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      Élections américaines : pas tant midterms que point final de la présidentielle 2020

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 15 November, 2022 - 12:00 · 7 minutes

    En ce mardi 15 novembre 2022, l’ancien président américain Donald Trump va-t-il annoncer sa candidature présidentielle pour 2024 ? Après avoir déclaré pendant la campagne des élections américaines de mi-mandat qui ont eu lieu le 8 novembre dernier qu’il allait « très très très probablement » être candidat en 2024 et après avoir fait monter le suspense d’un cran à la veille du scrutin en promettant « une très grande annonce » pour le 15, tout porte à croire que oui.

    Si ce n’est qu’après les midterms , les désirs de Donald Trump n’ont plus grand-chose à voir avec la réalité électorale.

    Dans le système bipartisan des États-Unis, rares sont les présidents qui ont vu leur majorité confortée à la Chambre des représentants après deux ans de gouvernement. Popularité, prospérité – rien n’y fait, que vous vous appeliez Kennedy (Dem) en 1962 ou Reagan (Rep) en 1982 et 1986. Même Donald Trump y a perdu sa majorité républicaine en 2018 en dépit d’indicateurs économiques plutôt favorables. La conservation d’une majorité au Sénat, théoriquement plus accessible en raison du renouvellement limité à un tiers des sièges est à peine plus simple.

    Dans le cas précis du Démocrate Joe Biden élu à la Maison-Blanche en 2020 la plupart des commentateurs s’attendaient à une défaite ravageuse car à la « malédiction » pour ainsi dire structurelle de ce vote s’ajoutait un bilan synonyme d’inflation, de dette abyssale et de récession annoncée particulièrement apte à s’attirer une sévère sanction des électeurs. Ajoutez une propension à la bourde à répétition et une complaisance avancée à l’égard de la planète woke et la déconfiture aurait dû être complète.

    Or les résultats de l’élection sont tombés plutôt loin de ce gentil scénario catastrophe ardemment espéré par le camp républicain. Si les Démocrates perdent effectivement des sièges à la Chambre des représentants, ils conservent le Sénat, institution bien utile lorsqu’il s’agit de signer des traités internationaux ou d’approuver des nominations présidentielles (comme ce fut du reste le cas pour Donald Trump en 2018) et s’en sortent finalement dans une moyenne tout à fait honorable pour des midterms . Autrement dit, l’élection annoncée imperdable pour les Républicains s’est révélée étrangement douce pour le moral de l’exécutif démocrate.

    Non pas que les Républicains n’aient pas engrangé de belles victoires. Après tout, ils sont en passe de reprendre la Chambre des représentants et la majorité sénatoriale des Démocrates reste courte. De plus, d’importants élus du parti ont été largement reconduits à leur poste de gouverneur, notamment Ron DeSantis en Floride , Greg Abbott au Texas, Phil Scott dans le Vermont ou Chris Sununu dans le New Hampshire. Preuve s’il en est que la gouvernance républicaine telle que pratiquée au niveau local garde une vraie attractivité.

    Mais précisément, comment expliquer le brillant succès de Chris Sununu quand dans le même temps, son collègue candidat au Sénat pour le même État Don Bolduc a dû s’incliner platement face à la candidate démocrate ? Peut-être par le fait que ce dernier appartient au groupe de ces candidats propulsés contre vents et marées à la candidature des midterms par Donald Trump sur l’unique critère de leur adhésion à sa thèse de « l’élection volée » en 2020. Des candidats dont même les électeurs républicains se sont détournés, empêchant ainsi le parti de capitaliser pleinement sur la faiblesse du bilan de Joe Biden.

    Dans un éditorial sanglant publié au lendemain de l’élection, le Wall Street Journal (conservateur) qualifie M. Trump de « plus grand loser du Parti républicain » dès le titre et se livre ensuite à une litanie des plus éclairantes sur toutes les occasions manquées de cette absurde façon par le camp républicain. L’affaire Bolduc pour commencer, puis par exemple :

    En Arizona, le républicain Blake Masters soutenu par Trump est arrivé derrière le sénateur (démocrate) Mark Kelly avec 47 % contre 51 %. C’est un État que le gouverneur Doug Ducey a remporté avec 14 points d’avance en 2018. M. Ducey aurait pu gagner le siège au Sénat, mais M. Trump s’est engagé dans une guerre contre lui parce qu’il a refusé d’avaliser ses théories de fraude lors de la présidentielle 2020.

    Etc. La liste est longue et déprimante.

    En novembre 2020 déjà, alors que Donald Trump ne montrait aucun signe de vouloir reconnaître sa défaite, le même Wall Street Journal lui avait en quelque sorte lancé une mise en garde frappée au coin du bon sens.

    En substance, Donald Trump avait tous les droits de demander des recomptes lorsque les résultats étaient très serrés et il avait de même tous les droits de faire appel à la justice s’il pensait que des fraudes avait eu lieu. Mais pour cela, il lui faudrait un peu plus de biscuits que des déclarations aussi tonitruantes que vagues sur la « massive fraud » qui se dressait contre lui.

    Si à l’issue de toute la procédure Joe Biden venait à conserver les 270 grands électeurs nécessaires pour accéder à la Maison-Blanche, le Wall Street Journal exprimait alors l’espoir que Donald Trump concéderait sa défaite avec élégance, ceci pour ne pas entacher de l’aigreur du mauvais perdant ce qu’il avait réalisé de bien sur le plan économique comme sur le plan diplomatique en quatre ans de mandat à la tête des États-Unis et afin de ne pas handicaper son parti pour la suite.

    Force est de constater que malgré l’absence persistante de preuves pour soutenir le vol qu’il dénonce, M. Trump n’en a tenu aucun compte, bien au contraire. Tout ce qui arrive aux États-Unis n’est pour lui que séquelle de l’élection présidentielle et curieusement on dirait bien que les électeurs lui ont donné raison au sens où leur vote de la semaine dernière, peu concerné par l’état de l’Union au bout de deux ans d’administration démocrate, a surtout consisté à dire qu’ils ne voulaient plus entendre parler ni de Trump ni de ses doléances aussi perpétuelles que non-étayées sur « l’élection volée ».

    Autrement dit, tout se passe comme si les midterms de cette année étaient en fait la finition soignée, le parachèvement ultime, le point final et définitif mis à l’élection présidentielle de 2020. Un point final dont M. Trump est exclu pour de bon par les électeurs républicains eux-mêmes, pas si extrémistes ni aussi polarisés dans leur ensemble qu’on pourrait le croire.

    Joe Biden jubile, évidemment. Mais en réalité, pour lui, les vraies difficultés ne font que commencer. Sans le trublion Trump pour lui servir de faire-valoir, tout se complique. Enfin libérés de l’emprise trumpienne, les électeurs sont dorénavant en mesure de tourner leurs regards vers la politique menée à la Maison-Blanche afin de l’apprécier pour ce qu’elle est ou n’est pas, plutôt qu’en fonction d’un adversaire si peu crédible qu’on a même vu des donateurs démocrates financer des candidats de Trump lors des primaires des midterms dans le but de favoriser la victoire finale de leurs propres candidats.

    Tout est en place maintenant pour qu’une candidature républicaine dépouillée des aspérités inutiles du trumpisme et revenue aux valeurs du conservatisme fiscal et de la protection des libertés voulues par les Pères fondateurs trouve un écho significatif dans le pays dès 2024.

    À voir et entendre l’ancien président lancer ses flèches contre de possibles concurrents lors de la future primaire républicaine pour 2024, contre Ron Desantis notamment, on devine cependant que le Parti républicain aura encore fort à faire pour atténuer les dommages causés par son intempérance verbale et politique. Mais son charisme ne porte plus. Bloqué dans le sillon détraqué du même disque grinçant, il est même devenu mortellement ennuyeux.

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