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      Environnement, climat… quelle place pour les libéraux ?

      Benjamin Faucher · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 5 March, 2022 - 03:30 · 7 minutes

    Par Benjamin Faucher.

    En 2019, le Parlement européen a déclaré l’état d’urgence climatique . Il faut dire que les sujets liés à l’environnement ont pris soudainement une ampleur considérable en 2019 : réchauffement climatique, extinction des espèces, effondrement de la société humaine… plus personne ne peut les éviter.

    En tant qu’acteurs du débat politique, les libéraux ont évidemment leur rôle à jouer . Pourtant, face à l’ampleur des enjeux, force est de constater que nombre d’entre eux ne sont pas à la hauteur, loin de là.

    L’ensemble de notre économie et de notre mode de vie repose sur l’utilisation d’ énergies fossiles qui produisent du CO2 (charbon, pétrole, gaz), et une exploitation des matières premières considérées comme illimitées et donc gratuites.

    Ce modèle pose deux problèmes :

    L’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère

    Celle-ci modifie le climat, et augmente la température moyenne de la planète. Si rien n’est fait, cette température augmentera de plus de deux degrés d’ici 2050 . Les pires scénarios du GIEC évoquent alors la possibilité de seuils qui, sur la base de boucles de rétroaction positive peuvent provoquer un emballement de cette augmentation, rendant la Terre inhabitable et comparable à une étuve.

    L’approvisionnement de nos pays en énergie

    Sans énergie peu chère qui alimente notre économie, notre niveau de vie s’effondrera.

    En fait, ce sont les premiers libéraux qui avaient compris le problème. Les physiocrates pensaient en effet que seule l’agriculture produisait de la richesse, puisque la terre donnait un surplus entre la graine semée et la plante récoltée.

    En fait, c’est davantage l’énergie apportée par le Soleil qui était la valeur ajoutée. C’est toujours le cas aujourd’hui : la croissance, phénomène apparu au début du XIXe siècle provient directement de notre capacité à utiliser l’énergie du Soleil sous une forme ou une autre : charbon, pétrole, biomasse, vent, chaleur…

    Le silence des libéraux

    Face à ces problèmes à la fois complexes et effrayants, les libéraux sont souvent absents. Certains se contentent de ne pas considérer le problème . Que ce soit par déni idéologique ou par ignorance, cette position n’est plus tenable. Réfléchir sur l’action humaine et politique sans intégrer le problème écologique revient à penser un monde qui n’existe pas, à avoir une pensée hors sol.

    Il faut dire que la position est confortable : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des citoyens des pays de l’OCDE a échappé à l’Histoire. Ce temps est bel et bien révolu, et les libéraux qui se targuent de ne pas avoir une pensée qui fonctionne en système devraient être ceux qui adaptent leur idéologie à la réalité du monde.

    Une réaction assez courante est le climatoscepticisme . Honnêtement, la question de la réalité du problème environnemental n’est pas un sujet d’opinion, mais de fait. Nous lui accordons notre confiance pour la médecine, la biologie moléculaire, la physique quantique… alors pourquoi pas pour le climat ? Parier notre avenir sur une erreur monumentale de cette communauté semble pour le moins risqué.

    De plus, la réaction de certains climatosceptiques dans le débat ne fait pas honneur aux illustres penseurs qui ont fait la tradition libérale. Se moquer de Greta Thunberg est peut-être drôle (et il ne s’agit en aucun cas ici de vouloir le prohiber) mais ne fait pas avancer le débat d’un iota.

    Alors, quelle place pour les libéraux ? D’abord, ceux-ci peuvent apporter des réponses théoriques et concrètes : taxe carbone, privatisation des terres… cependant, il ne faut pas non plus rester dans notre zone de confort.

    Intérêt de la taxe carbone

    La question de la taxe carbone est intéressante , mais la véritable question est de savoir pour faire quoi ?

    S’il s’agit d’un moyen de financement de mesures pro-environnementales de l’État, alors il y a tromperie sur la marchandise : une taxe ayant pour but de modifier les comportements ne ramène, si elle est efficace, absolument rien à l’État. Certains suggèrent que le prix du carbone devrait refléter le prix que nous sommes prêts à payer en échange de la pollution émise.

    Ce genre de solution est raisonnable pour les problèmes environnementaux softs et réversibles : pollution, diminution de la qualité de l’air et de l’alimentation… Mais dans le cas de problèmes plus graves (CO2, raréfaction des matières premières) ce raisonnement confortable rencontre deux difficultés.

    • celui qui paye les conséquences de l’acte dommageable n’est pas forcément celui qui le commet : c’est un problème à externalités négatives.
    • quel serait le prix d’une planète habitable ? La réponse est évidemment l’infini.

    La taxe carbone doit donc être conçue de telle manière que le coût de l’émission de CO2 soit supérieur à ce qu’elle rapporte.

    Nous l’avons vu, le problème environnemental est un problème d’externalité négative. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : l’intervention de l’État paraît inévitable, et sûrement de manière massive. Cela n’est certes pas plaisant, mais nous n’avons pas le choix.

    D’abord parce que en termes d’énergie, les infrastructures sont de facto très souvent contrôlées et subventionnées par la puissance publique. Ensuite parce que le problème environnemental est global et pose des questions géopolitiques qui nécessitent une coordination importante entre pays.

    Écologie libérale contre écologie collectiviste

    Le rôle des libéraux est de s’assurer que cette intervention soit minimale, et ne cache pas une idéologie collectiviste. En effet, l’intervention de l’État doit à tout prix rester utilitariste.

    Contre Aurélien Barrau , je pense que nous devons rappeler qu’il est hors de question de changer le rapport des individus au monde et de réaliser une révolution poétique. C’est aux individus de choisir ce qu’est pour eux la vie bonne, dans le cadre où ça ne pose pas de problème aux autres.

    De plus, il serait peut-être utile de rappeler que l’État n’est pas forcément le mieux placé pour trouver des solutions. Le rôle de l’État pourrait se limiter à déclarer « dans cinq ans, le plastique est complètement interdit » , et laisser les acteurs privés trouver des solutions pour le remplacer. L’État de droit fixe un cadre, les individus s’adaptent.

    De même, il faut absolument s’opposer aux bêtises de l’extrême gauche qui tente de récupérer la question idéologique. Je suis très agacé d’entendre des accusations de la part des communistes contre les libéraux qui essaieraient de se greenwasher . Comme si le communisme n’avait jamais été une idéologie productiviste…

    Et n’évoquons pas l’alliance « rouge-verte » prônée par certains qui voudraient que les ouvriers s’emparent des moyens de production pour obliger les entreprises à avoir un comportement écologiquement vertueux. En quoi les ouvriers seraient incités à ne pas polluer, si cela leur permet de conserver leur emploi ?

    Enfin, il faut s’opposer à la vision manichéenne qui voudrait que ceux qui rejettent du CO2 sont les méchants capitalistes et que ceux qui en subissent les conséquences soient le peuple oppressé. Soyons sérieux, l’usage du plastique facilite la vie de tout le monde : facilitation du transport et donc du choix individuel, matériel médical et de recherche… Et la réside bien le problème.

    Si la décroissance est nécessaire, ça fera mal et pour tout le monde, contrairement aux idées fausses véhiculées par beaucoup d’opposants aux libéraux.

    La question environnementale est un défi immense pour l’humanité, qui transcende tous les aspects de la vie politique. Cela n’est pas facile et demande un vrai travail de remise en cause individuel, mais il est temps que les libéraux sortent la tête du sable, et s’emparent avec honnêteté du sujet et fassent entendre leur voix.

    Article publié initialement le 20 décembre 2019.