<h2 class="sommaire">Sommaire</h2>
<ul class="toc">
<li><a href="#toc-explication">Explication</a></li>
<li><a href="#toc-prologue-initial">Prologue initial.</a></li>
<li><a href="#toc-prologue-choisi-par-la-suite">Prologue choisi par la suite.</a></li>
</ul>
<h2 id="toc-explication">Explication</h2>
<p><img src="//img.linuxfr.org/img/68747470733a2f2f696d616765732d6e612e73736c2d696d616765732d616d617a6f6e2e636f6d2f696d616765732f492f3431342b68444d5074304c2e5f53593334345f424f312c3230342c3230332c3230305f2e6a7067/414+hDMPt0L._SY344_BO1,204,203,200_.jpg" alt="Couverture de Gene 0" title="Source : https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/414+hDMPt0L._SY344_BO1,204,203,200_.jpg"><br>
Bonjour,<br>
J’écris de la science-fiction depuis quelques années, pour mon plaisir personnel, bien que mes lecteurs apprécient également généralement.</p>
<p>Pour moi, l’écriture de la science-fiction passe, pour une part assez importante, par la construction d’un univers qui lui est propre, avec des spécificités qui vont ensuite influencer les personnages. <br>
Dans ce travail de mise en place, j’écris souvent un prologue, qui ne parle pas des personnages du roman à proprement parler, mais qui évoque une période antérieure, une étape pivot ou un point marquant qui illustre bien comment on est arrivé dans la situation de l’histoire.</p>
<p>Mon dernier roman s’appelle GENE 0. Il n’y a pas de secret, la génétique y joue un rôle. Lorsque je l’ai commencé en 2018, j’ai écrit un prologue pour indiquer comment l’humanité pouvait en être arrivée à privatiser son génome. Plus tard, au printemps 2020, j’ai écarté ce prologue, considérant qu’il était un peu trop explicatif, et avec sans doute trop peu d’accroches. Il n’était pas mauvais, mais peut-être pas assez « grand public ». J’en ai donc écrit un autre qui parle de la période intermédiaire entre aujourd’hui et celle du roman, période pendant laquelle on aurait pu se rendre compte que le contrôle d’identité permanent n’était probablement pas une bonne idée. </p>
<p>Puis, le temps présent m’a rattrapé. Les vaccins à ARN sont sortis. Les budgets médicaux vont continuer d’exploser et les besoins de financement des états vont se faire sentir… Du coup, mon prologue initial reprend tout son sens. Comme les prologues sont des textes « indépendants », les voici pour vous. Ils ne sont pas très longs, et vous changeront de la procrastination informatique.</p>
<p><strong>NB.</strong> Je ne dis pas que les vaccins ARN modifient notre ADN. Mon propos n'est pas de parler du covid.<br>
<strong>NB2.</strong> si ces prologues vous donnent envie de lire la suite, le roman est dispo en epub et papier sur les sites des vendeurs de livre, ou contactez-moi pour que j’envoie le fichier. Pour l’anecdote, la source est faite avec Lyx.</p>
<h2 id="toc-prologue-initial">Prologue initial.</h2>
<p>Le Professeur Erwan Legarec entra dans la salle. Ses pairs assistaient à la conférence comme à de nombreuses autres de par le monde, mais à présent les premiers rangs étaient occupés par les journalistes. Des caméras de tous les pays étaient présentes. Il lui semblait qu’une mer cyclopéenne se tenait devant lui.</p>
<p>— Mesdames et messieurs, c’est aujourd’hui avec un plaisir immense que je vous annonce que la maladie de Hunter est virtuellement un mal du passé. Chez Synthogene, nous avons mis au point une nouvelle méthode, qui non seulement soigne le patient, mais éradique la maladie.</p>
<p>S'accordant une petite pause, il reprit.</p>
<p>— Souvenez-vous ! La variole, cette affliction du siècle dernier, éliminée par la vaccination. C’est maintenant ce que nous pouvons faire avec la maladie de Hunter.</p>
<p>Le professeur s’arrêta un instant, but une gorgée du verre posé devant lui. Son regard parcourut la foule assemblée, puis il reprit. </p>
<p>— Laissez-moi vous expliquer un peu plus ce que cela veut dire. Soyez indulgent avec mes vieilles habitudes de conférencier d’université. Je vous assure que vous ne serez pas venu pour rien et que l’exposé qui s’ensuit est en effet nécessaire. Certains d’entre vous ont probablement lu la publication du mois dernier, mais l’objet du symposium est d'expliquer les implications au plus grand nombre, et je me dois de m’adresser aussi aux béotiens. Des choix importants doivent en découler et il serait antidémocratique que cela ne soit qu’une discussion d’experts. Mais revenons à la médecine.</p>
<p>S’inclinant sur le pupitre, Erwan Legarec lança un diaporama de photos, la plupart en noir et blanc, exposant des personnes hideusement déformées par des pustules sur tout le corps.</p>
<p>— Ces photos ont été prises, pour les dernières, dans les années 1970. En particulier celle-ci, de cette jeune fille du Bangladesh en 1973. Elle était atteinte de la variole. Pourtant, qui parle encore de cette pathologie de nos jours ? Je suis sûr que la plupart d’entre vous n'en connaissaient même pas ses symptômes visibles jusqu’à aujourd’hui. Un bon nombre de vos lecteurs ou de vos spectateurs auront besoin de vos explications sur l’existence de cette maladie qui a balayait tous les continents il y a déjà six mille ans. La raison de cette ignorance est simple. La variole a été éradiquée. La vaccination systématique a permis d’éviter la transmission du virus infectieux en empêchant chaque être humain de devenir un vecteur et un réservoir du pathogène. Ainsi, petit à petit, n’ayant plus de véhicule potentiel, ni de lieu de multiplication, le poxvirus de la Variole a purement été annihilé, éliminé de la surface du globe et la maladie a donc disparu.</p>
<p>Le professeur s'interrompit de nouveau, reprit une gorgée d’eau, changea la projection pour une vidéo et poursuivit.</p>
<p>— Je vous montre maintenant les images de chromosomes humains, ainsi que des photos obtenues par microscope à balayage électronique de quelques chaines d’ADN. Les gènes ont se pouvoir étrange de coder la chimie complexe de notre corps et corollairement de rendre la vie possible. Ce sont eux encore que les parents partagent pour créer une nouvelle vie. Mais ils sont aussi parfois à l’origine de pathologies incurables comme la maladie de Hunter. Cette dernière est d'origine génétique, clairement identifiée mais malheureusement comme souvant sans remède. Les enfants qui en sont porteurs souffre de graves retards de croissances et de développement, et malgré des effort thérapeutiques important, la mort est souvent précoce. Dans cette maladie, comme dans tant d'autres, les gènes qui codent la chimie de notre corps, s’ils sont imparfaits, coderont des protéines défectueuses. Ce processus se répettera au sein de chaque cellule, sauf de rares exceptions sans objet ici.</p>
<p>Le professeur promena son regard sur la foule qui commençait à s’impatienter. Les médecins de l’assistance n'écoutaient que distraitement ces explications rhétoriques puisqu'ils n'assitaient à la conférence que dans l'espoir de rencontrer le professeur. Mais les journalistes des médias généralistes qui avaient été dépèchés par leur rédaction supportaient mal ce qu’ils considéraient comme une perte de temps. Paradoxalement, certains trouvaient les explications trop précises et donc totalement inexploitables pour leur article, quand d’autres essayaient vainement de comprendre tout ce que le professeur disait tout en recherchant les termes qu’ils ne connaissaient pas sur Wikipédia. </p>
<p>— Certains ont travaillé sur la correction de gènes eux-mêmes pour soigner les pathologies. Cette méthode, bien que couteuse, fait régulièrement ses preuves et nous félicitons ici nos prédécesseurs, les pionniers de la génétique médicale sur les épaules desquels nous nous sommes issés. Car c’est bien de génétique médicale dont nous parlons aujourd’hui. Nous soignons la maladie de Hunter. Mais nous avons atteint bien plus que cela. Nous sommes maintenant en mesure d’éradiquer cette maladie et de nombreuses autres comme a son époque le vaccin nous a permis de faire disparaitre la variole de la planète. L’objet n’est plus de guérir uniquement, mais d’éliminer les maladies.</p>
<p>La salle s’agitait. On arrivait au coeur du sujet. Les plus au fait révisaient les questions qu'ils avaient préparés. Les autres, ressentant l'aspect historique de la conférence, s'attardaient à capturer les images les plus remarquables rêvant déjà du World Press Photo Award. Le professeur Erwan Legarec reprit sans permettre à l’assemblée de se disperser.</p>
<p>— Nos recherches ont permis de mettre au point un protocole de correction des gènes in vivo, non pas au niveau de quelques cellules, mais au niveau d’un organisme entier. Ainsi, toutes les cellules sont « corrigées » et la maladie est complètement soignée. C’est une avancée importante, car nous étions habitués à des solutions de contournement pour finallement uniquement limiter symptomes les plus incommodants. Par le passé, nous pouvions également intervenir sur les cellules sexuelles, les gamètes. Nous prévenions de la sorte la transmission d’un gène défectueux. Mais notre méthode réalise les deux simultanément. Ainsi, et c’est là le premier point clé de cette avancée, une personne atteinte de la maladie de Hunter et soignée par notre protocole de correction génétique en sera complètement débarrassé et ne perpétuera pas elle-même ce syndrome. Si une proportion suffisante de la population est traitée, c’est bien d’éradication de la maladie dont nous pouvons convenir.</p>
<p>Les commentaires et les questions commençaient à fuser, mais les micros encore éteints empêchaient quiconque de se faire réellement entendre et le professeur continua.</p>
<p>— Il y a une deuxième avancée majeure dont je veux vous parler avant de répondre à quelques-unes de vos interrogations. Le protocole que nous avons mis au point pour la maladie de Hunter est généralisable. Nous pouvons l’appliquer à d’autres pathologies d’origines génétiques, qu’elles soient directes comme la maladie de Hunter ou que les gènes incriminés ne soient que des précurseurs comme dans de nombreux syndromes cardiovasculaires, les cancers ou dans une part importante des diabètes. Nous ne parlons donc pas d’éradiquer une maladie, mais un nombre considérable de pathologies. </p>
<p>La salle ne se tenait plus, consciente d’assister à une présentation majeure de la médecine. Les journalistes pensaient à leurs ancêtres qui n’avaient pas su anticiper l’importance de la découverte des concepts des micro-organismes, de la vaccination ou plus récemment des chromosomes et de l’ADN. Ils ne voulaient pas commettre la même erreur et comptaient bien faire partie de ceux qui auraient rapporté l’Histoire : l’humanité basculait de la connaissance du génome à son utilisation pour se soigner. Les questions déferlèrent vers le podium et une équipe de modérateurs tentait de créer une certaine discipline pour qu’Erwan Legarec puisse répondre posément. Les sujets les plus techniques étaient rapidement renvoyés vers un site web qui venait tout juste d’être mis en ligne. Les interrogations d’ordre sociétales ou philosophiques attiraient par contre systématiquement des arguments posés du professeur. Cela faisait plus d’une heure qu’il était sous le feu roulant des questions quand il reprit la parole sans attendre une nouvelle demande.</p>
<p>— Nous l’avons tous vu, les implications de la possibilité d’éradiquer les pathologies d’origine génétique sont fabuleuses. Ce sont des interrogations que nous avons nous-même soulevées chez Synthogene. Les étapes de recherche et de mise au point pour chacune des maladies que nous voudrons traiter sont longues, mais surtout très couteuses. Il est évident que notre laboratoire n’en a pas les moyens. Devons-nous n’avancer que petit à petit parce que nous n’avons pas les ressources suffisantes ? Où devons-nous au contraire tenter de faire bénéficier l’humanité de ce progrès aussi vite que possible ? Nous penchons bien sûr pour la deuxième solution. En conséquence, nous avons une proposition à faire à la société dans son ensemble et à nos députés en particulier.</p>
<p>Il s’interrompit, reprit une gorgée d’eau, ayant retrouvé son comportement doctorant. La salle était accrochée à ses lèvres et il en profitait.</p>
<p>— Nous sommes prêts à déclarer notre méthode comme faisant partie du domaine public. Ainsi chacun pourra l’étudier et la mettre en œuvre. Parallèlement, il nous semble fondamental que tout cela puisse effectivement être diffusé au plus vite et sans accaparement par quelques laboratoires pharmaceutiques, qui pourraient de plus être en conflit d’intérêts. Les sociétés fournissant de l’insuline ne sont bien sûr pas les plus enclines à faire disparaitre le diabète. Aussi, pour favoriser une concurrence la plus vaste possible, tout en permettant des financements massifs, nous demandons, en échange du classement de la méthode dans le domaine public, à ce que les gènes modifiés bénéficient de la protection sur les droits d’auteurs. Ainsi, les investisseurs pourront-ils rentabiliser leur capital sur une période longue.</p>
<h2 id="toc-prologue-choisi-par-la-suite">Prologue choisi par la suite.</h2>
<p>Je n’aurais pas d’enfants.</p>
<p>C’est décidé. Jamais je ne me permettrais de transmettre mes gènes pourris. Ce matin, en me levant, j’ai tout de suite su que la journée tenterait de me faire fléchir. Elle a réussi.</p>
<p>Ça a commencé par la machine à café. Elle exige une mise à jour de son logiciel. Mais si je la laisse faire, elle va redémarrer, et il faudra que je me scanne pour qu’elle accepte de se remettre en marche. Avec quelques dizaines gènes non déclarés chez GenBuy, je n’ai aucun espoir de passer ce test. Demain, la cafetière ne vaudra guère plus qu’un presse-papier. Sans mise à jour elle refusera de faire un putain de café, mais avec, je la brique au premier essai.</p>
<p>J’ai donc pris mon dernier café en ruminant. Un appareil de plus qui devient inutile ! Il va rejoindre la télé et le réfrigérateur. J’ai l’impression de me faire cambrioler petit à petit. D’ici peu, seuls le lit, la table et le fauteuil continueront de m’accepter dans ce trou qui me sert d’appartement.</p>
<p>Les choses ne se sont pas améliorées en sortant pour aller travailler.La police procédait à un contrôle en bas de la rue. Avec leur lecteur portable, ils testaient tout le monde. Un panier à salade tenait lieu de bureau pour l’émission immédiate des PVs en cas d’infraction sur les droits d’auteur et les droits voisins. Quatre ou cinq personnes attendaient leur tour. Avec mon génome qui est dispersé sur une vingtaine de compagnies, comment pourrais-je être à jour de toutes les licences ? Ils me font rire ces politiciens qui dénoncent la fraude comme un manquement fiscal. Si je pouvais payer, ça fait longtemps que ce serait fait. Avec plaisir même, ne serait-ce que pour continuer de boire du café le matin. Je n’ai rien demandé. On m’a affublé de cet ADN, merci papa, merci maman. Et maintenant, on m’en tient responsable.</p>
<p>Enfin, pour éviter le contrôle, je suis passé par le soupirail qui ouvre sur la rue de derrière, mais j’ai loupé le bus municipal. Quelle farce, le gouvernement rémunère des inspecteurs pour s’assurer que les citoyens s’acquittent de toutes leurs cotisations génomiales. Mais en même temps, la ville m’embauche en sachant très bien que ce n’est pas mon cas ! Ils en profitent pour me donner un boulot que personne ne veut, ordonnanceur de poubelles organiques, ou, plus précisément, « trieur d’ordures qui puent » comme on dit entre collègues.</p>
<p>Du coup, j’ai cherché un vélo pour ne pas perdre trop de temps. Mais comme d’habitude, les seuls disponibles dépendaient des plus grosses multicompagnies. « Pour ta pomme, Hugo ! Paiement par scanner génétique ! Impossible pour toi d’en déverrouiller un ! »</p>
<p>Je suis donc parti en courant au travail. Voilà un truc pour lequel mon génome me sert. Un de mes ancêtres avait renforcé son système cardiovasculaire. Courir est naturel pour moi, mais on m’a dit une fois qu’avec mon rythme, avant l’époque de l’amélioration génétique, j’aurais battu des records au marathon. Ça m’a permis d’arriver pas trop en retard.</p>
<p>J’allais me faufiler dans l’atelier quand j’ai aperçu les collègues faire la queue dans la cour. Je m’y suis glissé et j’ai demandé ce qui se passait. La réponse m’a confirmé que je n’aurais pas dû me lever ce matin.</p>
<p>— Tu n’as pas vu le message dans les vestiaires ? m’a dit celui qui me devançait dans la ligne. Tous ceux qui ne sont pas à jour de leurs droits avec plus de deux laboratoires génétiques vont être réaffectés.</p>
<p>Pendant l’heure d’attente, j’ai cherché quels postes dégradants les chefs de service avaient pu imaginer pour nous. C’est pour la campagne, le maire veut montrer à ses électeurs qu’il agit dans la lutte contre les ADN clandestins en interdisant certains métiers du secteur public. Pourtant, sans nous, il n’y aurait personne pour faire les sales boulots.</p>
<p>— Vous avez été affecté au nettoyage des filtres des eaux usées terminales, m’a dit le DRH, sans même lever les yeux.</p>
<p>Putain, et pas moyen de se plaindre. C’est le seul employeur pour les multi-G comme moi. Après avoir été trieur d’ordures qui puent, me voilà propulsé en tant que laveur de filtres à merde. Encore une génération, et ils ne nous laisseront même plus gagner notre vie. Je ne peux pas imposer ça à un enfant.</p>
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