, une fois pour eux-mêmes.

    « Il est certain que la bascule d’un régime en répartition préexistant en capitalisation est une opération loin d’être anodine. Dans un régime en répartition pure, les cotisations des actifs servent à payer les pensions. Les actifs sont mis à contribution pour payer les prestations de leurs aînés. Si, dans le même temps, on souhaite qu’ils épargnent en vue de leur propre retraite, afin de ne pas dépendre des générations suivantes, on leur ajoute une charge. D’où la facilité conduisant à écarter tout changement au motif qu’« on ne peut pas cotiser deux fois ». »

    Or il ne serait pas nécessaire de doubler les cotisations 2 comme l’explique Nicolas Marques :

    « À prestation égale, la capitalisation permet au futur retraité de cotiser moins qu’en répartition pure puisque les versements produiront des intérêts. »

    « La capitalisation… en soi est parfaitement acceptable et peut même, bien maniée, par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière. Dès lors les socialistes, même ceux qui préféraient la répartition ont été conduits à accepter la capitalisation comme cadre. Ils ne se sont pas obstinés dans un effort stérile pour imposer un autre procédé. Mais ils ont lutté vigoureusement pour obtenir, dans le cadre qui s’imposait à eux, le plus de garanties possibles et de résultats pour les ouvriers » (Jean JAURES, Tous escrocs !, Humanité du samedi 1er janvier 1910, page une.)

    1. page 45.
    2. Page 40.
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      France : les rendez-vous manqués pour la réforme

      Claude Robert · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:40 · 11 minutes

    la France

    Par Claude Robert.

    De nombreux économistes datent le début du déclin économique actuel dans les années soixante-dix, à la fin des trente Glorieuses 1 , au moment du choc pétrolier. Bien que les raisons de notre recul aient été maintes fois identifiées depuis 2 , celui-ci se poursuit inexorablement. Il semble à présent générer des conséquences douloureuses pour un nombre croissant de Français, si l’on en croit la multiplication des mouvements sociaux.

    De fait, les gouvernements qui se suivent à la tête de l’Hexagone partagent un sinistre point commun, celui de ne pas avoir fait le nécessaire. Mais alors, comment la classe politique de notre pays parvient-elle à se justifier auprès du peuple, ce peuple dont elle est pourtant censée gérer les intérêts présents et futurs ? Se poser cette question est essentiel car cela permet d’entrevoir la profondeur du gouffre qui sépare l’élite politique de ses administrés, et de découvrir combien le pays tout entier fait fausse route en choisissant de se battre contre des moulins à vent.

    Les mouvements sociaux actuels tout comme les pseudo-réformes engagées par nos derniers gouvernements nous montrent en effet à quel point les récriminations du peuple et les actions gouvernementales ne coïncident jamais. Ni entre elles, ce qui est certes ennuyeux, ni avec les réalités économiques, ce qui est autrement plus grave. On aurait presque pu espérer que le pouvoir politique ait raison contre le peuple, mais ce n’est même pas le cas… Ainsi, le pays dans son ensemble se trouve hors du coup, en constant décalage avec son contexte.

    Que ce soit par incompétence, par manque de courage ou par manque de vision, la classe politique dissimule la gravité de la situation et distrait le peuple avec des points de détails qui font diversion. Quant au peuple, probablement par ignorance ou par idéologie, une partie de celui-ci manifeste contre des réalités dont il ignore les causes, et revendique des avantages que ces réalités lui interdisent !

    La France et sa classe politique qui fait diversion

    Les gouvernements successifs et en particulier les plus récents tentent d’occuper les esprits des citoyens avec des enfantillages pour adultes.

    Ils semblent d’ailleurs y parvenir.

    Tout a commencé avec Mitterrand, pour qui la source de tous les maux se trouvait être le FN et la finance internationale, tandis qu’avec son gouvernement Bérégovoy, les taux d’intérêts étaient si élevés que la rémunération du capital avait considérablement augmenté par rapport à celle du travail (le comble pour un gouvernement socialiste), et que le chômage de masse tout comme le FN s’installaient durablement, changeant radicalement le paysage social et politique du pays !

    Cela étant dit, avec Chirac , puis Hollande et actuellement Macron , les méthodes se sont tout de même affinées. Bien plus subtils que le panem et circenses décrié par le poète romain Juvénal, les hochets brandis par nos présidents sont devenus d’une extrême sophistication, et révèlent ainsi tout le génie de notre énarchie.

    Chirac et sa fracture sociale

    Avec cette expression, Chirac avait su se parer des habits d’un président compréhensif et généreux. Ce n’était bien évidemment pas le courage qui l’étouffait, lui qui était récalcitrant à l’idée de laisser réformer les retraites par son ministre des Affaires sociales de l’époque 3 , lui qui n’avait même pas voulu s’attaquer au problème de la dette : « il y a longtemps que c’est comme ça, on peut bien laisser ce problème aux gouvernements suivants » 4 .

    Sans oublier qu’il fustigeait régulièrement l’Europe, principale cause de nos difficultés. Pendant ce temps, la situation du pays s’est détériorée.

    Hollande, ou la réforme fiscale qui tue

    Avec François Hollande , l’Europe a continué d’être le bouc émissaire facile de nos échecs. À cela s’est ajoutée une déclinaison encore plus diabolique de cette fracture sociale. En jouant sur la jalousie vis-à-vis des riches , le candidat socialiste avait en effet réussi à se faire élire non pas sur un programme de relance de notre économie déclinante, mais sur une réforme de la fiscalité ! À la clé, souvenons-nous, une promesse particulièrement redoutable d’efficacité : prendre l’argent aux nantis pour le redistribuer

    Après coup, cette stratégie s’est révélée terriblement funeste : en pleine période de reprise économique post crise du crédit, Hollande a envoyé au tapis plus d’un million de chômeurs supplémentaires, pendant que l’Allemagne en perdait moitié moins et l’Angleterre presque autant !

    Sans compter la précarité qui s’est accrue, sur fond de hausse des impôts concomitante à une pourtant improbable aggravation de la dette de l’État. Le plus gros ratage social de ces dernières décennies, pourtant passé inaperçu chez la plupart de nos concitoyens, journalistes compris.

    Macron et son nouveau monde

    Les hochets politiques de Macron sont plus complexes et bien plus clivants.

    Clivants pour rien d’ailleurs car pas un cheval de bataille du président n’enfourche, pour l’instant, ledit problème économique majeur de notre pays. Macron a certes clairement allégé le fardeau des victimes de l’ISF (hors immobilier), mais il s’est méchamment rattrapé sur les autres contribuables, retraités compris, le tout en promettant un allègement général des impôts, à l’exact opposé des faits.

    Macron se démène contre le réchauffement climatique , mais en inventant une taxe supplémentaire sur les carburants et en faisant figurer un engagement dans la constitution.

    Enfin, en plus des Gilets jaunes qui sévissent depuis un an maintenant, et des cheminots longtemps vent debout contre la non-réforme de la SNCF , Macron fait descendre des milliers de Français dans la rue avec une réforme des retraites en laquelle à peu près personne n’a confiance…

    Pendant ce temps, sans surprise, la croissance ne repart toujours pas, le chômage reste nettement supérieur à la moyenne européenne , la proportion entre actifs et retraités ne s’améliore pas, les prélèvements obligatoires poursuivent leur inflation, en même temps que la dette de l’État. En un mot : le déclin se porte bien.

    Le problème des retraites illustre de la plus triste des façons le divorce établi non seulement entre le peuple et son gouvernement, mais également entre le peuple et les réalités économiques du pays. Ce déphasage est d’ailleurs un invariant, une sorte de handicap qui semble structurer l’ensemble des soubresauts qui agitent notre pays depuis ces dernières années :

    Les moulins à vent de la retraite

    La seule vraie réforme des retraites sans perte de pouvoir d’achat consisterait à relancer l’économie, restaurer notre compétitivité industrielle, ceci afin d’augmenter le nombre d’actifs et le nombre d’heures travaillées 5

    Tout cela passe par une libéralisation des forces vives du pays, c’est-à-dire par une baisse progressive du poids réglementaire et fiscal de l’État, baisse que celui-ci se doit de compenser par une amélioration de son efficacité et une réduction astucieuse de ses coûts.

    Tant qu’il n’existe que deux ou trois actifs pour financer un retraité et que ce ratio se dégrade, le dilemme restera indissoluble : d’un côté, la caste au pouvoir n’aura pas le courage de révéler la vérité au peuple, quand de l’autre, celui-ci n’aura pas la force d’accepter cette vérité.

    Plutôt que de dissimuler les problèmes, le nouveau système de retraites suédois , par exemple, intègre en toute connaissance de cause un maximum de garanties dans les limites d’un mécanisme qui s’équilibre automatiquement en fonction des données économiques et démographiques du pays. Inversement, chez nous, l’incompréhension est telle qu’une majorité de Français soutient actuellement les grévistes alors que la plupart d’entre eux ont des statuts bénéficiant de conditions particulièrement enviables.

    La réforme canada dry de la SNCF

    La seule réforme de la SNCF qui pourrait être efficace consistait surtout à ne pas se mettre à dos les centrales syndicales du mastodonte en arrachant aux forceps un changement de statut des nouvelles recrues (qui portera éventuellement ses fruits d’ici combien de décennies ?) mais plutôt à agir de l’intérieur sur le domaine bien plus difficile de l’organisation et du mode de fonctionnement.

    Il est hélas décourageant de voir que de nombreux Français qualifient ce psychodrame de réforme libérale alors que celle-ci n’en a que le coût (790 millions d’euros de grèves) sans aucun des avantages permettant de sortir du trou un monstre qui, excusez du peu, a représenté en 2018 une charge de 14,4 milliards d’euros pour les Français 6

    Les Gilets jaunes gagnés à leur tour par l’étatisme

    À son commencement, ce mouvement social qui entame sa deuxième année d’existence s’était caractérisé par un appel spontané pour la baisse des taxes et des charges de toutes sortes.

    Mais ce vent libertaire n’a pas fait long feu , d’une part du fait de l’appétence typiquement française pour l’imposition de plus riche que soi, d’autre part à cause des promesses tout aussi étatiques de l’État.

    Car sans surprises, le gouvernement a répondu aux récriminations populaires par des subventions, des aides, c’est-à-dire des solutions purement keynésiennes et sans effet sur l’économie réelle. Des mesures forcément financées par des impôts supplémentaires contre lesquels le mouvement se battait pourtant à son origine !

    Le mouvement a d’ailleurs été rejoint puis partiellement phagocyté par les syndicats d’extrême gauche, véritables drogués de la finance publique, totalement imperméables au contexte économique concurrentiel mondial actuel. Ce sont à présent les écologistes qui s’en rapprochent, et qui risquent de lui porter un coup fatal.

    L’écologie pour accélérer notre déclin

    L’écologie, dont l’urgence ne fait pas l’unanimité chez les scientifiques de la planète, participe à sa façon à l’étouffement non pas climatique mais fiscal du pays. Il est certes paradoxal qu’il soit presque interdit de défendre un tel point de vue.

    Pourtant, dans l’ordre des priorités, les urgences de l’Hexagone ne sont-elles pas du côté des personnes en situation de précarité, de misère sociale voire de grande pauvreté ? Sous cet angle, non seulement l’ augmentation de la pression fiscale sous couvert d’écologie semble en déphasage total avec les réalités économiques, mais elle apparaît presque immorale.

    Cela dit, ne nous y trompons pas, tout cela s’apparente bien plus à un hochet peinturluré en vert qu’à une véritable conscience de la même couleur : seulement 20 % de la taxe carbone sont affectés à des fins écologiques 7 .

    La sécurité routière pour désendetter l’État

    La limitation à 80 km/h des routes à double sens constitue un autre exemple de diversion servie au peuple afin de le détourner des inconvénients générés. Alors qu’il y a trois fois plus de décès par suicide, le gouvernement se pare de beaux sentiments en jetant son dévolu sur la mortalité sur route.

    Or, outre le coût exorbitant de cette mesure, dont un universitaire a démontré la contre-productivité pour notre économie, et du recrutement d’une flotte de 440 radars mobiles, il s’avère que les prévisions de recettes mirobolantes escomptées par l’État ne soient pas au rendez-vous selon les résultats des premières expérimentations…

    Encore un beau ratage en perspective dont le seul résultat tangible sera probablement la criminalisation pure et dure de la vitesse sur route dans l’esprit de nombreux Français.

    Il existe tellement d’exemples de cette incompréhension du réel tout autant partagée au sommet de l’État que par de nombreux concitoyens… La politique menée par nos gouvernements récents tout comme les mouvements sociaux s’illustrent comme autant de rendez-vous manqués avec le réel.

    Le pays paie sans doute là au prix fort le recrutement endogame de son élite politique, totalement étrangère au monde concurrentiel, et l’orientation biaisée de l’information économique par une Éducation nationale et des médias transis d’idéologie marxiste.

    Mais à présent, comment réanimer ce principe de réalité qui nous fait tant défaut ?

    Sur le web

    1. Période pendant laquelle, reconstruction d’après-guerre aidant, l’Hexagone affichait une croissance annuelle moyenne de plus de 4 % et un taux de chômage inférieur à 2 % !
    2. Un pays comme la France ne perd pas la moitié de ses parts de marchés industrielles mondiales en une vingtaine d’années sans avoir accès à de multiples analyses concordantes sur le sujet, surtout quand son voisin allemand a vu ses parts augmenter pendant la même période !
    3. François Fillon.
    4. Avait-il dit à peu près en ces termes à l’un de ses conseillers de l’époque.
    5. La comparaison de ces deux dimensions avec le reste de l’Europe ou des pays industrialisés jette un éclairage cru sur la réalité de nos difficultés.
    6. Le Figaro 5/12/19.
    7. Le Monde 6/11/18.
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      Podcast #5 : une heure pour tout comprendre sur les retraites, avec Nicolas Marquès

      Pierre Schweitzer · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:35 · 1 minute

    Par Pierre Schweitzer.

    Note aux utilisateurs de la version mobile du site Contrepoints : si le lecteur audio contenant l’épisode ne s’affiche pas dans l’article, cliquez directement ici pour l’écouter.

    Ce mois-ci il nous a semblé naturel de vous proposer un épisode de podcast entièrement consacré à la réforme des retraites, pour fournir un éclairage complémentaire à l’étude publiée par l’Institut Économique Molinari en partenariat avec Contrepoints .

    Pour cela j’ai interviewé Nicolas Marquès, économiste et directeur général de l’Institut Économique Molinari . Il nous raconte d’abord la genèse de l’assurance retraite, puis nous discutons de la crise actuelle et des aspects positifs ou négatifs des différentes solutions envisagées. Par capitalisation ou par répartition, publique ou privée, volontaire ou facultative, vous allez tout savoir sur ce système malade et néanmoins réformable ! Pensez à vous abonner et faites-nous part de vos commentaires.

    Vous pouvez soutenir ce travail bénévole en faisant un don : https://www.contrepoints.org/aider-contrepoints

    Pour aller plus loin :

    Pour nous contacter :

    redaction@contrepoints.org

    pierre.schweitzer@liberaux.org

    nicolas@institutmolinari.org

    Sur Twitter : @Schweitzer_P ; @NicolasIEM et @iem_molinari

    Retrouvez les épisodes précédents :

    #0 avec Emmanuel Martin

    #1 avec Stéphane Courtois

    #2 avec Frédéric Prost

    #3 (partie 1) avec Jean-Pierre Chamoux

    #3 (partie 2) avec Jean-Pierre Chamoux

    #4 avec Frédéric Mas

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      PISA 2018 : résultats publiés le 3 décembre, déjà oubliés le 10 !

      Nelly Guet · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:30 · 4 minutes

    PISA 2018

    Par Nelly Guet.

    Les syndicats enseignants se sont mobilisés une deuxième fois ce mardi 10 décembre contre la réforme des retraites, au lieu de tirer les leçons de PISA 2018, comme le feraient de véritables organisations professionnelles.

    Certes, d’aucuns volent à leur secours dans la presse (ancien ministre, ancien Directeur général de l’enseignement scolaire) pour expliquer que PISA utilise des critères reflétant un modèle de société qui n’est pas celui de la France.

    Quant aux Inspecteurs généraux, à l’exception des disciplines en lien avec le monde du travail, ils ont toujours combattu l’idée même d’évaluer par compétences. Arc-boutés sur leur propre discipline, ils ignorent souvent les pratiques en cours hors de l’Hexagone et sont hostiles à la pluridisciplinarité et à l’intégration de partenaires externes.

    Persistance des inégalités sociales

    Les résultats des épreuves PISA 2018, publiés le 3 décembre, confirment les inégalités sociales. Les performances sont fortement corrélées avec le statut socio-économique :

    21 % de variation des performances en mathématiques (moyenne OCDE 14 %) et 20 % de variation en sciences (OCDE 13 %)

    Un autre score plus rarement commenté atteste de l’obsolescence des pratiques pédagogiques : professeurs et élèves sont en souffrance car

    la France est l’un des trois pays où les élèves font état des plus grandes préoccupations liées aux problèmes de discipline en classe. 40 % des élèves déclarent que le temps d’apprentissage est réduit en raison du bruit (OCDE : 25 %)

    Nous avons besoin d’un choc PISA à la française.

    Comprendre ce qui dysfonctionne

    Dans les pays révélés performants par PISA 2018, comme le Canada, la Corée, l’Estonie, la Finlande… l’avenir pour un jeune est un avenir choisi.

    La mondialisation ne fait pas peur car l’école prépare à faire des choix personnels tout en faisant pratiquer une grande coopération entre les élèves.

    Rebâtir la formation des enseignants

    Selon l’enquête TALIS de l’OCDE, elle est de très haut niveau dans la matière concernée mais largement insuffisante sur un plan professionnel.

    Travail de groupe, suivi individualisé, accompagnement personnalisé, projet personnel de l’élève ne doivent plus rester des activités marginales.

    Le travail de groupe

    « Seuls 45 % des élèves ont déclaré que les élèves coopèrent entre eux dans leur établissement (OCDE : 62 %). »

    Les enseignants doivent avoir recours à des formes d’apprentissage collaboratif, car l’écart avec les autres pays explique les carences de notre société et de notre économie :

    Le suivi individualisé

    « Seuls 57 % des élèves déclarent que leurs enseignants semblent s’intéresser en général aux progrès de chaque élève (OCDE : 70 %), seuls 25 % considèrent que leur professeur leur indique leurs points forts (OCDE : 33 %), seuls 40 % déclarent que leur professeur leur indique souvent ou toujours comment améliorer leurs résultats (OCDE : 50 %). »

    Ces écarts renseignent très exactement sur ces futurs adultes qui auront le sentiment d’avoir été exclus à un moment ou à un autre, et mal orientés .

    Le projet personnel

    Les circulaires du M.E.N ne doivent pas rester seulement incitatives.

    C’est aux enseignants d’organiser en continu les relations école-entreprise pour tous leurs élèves afin de remédier à des situations qu’ils devraient juger inacceptables : 20 % des élèves de 15 ans issus de milieu défavorisé ne souhaitent pas poursuivre d’études supérieures. À 30 ans, à niveau de performance égal en mathématiques ou en sciences, un garçon sur trois, une fille sur six souhaitent travailler comme ingénieur ou scientifique. Seulement 6 % des garçons, mais presqu’aucune fille, souhaitent travailler dans des professions liées aux TIC.

    L’implication des parents

    « D’après les chefs d’établissements seuls 11 % des parents en France ont participé à la gestion de l’école (comité de parents d’élèves, conseil d’administration…) (OCDE : 17 %). »

    Ce constat impose de s’interroger sur le rôle insignifiant dévolu aux parents d’élèves dans les établissements scolaires français.

    Ce score très faible explique aussi pourquoi les parents français sont dans l’incapacité de formuler les exigences qui forceraient les ministres de l’Education nationale à agir.

    Les revendications de parents usagers

    Exiger du ministre qu’il ait le courage de revoir en profondeur le fonctionnement interne de l’Éducation nationale eu égard à la situation économique de la France, ce que font tous ses homologues en Europe, confrontés eux aussi à la distorsion entre les besoins du marché de l’emploi et les compétences des candidats à l’emploi.

    Il faut :

    • régionaliser l’Éducation nationale : revoir profondément les modalités de recrutement et de formation des enseignants
    • supprimer les nombreuses fonctions obsolètes : ceci permettrait d’augmenter les salaires des enseignants d’environ 30 %
    • bâtir un vrai partenariat région-entreprises-établissements scolaires : comme il en existe dans plusieurs pays de l’Union européenne

    Les syndicats enseignants ne pourraient-ils pas, lors d’une « journée d’action », examiner les liens de cause à effet entre leurs pratiques et les revendications sur le pouvoir d’achat, les inégalités sociales et l’anxiété des parents face à l’avenir de leurs enfants ?

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      Une cryptomonnaie publique ne servira à rien

      Ferghane Azihari · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:25 · 3 minutes

    bitcoin cryptomonnaie

    Par Ferghane Azihari.
    Un article de l’Iref-Europe

    Après avoir longuement méprisé les cryptomonnaies , les gouvernements semblent désormais s’y intéresser de près. Le magazine Capital révélait récemment les plans de Bercy et des autorités monétaires européennes pour la création d’une cryptomonnaie d’État.

    Ces derniers réagissent à la popularité croissante des monnaies privées comme Bitcoin et à la volonté de grands acteurs comme Facebook de lancer leur propre d’instrument d’échange. Faut-il saluer le changement de mentalité de la classe dirigeante vis-à-vis des crypto-actifs ? Tout dépend bien sûr de ses intentions.

    À première vue, l’idée de cryptomonnaie étatique fonctionnant grâce à la technologie blockchain paraît étrange. Après tout, Bitcoin, la plus illustre des cryptomonnaies, a été créé pour permettre aux détenteurs de monnaie d’échapper aux manipulations discrétionnaires des tiers de confiance officiels qui altèrent la valeur et la qualité de leur instrument d’échange.

    Se revendiquer de la technologie blockchain et du statut de cryptomonnaie ne suffit donc pas à obtenir un certificat de respectabilité. D’ailleurs, sur les 2000 crypto-monnaies en circulation, beaucoup sont à juste titre considérées comme des arnaques par les adeptes des crypto-actifs.

    La promesse du Bitcoin

    Ce n’est pas la blockchain qui fonde la qualité et le principal avantage compétitif de Bitcoin. C’est plutôt la promesse quasiment inaltérable et inscrite dans le protocole Bitcoin que la masse monétaire ne sera pas susceptible d’être manipulée à des fins inflationnistes.

    La « politique monétaire » de Bitcoin est lisible et prévisible. Les détenteurs de Bitcoin savent que le nombre de BTC ne dépassera pas 21 millions d’unités (Figure 1).

    En singeant les modalités d’émission des monnaies métalliques, Bitcoin s’impose une stricte rareté et devient un candidat sérieux pour la fonction de réserve de valeur là où les monnaies officielles sont administrées par des banques centrales inflationnistes (figure 2).

    Figure 1 : évolution de la masse monétaire de bitcoin

    Figure 2 : évolution de la masse monétaire du dollar depuis 1960

    Bien sûr, la rareté intrinsèque de Bitcoin ne le dispense pas de la volatilité et des dépréciations ponctuelles ou durables. Mais la stabilité de l’offre de BTC garantit que l’évolution du cours de la cryptomonnaie soit exclusivement du fait des variations de la demande. À la différence des monnaies officielles, le destin de Bitcoin est entre les mains de ses utilisateurs.

    C’est en ce sens que les projets de cryptomonnaies étatiques doivent être regardés avec circonspection. Si elles venaient à voir le jour, les cryptomonnaies publiques seraient administrées par des Banques centrales dotées d’un pouvoir discrétionnaire sur la masse monétaire. Là où Bitcoin a été pensé pour éviter le risque d’inflation arbitraire et sauvegarder le pouvoir d’achat des détenteurs de monnaie, ce ne serait pas forcément le cas des cryptomonnaies publiques.

    Le fantasme de la société sans cash

    Pire encore, les réflexions sur la digitalisation des monnaies officielles tendent aujourd’hui à se recouper avec le fantasme d’une société sans cash, promu au nom du besoin de renforcer la capacité des banques centrales à manipuler le comportement des épargnants et des consommateurs.

    Dans leur guerre contre les épargnants, les banquiers centraux et leurs soutiens intellectuels redoutent qu’une politique plus agressive de taxation des épargnants via des taux d’intérêt encore plus bas conduisent ces derniers à thésauriser en espèces.

    Des chercheurs affiliés au FMI remarquaient en effet que l’existence du cash imposait une certaine limite aux politiques monétaires dites « ultra-accommodantes ». Une limite que certains souhaitent lever…

    Dans cette hypothèse, une cryptomonnaie publique aurait une finalité diamétralement opposée à Bitcoin. Là où les premières cryptomonnaies privées étaient envisagées comme un instrument de restauration de la souveraineté du consommateur épargnant, les cryptomonnaies publiques risquent d’être utilisées pour l’anéantir définitivement.

    Sur le web

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      Écologie, agriculteurs : gare au mythe d’une campagne idéalisée !

      Jonathan Dubrulle · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:20 · 6 minutes

    campagne

    Par Jonathan Dubrulle.

    Dépourvus de connaissances agronomiques de base et éloignés du quotidien des agriculteurs, certains urbains devenus néo-ruraux côtoient l’agriculture au quotidien sans la comprendre pour autant. Ainsi, les nuisances sonores , olfactives et visuelles de certaines pratiques agricoles troublent certaines images d’Epinal bien enracinées lors de la remise des clés du pavillon de campagne tant désiré.

    Du patrimoine au bien commun : vers une appropriation des espaces ruraux

    La notion de paysage renvoie à la patrimonialité des espaces ruraux. Cette conception de la nature, souvent teintée de souvenirs personnels ou de représentations historiques souhaite sa conservation immuable et intangible.

    Si certains sites sont classés comme patrimoines, ce n’est pas le cas de la majorité des espaces ruraux français.

    À travers la notion d’habitabilité, le grand public, et principalement les locaux se préoccupent de leur gestion et de leur devenir. À travers la spatialité et la structuration de l’espace, les habitants entretiennent un ensemble de relations à différentes échelles, de leur maison jusqu’au monde 1 .

    Ainsi, nul doute que le champ, la pâture ou les bâtiments d’exploitation de l’agriculteur voisin n’échappent à cette prise de conscience du monde qui nous entoure.

    Ainsi, certains tels le paysagiste Pierre Donadieu n’hésitent pas à parler de biens communs paysagers , séparant la propriété et l’usage de la gestion, soumise à gouvernance 2 .

    Les paysages ruraux ne sont plus vus comme des patrimoines à conserver, mais comme des biens dont le devenir concerne le plus grand nombre 3 .

    De fait, qu’il s’agisse d’associations environnementalistes, de collectifs de citoyens ou de simples riverains, de nombreux locaux s’intéressent et se mobilisent au devenir des espaces qui les entourent.

    L’agriculture productrice d’externalités récréatives non rémunérées

    Si certains riverains se plaignent des désagréments causés par certaines pratiques agricoles, ces derniers jouissent gratuitement de services récréatifs en compensation.

    En effet, l’agriculture est à considérer dans toute sa multifonctionnalité. Si sa fonction première est sans doute de produire des biens alimentaires, elle rend aussi nombre de services environnementaux et sociaux.

    Si les premiers sont en partie rémunérés par différentes mesures de la politique agricole commune, les seconds restent encore peu considérés. Sans dresser d’inventaire des services sociaux remplis par l’agriculture, nous nous intéresserons aux services récréatifs.

    Il suffit d’observer le tracé que prennent de nombreux sentiers de randonnées : une grande partie d’entre eux traversent ou longent des agroécosystèmes.

    Ainsi, ces paysages agricoles font partie du décor que viennent rechercher les promeneurs, vététistes, cavaliers ou chasseurs. Pourtant l’agriculteur n’est pas forcément rémunéré pour ces externalités.

    Certaines subventions, telles que les MAEC permettent de contractualiser des services socio-environnementaux, mais tous les agriculteurs n’y ont pas accès.

    En effet, pour prétendre à cette aide, le territoire (souvent la communauté de communes) doit avoir mis en œuvre un PAEC , projet de territoire ouvrant des contrats MAEC.

    D’autres dispositifs, tels que le paiement vert où la conditionnalité des aides permet de subventionner des externalités que le marché ne peut rémunérer.

    Néanmoins, ces aides rémunèrent avant tout les services écosystémiques rendus par l’agriculture et peu les externalités sociales.

    Ainsi, avant de s’insurger contre les nuisances provoquées par l’exploitation du voisin, tout riverain devrait prendre conscience qu’il jouit gratuitement (sans financement par les produits achetés ou par les subventions issues de sa contribution fiscale) de services récréatifs.

    Comble de l’histoire, le « passager clandestin » a parfois acheté sa maison à la campagne pour ces services, recherchant un cadre de vie champêtre, des chemins de randonnée, le spectacle d’animaux pâturant en plein air, ou le bruit de haies remplies d’oiseaux.

    La valeur du bien acquis est d’ailleurs en partie liée à son environnement, et notamment aux paysages mis en valeur par les pratiques agricoles.

    Réfléchir à l’échelle du système alimentaire pour une reconnexion citoyens/agriculteurs

    En 1954, les ménages agricoles représentent 25 % des ménages français, pour une population à 40 % rurale.

    À l’aube de l’an 2000, le nombre de ménages ruraux a été divisé par cinq et la population rurale ne s’établit plus qu’à 25 % de la population totale.

    En 2017, les agriculteurs représentent moins de 2 % de la population active française .

    Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : la part des agriculteurs dans la population française s’effondre, y compris dans les espaces ruraux. Cela s’explique notamment par la formidable hausse de la productivité globale du travail, permise par la révolution agricole de la deuxième moitié du XXe siècle.

    Les Français ne côtoient plus forcément les grands-parents ou le voisin agriculteur.

    La baisse des travaux collectifs tels que les chantiers de moisson, de battage ou d’abattage du cochon ont contribué à isoler l’agriculteur dans son exploitation.

    Le XXe siècle a provoqué une transformation de la place occupée par l’agriculture dans la société, avec le passage de l’état de paysan au statut de l’agriculteur 4 . Celui-ci n’est donc plus forcément le paysan qui se définissait par la place occupée dans la société, il met désormais en avant une profession.

    Afin de recréer des liens la France et ses agriculteurs, il est nécessaire de se placer à l’échelle du système alimentaire, qui concerne tout individu.

    Diverses actions associent ce dernier à des réflexions sur l’alimentation d’un territoire donné, à l’image des Projets alimentaires territoriaux qui

    sont élaborés de manière concertée avec l’ensemble des acteurs d’un territoire et répondent à l’objectif de structuration de l’économie agricole et de mise en œuvre d’un système alimentaire territorial. Ils participent à la consolidation de filières territorialisées et au développement de la consommation de produits issus de circuits courts, en particulier relevant de la production biologique .

    Cette conception multi-acteurs associe l’ensemble des parties concernées, du producteur au consommateur. Il est nécessaire de ne pas considérer ce dernier comme un « porte-monnaie », mais comme un demandeur de biens et de services agricoles pouvant influer sur l’offre.

    En associant les citoyens aux questions alimentaires, ces derniers seraient reconnectés aux préoccupations des agriculteurs, évitant sans doute nombre de comportements hors-sol.

    L’agriculture et le citoyen doivent se réconcilier.

    Si le second souhaite davantage s’investir dans une gestion partagée des paysages ruraux, il est également nécessaire d’étendre cette prise de conscience à l’échelle du système alimentaire. Par une meilleure connaissance du quotidien des agriculteurs, l’habitant se rendrait également compte de la valeur des nombreux services récréatifs dont il jouit gratuitement.

    Néanmoins, ce vœu pieux ne s’exaucera pas dans qu’un « contrat social agricole » ne verra pas le jour.

    1. Levy, J. 2012. Sur les conditions d’habitabilité de l’espace / The necessary conditions for the habitability of space . Annales de Géographie . 111. 626. 395-405.
    2. Donadieu, P. 2014. Paysages en commun : pour une éthique des mondes vécus . Presses universitaires de Valenciennes. Valenciennes. 238 p
    3. Sgard, A. 2010. Le paysage dans l’action publique : du patrimoine au bien commun. Développement durable & territoires . 1. 10. 1-18.
    4. Barthez, A. 1996. Les relations de l’agriculteur avec son travail. Une longue histoire, de forts changements actuels. Travaux et Innovations , 25, 15-17.
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      Théorie du genre : le mea culpa d’un spécialiste

      Johan Rivalland · tests.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 December, 2019 - 04:15 · 4 minutes

    fiscalité

    Par Johan Rivalland.

    L’information est probablement passée relativement inaperçue. Et pourtant, elle est assez révélatrice d’une époque où on n’hésite pas à affirmer tout et n’importe quoi , sans complexe, quitte à user allègrement et sans vergogne du mensonge , voire de certaines formes assumées de propagande .

    Pour faire genre

    C’est en lisant un hebdomadaire, il y a quelques semaines, que j’ai vu ce tout petit filet intitulé « Le mea-culpa d’un ponte de la théorie du genre ». Je n’en avais pas entendu parler.

    Le traitement de l’information étant bien souvent très « sélectif », on n’ose imaginer le traitement médiatique auquel auraient eu droit d’autres personnes dans des circonstances similaires s’il s’était agi d’un autre sujet moins bien situé dans l’estime de nos chers journalistes des médias traditionnels. Et pourtant, l’information est de taille et aurait mérité un autre traitement que ce silence assez assourdissant. Jugez-en plutôt.

    L’historien Christopher Dummitt (dont je dois cependant souligner et saluer le courage dont il a fait preuve en la circonstance), professeur à l’Université Trent en Ontario, était semble-t-il, d’après ce que je lis, considéré comme l’une des références en matière d’études de genre .

    Et c’est donc avec une certaine stupéfaction que l’on apprend qu’il se repent, avouant avoir falsifié ses travaux pour asseoir son idéologie. Voici ce qu’il dit et que je reprends de ce filet que j’ai lu :

    Mes recherches ne prouvaient rien […] . Je partais du principe que le genre était une construction sociale et je brodais toute mon « argumentation » sur cette base […]. Mes réponses, je ne les ai pas trouvées dans mes recherches primaires. Je les ai tirées de mes convictions idéologiques […] . J’ai honte […] . J’ai tout inventé de A à Z.

    La loi du genre

    Ce n’est malheureusement pas la première fois, ni la dernière, que de telles méthodes sont utilisées pour parvenir à ses fins. Et les falsificateurs de toute sorte ne rendent pas service ni à la science, ni à la connaissance, en recourant à la manipulation ou au sensationnel, au service de leur cause. On peut dire qu’en ce domaine, c’est malheureusement la triste loi du genre.

    Et, lorsque ce ne sont pas d’anciens repentis qui se trouvent eux-mêmes attaqués, c’est la haine ou le silence qui se déchaînent contre ceux qui ont l’outrecuidance de tenter de s’opposer aux vérités officielles.

    À l’instar d’un Björn Lomborg , dans un autre domaine, ancien membre de Greenpeace ayant dénoncé les méthodes de son ancienne organisation et contesté certaines théories très en vogue à travers un célèbre best-seller . Ce qui lui vaut régulièrement des réactions hostiles peu compatibles avec le respect de la science .

    Ce n’est pas notre genre

    Maintenant, il semblerait que l’information soit partiellement contestée. En effectuant une recherche via Internet, j’observe qu’ un article de Libération s’interroge sur certains éléments, notamment sur la réelle notoriété de Christopher Dummit en tant que « père des théories du genre ».

    Les médias qui ont relevé l’information ( en premier lieu Le Point , repris par Valeurs actuelles , Atlantico et L’Opinion ) « et leurs relais », est-il précisé, se seraient appuyés sur un article paru sur le site australien Quillette, qui n’a pas l’heur de plaire à certains médias de gauche le considérant

    comme un site réactionnaire qui, sous couvert de liberté d’expression, va laisser le champ libre à un discours académique qui peut être racialiste, xénophobe, antiféministe ou transphobe.

    Ce que Christopher lui-même conteste, d’après le journaliste de Libération .

    Quoi qu’il en soit, nous pouvons noter qu’à l’exception de Libération , qui tente de répondre à l’effarement de ses lecteurs probablement outrés par une information aussi outrageuse, les médias cités qui sont les seuls à avoir évoqué l’information sont classés par certains comme des médias « réactionnaires » et à l’approche militante, qui se seraient un peu précipités pour diffuser une information exagérée (Christopher Dummitt n’étant pas si connu dans les milieux de référence) et partiellement inexacte (sur ce que dit cet universitaire concernant la validité des théories du genre en général).

    Mais non, nous le savons bien, eux ce n’est pas leur genre de diffuser des informations partiellement erronées, orientées ou exagérées…