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      Pourquoi la finale de la Ligue des Champions a tourné à la grosse pagaille

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 29 May, 2022 - 15:49 · 10 minutes

    LIGUE DES CHAMPIONS - Ils étaient venus pour partager leur passion commune pour le football et soutenir leur équipe favorite, malheureusement la finale de la Ligue des Champions n’aura été que chaos et désagréments . Alors que le Stade de France Saint-Denis accueillait, ce samedi 28 mai le match Liverpool-Real Madrid, des milliers de personnes se sont retrouvées bloquées et les choses ne se sont pas passées comme prévu.

    Supporters massés devant les grilles, resquilleurs en pagaille et interventions musclées de la police... Aux abords du Stade de France, l’événement a généré des scènes de chaos, suggérant des dysfonctionnements dans l’organisation. Au lendemain du match, les questions abondent: que s’est-il passé? Comment est né un tel chaos? Qui est responsable? On fait ici le point.

    Quand les ennuis ont-ils commencé?

    Alors que l’avant-match avait été bon enfant, la tension est montée à l’approche de la rencontre, dont le coup d’envoi était initialement prévu à 21h: d’immenses files d’attente se sont formées aux abords du Stade de France, où le filtrage des supporters se faisait au compte-goutte, au point que l’UEFA a repoussé le coup d’envoi de 36 minutes, fait inédit dans l’histoire récente de l’épreuve.

    Au moins un millier de supporters se sont retrouvés bloqués, criant “open the gate” (“ouvrez le portail”). Puis des tentatives d’intrusion de la part de personnes sans billet ont mis à mal le dispositif. Des gaz lacrymogènes ont été lancés pour empêcher quelques dizaines d’individus, dont certains ne portaient les couleurs d’aucun des deux clubs, d’escalader les barrières. Les files d’attente n’ont été résorbées qu’à la mi-temps.

    Pourquoi ces engorgements?

    Près de 7000 policiers, gendarmes et pompiers étaient mobilisés samedi. Deux périmètres de sécurité étaient déployés: un préfiltrage à environ 200 mètres de l’enceinte, puis un deuxième sur le parvis du stade, avec tourniquets.

    (Photo de supporters de Liverpool gazés devant le Stade de France par les forces de l'ordre le 28 mai 2022 par REUTERS/Fernando Kallas) (Photo de supporters de Liverpool gazés devant le Stade de France par les forces de l'ordre le 28 mai 2022 par REUTERS/Fernando Kallas)

    Selon deux représentants de supporters présents au Stade de France, un problème d’aiguillage de la foule a accentué les engorgements.

    Venus de préférence par le RER D en raison de la grève affectant le RER B, les supporters de Liverpool se sont retrouvés face à seulement quatre accès de préfiltrage, alors qu’il y avait 13 accès à la sortie du RER B, rapporte l’une de ces sources. “Cela a créé un phénomène d’étouffement et d’écrasement du côté du RER D”, pointe-t-elle, déplorant un manque de stadiers pour orienter les flux.

    Les “faux billets” seulement en cause?

    Du côté des organisateurs pourtant, les effectifs étaient jugés suffisants. Selon une source ayant participé à l’organisation, “le pré-filtrage a cédé, (les supporters) sont arrivés aux portes et toute la difficulté à été de les contenir”. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a d’abord reporté la faute aux “milliers de ‘supporters’ britanniques , sans billet ou avec des faux billets” qui “ont forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers”.

    Une version des faits bien vite remise en cause par de nombreux témoins présents dans la cohue. Comme le souligne le journaliste sportif britannique Rob Draper, si Gérald Darmanin avait été sur place, et non “en sécurité” depuis une tribune d’observation, il aurait pu “constater l’ineptie de l’opération”. Dans un long thread sur Twitter, il explique dans la chronologie comment la situation a dérapé à cause de la mauvaise gestion du flux par les policiers qui ont créé un goulet d’étranglement pour filtrer les supporters alors que des dizaines de milliers de personnes arrivaient.

    “Et voici la preuve cruciale, le point de pression qui a causé la majorité des problèmes. La police avait, pour certaines raisons, garé des camionnettes au 3/4 en travers des sentiers, rendant une large allée soudainement étroite provoquant un goulot d’étranglement. J’ai tourné ça à 19h22 après environ 10 minutes d’attente”, écrit Rob Draper.

    Quant aux “supporters” qui auraient agressé des stadiers et participé à des échauffourées, Julien Nény, journaliste pour Francetélé, cite des Britanniques présents sur place: “C’était des jeunes du coin, pas des fans de Liverpool. Ils parlaient français. Aucun doute là-dessus.” “L’un d’eux affirme même avoir été frappé par des ‘locaux’. 53 ans, nez cassé et bras dans le plâtre. Très en colère”, tweete-t-il.

    Après leur avoir reproché d’avoir été en retard, puis indisciplinés, L’UEFA a accusé les supporters d’avoir utilisé de faux billets pour rentrer au Stade de France. Elle a dénoncé l’afflux de milliers de spectateurs munis de tickets contrefaits, qui ont encombré les tourniquets et ralenti l’accès. Une source proche du gouvernement a fait valoir dimanche qu’il s’agissait d’“un problème sportif plus que sécuritaire”, provoqué par ces “milliers de faux billets”.

    “Il y a eu énormément de faux billets”, admet une source proche de l’organisation. Il y avait des billets “blockchain” (authentifiables numériquement, NDLR) mais l’UEFA a cédé à la demande de Liverpool “qui a demandé à avoir 20.000 billets papier”, et il y a eu “des photocopies, des imitations grossières, d’autres très bien faites”. “Il y a eu des bousculades, des mouvements de foule, nous avons apporté des réponses”, a expliqué une source policière, alors que 105 personnes ont été interpellées.

    Pour Pierre Barthélemy, avocat de plusieurs groupes de supporters français, présent aux abords du stade en tant qu’observateur de l’association Football Supporters Europe (FSE), dont il est membre du conseil d’administration, l ’argument des “faux billets” n’est qu’une excuse pour masquer la mauvaise gestion du flux de supporters.

    “Le premier prétexte était celui d’une prétendue arrivée tardive des supporters de Liverpool. Mais il suffisait de regarder les réseaux sociaux pour voir qu’ils étaient déjà bloqués au pré-filtrage plusieurs heures avant le coup d’envoi. Le prétexte des faux billets semble donc un argument opportuniste”, a-t-il déclaré au Parisien .

    “Il y avait des faux billets et des fausses accréditations, on en a vus, mais de manière très marginale. En une heure, à la porte Y, on a vu une dizaine de supporters dans ce cas-là. Ils ont été aussitôt interpellés par les gendarmes. On a aussi vu quelques ‘VIP’ tenter de passer avec des fausses accréditations, mais ils ont été très vite refoulés”.

    Le défenseur de Liverpool, Andy Robertson, a par exemple rapporté après la rencontre qu’un de ses proches, à qui il avait offert un vrai billet, s’était vu répondre que son ticket était faux. “C’était très mal organisé”, a fustigé l’Écossais. Des supporters ont également fait état de vols de billet.

    Une grande réunion prévue au ministère des Sports

    En fin d’après-midi, le ministre des Sports a fini par annoncer qu’une réunion avec tous les acteurs de l’organisation sera organisée ce lundi 30 mai à 11h au ministère des Sports. “Avec le ministre de l’Intérieur, nous déplorons les incidents qui ont émaillé la soirée de la Ligue des Champions samedi soir (28 mai 2022) au Stade de France et regrettons que certains supporters munis de billets n’aient pu assister au match”, explique le communiqué.

    “La priorité est désormais de cerner très précisément les dysfonctionnements avec l’UEFA, la Fédération française de football, le Stade de France, la Préfecture de police de Paris, la Préfecture de Seine-Saint-Denis et la mairie de Saint-Denis”. Le ministère indique également vouloir “tirer toutes les leçons pour éviter que de tels incidents se reproduisent pour nos futurs grands événements sportifs internationaux”.

    Il faut habituellement plus d’un an pour préparer un tel événement planétaire. Mais après l’invasion russe de l’Ukraine, la Fédération française de football (FFF) a récupéré fin février l’organisation initialement confiée à Saint-Pétersbourg.

    Et ce temps réduit a pu peser, comme l’avait laissé entendre vendredi le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, dans un entretien à l’AFP: “J’ai dit à mes équipes: ‘Ne me dites pas que vous avez besoin d’un an ou deux, parce qu’on n’a que trois semaines’. Ce n’est pas facile”, avait-il souligné.

    Une source proche de l’exécutif a admis une insuffisante mobilité des forces de l’ordre, qui ont “surréagi” face aux événements festifs, sur fond d’“insuffisante préparation”, et de “sous-évaluation du nombre de supporters”.

    Certains fans anglais, venus en famille, se sont plaints d’avoir été pris pour cible. “Je suis enseignant, je n’ai jamais été aspergé de gaz lacrymogène avant. (...) La police m’a poussé contre la porte, ce n’était pas nécessaire. Ils se comportaient comme s’ils avaient une armée en face d’eux”, s’est plaint, en larmes, Pete Blades, professeur de français à Liverpool de 57 ans.

    Sur Twitter, le journaliste de 20 Minutes Thibaut Chevillard cite un policier présent au Stade de France: “C’est la honte un petit peu pour la France parce que ça a mal été géré. Ils nous ont mis en statique dans des endroits où ça ne bougeait pas. Et ils ont mis un temps fou à nous bouger alors qu’il y avait besoin de monde ailleurs”. “ Toujours selon ce policier, la communication entre les différentes unités sur place était “un peu compliquée”.

    ″Ça pose la question de la capacité de la France à organiser des événements de cette taille-là”, pointe de son côté Ronan Evain, directeur exécutif du réseau Football Supporters Europe (FSE), alors que le Mondial-2023 de rugby et les JO-2024 vont avoir lieu en France. “On continue de reproduire les mêmes schémas d’organisation qui ont déjà échoué dans le passé”, ajoute-t-il.

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