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      Entre Elisabeth Borne et Boris Johnson, on a joué au 5 différences

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 6 July, 2022 - 15:56 · 7 minutes

    Elisabeth Borne, et Boris Johnson Elisabeth Borne, et Boris Johnson

    ROYAUME-UNI - Il est jugé comme “peu digne de confiance”, elle est critiquée pour être “trop techno”. Il est accusé d’avoir outrepassé les règles du confinement pour organiser des fêtes à Downing Street, elle est jugée “peu chaleureuse”. À priori, ou tout du moins, sur le papier, Boris Johnson et Élisabeth Borne n’ont absolument rien à voir l’un avec l’autre, à l’exception de leur titre de Premier et Première ministre.

    À première vue seulement, car les deux chefs de gouvernement font face à une crise sans précédent qui les expose directement. Boris Johnson dont des ministres clefs démissionnent les uns à la suite des autres depuis ce mardi 5 juillet, Élisabeth Borne pour avoir la lourde tâche de mener l’action de l’exécutif sans majorité absolue, une première depuis 1988.

    Fragilisés , parfois honnis, disposant d’une légitimité vacillante... On a joué au jeu des cinq différences entre Boris Johnson et Élisabeth Borne, et le résultat n’est pas forcément celui que vous croyez.

    • Des accusations d’agressions sexuelles

    Sitôt formé, le premier gouvernement d’Élisabeth Borne en mai dernier a été confronté à un scandale d’ampleur: des accusations d’agressions sexuelles visant Damien Abad fraîchement nommé ministre des Solidarités, dont une a débouché sur une plainte. Pendant des semaines, l’exécutif a fait front invoquant la présomption d’innocence.

    Mais l’opposition s’engouffre et accuse le gouvernement d’avoir eu connaissance de ces accusations avant de nommer Damien Abad. Élisabeth Borne assure que non.

    C’est précisément l’inverse qu’a reconnu Boris Johnson dans l’affaire Chris Pincher qui surgit ces jours-ci. Ce dernier nommé “whip” en chef adjoint chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs par le Premier ministre, a démissionné la semaine dernière après avoir été accusé d’attouchements sur deux hommes.

    Après avoir affirmé l’inverse, Downing Street a reconnu mardi que le Premier ministre avait été informé dès 2019 d’anciennes accusations à l’encontre de Chris Pincher mais qu’il les avait “oubliées” en le nommant. Un mea culpa qui s’est suivi de la démission de nombreux poids lourds du gouvernement. Dans le cas français, Damien Abad n’a pas été reconduit à ses fonctions lors du remaniement, mais la polémique, elle, a durement entaché la prise de fonction d’Élisabeth Borne.

    • Les urnes murmurent à l’oreille de l’opposition (qui s’en donne à cœur joie)

    Boris Johnson a beau avoir obtenu la plus grosse majorité à la Chambre depuis des décennies en succédant à Theresa May, il essuie depuis les plâtres à la pelle dans les élections partielles. Le 5 mai dernier l’opposition travailliste a remporté à Londres les conseils locaux de Westminster, pourtant dans les mains des Tories depuis sa création en 1964. Une vraie douche froide.

    De son côté le parti d’Emmanuel Macron a pris une claque lors des dernières législatives, échouant à obtenir la majorité absolue. Élisabeth Borne a été maintenue en place, mais charge à elle d’assumer le bilan d’une campagne électorale qu’elle n’avait pourtant pas vraiment menée et de trouver des alliances au cas par cas.

    De quoi faire le bonheur des oppositions, aussi bien à Paris qu’à Londres. Ce mercredi, les travaillistes de Keir Starmer ont hué copieusement BoJo lors de son arrivée aux Communes, quand les députés Insoumis ont mis en scène, toujours ce mercredi, “l’enterrement du front républicain”. Deux salles mais pas deux ambiances.

    • Deux cibles forcées de jouer en défense

    Pour beaucoup, ces défections dans le camp Boris Johnson, qui s’ajoutent à une pléthore de polémiques (Pincher, Partygate...) , sont le clou du cercueil du locataire du 10 Downing Street. Il n’empêche que le Premier ministre est aussi surnommé “le phénix”. Certes de peu, il a tout de même échappé à une trentaine de voix le mois dernier à une motion de défiance des députés conservateurs. Gage que même en défense, contre son propre camp, Johnson a de la ressource et des soutiens.

    De son côté, pour le moment c’est plutôt les coups de l’opposition qu’Élisabeth Borne doit éviter. La Première ministre a limité d’avance les contusions en décidant finalement de ne pas se soumettre à un vote de confiance ce mercredi lors de son discours de politique générale. Un usage et non une obligation constitutionnelle dont il est fort peu probable que l’issue eût été positive. En revanche, la Première ministre n’échappe pas à une motion de censure émanant des alliés de la NUPES . Mais comme BoJo il y a quelques semaines, elle semble en mesure de passer entre les gouttes.

    • Tout le monde veut prendre sa place

    Dans les temps de tempête mieux vaut prendre ses distances avec l’œil du cyclone. À Downing Street, les ministres ont démissionné en publiant sur Twitter des lettres au vitriol, refusant d’accepter de serrer les dents face à un nouveau scandale. Une façon aussi pour ceux qui voudraient devenir chef à la place du chef de se positionner. C’est par exemple le cas de Rishi Sunak et Sajid Javis, ex-ministres des Finances et de la Santé.

    Boris Johnson qui avait élu notamment sur le gage de réunir tous les courants du parti conservateur est en train de faire voler en éclat cette union de façade. Après près de trois années cahotantes, marquées par des frasques johnsoniennes tous les couteaux dans le dos sont permis.

    Autre style à Paris, où le jeu de poker-menteur est moins ouvert mais pas moins assassin. Dans Le Parisien comme dans Le Figaro , deux articles font état d’une Première ministre à la légitimité et à l’autorité limitée, devant compter par exemple sur le poids fort d’un Gérald Darmanin. Le locataire de Beauvau a hérité, après le remaniement, d’un ministère très élargi.

    • Chaque jour, un destin (qui ne dépend plus d’eux)

    Tous deux empêtrés dans des crises sans précédents, Boris Johnson et Élisabeth Borne risquent in fine de perdre leur poste, mais pas de la même façon. Dans le cas de la Première ministre française, son sort reste lié à la décision d’Emmanuel Macron , dont elle assure la première ligne. Dans le cas d’un blocage total de l’Assemblée où la dissolution apparaîtrait comme seule solution, ou d’un échec sur un texte décisif, la Première ministre pourrait se retrouver en ballottage défavorable.

    “Borne, c’est au contraire le casting rêvé pour lui: une femme de gauche, techno, qui va gérer toutes les crises et faire le sale boulot jusqu’à la mi-mandat avant d’être remerciée. Derrière, Macron devra choisir l’anti-Borne et Gérald aura une sérieuse carte à jouer”, confie un pilier de la majorité dans Le Parisien .

    Boris Johnson, qui exclut pour le moment de nouvelles élections générales anticipées, subi, lui, en ce moment la récolte des graines qu’il a lui-même semée. Selon les règles, un nouveau vote de défiance ne pourrait pas être organisé avant un an. Sauf que selon la presse britannique de nombreux conservateurs s’activent pour investir le comité 1922, chargé de l’organisation interne du parti, pour modifier le règlement afin de pouvoir organiser un nouveau vote.

    À voir également sur Le HuffPost: Pourquoi le gouvernement ferme la porte à un vote de confiance