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      Crise économique : machine infernale contre l’euro

      Henry Bonner · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 23 November, 2022 - 04:15 · 4 minutes

    Les autorités monétaires en Europe ont abandonné le plafond des 2 % d’inflation en novembre de l’année dernière, juste avant la plus forte envolée de l’inflation en 25 ans.

    Elle atteint aujourd’hui 10,6 % pour la zone euro.

    La force du dollar fait partie du problème

    L’euro perd pied face au dollar comme le yen ou la livre sterling.

    L’euro baisse de 8 % contre le dollar (un rebond en cours depuis octobre limite la perte). Depuis le 1 er janvier 2021, il perd 15 % par rapport au dollar.

    L’euro remonte un peu grâce à une chute des prix de l’énergie en ce moment et une baisse de l’inflation aux États-Unis. Les marchés prévoient donc la fin du resserrement de la vis par la Réserve fédérale.

    Néanmoins, ce répit pourrait vite s’évaporer. La zone euro n’a pas réglé les problèmes dans l’énergie. Elle a attiré des cargaisons de gaz liquide en acceptant de le payer plus cher que les autres. Par ailleurs, la baisse des prix dans l’énergie a lieu grâce à la chute de la demande – une contraction de l’activité économique.

    Or, les autorités monétaires n’ont pas à ce jour manqué de rabaisser les taux et relancer la machine à billets en cas de contraction.

    Par exemple, les coûts des énergies ont mené à la perte de 70 % de la production d’ammoniac, un ingrédient important des engrais, et (comme vous le voyez ci-dessous) de nombreux pays européens avaient perdu plus de 10 % de leur production d’acier en mai.

    Le renforcement de l’euro provient donc de la contraction de l’activité en Europe et du ralentissement de l’inflation aux États-Unis.

    Cependant, jusqu’ici, les autorités n’ont pas attendu les bras croisés pendant les contractions économiques. Ce ne sera pas différent cette fois-ci. Les élus feront à nouveau couler des euros – via les plans de relance, prêts aux entreprises en faillite ou aux contrôles des prix.

    L’euro et les écarts de taux

    La perte de valeur de l’euro a lieu car les obligations américaines paient plus de retours et les investisseurs recherchent la sécurité.

    Les taux sur les obligations de la zone euro ont aussi grimpé pour refléter la fuite de capitaux vers les États-Unis.

    Simone Wapler, mon associée sur notre lettre d’information, a récemment comparé les taux à travers le bloc que vous voyez dans le tableau ci-dessous.

    Vous pouvez constater que le taux moyen est de 3,2 %, mais la Grèce et l’Italie paient plus du double du taux de l’Allemagne, le débiteur le plus sûr du bloc.

    À la différence des États-Unis, la banque centrale européenne doit non seulement permettre aux pays de rembourser mais aussi éviter que l’écart des taux d’intérêt n’augmente beaucoup plus que cela.

    Or, une politique monétaire de restriction affecte davantage les pays à risque – comme l’Italie – que les pays plus solides du bloc.

    Les autorités européennes sont donc contraintes de conserver une politique d’assouplissement, aux dépens de la valeur de l’euro.

    L’euro et l’énergie

    L’euro remonte ces temps-ci grâce à la chute de tension sur les prix dans l’énergie. Le baril de Brent vient par exemple de chuter sous les 90 dollars, contre plus de 120 dollars en juillet.

    Cependant, les marchés du courant électrique indiquent que le bloc n’est pas encore sorti d’affaire.

    Le coût du MWh est toujours de plus de 200 euros en France, pareil qu’au début de l’année, selon l’Epex, alors qu’il coûtait en général moins de 60 euros en 2019.

    De plus, la baisse du pétrole vient d’une contraction de la demande… pas d’une hausse de l’offre.

    Dans l’immédiat, la production américaine est toujours inférieure de plus de un million de barils par jour par rapport à 2019, en dépit de l’incitation à produire impliquée par les prix élevés.

    Par ailleurs, les investissements dans la production d’hydrocarbures se sont effondrés pendant les confinements.

    Par exemple, selon Rystad Energy, l’industrie du pétrole et du gaz a acquis les droits à plus de 1,2 million de km 2 de terrains – dans l’objectif de développer des gisements – en 2019. Sur les années suivantes, les acquisitions de terrains ont chuté à moins de la moitié de ce nombre.

    De plus, les investissements dans les gisements sont toujours très inférieurs à leurs niveaux d’avant 2020. Le graphique ci-dessous vous montre par exemple les dépenses d’Exxon, la plus grosse compagnie de pétrole, sur l’exploitation de gisements au cours des trois dernières années.

    Vous pouvez voir que la dépense a chuté de moitié de 2019 à 2021. En 2022, les montants investis restent en-dessous des niveaux de 2019 d’environ 8 milliards.

    Les soucis d’énergie n’ont pas disparu. Et le manque d’investissements dans la production (au profit des renouvelables peu efficaces) devrait faire durer la pénurie.

    Cela suggère que nous verrons un assouplissement de la politique de la banque centrale même si elle n’a pas l’inflation sous contrôle… et ainsi plus de faiblesse pour l’euro.

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