• Co chevron_right

      Violence du pouvoir : faut-il désespérer de l’homme ?

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 November, 2022 - 04:15 · 5 minutes

    Des trois grandes passions humaines, le pouvoir, l’argent et l’amour, c’est la passion du pouvoir et de la puissance qui provoque le plus de ravages : conflits sociaux, révolutions, guerres, génocides.

    La politique apparaît ainsi comme le mal nécessaire permettant de cantonner cette passion , de l’empêcher de virer à la folie. Elle y parvient médiocrement puisque les autocraties prolifèrent, les démocraties doutent d’elles-mêmes et la guerre est une constante. La paix n’a jamais régné sur l’ humanité entière. Ici ou là, les hommes se sont toujours battus et exterminés.

    De la pureté initiale aux compromis politiques

    Le destin des hommes relève du tragique par leur incapacité à atteindre collectivement la sagesse.

    Il existe des sages dans l’humanité mais l’humanité elle-même n’est pas sage. Il lui faut des défis et des performances, des conflits et des victoires. Après une première phase d’aspiration à la pureté, les religions dérivent vers la complaisance envers le pouvoir. Le christianisme en est un exemple. La figure de Jésus-Christ parcourant la Judée avec ses apôtres, demandant la justice et cherchant à faire le bien, est celle d’un sage charismatique qui dérange le pouvoir romain. « Un anarchiste qui a réussi » disait de lui André Malraux.

    Malheureusement, cette réussite conduit à l’institutionnalisation d’une religion et à des compromis parfois inavouables avec le pouvoir politique. L’unité n’est même pas possible au sein d’une religion. Catholiques et protestants, chiites et sunnites en sont souvent arrivés à se haïr et à s’entretuer.

    Dominer par la violence

    Quant au pouvoir lui-même, il n’est qu’une aspiration à la domination toujours plus complète sur autrui.

    Pouvoir politique obtenu par la violence, la ruse ou l’élection, pouvoir économique obtenu par l’accumulation de capitaux, pouvoir des hommes sur les femmes obtenu par la tradition ancestrale du patriarcat, pouvoir des humains sur les animaux, qu’ils assimilent juridiquement à des choses alors qu’il suffit de côtoyer quotidiennement un chien ou un chat pour comprendre qu’il est pétri d’émotions semblables à celles que nous ressentons nous-mêmes.

    La croissance du pouvoir détermine la croissance des violences. La Shoah, le Goulag, l’Holodomor sont les exterminations les plus féroces de notre histoire car le pouvoir politique a accumulé au XX e siècle une puissance jamais atteinte auparavant. Les guerres anciennes s’accompagnaient de pillages, de viols, de tortures et de massacres mais les moyens disponibles ne permettaient pas d’exterminer en peu de temps des millions d’êtres humains. Notre technologie est aujourd’hui capable de déclencher l’apocalypse nucléaire et d’altérer peu à peu le milieu naturel terrestre en le rendant impropre à notre survie. La violence à l’égard de notre environnement est la plus sournoise car elle est justifiée par l’amélioration de nos conditions de vie. Nous avons volontairement oublié que la Terre est notre royaume et notre prison. Nous ne pouvons atteindre aucun autre lieu nous permettant de vivre dans l’univers.

    Dominer par le contrôle généralisé

    La croissance du pouvoir est concomitante du développement scientifique et technologique.

    La technologie nous offre une vie plus confortable et plus longue, l’espérance de vie à la naissance ne cessant d’augmenter. Mais elle est aussi au service du pouvoir et lui permet de disposer de bases de données gigantesques et donc d’une capacité de contrôle jamais atteinte auparavant. Les individus eux-mêmes collaborent désormais activement à la surveillance des tous leurs faits et gestes. L’exemple le plus saisissant est fourni par la fiscalité. Les professionnels doivent saisir eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’un expert-comptable toutes les données concernant leur activité afin de permettre les contrôles administratifs. Cette évolution est aussi largement amorcée pour les particuliers qui sont désormais nombreux à établir leur déclaration de revenus sur le site internet du gouvernement.

    Il n’est pas anodin que l’on soit parvenu à faire admettre que le chemin de la démocratie véritable passe par la route de la servitude. Les recettes fiscales et sociales sont nécessaires au fonctionnement de l’État-providence et par conséquent des contrôles efficaces doivent exister. Moins arbitraire par la mise en œuvre du principe de la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judicaire), l’État devient omniscient par les informations dont il dispose et donc presque omnipotent face à un individu isolé ne maîtrisant pas une telle complexité. L’État a renforcé son pouvoir à un degré inédit et accru la dépendance de la personne humaine à son égard. Big Brother est en construction.

    Défiance envers le pouvoir, confiance en l’Homme

    La passion du pouvoir et son incessante croissance pourraient nous faire désespérer des Hommes.

    Il ne le faut pas. Il suffit d’observer leur histoire à grandes enjambées pour s’en convaincre. En partant de leurs grottes paléolithiques, les Hommes ont conquis la Terre entière, construit des royaumes et des empires, créé des modèles dits scientifiques pour tenter de comprendre leur univers et s’analyser eux-mêmes. Ils ont utilisé leur savoir pour améliorer leur condition. Ils sont capables d’idéaliser pour espérer et ils ont inventé le bonheur et l’amour qui n’existent que dans leur esprit et leur cœur, mais qui existent.

    Leur violence est le stigmate de leur faiblesse. S’ils ne peuvent se départir de la tentation du mal, ils aspirent à se diriger vers le bien. L’art et la spiritualité, qui n’est pas nécessairement associée à une religion instituée, permettent de s’en convaincre. N’oubliez jamais les Vierges sublimes de Raphaël, les paysages idylliques de Claude Lorrain, n’oubliez ni la flèche des églises qui pointe vers le ciel ni la sérénité parfaite des monastères. N’oubliez pas de retrouver parfois votre regard d’enfant : « Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point » (Évangile selon Marc 10:15,29)