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      Après 7 vagues de Covid, y a-t-il des gens qui ne l'auront jamais?

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 5 July, 2022 - 14:41 · 8 minutes

    Y a-t-il des gens qui échapperont éternellement au Covid? La question se pose alors que la septième vague continue à gagner en ampleur en France (photo d'illustration prise en Espagne). Y a-t-il des gens qui échapperont éternellement au Covid? La question se pose alors que la septième vague continue à gagner en ampleur en France (photo d'illustration prise en Espagne).

    CORONAVIRUS - “Deux ans que ça dure, et je n’ai toujours pas eu le Covid.” Pendant que la septième vague de coronavirus continue à prendre de l’ampleur, portée par les variants BA.4 et BA.5 , sur les réseaux sociaux certains se réjouissent: ils auraient échappé à la pandémie depuis 2020. Mais alors que 200.000 cas positifs ont été détectés ces dernières 24 heures (chiffres au 5 juillet) selon le ministre de la Santé François Braun , y’a-t-il vraiment des gens qui n’attraperont jamais le virus?

    “Est-ce qu’il y a des gens qui n’ont jamais développé de symptômes depuis le début de la pandémie? Oui. Est-ce qu’à terme, il y a des gens qui n’auront jamais le Covid? Non.” Sur ce sujet, voilà ce que répondait au HuffPost , au printemps dernier, le virologue et membre du Conseil scientifique Bruno Lina . Et catégorique, il l’est toujours trois mois plus tard: “Je vous dirai la même chose: je ne pense pas que ce soit possible d’échapper au virus.”

    Pour autant, détaille le médecin, plusieurs facteurs expliquent ce ressenti d’une partie de la population, persuadée de n’avoir jamais été infectée. Des gens qui font sûrement fausse route s’ils se croient définitivement immunisés.

    Pour commencer, Bruno Lina évoque ainsi la proportion de Français qui ont été contaminés par le Covid-19 sans développer de symptômes. Parce qu’ils ont été infectés avant la généralisation des tests et qu’ils n’ont donc pas été comptabilisés parmi les plus de 30 millions de Français déclarés positifs depuis le début de la pandémie, ou simplement parce qu’ils ne se sont pas fait tester quand ils étaient porteurs du virus. “Il va forcément y avoir des gens qui vont demeurer asymptomatiques, et qui auront le sentiment qu’ils n’ont jamais été infectés”, précise ainsi le scientifique.

    À terme, impossible d’échapper à la contamination

    Son deuxième argument est de dire que le virus est extrêmement transmissible, et qu’il devient par conséquent de plus en plus délicat d’y échapper vague après vague. C’est notamment cette capacité de transmission très élevée qui cause, à chaque relâchement collectif des mesures barrières, de nouveaux pics de contamination. “Avec des virus qui circulent autant dans la population, on voit bien qu’ils finissent par toucher tout le monde.” Tant et si bien que pour Bruno Lina, ”à terme, pour ne pas l’attraper, il faudrait être isolé, ne rencontrer personne.” Et le virologue de conclure: “Il y a peut-être des endroits sur la planète où le virus mettra plus de temps à arriver, mais il y arrivera.” Surtout si l’on prend en compte la baisse de l’immunité liée à des injections de vaccin et des infections passées qui protègent de moins en moins avec le temps.

    Au passage, Bruno Lina démonte une idée qui revient régulièrement, à savoir qu’il serait une “bonne chose” de contracter le virus maintenant de manière à être protégé pour la suite de l’été et ainsi ne pas gâcher ses vacances. “Chaque fois que l’on peut éviter une infection, même si elle est bénigne, c’est mieux”, insiste-t-il. “Il n’y a jamais d’avantage sur le court terme à être infecté par un pathogène.” Ce qu’il résume avec simplicité: “L’avantage d’être infecté, c’est que l’on est protégé contre ce pathogène. Mais si l’on n’est pas infecté, on est protégé aussi.”

    La seule nuance qu’apporte le membre du Conseil scientifique est de dire qu’il est en effet moins risqué “d’être infecté par un pathogène dont on sait qu’il est moins dangereux que les autres”. À l’image du variant BA.2 , qui provoquait au printemps beaucoup moins de formes graves que ses prédécesseurs du début de l’épidémie. Et il en va de même avec les formes du virus qui circulent actuellement, qui envoient certes à l’hôpital des personnes âgées ou souffrant de comorbidités, comme le notait l’infectiologue Karine Lacombe sur France Inter , mais qui ne provoquent aucunement la même mortalité que les virus de 2020 et 2021. Et cela aussi grâce à l’immunité développée en 30 mois.

    Des atouts génétiques?

    Voilà pour les considérations générales sur une pandémie qui a, depuis deux ans et demi, aisément prouvé sa capacité à gagner du terrain. Mais d’autres éléments méritent d’être versés au dossier car au niveau individuel, certains organismes pourraient aussi être mieux dotés pour faire face au Sars-CoV-2. “Des cas tout à fait exceptionnels”, insiste d’emblée Bruno Lina, évoquant “des individus avec de meilleures défenses, à la marge”, mais aucunement des vastes groupes de population qui serait totalement immunisé.

    Pour illustrer cette idée, le médecin rappelle que certains rotavirus (responsables de la gastro-entérite) ne parviennent par exemple pas à infecter des groupes sanguins bien particuliers. “Mais pour l’heure, que ce soit sur le génome, le système HLA ou le groupe sanguin, on n’a pas trouvé de preuve de cela en ce qui concerne le covid-19”, assure-t-il, alors que cette piste avait été envisagée dès les premières heures de la pandémie, en 2020 .

    Vient dès lors une autre série d’hypothèses, évoquées en avril dernier pour Le HuffPost par Cecil Czerkinsky , immunologiste et directeur de recherche émérite à l’Inserm. Lui imaginait toute une série de cas devant encore être prouvés et dans lesquels des mutations génétiques ou une réponse immunitaire spécifique rendraient certains individus plus prompts à éliminer le Covid. Ce qui ne veut pas dire qu’ils seraient immunisés, mais qui pourrait expliquer qu’ils ne développent jamais de symptômes voire qu’ils ne soient pas testés positifs.

    Lymphocytes T, protéine Spike... Des individus peut-être inégaux face au virus

    Ce sont ces pistes que développait récemment Zania Stamataki , une chercheuse spécialiste du Covid qui n’a jamais été testée positive en dépit d’un environnement où le virus a beaucoup circulé. Dans une tribune publiée par The Guardian , cette immunologue balaie rapidement la possibilité de n’avoir jamais été en contact avec le virus, ce qui l’amène à se pencher sur l’idée d’une réponse plus efficace de certains organismes.

    Elle évoque ici une première théorie, celle de lymphocytes T qui auraient déjà développé une forme d’immunité en combattant par le passé d’autres coronavirus que le Sars-CoV-2. Cette mémoire se révélerait ensuite efficace contre le Covid. Zania Stamataki rappelle que c’est ainsi que le corps apprend à lutter contre le rhume, qui devient une infection banale d’infections en infections. En l’espèce, ces défenses préexistantes, renforcées par une première victoire de l’organisme sur le Covid, puis les différentes doses de vaccin, pourraient lui avoir fourni tout un “arsenal” la protégeant contre le Covid, avance-t-elle.

    L’autre piste qu’évoquent conjointement Cecil Czerkinsky et Zania Stamataki suit, elle, un autre raisonnement et s’intéresse aux protéines Spike sur lesquelles le Sars-CoV-2 se fixe. Certains organismes en auraient moins à la surface de leurs cellules, ce qui diminuerait le nombre d’attaches potentielles du virus. Cela rendrait les individus moins vulnérables à une infection. Pour appuyer sa réflexion, la chercheuse cite le fait que les enfants, qui possèdent moins de ces protéines, aient moins développé de formes graves que les adultes.

    Les réponses scientifiques sont toujours attendues

    Et Zania Stamataki va même plus loin, en avançant une hypothèse subsidiaire: et si certains organismes -dont le sien- avaient des protéines sur lesquelles le virus ne peut même pas se fixer? Ce serait le fait d’un polymorphisme, soit l’expression différente de certaines protéines chez des individus. Une piste creusée dans un article de la revue Nature , avec des éléments probants malgré l’échantillon restreint d’individus testés. Il convient d’ailleurs de rappeler que c’est du fait d’un polymorphisme rare sur la protéine CCR5 que certaines personnes sont immunisées au virus du Sida.

    Des cas particuliers donc, qui doivent encore être étayés par la science, mais qui ne permettent aucunement une généralisation. “Il n’y a pas de groupe génétique identifié de personnes dont on ne sait pas si elles seront jamais infectées, résume Bruno Lina. Et puisque l’on n’est pas capables d’identifier un marqueur qui immunise, cela signifie que tout le monde peut-être infecté.”

    Il n’en reste pas moins que des chercheurs internationaux sont toujours à la recherche d’individus ayant échappé au virus pour tenter de comprendre dans le détail leur résistance, si tant est qu’elle soit prouvée. En attendant, en l’absence de données robustes, Bruno Lina note lui que l’on ne se base pour l’heure que sur des ressentis et des intuitions pour expliquer le fait de n’avoir jamais contracté le virus.

    Et le membre du conseil scientifique d’ajouter que depuis le début de l’année 2022, “beaucoup d’individus qui avaient échappé au virus jusqu’alors n’y échappent plus”, le fait selon lui d’un relâchement certain des mesures sanitaires lié notamment à une “lassitude” généralisée vis-à-vis des gestes de protection. “Or la protection collective est la somme de protections individuelles. Donc si le contexte général est au relâchement, certaines personnes peuvent se faire rattraper...”

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