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      Une pénurie de lait infantile comme aux États-Unis est-elle possible en France?

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 13 May, 2022 - 15:46 · 4 minutes

    Father feeds baby milk from bottle Father feeds baby milk from bottle

    LAIT - Des rayons vides, des parents angoissés: la Maison Blanche a assuré ce vendredi 13 mai prendre très au sérieux la pénurie de lait pour bébé que connaissent les États-Unis et qui tourne à la crise politique pour le président Joe Biden.

    Avec 43% du lait infantile en rupture de stock en fin de semaine dernière -selon le fournisseur de données Assembly- la situation est critique. Une crise similaire est-elle possible en France, alors que l’on manque déjà d’huile de tournesol ou de moutarde ?

    A priori, non. Car la pénurie de lait infantile américaine semble bien circonstanciée et liée à “l’inflation, les pénuries de la chaîne d’approvisionnement et les rappels de produits”, comme l’explique Ben Reich, fondateur et PDG de Datasembly, un fournisseur de données américain.

    Des problèmes propres aux États-Unis, mais...

    Aux États-Unis, cette pénurie est principalement provoquée par des problèmes de chaîne d’approvisionnement et de manque de main-d’œuvre. “La crise américaine est liée essentiellement à une usine qui a des problèmes techniques”, explique au HuffPost Ghislain de Viron, éleveur laitier et vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).

    Des problèmes logistiques auxquels s’est ajouté un scandale sanitaire: le 17 février, après le décès de deux bébés, le fabricant Abbott a annoncé le “rappel volontaire” dans son usine du Michigan de laits en poudre. Ce qui a privé des millions de famille qui utilisaient la marque “Similac”. La pénurie américaine ne risque donc pas d’être importée en France, où le lait consommé est produit pratiquement à 100 % sur le territoire national.

    Un risque de hausse du prix en France

    En revanche, la crise du lait qui a lieu depuis des années, accentuée par la guerre en Ukraine, pourrait avoir des conséquences; pas forcément sur les stocks de lait infantile, mais sur son prix. Car le lait maternisé est principalement composé de protéines de lait.

    En cause tout d’abord, la démotivation des producteurs de lait. “Ils constatent une inadéquation entre leur temps de travail et leurs revenus. Les éleveurs ont besoin d’un signal fort et que leur métier soit revalorisé”, souligne Ghislain de Viron, qui rappelle que la production de lait en France a baissé de 1,5% en 2021.

    “De nombreux éleveurs passent à la culture de céréales, car c’est plus rentable, ajoute-t-il. Malgré les lois Egalim 1 et 2, on n’arrive pas à faire remonter suffisamment ou suffisamment vite le prix du lait.” Selon lui, 2 à 3% des éleveurs laitiers arrêtent leur activité chaque année.

    “Le prix du lait a augmenté de 1,5 % quand il faudrait une hausse de 20 % pour effacer l’inflation de l’électricité, du carton, du plastique, du transport”, a déploré auprès des Echos Emmanuel Vasseneix, vice-président de Syndilait et patron de LSDH (Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel).

    Le problème a commencé avant la guerre en Ukraine

    Depuis la guerre en Ukraine, tout est plus cher: l’énergie, le carburant, les matières premières agricoles, notamment les céréales, le soja qui nourrit certains animaux, le blé dur qui compose les pâtes, le maïs...

    “La hausse des charges, on l’avait déjà avant la guerre, insiste Ghislain de Viron. Le prix de l’engrais ou de la solution azotée par exemple, était autour de 200€ par tonne il y a un an. C’était monté autour de 400-500. Et depuis la guerre, on est à 800€ la tonne.”

    D’autres postes de dépense ont augmenté: le grand import, avec le prix des containers; mais encore les emballages, carton, aluminium, verre... Il faut parfois changer de fournisseurs d’une semaine sur l’autre, et pas toujours aux mêmes conditions contractuelles.

    Le patron du géant du lait Lactalis, Emmanuel Besnier, a évoqué auprès de l’AFP “une crise sur tous les coûts de production”, attendus en hausse de 15% sur 2022.

    La sécheresse n’arrange rien

    Pour revenir au lait infantile, le coût de séchage du lait a également augmenté. Et certains composants sont en pénurie, comme l’huile de tournesol, utilisée dans certains laits maternisés. “C’est déjà le cas de la coopérative d’Isigny Sainte-Mère (Manche), qui fabrique beaucoup de poudre de lait et qui a des problèmes d’approvisionnement”, témoigne l’éleveur laitier.

    La situation pourrait être aggravée par la sécheresse attendue pour 2022. Ce que confirme, le vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). “Pour faire du lait, il faut du fourrage. Pour avoir du fourrage, il faut de l’eau, démontre-t-il. En général, au printemps, la production augmente. Mais avec le temps sec que l’on a cette année, ce n’est pas le cas. On est inquiets pour l’avenir.”

    À voir également sur Le HuffPost : Au Salon de l’agriculture, on redoute déjà les effets de la guerre en Ukraine