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      Le monde écologique : un monde de quotas et de contraintes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 07:30 · 6 minutes

    La France n’a pas de pétrole, mais elle a des écolos qui ont des idées. Ils ont tellement d’idées (sur tout, et surtout des idées) qu’il ne se passe plus une semaine sans que l’un ou l’autre groupe de ces frétillants militants de l’Ascétisme Pour Autrui ne pondent une vibrante tribune en faveur de nouveaux quotas ou de nouvelles restrictions qui garantiront enfin une avancée décisive de l’humanité vers un futur aussi riant que – forcément – sobre.

    C’est ainsi qu’on retrouve des chroniques, régulières maintenant, s’étalant avec délice dans le catastrophisme médiatique dans lequel notre avenir ne tient plus qu’à un fil ; ce dernier, condition de notre survie, se résumant essentiellement à expier nos fautes par différents moyens, bizarrement mais systématiquement tous coercitifs.

    De façon répétitive donc, on retrouve dans les médias, avec une entêtante constance, un appel à nous serrer toujours plus la ceinture. Parmi ces appels, il est difficile de ne pas noter les trépignements de certains à vouloir imposer de fermes limitations énergétiques, rebaptisés pudiquement « quotas carbone » pour faire croire à un quelconque lien avec le dioxyde de carbone.

    Une fois débarrassés de leur gangue de novlangue écolo, ces appels sont tous calibrés de la même façon : quels que soient les problèmes réels ou imaginaires soulevés, il existe un coupable évident, pratique et systématique à savoir l’humanité qui, une fois soigneusement taxée, contrainte et limitée afin d’expier sa faute, pourra échapper à l’apocalypse si et seulement si elle se laisse diriger par une élite éclairée.

    « Permis carbone », « pass énergétique », « quota carbone » : les appellations changent, les titrailles s’enchaînent et chaque semaine de nouvelles propositions sont publiées rappelant que, déjà, quelques députés sont favorables à cette nouvelle bordée de restrictions sévères consistant essentiellement à imposer une limitation énergétique à chaque individu : grâce à ce procédé, chaque citoyen peut être contraint jusque dans son intimité à limiter toutes ses activités, à ne faire que ce qui est approuvé et ne plus avoir ni le droit ni le temps, ni l’énergie pour faire ce qui lui plaît.

    Dans ce monde réjouissant, finis les vols aériens ( quatre pour toute une vie suffisent ), haro sur la voiture individuelle (à plus forte raison lorsqu’elle roule au pétrole), la consommation électrique devient millimétrée et on impose bien sûr une interdiction totale de tout gaspillage (sauf pour l’État). Moyennant beaucoup de verdure, le goulag éco-conscient sera plus joli.

    Du reste, ne comptez pas non plus compenser ces restrictions par quelques douceurs gustatives : l’écologisme militant d’écrabouillement des dissidences climato-catastrogènes entend bien s’immiscer aussi dans votre nourriture, du petit-déjeuner au souper en passant par le quatre-heures à moteur (électrique et encore).

    La transition écologique passera par la bouffe, vous n’y couperez pas et il suffit pour s’en convaincre d’ éplucher les propositions de groupes de lobbies actuels (finement renommés « Instituts » pour mieux vendre leur soupe) : pour l’un de ceux-là, l’ IDDRI , il est même encore laissé trop de latitude à l’individu lorsqu’il va faire ses courses et l’imbécile continue donc d’acheter ce dont il a envie (l’insupportable égoïste) sans trop se soucier du climat, de l’environnement, de la pollution et des ours polaires.

    Pour l’IDDRI, il est manifeste que la transition écologique repose encore trop sur l’individu, ce petit mammifère pénible qui, jusqu’à présent, se passait pourtant trop bien d’eux. Il faut mettre un terme à toute cette belle liberté de reprendre deux fois des pâtes.

    Car fondamentalement, cette liberté est inégalitaire : devant les incitations (ou le tabassage fiscal) propulsant des objectifs écolos jusque dans la nourriture, les riches vont faire attention et devenir de bons petits « consom’acteurs », manger bio et sain, alors que ces sommateurs de pauvres vont continuer à manger des trucs mauvais pour la santé au motif ridicule qu’ils ne sont pas chers, les cons imbéciles.

    Las : comme il y a plus de pauvres que de riches, tout ceci va ruiner les efforts de la transition écologique bien visible, en plus d’accroître les méchantes inégalités que ces comportements différents entraînent inévitablement.

    La conclusion est sans appel : il faut dilapider l’argent public pour médiatiser et promouvoir, puis contraindre, interdire et empêcher, limiter par la loi, réguler de tous les côtés et tailler en pièces la liberté individuelle, le tout en utilisant des mots inventés de toutes pièces comme « surmarge » (qui ne ressemble pas à surprofit ou hyperprofit pour rien, bien sûr). Pour cela, on enchaînera des propositions d’une originalité folle, comme notamment des « chèques alimentations » (en plus des écochèques, des chèques carburant et autres chèques repas de mon cul sur la commode que les Français collectionnent à présent comme autant de petits tickets de rationnement).

    Bien évidemment, il faudrait, comme l’IDDRI le préconise, mettre en place un « délégué interministériel à l’alimentation » car c’est bien connu, rien de tel qu’un comité Théodule de plus dans les couloirs feutrés de notre République : il va tout changer, tant il est vrai que les milliers de Théodule précédents ont tout changé.

    On déplore néanmoins l’absence de proposition d’un Grenelle de la bouffe l’alimentation ou d’un numéro vert qui manque à cette Panoplie du Petit-Étatiste « made in China »… Gageons qu’il s’agit d’un simple oubli qui masque évidemment une vraie volonté de mettre en route ces deux colifichets obligatoires de la réponse politique française à tous les problèmes modernes.

    Notons aussi l’absence encore louable de toute proposition de passer à l’entomophagie. L’IDDRI comprend probablement que le grignotage de grillons et de vers de farine ne fait pas encore recette auprès des Français et qu’il faudra patiemment attendre encore un peu (les premières famines ?) avant ce genre de solutions. En attendant, rassurez-vous, l’élimination de la viande et son remplacement par des feuilles de salade flexitariennes restent à l’ordre du jour.

    Quotas carbone, pistage de votre alimentation jusqu’au moindre petit pois… Les signaux sont encore discrets, mais ils sont persistants, répétés et de moins en moins faibles : il faut absolument imposer l’ascétisme, les contraintes de la limitation et du jeûne alimentaire et énergétique, à tous, tout le temps.

    En réalité, on cache mal le fait que la France s’appauvrit. On cache mal que l’hystérie écologique est maintenant permanente. On cache aussi fort mal qu’il faut maintenant pousser les gens à s’habituer à des pénuries de ce qui nourrit vraiment (de la vraie viande par exemple) ou de ce qui permet de vraiment chauffer son foyer.

    À force de quotas, de mesures de coercition plus ou moins feutrées, on impose aux individus de se départir de plus en plus rapidement de tout ce qui fait le sel de la vie, à commencer par la liberté de choisir ce qu’on va mettre dans son assiette ou de prendre des douches chaudes plutôt que froides.

    Cela va très bien se passer.

    Sur le web

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      Les limites du système social français mises en lumière par la crise des retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    La retraite ! Il fallait évidemment faire quelque chose, ne jetons pas la pierre au gouvernement ! Et c’est forcément compliqué de demander aux gens de travailler plus.

    Il n’empêche que ça aurait dû se passer mieux. Réfléchissons aux raisons de cette tourmente qui a surpris tous nos voisins européens et comment améliorer notre fonctionnement dans le domaine social.

    Les retraites dans le domaine social

    Nous sommes en effet dans le domaine social dont l’origine remonte au XVI e siècle avec Vincent de Paul qui s’est engagé dans la fondation de congrégations et d’œuvres sociales religieuses (enfants abandonnés, accidents de la vie, hospitalisations…). Les grandes entreprises ont, elles aussi, investi le domaine, initiative très injustement qualifiée de paternalisme. Puis, progressivement, l’État s’est saisi du sujet.

    On a connu plus tard la naissance des syndicats patronaux et salariés. Progressivement, la sphère sociale a été gérée, dans le cas européen, par une sorte de ménage à trois.

    C’est évidemment en France que l’État est devenu le plus actif et c’est ce qui explique les 57 % (avant le covid) de sa sphère publique et sociale (25 % pour le régalien et 32 % pour le social : record du monde).

    Les préoccupations financières ont renforcé l’emprise de l’État : « je comble les trous des caisses mais j’ai un droit de regard sur ce qui se passe dans vos réunions ».

    Petit à petit, nos concitoyens ont pris l’habitude de déléguer à l’État de plus en plus de responsabilités : « avec les impôts que je paye, je ne vais pas en plus m’occuper de tout cela ! ».

    On a vu très vite venir les exhortations de l’État et du politique : « là, il y a un problème, je laisse syndicats et patronat discuter, et s’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, je légifère. »

    Puis est arrivé le funeste concept de l’ État providence , qui a donné la fausse impression que l’argent tombait du ciel. Le « quoi qu’il en coûte » du covid n’a pas arrangé les choses, les Français ayant complètement perdu la notion des coûts du système social.

    Plus grave encore, cette implication de l’État a politisé les syndicats, ravis de ce nouveau champ d’action qui leur était offert : interagir directement avec les politiques, et ce, d’autant plus qu’ils avaient de moins en moins de support dans l’entreprise.

    Il y a 50 ans, 30 % des employés étaient syndiqués, aujourd’hui, ils sont moins de 10 % . L’État a évidemment compensé la baisse des cotisations par des aides financières pas toujours très lisibles : un audit général communiqué au grand public ne ferait pas de mal à la démocratie.

    La grève

    Une incidence dans toute cette affaire, le droit de grève a évolué : on ne devrait pas utiliser le même mot pour qualifier une grève des employés voulant améliorer leur situation financière dans le cadre de l’entreprise et l’action d’un syndicat utilisant son monopole sur une profession dans un domaine indispensable à la vie des Français (essence ou transport), pour peser sur une discussion parlementaire en empoisonnant la vie des concitoyens.

    Ce mélange des genres met en danger notre démocratie, sans parler du levier donné aux Black Blocs lors des manifestations.

    Les problématiques réelles de la retraite

    Les limites du système sont aussi apparues dans la présentation des problématiques de la retraite puisque les considérations financières ont été pratiquement absentes. Impossible de savoir si le système est en équilibre, si les déficits étaient de l’ordre de 10 milliards ou plutôt entre 30 et 40 milliards comme annoncé par le Commissaire au plan.

    Le rapport du COR n’a pas été expliqué au public et a été considéré obscur par ceux qui l’ont lu, le qualifiant même de sorte d’auberge espagnole où on trouvait toujours des chiffres permettant  de défendre n’importe quelle thèse.

    Une seule chose est sûre : partout ailleurs dans le monde , on part au plus tôt à 65 ans et l’allongement a été admis sans difficulté.

    Le cas emblématique est celui de l’Allemagne : pourquoi cela s’est-il si bien passé ? Schroeder était aux commandes ; les dépenses publiques allemandes étaient montées à 57 % du PIB, essentiellement dans le cadre du rattachement de l’Allemagne de l’Est. Schroeder a jugé ces niveaux de dépenses trop élevés et a annoncé qu’il fallait les baisser de 12/13 points. Il a commencé à expliquer que l’argent manquait, il a convaincu et a maintenu sa politique, en prévenant que l’État ne comblerait plus le déficit des caisses de retraites.

    Il a ensuite a invité patrons et syndicats à régler eux-mêmes le problème et tout s’est passé très rapidement ; l’âge de départ à la retraite a été repoussé à 65 ans et les citoyens, confrontés à la réalité des chiffres ont adopté une posture raisonnable.

    L’État doit se recentrer

    Une leçon simple à tirer de cet épisode : l’État doit se recentrer.

    Il y a trois domaines dans l’économie : l’économie privée, l’État (régalien par nature) et la sphère sociale.

    Dans la très difficile période qui s’ouvre sur le plan géopolitique, l’État doit placer toute son énergie dans ses fonctions régaliennes : armée, affaires étrangères, police, justice, immigration. La tâche est immense et le travail sera dur, très dur.

    Le domaine social doit être impérativement redonné aux syndicats et au patronat, qui ont montré récemment qu’ils pouvaient tout à fait se mettre d’accord sur un sujet pointu : le partage de la valeur.

    Revenons à des formules très simples, celles que nous enseignaient nos parents et grands-parents : « qui trop embrasse, mal étreint » et « à chacun son champ, les vaches sont bien gardées ».

    Les responsabilités seront mieux définies, chacun saura ce qu’il a à faire. Cette redistribution des rôles simplifiera les choses, elle permettra aux entreprises de redonner toute leur mesure (la plus grande d’entre elles, le CAC40, montre de quel bois notre sphère privée est faite), et au Parlement de retrouver son rôle. Et la confiance reviendra.

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      Le rebond de l’euro ne convainc pas les créanciers européens

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 03:15 · 5 minutes

    Le rebond de l’euro par rapport au dollar semble rassurer sur les politiques des dirigeants, mais les créanciers semblent retenir leur enthousiasme pour les obligations européennes.

    Le graphique ci-dessous montre la valeur du dollar contre l’euro.

    Après un engouffrement des capitaux vers le dollar au début de l’année 2022, la situation retourne vers une norme, avec l’euro au-dessus de la parité. Le rapport du dollar à l’euro revient autour des niveaux de 2019.

    La directrice de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, intervient sur les plateaux de télé américains cette semaine :

    « Tout d’abord, il y a bien une reprise. C’est ce qui est clair, je pense, à présent, alors que ça ne l’était pas encore il y a 6 mois, quand nous pensions tous que nous allions vers une récession, même de l’ordre technique. Si vous regardez les différentes prévisions, elles sont toutes positives. »

    La force de l’euro fait partie des points positifs pour les élus.

    Les Échos donne des chiffres sur la remontée de l’euro :

    « Au plus haut depuis douze mois, l’euro, au-dessus de 1,10 dollar, s’approche du niveau qu’il avait au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. Une monnaie forte aide la Banque centrale européenne à lutter contre l’inflation, supérieure de deux points dans la zone euro à celle des États-Unis. »

    Le journal continue :

    « Le rebond de l’euro offre une aide bienvenue à la BCE dans son combat contre l’inflation. L’euro gagne 4,5 % par rapport au yen, 2,5 % contre le yuan et perd moins de 1 % face au franc suisse et à la livre sterling. Le taux de change global de la monnaie européenne est en hausse de 2 % en 2023. »

    Les hausses de taux attirent des fonds vers des placements en euros, en particulier les obligations des sociétés et gouvernements.

    Les investissements dans les titres en euros reviennent à une demande pour la devise, et ainsi une hausse du niveau de change.

    Les Échos :

    « La hausse des taux dans la zone euro va accentuer les achats de dette européenne par les investisseurs étrangers cette année. En 2022, les banques centrales avaient entamé un retour massif vers les obligations d’Etat de la zone euro. »

    Comme l’explique Bloomberg , des taux d’intérêts plus élevés ont déclenché un engouement pour les obligations au début de l’année 2023 :

    « Les investisseurs ont tenté de placer 530 milliards d’euros sur les trois premières semaines de l’année, pour des émissions de créances de seulement 168 milliards d’euros sur le marché primaire, d’après les données de Bloomberg. »

    Cependant, le marché des obligations en Europe baisse en volume depuis le début de l’année.

    Méfiance des marchés sur les obligations européennes

    En janvier, les entreprises et gouvernements ont émis 229 milliards d’euros d’obligations. En février, ils ont émis 113 milliards, puis environ 50 milliards en mars, selon Bloomberg.

    En somme, la manne des taux d’intérêts plus élevés pour attirer les investisseurs dans les actifs en euros a peut-être atteint ses limites.

    Par contre, les émissions de dette aux États-Unis vont de l’avant. Vous verrez ci-dessous que les émissions de dette, uniquement de la part des entreprises, atteignent 150 milliards de dollars par mois en janvier et février et dépassent toujours les 100 milliards en mars.

    L’attrait pour les obligations américaines, au-dessus de la dette européenne, indique peut-être un retour vers la parité pour l’euro.

    Une méfiance vis-à-vis des émissions de dette en euros signale peut-être aussi de l’inquiétude sur l’état des banques et autres groupes, comme les assurances ( ma co-rédactrice Simone Wapler a montré leur point de faiblesse par rapport aux hausses de taux ).

    Déformations de marché au profit des gouvernements

    Le système vient d’absorber une chute d’envergure dans la valeur des actifs en portefeuille. Je vous ai montré la semaine dernière le graphique ci-dessous, d’un indice de la valeur des obligations d’entreprises en euros.

    Déjà, la presse demande davantage de régulations autour des banques au nom de la sécurité des dépôts.

    Une tribune de Boursorama , pour la rubrique Le Cercle des Économistes , proclame :

    « Pour éviter le risque macro-économique de la hausse des taux d’intérêt sur le secteur bancaire, la garantie des dépôts (à hauteur d’une limite de 250 000 dollars) a été étendue à tous les dépôts quel que soit leur montant. C’est ainsi que, de crise en crise, le système bancaire est devenu peu ou prou un service extérieur de l’État […] Pour éviter ce gâchis, il convient de reconnaître que la garantie des dépôts, qui représente une subvention implicite aux actionnaires, encourage l’endettement et la prise de risque. Par conséquent, la régulation bancaire doit concerner tous les établissements financiers ayant des dépôts car ils présentent tous directement ou indirectement un risque systémique, quelle que soit leur taille. »

    Les sauvetages des banques stimulent en effet davantage de prise de risque.

    Ils éliminent aussi les vertus de la concurrence puisque le contribuable protège les dépôts dans tous les cas.

    La régulation ne résout pas le problème. Elle met les décisions entre les mains des élus à l’origine du problème.

    Vous aurez vu la nouvelle : la France approche des 3000 milliards d’euros de dette . Les dirigeants ne veulent pas de crise ni de panique. Ils souhaitent un maximum d’épargnes dans les banques, ou politiques d’assurance-vie ou livrets A, et ainsi un maximum d’acheteurs pour les émissions de dette de la part des gouvernements.

    Ni l’endettement des gouvernements ni la création d’argent pour les sauvetages et mesures de relance ne vont prendre fin dans l’immédiat. Sans la demande de la part des investisseurs pour les obligations européennes, la monnaie pourrait repartir à la baisse.

    Retrouvez un nouveau site web sur lequel vous pouvez suivre gratuitement les écrits de l’auteur et vous abonner à la quotidienne.

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      Le Starship de SpaceX, un géant réutilisable pour Mars

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 03:00 · 8 minutes

    Imaginez qu’après chaque traversée de l’Atlantique on jette les avions à la mer. C’est un peu ce qui se passait avant l’arrivée de SpaceX sur le marché et la mise en pratique de l’idée géniale d’Elon Musk de récupérer puis de réutiliser le lanceur (premier d’une fusée de deux, trois ou quatre étages).

    Depuis les V2 allemands de la Seconde Guerre mondiale , une fusée lancée était une fusée perdue (du moins dans ses éléments constitutifs). C’était l’époque où la pollution était une notion inconnue, où l’on disposait d’autant de métal que souhaité et où les usines tournaient sans trop de problème d’approvisionnement en métaux ou ergols (carburant + comburant). Sur cette lancée, si l’on peut dire, les fusées américaines de la grande époque de la conquête de la Lune (fin des année 1960/début des années 1970) étaient également jetables et donnaient satisfaction puisqu’on ne comptait pas les dollars dépensés et qu’on jetait aussi à peu près tout.

    L’euphorie des premiers succès passés, on se dit que, tout de même, on pourrait faire des fusées comme des avions pour les seuls vols habités. Cela donna la navette spatiale, « the Shuttle », qui fut en service entre 1981 et jusqu’en 2011 (retraite un peu forcée après 135 vols pour des raisons de sécurité). Cet avion-fusée a rendu de grands services (sauvetage du télescope Hubble) mais il a coûté extrêmement cher en entretien. Il s’agissait notamment de réviser une à une la totalité des tuiles de protection thermiques après chaque vol. Et ce fut d’ailleurs un bloc de mousse de protection qui avait heurté une de ces tuiles au décollage qui provoqua la catastrophe de la navette Columbia (7 morts).

    Quand il lança ses premières fusées en 2010, Elon Musk était animé par l’objectif Mars comme Tintin par l’objectif Lune. Et, sans aucun complexe (c’est un de ses traits de caractère) il voulut que sa fusée soit récupérable et réutilisable (il fallait évidemment qu’elle le soit pour revenir de Mars). Il commença ses lancements en 2006 et en 2015 il réussit sa première récupération (après plusieurs échecs ou demi-succès, mais c’est comme cela qu’il fonctionne). On était au vingtième vol et c’était un Falcon 9 (le seul lanceur dont la société disposait. Aujourd’hui SpaceX a lancé 216 Falcon 9 et Arianespace 84 Arianes 5 (depuis 2006). La différence est claire et la cause de la différence, c’est le coût aggravé par le fait que plus on lance moins le lancement coûte cher puisqu’on fait des économies d’échelle.

    Le deuxième étage du Falcon 9 n’était pas récupérable mais cela n’avait pas vraiment de sens pour plusieurs raisons.

    Premièrement la combustion des ergols du premier étage se termine très rapidement (trois minutes dans le cas du Starship) car il s’agit de s’arracher de la gravité terrestre à partir d’une vitesse nulle et pour ce faire non seulement de gagner en vitesse mais aussi en altitude, le plus vite possible. Après son utilisation, le premier étage se trouve donc à la verticale, très proche de son site de lancement. Au contraire le deuxième étage va prendre de la vitesse essentiellement à l’horizontale, en prenant lentement de l’altitude en fonction de sa vitesse qui le soustrait de plus en plus à la gravité. Il faudrait beaucoup d’ergols pour revenir sur le site de lancement très éloigné et à une vitesse initiale beaucoup plus élevée (peut-être pourrait-on le faire après une orbite complète ?).

    Deuxièmement, dans une fusée classique le deuxième étage est un exhausteur d’altitude qui ne comporte ni beaucoup de métal, ni beaucoup de moteurs. Il est donc de ce fait moins intéressant.

    Troisièmement, toujours dans une fusée classique, le deuxième étage en porte un autre (un module de service) qui lui-même en porte un autre (la capsule ou le satellite ou la sonde) même si l’expression « deuxième étage » est réservé exclusivement à cet exhausteur d’altitude. Le problème de la récupération est ainsi segmenté en plusieurs sous-problèmes. Si on lance un satellite, on ne va pas le récupérer, ce qui ne sera pas le cas d’une capsule si elle porte des passagers. Quant au module de service, il peut aller très haut, très loin, à une distance ou il ne sera pas plus récupérable que la sonde qu’il a lancée.

    Pendant la mise en place chez SpaceX de l’innovation/révolution qui consistait à récupérer le premier étage, les institutionnels, NASA ou ESA, regardaient sans comprendre qu’ils étaient en train de perdre le marché, obnubilés par leur crainte que la fiabilité du lanceur récupéré ne serait jamais suffisante et par le fait que pour revenir se poser sur le sol terrestre, un lanceur devait utiliser entre 10 et 15 % des ergols embarqués.

    Les lanceurs réutilisables : une bonne idée

    Compte tenu de l’évolution des coûts et donc des prix des lancements, vu également l’allongement du track-record positif de SpaceX, ces mêmes institutionnels finirent par se dire que cette réutilisation des lanceurs n’était peut-être pas une mauvaise idée.

    Mais le retard accumulé est considérable. À ce jour aucune fusée de la NASA construite par ULA (United Launch Alliance = Boeing + Lockheed Martin) n’est récupérable et l’ESA envisage la récupération/réutilisation pour les années 2030. D’ici là tout le marché, sauf protection très coûteuse, sera pris par SpaceX. C’est d’ailleurs presque déjà le cas sauf pour les lancements d’organisations captives pour des raisons politiques (l’ESA utilise forcément les services d’Arianespace).

    Mais Elon Musk voulait aller plus loin. Il voulait aller sur Mars et c’est pour cela qu’il décida de créer un lanceur lourd adapté pour ces missions lointaines avec un nouveau concept de deuxième étage qui devient un second étage. Ce second étage fait un bloc de tous les segments supérieurs des fusées car il a besoin de conserver leurs fonctions. Si on veut envoyer des hommes sur Mars , il faut s’organiser pour qu’ils puissent revenir et donc que le second étage qui va les emporter sur Mars puisse en revenir en bon état, avec le minimum d’entretien sur place et qu’il puisse être approvisionné sur place en ergols pour bénéficier de l’énergie suffisante pour le voyage (moins que pour l’aller car la gravité martienne est nettement plus faible que la gravité terrestre).

    Par la même occasion, il faut que le vaisseau spatial puisse revenir avec un module de propulsion type deuxième étage propulsif classique, avec un module de service classique pour assurer toutes sortes de fonction nécessaires à l’habitat mais pas seulement (correctif d’attitude notamment) et avec un habitat. À noter qu’il est totalement exclu d’apporter sur Mars les ergols nécessaires au retour car il faudrait doubler la masse qu’il conviendrait d’arracher à la gravité terrestre à l’aller (ergols suffisants pour repartir de Mars plus les réservoirs pouvant les contenir). Cela reviendrait à trimbaler avec soi un corps mort inutile pendant la moitié du voyage (qu’il faudrait en plus maintenir pendant deux ans à des conditions de températures particulièrement basses).

    C’est ainsi donc qu’est né le concept de ce Starship et de son lanceur SuperHeavy dont on peut espérer assister au premier vol orbital cette semaine. Avec lui, le deuxième étage et les autres sont intégrés et la récupération entre dans la fonction elle-même du vaisseau spatial.

    Si le Starship peut voler, le concurrent, également conçu et fabriqué selon des principes traditionnels par ULA, nommé SLS ( Space Launch System ), celui qui a mené à bien la première mission Artemis autour de la Lune, deviendra complètement obsolète. En effet il n’aura pas une capacité d’emport comparable. Sa capsule, Orion, a un volume pressurisé de 19,57 m 3 dont un volume habitable de 9 m 3 alors que le Starship aura un volume viabilisable de 1100 m 3 , habitable pour plus de 800 m 3 . Par ailleurs Orion serait totalement incapable de repartir de Mars après y être descendu. Il faudrait qu’il reste en orbite en étant assisté de l’équivalent d’un appendice léger, l’équivalent du module lunaire  (LEM) du temps d’Appolo pour descendre sur Mars puis remonter à l’orbite. Inutile de dire que ses capacités d’emport ne pourraient être qu’extrêmement limitées en volume et en masse (deux personnes et quelques équipements, comme un rover pour les transporter). En second lieu le coût du SLS se monte à plus de quatre milliards de dollars alors que celui du Starship atteint juste le milliard. Bien sûr c’est un coût initial et il diminuera si l’on construit plusieurs fusées ; mais c’est mal parti pour le SLS étant donné qu’il n’est et ne sera pas réutilisable.

    Donc le SLS n’est qu’une solution provisoire en attendant que le Starship soit prêt. Quant à l’Europe/ESA, on en reparlera plus tard quand elle aura réussi à faire un lanceur réutilisable. Mais pour le moment elle n’est définitivement pas dans la course et ne tiendra dans les années qui viennent que parce que ses fusées seront payées par les impôts des contribuables.

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      La ville de New York réintègre les chiens policiers-robots dystopiques

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 02:50 · 3 minutes

    Par C.J. Ciaramella.

    Le maire démocrate de New York , Eric Adams, a annoncé le retour de Digidog, le surnom donné par le NYPD à un robot télécommandé à quatre pattes, lors d’une conférence de presse organisée à Times Square, au cours de laquelle ont été présentés plusieurs nouveaux équipements de police .

    M. Adams a déclaré :

    « Digidog est sorti de la fourrière […] Digidog fait désormais partie de la trousse à outils que nous utilisons ».

    Regardez ces petits monstres en action :


    La police de New York accueille un nouveau membre dans ses rangs : un chien robot. L’appareil mobile robotique K-9 fait partie d’un certain nombre de déploiements technologiques que la ville considère cruciaux pour assurer sa sécurité.

    La police de New York a d’abord obtenu plusieurs robots de Boston Dynamics en 2020, affirmant qu’ils seraient inestimables lors de situations dangereuses comme par exemple des suspects barricadés et des alertes à la bombe. En 2016, la police de Dallas avait utilisé un robot armé d’une bombe pour neutraliser un suspect retranché dans un bâtiment.

    Le déploiement du robot à New York, notamment dans un ensemble de logements sociaux, a suscité une levée de boucliers de la part des défenseurs de la vie privée et des libertés civiles, inquiets du manque de supervision et de la possibilité d’une surveillance policière incontrôlée.

    Sous la pression, la ville a discrètement mis fin à son contrat avec Boston Dynamics en 2021.

    « C’est effrayant, aliénant et cela envoie un mauvais message aux New-Yorkais », a déclaré un porte-parole du maire de l’époque, Bill de Blasio .

    Mais Adams ne s’est jamais soucié d’être effrayant ou aliénant et les chiens sont donc de retour.

    M. Adams a déclaré mardi lors de la conférence de presse :

    « Je crois que la technologie est là, nous ne pouvons pas en avoir peur […] Quelques personnes bruyantes s’y sont opposées et nous avons fait un pas en arrière. Ce n’est pas ainsi que je fonctionne. Je cherche ce qui est le mieux pour la ville ».

    L’Union new-yorkaise pour les libertés civiles (New York Civil Liberties Union) a tweeté :

    « Le déploiement des Digidogs et des Robocops ne fait qu’exposer les New-Yorkais à un espionnage policier plus envahissant. »

    Albert Fox Cahn, directeur exécutif du Surveillance Technology Oversight Project (STOP), un groupe de surveillance, a déclaré dans un communiqué que la police de New York « transforme une mauvaise science-fiction en une police épouvantable ».

    Il a déclaré :

    « New York mérite une vraie sécurité, pas un robocop de pacotille […] Gaspiller l’argent public pour envahir la vie privée des New-Yorkais est un dangereux coup de force de la police. »

    STOP note que le mois dernier, l’inspecteur général de la police de New York a publié un rapport concluant que la police de la ville avait violé une loi de 2020 l’obligeant à divulguer sa technologie de surveillance.

    Selon le New York Times , deux de ces robots-chiens coûtent 750 000 dollars : mais ne vous inquiétez pas, la police de New York les paie avec des fonds de confiscation d’actifs.

    En vertu des lois sur la confiscation civile, la police peut saisir des biens soupçonnés d’être liés à une activité criminelle, même si les propriétaires ne sont pas inculpés. Par exemple, en 2016 une famille du Bronx a été menacée d’expulsion après que des agents de la police de New York ont saccagé leur appartement et saisi plus de 2000 dollars en espèces.

    Cependant, l’acquisition des chiens-robots ne serait pas l’utilisation la plus frivole des fonds de confiscation d’actifs de la ville de New York. En 2019, des documents publics ont révélé que l’ancien procureur de Manhattan, Cy Vance, avait dépensé en cinq années 250 000 dollars de fonds de confiscation pour des repas raffinés, des billets d’avion en première classe et des hôtels de luxe.

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      [Débat] Quelle position avoir face à la Chine ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 21 April, 2023 - 03:30 · 19 minutes

    Emmanuel Macron a beaucoup fait parler de lui lors de sa visite en Chine et avec ses propos sur les tensions avec Taïwan. L’occasion pour les auteurs de Contrepoints Finn Andreen et Christian Michel de débattre sur ce sujet et sur la place de l’État dans les relations internationales.

    Macron en Chine : le manque d’indépendance de la France

    Selon Finn Andreen, la visite récente du président Macron en Chine illustre le manque d’indépendance politique de la France à la fois vis-à-vis de l’Union européenne et des États-Unis. Les messages contradictoires de Macron, en mettant l’accent sur le conflit en Ukraine tout en plaidant pour une stratégie européenne d’autonomie, montrent une absence de clarté dans la politique étrangère de la France. Pour Finn Andreen, la France devrait améliorer ses relations avec la Russie et la Chine tout en cherchant une relation plus équilibrée avec les États-Unis.

    La récente visite du président Macron en Chine a été très suivie pour des raisons politiques plutôt qu’économiques. Ce n’est pas surprenant puisque la Chine est le centre de l’attention en Occident, étant donné sa proche relation avec la Russie, mais aussi à cause de la dégradation de ses relations avec les États-Unis.

    Il est souvent difficile de savoir exactement quelle est la position d’Emmanuel Macron, et donc de la France, en politique étrangère, car le président passe souvent « en même temps » des messages contradictoires. Cette visite en Chine ne fut pas une exception. Mais elle fut aussi un exemple flagrant du manque d’indépendance politique de la France aussi bien de l’Union européenne que des États-Unis.

    Manque d’indépendance envers Bruxelles

    D’abord, Macron a clairement confirmé la position de dépendance de la France à l’Union européenne, en invitant Ursula von der Leyen à l’accompagner en Chine. En mars, la présidente de la Commission et probable future cheffe de l’OTAN a déclaré conjointement avec les USA que la Chine est un « rival stratégique ». En lui proposant de participer à cet échange bilatéral, Macron a non seulement associé la France à l’Union européenne, mais aussi avec la position clairement antichinoise de Washington.

    Lorsque Macron a évoqué la « feuille de route bilatérale » entre la France et la Chine, il a prononcé les mots suivants au président chinois, lesquels méritent d’être intégralement cités :

    « Vous l’avez évoqué, ce partenariat stratégique nous le voulons et il est au fond très illustratif, en effet, de cette vision française et je crois maintenant pouvoir le dire, européenne. Cela fait cinq ans que vous m’entendez défendre la souveraineté européenne, une autonomie stratégique européenne, au service d’ailleurs d’un projet commun mais aussi parce qu’elle est jumelle de l’indépendance française. Je crois que nous y sommes et je pense que l’Europe est en train de se doter d’une vraie stratégie en la matière, et je pense que c’est d’ailleurs l’intérêt de nos amis d’œuvrer en ce sens. Et notre feuille route bilatérale, je crois, a une total pertinence à cet égard. »

    Xi Jinping et ses collègues chinois peuvent être pardonnés de n’avoir pas compris la relation entre la France et l’Union européenne. À travers cette description tordue et confuse, la France est présentée comme indépendante mais en même temps ( sic ) liée à l’Union européenne, ce qui est contradictoire.

    Manque d’indépendance envers Washington

    Pour les États-Unis, la Chine est non seulement un obstacle à son hégémonie mais aussi un levier pour influencer le conflit en Ukraine en faveur de l’Occident. Mais Washington n’a que peu de contact avec Pékin depuis la destruction, début février, d’un ballon météorologique chinois sans échanges préalables, et après les remarques personnelles du président Biden envers Xi Jinping lors de son discours sur l’état de la Nation, le 7 février.

    Macron a donc commencé sa visite en Chine en véhiculant les messages de Washington , en particulier une intransigeance quant à une possible fourniture d’armes à la Russie. Il aussi insisté auprès des Chinois sur la nécessité de « ramener les Russes à la raison », demande qui forcément ne pouvait aboutir. Pour Pékin, la guerre en Ukraine ne concerne pas les relations entre la Chine et la France. Si Macron avait une politique étrangère indépendante des États-Unis, il n’aurait donc pas priorisé le conflit en Ukraine.

    Les États-Unis et la France souhaitent utiliser la Chine pour « faire basculer » le conflit ukrainien en leur faveur. Ceci semble improbable étant donné que la Chine comprend la position russe sur l’origine du conflit et ne s’y immisce pas. De plus, en quittant Moscou en mars, Xi Jinping a dit à Poutine qu’ensemble ils effectuaient des changements sur le monde comme il n’en n’a pas vu depuis 100 ans .

    La position de Macron montre donc non seulement une considération démesurée des intérêts des États-Unis, mais aussi une ignorance du monde multipolaire qui prend forme de manière accélérée. La France aurait intérêt à soigner ses relations avec la Russie et la Chine et en même temps revenir à une relation plus symétrique avec les États-Unis. La France ne pourrait-elle pas effet jouer un rôle unique de vase communiquant entre, d’une part les États-Unis et un groupe de pays subordonnés qui insistent sur la préservation du concept de monde unipolaire, et d’autre part le reste du monde, mené par les BRICS ?

    Le « en même temps » est de retour

    À la fin de sa visite en Chine, Macron a néanmoins fait quelques déclarations qui allaient dans le sens des Chinois et du monde multipolaire, ce qui en a inquiété certains à Washington.

    Par exemple, France24 rapporte que « Macron suscite un tollé en défendant une voie européenne entre Chine et États-Unis ». Et Politico titre que « Macron incite les Européens à ne pas se penser en suiveurs des États-Unis », et que « le président français plaide pour l’indépendance vis-à-vis des positions américaines. »

    Cette position ne peut que rappeler la politique gaullienne d’indépendance et d’autonomie stratégique de la France. Cependant, jusqu’à preuve du contraire, il ne faudrait pas prendre au sérieux ce genre de déclarations car les actions de Macron démontrent qu’il a positionné la France clairement dans le camp de Washington, continuant ainsi une soumission stratégique envers les USA qui existe au moins depuis la présidence de Nicolas Sarkozy.

    Quel rôle pour l’État ?

    Les visites de chefs d’État devraient soulever la question du rôle de l’État dans les relations entre les nations. Il y a une tendance à oublier que les relations les plus importantes entre elles sont les relations économiques. Et dans des sociétés libres ces relations ne concernent pas les gouvernements mais les entreprises et les individus qui échangent entre eux au-delà des frontières politiques. Par leur zèle souvent mal placé, les gouvernements peuvent aussi bien faciliter le commerce en respectant et protégeant le libre-échange, que l’entraver en essayant de le contrôler.

    Ces dernières années, les Occidentaux, États-Unis en tête, sont responsables d’entraver les échanges commerciaux avec la Chine. Xi Jinping a du rappeler à Ursula von der Leyen et à Macron que « la Chine et l’Union européenne devraient maintenir leurs marchés ouverts l’un à l’autre, offrir un environnement équitable et non discriminatoire aux entreprises de l’autre partie, et éviter de transformer les questions économiques et commerciales en questions politiques ou de sécurité nationale. »

    Quelle ironie que ce soit la Chine, officiellement communiste, qui rappelle à l’Europe les principes du libre-échange.


    Pourquoi la Chine est bien un adversaire stratégique du monde libre ?

    Christian Michel soutient que la Chine est un adversaire stratégique du monde libre car elle remet en question les valeurs universelles et le droit d’ingérence. Selon Christian Michel, la multipolarité du monde, prônée par certains, ne conduira ni à la paix ni à la prospérité, mais qu’un ordre mondial fondé sur des institutions internationales solides est nécessaire pour garantir la sécurité et la liberté pour tous.

    Comme des marathoniens font la course en tête un moment avant d’être rejoints et dépassés, différentes civilisations au cours de l’histoire ont dominé leur partie du monde – Assyriens, Égyptiens, Grecs et Romains, Chine sous les dynasties Tang et Song, Mayas et Aztèques, Ottomans. Et bien sûr, plus près de nous, les empires nés en Europe. Ils ont projeté partout la civilisation occidentale.

    Mais aujourd’hui la Chine et aussi la Russie, et quelques seconds couteaux, déclarent que le jeu a assez duré, qu’il est temps pour l’Occident de se replier, que le futur est à un monde multipolaire. Chacun chez soi sur cette planète, comme des voisins dans leur bungalow, avec un panneau « Don’t tread on me » pendu à la grille. N’est-ce pas la recette d’un monde bien ordonné ?

    Que non ! Et l’histoire nous le montre. Car la multipolarité que d’aucuns réclament n’est qu’une extension à l’échelle de civilisations du principe westphalien qui a gouverné la diplomatie européenne du XVII e siècle jusqu’à la fin du siècle dernier. Assez longtemps pour que l’expérience soit probante.

    Pourquoi un monde westphalien nourrit les tyrannies

    À gros traits, la trame fut la suivante.

    Avec la Réforme que certains souverains embrassèrent alors que d’autres restèrent fidèles à l’Église catholique commença un cycle de persécutions et de guerres de religion. Elles furent humainement abominables, économiquement ruineuses. Pour y mettre fin, les souverains se lièrent par différents pactes établissant le principe de Cujus regio, ejus religio, la religion du souverain est acceptée comme étant la religion de ses sujets, même si cela n’est pas vrai. L’heureuse conséquence, puisqu’elle marqua la fin des conflits, fut de délégitimer l’intervention d’un prince volant au secours de coreligionnaires discriminés ou massacrés chez son voisin.

    Le principe fut plus tard intégré dans les différents Traités de Westphalie de 1648. Il y est établi que quelles que soient l’étendue de son territoire ou la taille de sa population, chaque État est égal en droit à tous les autres États. Il est maître chez lui (on pourrait dire comme un propriétaire), sans avoir de comptes à rendre à quiconque, sans avoir à craindre d’interférence ou d’ingérence dans ses affaires intérieures. La dramatique conséquence – revers de Cujus regio – fut que les pires régimes que l’humanité ait connus purent se livrer impunément à des déportations, des massacres de masse, des génocides.

    C’est pourquoi Westphalie et la règle du « chacun maître chez soi » ne sont plus acceptables, ni éthiquement ni même économiquement. La honte d’être restés l’arme au pied, comme indifférents aux abominations perpétrées sous les totalitarismes du siècle, fit émerger chez les dirigeants occidentaux dès les années 1980 deux concepts nouveaux, le « droit d’ingérence » et le « devoir de protéger ». En d’autres termes, point de sanctuaire pour les criminels politiques.

    Pourquoi ? Parce que certaines valeurs sont universelles. Où qu’il se trouve, dans quelque société qu’il vive, l’être humain souffre d’être privé de parole et d’initiative, d’être dépossédé, discriminé, déporté, enfermé, torturé, tué. Le libéralisme, qui rejette toute justification à l’infliction de souffrances à des êtres humains innocents, est donc bien une philosophie universelle. Le libéralisme prescrit qu’il est de notre devoir de porter secours à ceux qui souffrent d’abus politiques (autant qu’aux victimes de catastrophes naturelles), en s’ingérant pour cela dans les affaires intérieures du pays concerné. Parfois il est déraisonnable de suivre ce devoir (de même que les secouristes renoncent à une intervention trop dangereuse pour eux-mêmes et qui ne sauveraient pas ceux qui les attendent), mais l’impossibilité matérielle d’intervenir n’invalide pas le principe qu’il le faudrait.

    Un libéral conséquent ne peut sans se déjuger accepter la multipolarité du monde. Il ne saurait tenir des propos tels que « rééduquer les Ouïghours (selon l’euphémisme en vigueur) est une décision qui relève du gouvernement chinois, nous n’avons rien à en dire », ou bien « si le Parti communiste chinois veut immoler quelques millions de Taïwanais qui ne veulent pas se soumettre à sa loi, ce n’est pas notre affaire » (de la même façon que des libéraux n’oseraient pas déclarer « c’est ok s’ils lapident les femmes adultères et les filles qui ont entaché l’honneur de la famille, c’est leur tradition ».

    En fait, je ne sais pas pourquoi je n’attribue de telles réserves qu’aux libéraux. Tout être humain qui possède une conscience morale sait que cette violence contre des innocents est perverse.

    Pourquoi les arguments réaliste et isolationniste en faveur de la multipolarité ne tiennent pas

    Néanmoins, on rencontre cette perversité en politique étrangère chez les réalistes et chez les isolationnistes.

    Pour les réalistes, dans la tradition de Machiavel , de Hobbes et d’une pléiade de penseurs au XX e siècle, les États sont les seuls acteurs pertinents sur la scène internationale. Ils ne reconnaissant aucune autorité au-dessus d’eux, aucun organisme supranational. Et par une sorte d’anthropomorphisme ces États sont supposés mus par les mêmes intérêts que les humains de chair et de sang – soif du pouvoir, rivalité mimétique et peurs. Les relations internationales sont ainsi condamnées à l’anarchie (au sens populaire du terme), à une course perpétuelle à la domination armée, un jeu à somme nulle, puisque le renforcement de l’un entraîne l’affaiblissement de l’autre. L’absence de conflit résulterait de ne pas chatouiller son voisin.

    Les isolationnistes , eux, font un pas de plus dans le pessimisme. À un fantasme autarcique, ils ajoutent l’autoflagellation. Comme notre gouvernement est aussi vil, vénal et violent que les autres, expliquent-ils, nous n’avons aucune leçon à leur donner.

    Or, il est objectivement faux que les gouvernements occidentaux soient aussi répressifs et corrompus que leurs homologues chinois et russe (pour ne citer que ceux-là).

    Et à la grande différence de la « pensée Xi Jinping », le libéralisme occidental reconnaît des règles de droit que chacun peut invoquer contre son gouvernement. Mais qu’est-ce qu’un Chinois peut objecter au Parti qui affirme que l’individu ne possède aucun droit opposable à la volonté de ce Parti et à l’intérêt du pays tel que ce Parti le définit ?

    Pourquoi un monde multipolaire n’apportera ni la paix ni la prospérité

    Comme seule évidence d’un monde multipolaire fonctionnel, quelques historiens citent le « concert des nations », qui harmonisa l’Europe après 1815.

    L’expérience est-elle réplicable aujourd’hui ?

    Les instrumentistes de ce concert étaient peu nombreux : France, Royaume Uni, Prusse, Autriche, Russie. Ils étaient de puissance comparable, ils partageaient le même ethos européen. Mais la géopolitique aujourd’hui n’est plus limitée à l’Europe. Une centaine de pays y sont inclus et tout le travail des diplomates est de discerner les quelques valeurs qu’ils partagent (j’y reviendrai).

    Cependant, même cette prestation exemplaire du « concert des nations » n’évita pas les fausses notes (guerre de Crimée, guerres entre la France et l’Autriche en Italie, entre la Prusse et le Danemark, la Prusse et l’Autriche, la Prusse et la France…) et elle se termina (il faudrait quand même en tenir compte !) par la boucherie de la Première Guerre mondiale.

    Certes, si chaque prédateur pouvait être confiné dans son pré carré, encagé et inoffensif, la paix serait assurée entre États, car au contraire, rien ne garantirait la paix intérieure à ces États puisqu’ils pourraient avec impunité tyranniser leurs minorités et leurs dissidents. Mais qui serait le gardien de ce zoo géopolitique ? Qui, mieux qu’aujourd’hui, empêcherait un raid sur Taïwan, ou l’invasion de l’Ukraine, ou ces guerres épidémiques entre plus petits acteurs en Afrique, dans la péninsule arabique, en Asie… ?

    Et la réfutation de ces silos géopolitiques est celle-ci : pour son épanouissement, l’humanité a besoin d’ouverture, de circulations, d’interpénétrations et certainement pas d’isolationnisme, d’indifférence aux problèmes du monde et de fermetures aux échanges de tous ordres.

    Car on n’apprend pas à des libéraux, lecteurs d’ Adam Smith , que la division du travail est « l’origine et la cause de la richesse des nations ». Sans échanges planétaires, sans investissements transnationaux, sans monnaies mondiales, sans globalisation, d’où viendrait la prospérité commune ?

    Il survient des crises. Des urgences. La covid. La pénurie alimentaire. Il est prudent de constituer des stocks. Cependant, comment faire confiance à des États comme la Chine et la Russie qui, même en dehors de périodes critiques, déclarent sans ambages que les entreprises sur leur territoire ne suivront pas la logique économique ? Ces entreprises nous servent, préviennent ces États, pas leurs clients, pas leurs investisseurs, ni leurs employés. Alors, sur quelle assurance se fonder si vous voulez traiter avec ces entreprises et que vous opérez dans un autre pôle ?

    Pourquoi la paix, la sécurité et la prospérité de tous exigent un ordre mondial

    Pas la multipolarité. Pas le « chacun dans son coin, sans rendre des comptes ». Et pas non plus, bien sûr, un gouvernement mondial (pensée à raison horripilante pour des libéraux). Mais un ordre mondial – dans l’esprit de Proudhon lorsqu’il déclarait la liberté « mère de l’ordre ».

    La guerre, qui embrase l’Ukraine et menace Taïwan , a ceci pour enjeu, rien de moins que l’agencement du monde :

    Soit la population des grands États et celle de leurs vassaux tombent sous la coupe de potentats à la Xi Jinping, affranchis de toute contrainte (et ça pourrait se passer chez nous).

    Soit des institutions mondiales produisent des règles de droit, d’autres les appliquent, chacune limitée strictement à un domaine spécifique (donc ne formant pas un gouvernement) : droits humains, santé, climat, environnement, océans, espace, commerce, propriété intellectuelle, transports, télécoms, règlements des différends, tribunaux internationaux, police… Nombre de ces institutions existent déjà – OMS, OMC, CPI, Interpol… Il faut maintenant renforcer leur légitimité et les muscler.

    C’est ça, la globalisation.

    Pourquoi tant de dirigeants occidentaux se plantent en géopolitique

    Les autocrates ne disent jamais « en même temps ». Pas plus que les adjudants. Parce que chez ces gens-là, on n’entend qu’une seule voix, la leur, et on ne suit qu’une seule ligne, celle qu’ils tracent. Ils prennent pour faiblesse ou incohérence les moyens termes, les conciliations et les accommodements.

    Devant le président chinois la semaine dernière, Emmanuel Macron a desservi l’Occident et la liberté. Il l’avait déjà fait en croyant négocier avec Poutine alors qu’il se faisait rouler dans la farine. Les autocrates comme les gangsters évaluent des rapports de force (puisqu’ils ne reconnaissent pas de tribunal commun où faire valoir des arguments – ils sont dans la « multipolarité »). Contre eux, il faut faire cause commune. Front contre front. Puissance contre puissance. La « petite voix » est une brèche que l’autocrate élargit pour diviser ses opposants. Sentir la France indécise sur Taïwan (comme Poutine l’avait constaté à propos de l’Ukraine) ne peut qu’enhardir l’autocrate chinois.

    La seule réponse idoine au président Macron est celle qu’on donne aux propos du pépé quand il devient gâteux, « faites pas attention à ce qu’il dit ». Mais malheureusement, lorsqu’il s’agit du président des États-Unis, l’indifférence n’est plus permise. Il y a eu l’orgueil blessé de George W. Busch, tombé comme un bleu dans le piège du 11 septembre (car l’isolationnisme, c’est aussi intervenir militairement, comme en Irak, en bafouant les instances internationales) ; il y a eu l’abyssale nigauderie de Trump, son dédain de ces mêmes instances internationales, et les offrant donc sur un plateau au Parti communiste chinois ; et il n’y a pas de superlatifs (« crétinisme criminel ? », « débilité autodestructrice ? ») pour qualifier les renforts que Fox News , et les nains Républicains, genre Rand Paul, et les têtes non-pensantes au Mises Institute et autres couveuses d’inanité géopolitique, apportent aux communistes chinois et à la camarilla du Kremlin.

    Dans cet embrouillement de déclarations filandreuses et contradictoires, l’opinion publique mondiale ne peut plus percevoir quelle juste cause l’Occident défend.

    Cette cause n’est pas celle d’une rivalité économique avec la Chine. Quoi qu’on dise, les Américains ne craignent pas que la Chine les dépasse économiquement. L’Union européenne affiche un PIB supérieur à celui des États Unis et ça n’empêche personne de dormir à Washington.

    Cette cause n’est pas non plus celle des nationalités, comme aux deux derniers siècles, ni celle des civilisations, incarnées dans un État et ses vassaux, comme l’imaginent Samuel Huntington et Alexandre Douguine . Le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, les Hongkongais sont totalement des Asiatiques. Mais Poutine ne se méprend pas en les incluant dans « l’Occident global ». Car pour cet Occident, il s’agit de défendre l’universalisme de l’aspiration humaine à l’autonomie.

    L’être humain est-il un instrument au service d’un pays ou d’un parti, comme le prétendent la Chine, la Russie et leurs petits suiveurs, Iran, Myanmar, Corée du Nord… ? Ou bien l’être humain est-il une fin en soi, vaut-il par lui-même ? Et alors la société n’existe que pour lui apporter les moyens d’épanouir son humanité. C’est ce rapport entre l’être humain et la société qu’affirme pour l’humanité entière l’Occident des Lumières.

    Si l’Occident global ne confronte pas le Parti communiste chinois et le gang du Kremlin lorsqu’ils agressent leur propre peuple et les peuples voisins, alors quelle cause vaut d’être défendue ? À quel niveau d’horreur dirons-nous que « ça suffit » ?

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      Javier Gerardo Milei : diable ou sauveur du libéralisme ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 21 April, 2023 - 03:20 · 3 minutes

    Tel un diable sorti d’une boîte, Javier Gerardo Milei surgit sur la scène politique argentine sous le drapeau du libéralisme. Une très bonne nouvelle dans un pays dominé par les péronistes, une mafia politique vaguement keynesienne et franchement calamiteuse associée à des syndicats puissants.

    S’il était élu à l’élection présidentielle du 22 octobre prochain, hypothèse incertaine mais pas impossible, Milei introduirait un choc libéral inédit dans un pays de tradition autoritaire.

    Cet homme de 52 ans dont le parti s’appelle La Libertad Avanza ( « La liberté avance » ) rassemble actuellement 17 % des intentions de vote et se trouve en troisième position derrière Frente de Todos, (« Le Front de tout le monde »), l’organisation péroniste qui n’a toujours pas désigné son candidat en raison des bisbilles habituelles entre Cristina Kirchner et le président Alberto Fernández (25 %), et Juntos por el Cambio (« Ensemble pour le changement »), une coalition qui rassemble les fidèles, mais aussi les déçus de l’ancien président Mauricio Macri (27 %).

    Face à ces adversaires, Milei tranche non seulement par ses idées, mais aussi par son comportement. Très demandé sur les chaînes de télévision et soutenu principalement par de jeunes électeurs de moins de trente ans, le candidat libéral (que la gauche qualifie d’extrême droite) apparait sur les plateaux tout de cuir vêtu, un regard perçant et une masse de cheveux bruns coiffée comme un casque. Il dénonce les politiciens qu’il traite de « rats » formant « une caste de parasites » et insulte tout interlocuteur qui n’est pas d’accord avec lui. « Zurdos de mierda », leur dit-il, « gauchistes de merde ».

    Son programme est radical

    Suppression de la Banque centrale, privatisation des monnaies (et espérance déclarée du retour du dollar américain), mais aussi un tantinet complotiste. Il croit à la théorie du « marxisme culturel » qui prétend qu’un complot d’intellectuels marxistes venu de « l’école de Francfort » s’active à saper les sociétés occidentales, leurs valeurs chrétiennes et leur conservatisme traditionnel.

    Pour lui, le réchauffement climatique, le féminisme et le mouvement LGTB sont au cœur de ce « marxisme culturel ». Cette théorie n’est cependant pas exempte de relents antisémites totalement étrangers au libéralisme.

    D’où la question de savoir si Milei est un vrai libéral ou s’il raconte n’importe quoi. Pour un libéral, il est toujours difficile de questionner le libéralisme des autres. Mais Milei démontre dans ses choix un certain autoritarisme et des erreurs de jugement.

    Par exemple, il considère que Carlos Menem a été le meilleur président de l’Argentine. Or ce dernier, au pouvoir de 1989 à 1999, était un politicien notoirement corrompu et condamné en 2015 à quatre ans et demi de prison auxquelles il échappera grâce à son immunité parlementaire. Par ailleurs, au début de son premier mandat, Menem a autorisé la parité entre le peso argentin et le dollar américain, une tragique illusion qui a fait baisser l’inflation et a attiré des capitaux étrangers, mais ce faisant a créé une énorme « bulle » financière qui éclatera en l’an 2000 et que l’Argentine continue à payer très cher. Dans une tribune dans El Pais , Mario Vargas Llosas avait écrit que les réformes de Menem « étaient un rideau de fumée cachant la corruption ».

    Milei s’égare donc avec Menem mais avance tout de même des propositions libérales. Ce célibataire ne pense rien de bon du mariage, mais ne s’oppose pas au mariage gay. Il se montre libéral également face à la prostitution qu’il considère « un service comme un autre ». Mais il condamne l’avortement par un raisonnement spécieux affirmant que si la femme est propriétaire de son corps, celui de son futur enfant est un « autre corps » qui ne lui appartient pas. Il est par ailleurs en faveur du port d’armes, sujet délicat pour les libéraux.

    Il est jugé essentiel par certains libertariens, mais le libéralisme classique peut l’estimer contraire au contrat social qui réserve à l’État le monopole de la force. Le libre usage des armes aux États-Unis induit des massacres réguliers commis dans des collèges ou des supermarchés pour de sombres raisons n’ayant rien à voir avec la défense de nos libertés.

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      Centrales nucléaires : vers un rendement amélioré ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 21 April, 2023 - 03:15 · 8 minutes

    Quelque disciple d’un Amédée Gordini ayant fait autrefois de la Renault 8 et de l’Alpine Renault deux redoutables machines de course a sans doute inspiré l’idée à madame Borne que doit exister le moyen de doper le rendement de nos centrales électronucléaires, à l’instar de celui du moteur à combustion interne par la turbocompression . On souhaite bien du plaisir aux professionnels que le pouvoir a chargé de jouer une telle martingale, ceux auxquels le pays doit l’admirable transition écolo énergétique d’EDF, boostée comme chacun sait par un marché du kWh élargi et optimisé.

    Considérons donc le cahier des charges remis par le Premier Ministre à ces derniers, rapporté comme suit par La Tribune :

    « J’ai demandé à EDF de mettre à l’étude une augmentation de puissance du parc nucléaire français, en lien avec l’ASN […] une mesure pouvant contribuer à augmenter la production d’électricité nucléaire, qui reste encore inférieure à son potentiel ».

    Selon Sylvie Richard, directrice du programme de grand carénage d’EDF, doper ainsi nos capacités permettrait des gains de puissance de l’ordre de « 4 – 5 % » pour certains réacteurs, 3 % au total, soit l’équivalent de la puissance de« deux réacteurs ».

    L’étude technique évaluera prioritairement les modifications possibles dans le circuit secondaire, là où la vapeur produite dans le circuit primaire est envoyée dans les turbines géantes du turbo-alternateur pour être transformée en électricité. Le circuit secondaire est choisi en priorité, car « les enjeux de sûreté devraient [y] être moins structurants que sur le circuit primaire », la partie abritant le combustible nucléaire.

    Ajoutons que le gouvernement compte travailler sur la réduction de la durée des arrêts de maintenance et sur « l’excellence opérationnelle » pour relever la production d’ EDF dans une fourchette située entre 350 et 380 Térawattheure (TWh) encore loin des 430 TWh produit en 2005.

    Ainsi, ingénieurs et techniciens d’EDF ont pour missions de réduire la durée des arrêts de tranches et d’améliorer les procédures d’exploitation et d’entretien du circuit secondaire de nos 56 tranches, de sorte à obtenir un meilleur rendement de leur production ; ceci sans toucher autant que faire se peut aux procédures homologues du circuit primaire, une litote signifiant qu’il est impossible de toucher à ce circuit sans contrevenir aux Règles Fondamentales de Sûreté (RFS), aux Règles de Conception et de Construction des Matériels Mécaniques (RCCM) et aux autres Règles de Surveillance en Exploitation des Matériels de l’ilot nucléaire (RSEM), des matériels pour la plupart classés Importants Pour la Sûreté (IPS).

    C’est pourtant au niveau du dimensionnement et des modalités d’exploitation du circuit primaire que siègent les plus grandes marges d’accroissement d’un rendement de la tranche nucléaire aujourd’hui guère supérieur à 35-36 %. Or, pour ce qui est du dimensionnement, on n’imagine pas mesdames Borne et Pannier-Runachet aller jusqu’à se mettre en tête d’installer des générateurs de vapeur, des pompes primaires et des pressuriseurs plus performants que ceux en place… pas plus d’ailleurs que de nouvelles turbines et de nouveaux alternateurs sur le circuit secondaire !

    Une évidence aussi patente appelle donc forcément la démonstration ci-après qu’il y a loin de la coupe aux lèvres entre les ambitions improvisées du gouvernement et leur réalisation concrète, même agréée par des responsables EDF dont on se demande s’ils ont bien les pieds sur les planchers machines.

    Produire plus de kWh en limitant la durée des arrêts de tranche

    Cette durée est la somme des durées optimisées des opérations élémentaires constituant le chemin dit « critique » d’un arrêt. Ce chemin n’est autre que le programme de l’intervention ayant nécessité d’arrêter la tranche : renouvellement du combustible ; réparation fortuite, accidentelle, imposée par la sûreté ou par la maintenance prédictive ; exigences d’exploitation diverses décrétées par la direction du site, par ses organismes de tutelle… ou imposée par telle situation sociale.

    Toutes les interventions d’entretien, de modifications, de recharge ou de renouvellement des consommables, d’optimisations diverses des dispositifs techniques d’exploitation ayant été programmées pour l’occasion doivent se faire en temps dit « masqué », c’est-à-dire durant la progression du chemin critique caractérisé ci-avant, en s’efforçant d’en altérer le moins possible la durée théorique.

    Où l’on ne distingue que deux moyens de réduire notablement la durée des arrêts :

    1. Disposer quantitativement et qualitativement des compétences aptes à s’acquitter des travaux requis dans les délais prescrits les plus exigeants.
    2. Optimiser et alléger les règlements de sûreté et de radioprotection pesant lourdement sur les procédures d’intervention françaises.

    Le premier moyen renvoie à l’impossibilité de pallier à court terme un dépouillement des compétences pratiqué sur le temps long par des politiques ineptes, en matières industrielle, d’éducation scolaire et universitaire, d’orientation et de formation professionnelles continues ou non ; quant au second moyen, inutile de s’y attarder, le père Fouettard ASN en détenant sans partage les clés d’une optimisation ergoteuse dont il est de surcroît le maître des horloges, comme nulle part au monde.

    Obtenir un supplément de kWh par le fonctionnement plus fréquent en Stretch out

    Stretch out est la désignation usuelle du fonctionnement d’une tranche en prolongation du cycle combustible consistant à épuiser jusqu’à la corde le potentiel d’activité de ce dernier. Cette optimisation technico-économique consiste à apporter un supplément de réactivité par la disparition complète du bore neutrophage dans une eau primaire – le modérateur – dont on a fortement abaissé la température (pour rendre négatif le coefficient du même nom) par réduction d’une puissance du cœur seulement contrôlée par les grappes de régulation.

    Sauf que, ce faisant, il n’est pas rare que survienne une pollution Xénon contrecarrant sensiblement l’apport recherché du supplément d’activité et que, l’ilotage de la tranche sur ses auxiliaires étant interdit en Stretch out , l’arrêt de cette dernière est définitif au premier incident de réseau imposant son découplage.

    Obtenir du seul circuit secondaire un gain de puissance d’au moins 3 %

    Ce gain de puissance est attendu du processus énergétique s’exerçant entre l’admission de la vapeur à la turbine et la délivrance de la puissance électrique aux bornes de l’alternateur, c’est-à-dire de l’amélioration en conséquence du rendement du groupe turbo-alternateur. L’alternateur n’étant qu’un organe passif ayant pour fonction de réguler la tension du réseau dont il n’est pas maître de la dégradation causée par la nature des consommations, l’essentiel du challenge imposé par madame Borne aux opérateurs d’EDF ne repose donc que sur la possibilité d’améliorer le rendement de la turbine.

    On se fourvoierait gravement en comprenant par là qu’il s’agit d’améliorer le rendement nominal de la machine : le rendement en question est celui du cycle eau-vapeur sommairement schématisé ci-dessous , dont on attend qu’il amène à l’admission du corps Haute Pression (HP) de la turbine une vapeur à au moins 253°C et véhiculant une énergie de quelque 2950 Kilo-Joules/Kg (KJ/Kg) d’ enthalpie , pour une tranche de 900 MW.

    Il n’aura échappé à personne que l’eau reprise du condenseur pour être transformée en vapeur destinée à la turbine est réchauffée à deux niveaux BP et HP, avant d’être introduite dans le générateur de vapeur.

    Optimisation thermodynamique du cycle eau-vapeur

    Conformément aux lois de la thermodynamique, obtenir une délivrance optimale de la puissance turbine exige que chaque étape du cheminement de l’eau destinée à la vaporisation soit optimisée en débit et en température. Le schéma détaillé ci-dessus montre clairement comment ce réchauffage préalable de l’eau est tout bonnement obtenu par un prélèvement de vapeur vive à différents étages des corps HP et BP de la turbine, au moyen de six soutirages : deux sur le corps HP, R5 et R6, un à l’échappement du corps HP, R4, et trois sur le corps BP, R1, R2, R3.

    Qui peut croire qu’un tel compromis de répartition du débit de vapeur vive entre l’entraînement de la turbine et le réchauffage de l’eau alimentaire résulte d’une improvisation de l’opérateur en poste sur la tranche, à un moment donné ? Qui peut croire possible d’en accroître indéfiniment l’optimisation et à l’absence de sa codification rigoureuse aux différents régimes de la turbine ? Ce serait méconnaître qu’en existe une indépassable optimisation, fruit de nombreux calculs et simulations de cycles itératifs, réalisés dans le cadre du dimensionnement de l’installation.

    C’est pourquoi laisser croire possible d’obtenir une augmentation des performances de l’installation par la transgression de telles grandeurs de dimensionnement serait non seulement fallacieux, mais aurait quelque chose d’irresponsable et de dangereux.

    Le seul moyen de tirer davantage d’énergie de notre parc électronucléaire

    Madame le Premier ministre, madame la directrice du programme de grand carénage d’EDF, peut-être n’en êtes-vous pas convaincues, mais d’évidence, les procédés d’augmentation de la production électrique examinés ci-dessus souffrent tous d’une précarité que, en l’état, notre complexe industriel n’est pas en mesure de surmonter ; sauf le dernier d’entre eux, sur le degré d’optimisation duquel on n’a, hélas, aucune prise.

    Aussi, le bon sens professionnel ne saurait-il trop vous suggérer de recourir au plus efficace de ces procédés : renoncer à utiliser notre parc électronucléaire en servile supplétif du parc éolien et le cantonner définitivement à son régime de production de base à 100 % de puissance, comme prévu à l’origine.

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      Systèmes électoraux : la France à la traîne

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 21 April, 2023 - 03:00 · 5 minutes

    Parmi les slogans qui ont émergé en mai 1968 , il y a eu « élections, piège à cons ».

    Ce slogan sans doute excessif portait néanmoins en lui un questionnement profond à ce qui se nomme démocratie . J’allais écrire « qui s’auto-nomme » tant il est fréquent que des individus au pouvoir ou aspirant à y accéder manipulent sans grâce ce concept.

    L’archaïsme du modèle électoral français

    Comparée aux autres États de l’ Union européenne , la France détient en ce domaine le record de l’archaïsme avec son système électoral fermé. Il est de bon ton de larmoyer dans les gazettes sur le taux d’abstention sans chercher à comprendre ses causes profondes.

    Le mode électoral de vote uninominal majoritaire à deux tours est éminemment non-démocratique. Pour ne prendre que les plus proches, les élections législatives des années 2012-2017-2022 montrent que 40-45 % des choix exprimés au premier tour ne sont pas représentés à l’ Assemblée nationale .

    D’un point de vue « scientifique », si ce qualificatif veut bien s’appliquer aux choix erratiques de millions de personnes très souvent peu documentées sur les enjeux en présence, le seul mode électoral crédible est le vote à la proportionnelle intégrale. Rappelons que sur les 27 États membres de l’UE, 24 votent à la proportionnelle selon des modalités adaptées. 1

    La proportionnelle ne gomme pas les imperfections dues aux absences de documentations des votants. Néanmoins, en faisant du pays une seule et unique circonscription, comme en Israël, elle répond à l’exigence d’égalité totale selon l’endroit où vote l’électeur, elle donne une image la plus précise des différentes sensibilités politiques, elle évite le charcutage des circonscriptions.

    À ce sujet, rappelons qu’il y a eu en France une longue période où pour élire un député communiste il fallait deux fois plus de voix que pour élire un député gaulliste…

    Rappelons aussi qu’un député élu au scrutin uninominal de circonscription ne représente en aucun cas celle-ci : élu national, il siègera à l’Assemblée nationale pour voter (ou pas) des lois nationales.

    Le modèle irlandais

    Si la proportionnelle intégrale n’est pas adoptée, je propose comme solution de repli le mode électoral utilisé en République d’Irlande qui marie vision proportionnelle des forces et choix raisonné de la part d’un électeur : single transferable vote .

    Exemple.

    Je vote dans une circonscription où se présentent sept candidates et candidats. Sur le listing de vote, je coche le candidat du Fine Gael ; puis, au cas où mon candidat ne recueillerait pas le quota ad hoc pour être élu, je décide de reporter mon choix vers la candidate du Sinn Fein dont j’ai apprécié les actions locales ; puis je reporte mon choix sur le candidat indépendant, etc. Le dépouillement est un peu long. En 2022, le dernier élu l’a été au quatorzième report. Néanmoins la vision politique est fine. Avec les premiers choix consolidés au niveau national, nous obtenons une vision panoramique des forces politiques en présence ; avec les reports, nous respectons les choix raisonnés et la qualité des vrais engagements des candidats. Au Parlement de Dublin « Dail Eireann », sur les 160 députés actuels, 22 sont des indépendants.

    Quel que soit le mode électoral adopté, il convient aussi de calculer les choix en rapport du Corps Électoral Total (CET) c’est-à-dire toutes les personnes en âge de voter et dotées de leurs droits civiques, inscrites ou pas sur les listes électorales. En se contentant des suffrages exprimés les analyses sont faussées et ne prennent pas en compte la sociologie électorale globale. Exemple : au référendum de juin 2016, 65 % du corps électoral de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord n’ont pas voté Oui au Brexit ! 2

    Le référendum est une mécanique étrange. Comme l’a dit un sage indien : « Vous avez un truc bizarre en Occident, vous appelez ça référendum ; vous comptez des têtes sans savoir ce qu’il y a dedans… ! »

    Le dilemme des démocraties

    De fait, les démocraties sont hantées par ce dilemme : d’un côté, elles ont besoin de voir leurs lois largement approuvées par les citoyens ; de l’autre, elles sont manifestement incapables de résoudre leurs problèmes majeurs sans passer par une centralisation du pouvoir et donc des lois très générales qui excluent par principe l’approbation populaire. Si l’on veut que la confiance envers la démocratie revienne, il faut la décharger des illusions qui ont transformé le rêve d’une vie publique harmonieuse en un cauchemar : demander aux citoyens de s’occuper d’affaires pour lesquelles ils ne sont pas outillés intellectuellement. 3

    « L’opinion publique n’existe que là où il n’y a pas d’idées. » Oscar Wilde

    Le cas de la Suisse est vraiment à part. Un sujet validé par le Conseil fédéral va être documenté et débattu partout et jusqu’à deux années avant d’être soumis à la votation. Des balances sont prévues. Ainsi pour un texte de portée fédérale, outre le fait qu’il doit recueillir plus de 50 % des votes (Oui/Non), il faut aussi que les deux tiers des votants des 26 cantons aient voté Oui ou Non, parfois avec pondération démographique. Il est vrai que les pratiques des Suisses ont débuté en 1291, ils ont eu le temps de les peaufiner.

    Les problèmes les plus frustrants de la démocratie sont justement ceux qui ne peuvent pas être résolus par des principes démocratiques. Ceci étant acquis et le 51/49 étant absurde d’un point de vue scientifique, je préfère faire confiance à des élites irrécupérables, des compétences très variées et de haut niveau de connaissances, des mixités d’âges, de sexes, de lieux géographiques, des choix pondérés par des confrontations sérieuses hors des imprécations démagogiques… Pour découvrir des tendances, pas des majorités. Dans des comités ainsi constitués, les membres nommés seraient choisis pour une durée limitée (cinq ou dix ans) et sans redoublement possible.

    Je sais, ce n’est pas « démocratique » …

    « Will our children be better off than we were ? Yes, but it’s going to be due to the engineers, not the politicians. » Thomas Massie, (Kentucky)

    1. Liam Fauchard, La Comédie Démocratique / Liberté – Fraternité -Autogestion , Ed2A 2017.
    2. ONS – Office National des Statistiques (UK).
    3. Walter Lippmann, Le public fantôme , Démopolis 2008.