• Co chevron_right

      Zéro covid en Chine. Source de désinformation ?

      Christophe de Brouwer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 26 November, 2022 - 03:40 · 6 minutes

    Commenter des images de France 24 , la voix de son maître gouvernemental s’il en est, qui montre, à travers des images choquantes, les effets néfastes de la politique du zéro covid en Chine.

    Pourquoi ?

    Par exemple, la photo de droite montre le dos d’un travailleur qui escalade une clôture. Il s’agit du recadrage sur un travailleur d’un groupe de travailleurs de Foxconn, entreprise taïwanaise, filiale d’Apple, dont l’immense usine est située à Zhengzhou en Chine. Elle fabrique 70 % des iPhone de ce groupe (500 000 par jour). La légende de la série de photos dont celle où le recadrage a été effectué dit ceci : « Le véritable voyage de retour : les employés de Foxconn à Zhengzhou ont escaladé la clôture pour retourner à pied dans leur ville natale. Les villageois se sont pris en charge et se sont entraidés » (le texte original est en mandarin). On voit plusieurs travailleurs quitter le parc industriel (clôturé comme chez nous) bouclé à cause du covid afin d’éviter les centres de quarantaine de mauvaises réputations.

    Presque tous portent le masque. Après une traversée de champs, on les voit emprunter le bas côté de l’autoroute. Des personnes les attendent avec eau et nourriture. Leur but est d’être de retour chez eux pour les fêtes de fin d’année. Les photos viennent en appui d’un article où Apple s’attend à une diminution importante de la production de son produit phare, ce qui serait assez catastrophique à cette époque-ci de l’année, causée par ces départs inopinés dans un contexte de plaintes et troubles sociaux récurrents dans cette usine, notamment pour des salaires jugés trop faibles. Le manque de travailleurs s’élèverait déjà à 100 000 . Les autorités chinoises ne semblent pas très empressées. Je pense que l’entreprise va reconstruire une clôture plus efficace…

    Évidemment, le zéro covid est une politique liberticide qui touche temporairement de larges régions lors de la résurgence du virus, ce qui est actuellement le cas, notamment à Zhengzhou où se trouve l’usine iPhone qui compte entre 200 000 et 250 000 travailleurs. Politique qu’il faut par ailleurs résolument proscrire compte tenu de ses effets collatéraux sur les personnes qui la subissent. D’ailleurs, lors des réunions internationales, je n’ai vu nulle part leur dirigeant Xi Jinping porter un masque ou observer la distance réglementaire durant les discussions avec les dirigeants laowai (étrangers). De plus, cette politique semble être actuellement (très) timidement remise en cause par les autorités chinoises elles-mêmes .

    Dans le même registre de réactions médiatiques à la mode, on voit fleurir dans nos médias énormément d’articles concernant le statut des femmes en Iran – et il est mauvais –, ou de troubles sociaux et autres images péjoratives de la politique des dirigeants iraniens. Je gage que si demain l’Iran se plie aux exigences de Washington sur le nucléaire et nous livre gaz et pétrole, tout ce fatras d’images larmoyantes sera balayé instantanément, nihil lacrima citius arescit : nous verrions les mollahs comme des héros ! Il y a pourtant là un véritable combat de fond qui touche aux libertés fondamentales, combat qui doit se soustraire aux effets de mode qui lui font, en réalité, du tort.

    Ainsi vont les médias aux ordres dans nos pays occidentaux, surtout en France où la censure est très active. Moins en Belgique où, par exemple, il n’y a actuellement aucun problème pour accéder à Rumble ou d’autres médias passés à la trappe. Et c’est tant mieux : je me sens assez grand pour faire la part des choses et ne pas tomber dans le binaire imbécile du vrai et du faux (j’ai raison, donc tu as tort).

    Alors pourquoi cette mode maintenant et pas avant ? Nous le savons : l’Ukraine. Car au temps du confinement ou même du passe sanitaire, que de louanges par ces mêmes médias de la politique musclée de contrôle social par la Chine sous prétexte de covid. Certaines de nos « élites » s’en pourléchaient d’ailleurs les babines.

    Il y a du reste une coupure entre l’Occident et le reste du monde.

    Une récente étude (octobre 2022) de l’Université de Cambridge en Angleterre « A World Divided: Russia, China and the West » montre cela, même si les auteurs de l’étude sont de l’Ouest. Bien que la Russie ait mauvaise presse en Occident, son image reste la meilleure au niveau des pays en développement, devant la Chine et les USA. Cela devrait nous alerter sur l’arrogante politique des « je sais tout mieux que vous » que nous projetons à l’extérieur.

    Comprendre ce qui se passe en Chine concernant le zéro covid

    N’habitant pas en Chine et ne connaissant pas le mandarin, mes sources d’information restent limitées. Les politiques et mesures prises sont en conséquence d’une population gigantesque.

    Un texte émanant du Consulat de Chine à Durban , édité sur le site du ministère des Affaires étrangères en juillet 2022, déclare que la Chine, d’où le virus serait parti, est le pays avec le niveau de dégâts sanitaires directs causés par le covid le plus faible au monde.

    Et d’expliquer le pourquoi/comment de ces mesures. Et ce n’est pas faux, si l’on ramène les chiffres publiés par worldometer par million d’habitants, tant en nombre de cas qu’en nombre de décès. Certains me diront que ces chiffres sont truqués. Peut-être, mais encore faut-il le démontrer. Pourquoi changeraient-ils une politique qui leur donne apparemment satisfaction, du moins sur le plan sanitaire ? Bien sûr il faut creuser plus avant sur le plan scientifique la réalité et les conséquences de telles mesures afin d’ajuster cette belle image.

    Par ailleurs, il faut replacer cela dans un contexte plus général. La crise mondiale accélérée par la crise liée au covid, puis la crise ukrainienne, a modifié les rapports d’échanges entre pays.

    La militarisation du dollar (et de l’euro) a comme conséquence ce qu’on appelle une « dédollarisation des échanges commerciaux ». Elle est en route. Elle s’accompagne pour la Chine d’un retrait lent mais déterminé de ses avoirs aux États-Unis : elle se défait progressivement de ses obligations sur le trésor américain.

    Autre exemple sur le plan de la micro-électronique , elle semble avoir acquis la technologie de la miniaturisation sous 10 nanomètres des semi-conducteurs. La Russie, quant à elle, pourrait avoir réalisé de réels progrès avec notamment son elbrus 16C dans le domaine des microprocesseurs, mais peine toujours avec les semi-conducteurs où son retard apparaît conséquent. Quant à savoir exactement ce qu’il en est dans ce pays où le secret est un art… L’interdépendance des uns vis-à-vis des autres semble une évidence.

    Ces quelques exemples montrent que sur un plan global les échanges commerciaux sont en train de se modifier ; les sanctions américaines prises à l’encontre de la Chine en sont un des puissants moteurs. Et là aussi, les bouleversements sont d’une ampleur difficilement imaginable.

    Dans quelle mesure le zéro covid, qui semble contraindre la croissance chinoise, doit être vu selon un autre angle ?

    Dans un contexte de ralentissement mondial de l’économie (et donc de celle de l’Occident principalement ), le FMI (et non l’OMS) demande à la Chine de limiter la politique du zéro covid pour relancer son économie . Au-delà de l’aspect sanitaire, la vraie réponse est sans doute là. Peut-être qu’une croissance plus faible, mais malgré tout présente, aide le pays à opérer ce glissement à la fois vers des produits de qualité, c’est-à-dire possédant davantage de valeur ajoutée, mais également vers plus de diversité dans les partenariats commerciaux, ce qui implique moins d’Occident et plus du reste ? L’avenir nous le dira.