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      Inciser la langue d'un bébé, un acte en augmentation et dans le viseur de l'Académie de médecine

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 5 May, 2022 - 14:30 · 4 minutes

    Selon l’Académie de médecine, cet acte connaît une “augmentation spectaculaire”: plus de 420% en une dizaine d’années en Australie par exemple, sans pour autant donner de chiffres sur la pratique en France. Selon l’Académie de médecine, cet acte connaît une “augmentation spectaculaire”: plus de 420% en une dizaine d’années en Australie par exemple, sans pour autant donner de chiffres sur la pratique en France.

    SANTÉ - Si vous êtes un jeune parent, vous avez certainement entendu parler, d’une manière ou d’une autre, de la frénotomie. Cet acte chirurgical, qui consiste à couper un frein de langue du nourrisson lorsque celui-ci est considéré comme trop court, semble gagner en popularité en France et dans le monde. Il est désormais dans le viseur de l’ Académie de médecine , qui alertait mardi 26 avril sur un geste “potentiellement dangereux pour les nouveau-nés”.

    Selon l’Académie de médecine, cet acte connaît une “augmentation spectaculaire”: plus de 420% en une dizaine d’années en Australie par exemple, sans pour autant donner de chiffres sur la pratique en France.

    La raison principale pour laquelle cette opération est réalisée est qu’elle permettrait un “ allaitement à la fois efficace pour le nouveau-né et le nourrisson, et indolore pour la mère”, souligne l’Académie.

    “Impression que c’était un acte courant”

    C’est parce qu’elle vivait des allaitements difficiles que Sandra, mère de deux garçons, a d’ailleurs hésité à faire une frénotomie, dont elle a appris l’existence sur les réseaux sociaux. ”Ça avait l’air de faire partie des basiques de la parentalité bienveillante. Sur les réseaux sociaux, je lisais beaucoup de mamans qui racontaient avoir dû faire une ténotomie à leurs enfants. Cela m’a donné l’impression que c’était un acte courant”, explique cette journaliste habitant dans le sud de la France. “Mon premier garçon avait vraiment du mal à téter, j’étais donc persuadée qu’il avait un ou plusieurs freins qui lui posaient problème”, poursuit-elle.

    Coline, architecte de 35 ans vivant à Paris, a, elle, franchi le cap... Mais sans avoir trop son mot à dire. “Le pédiatre l’a fait à Loa au deuxième ou troisième jour, en nous demandant à peine notre avis. Pour lui, ça avait l’air de ne pas être grand-chose, et l’allaitement marchait bien”, souligne-t-elle. “J’ai l’impression qu’en 2016, ça faisait partie de la base des examens et soins des nouveau-nés: on regardait la bouche des nourrissons et on coupait si on avait l’impression qu’il le fallait en disant que ça faciliterait l’allaitement, sans trop demander l’avis aux parents”, se souvient-elle.

    “C’est moi qui demandais”

    Contrairement à elle, Déborah, qui travaille dans la communication à Paris, a reçu ce conseil de la part d’une conseillère en lactation mais a choisi de ne pas le faire: “je ne voyais pas comment gérer ça et les soins pendant des semaines après mais, surtout, je ne le sentais pas. J’ai entendu dire que dans beaucoup de cas, ça ne changeait rien à l’allaitement. Et quand je vois les nouvelles recommandations, je ne regrette pas, même si j’ai eu un allaitement un peu pourri!”, raconte la mère de 35 ans. Par la suite, aucun pédiatre n’a jugé que son enfant avait un frein de lèvre problématique.

    Au sein du corps médical, personne n’a parlé à Sandra de ce geste chirurgical. C’est elle qui, devant les nombreux témoignages qu’elle pouvait lire, devenait persuadée qu’il fallait consulter des personnels spécialisés sur le sujet. ”À chaque fois, c’est moi qui leur demandais, je n’ai jamais réussi à me sortir de la tête que j’aurais peut-être dû le faire pour allaiter plus longtemps”, ajoute-t-elle.

    “Les familles sont prises dans des réseaux”

    “C’est une remontée de tous nos généralistes, pédiatres et professionnels de santé autour de l’allaitement et de la naissance même si nous n’avons pas de données officielles”, s’inquiète Nathalie Gelbert, pédiatre à Chambéry et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa), contactée par BFMTV . “On voit que les familles sont prises dans des réseaux qui croient identifier leur problème avec un frein de langue trop court.”

    Au-delà du phénomène présent sur les réseaux sociaux et émanant directement de parents, la pédiatre Virginie Rigourd à l’hôpital parisien Necker souligne aussi pour l’AFP que deux types d’acteurs, tous deux extérieurs à la sphère médicale, sont généralement impliqués: des ostéopathes et des conseillers en allaitement.

    Manque de preuves scientifiques

    Comme le rappelle l’Académie de médecine, il existe un manque de preuves scientifiques quant à “l’utilité de sectionner chirurgicalement le frein de langue pour améliorer le transfert de lait et/ou soulager les douleurs mamelonnaires”, mais aussi quant à l’âge idéal pour réaliser ce geste ou encore la “responsabilité de l’ankyloglossie invoquée dans des pathologies comme le reflux gastro-oesophagien, les difficultés de langage, les apnées du sommeil, les coliques, les difficultés orales lors du passage à l’alimentation solide”.

    Par ailleurs, des complications, même si elles restent rares, peuvent survenir. Pour toutes ces raisons, l’Académie de médecine appelle à la vigilance quant à ce qu’on pourrait décrire comme un effet de mode.

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