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      Aux États-Unis, la Cour suprême s'enfonce dans les pas de Trump après un avis sur le climat

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 30 June, 2022 - 16:46 · 7 minutes

    Après sa décision choc sur l'avortement, la Cour suprême a opéré un autre revirement de taille sur la défense du climat et la lutte contre la pollution (photo d'illustration montrant la Cour suprême, à Washington D.C., le 29 juin 2022). Après sa décision choc sur l'avortement, la Cour suprême a opéré un autre revirement de taille sur la défense du climat et la lutte contre la pollution (photo d'illustration montrant la Cour suprême, à Washington D.C., le 29 juin 2022).

    ENVIRONNEMENT - “Une nouvelle décision dévastatrice” qui vise à ramener les États-Unis “en arrière”. Voici comment la Maison Blanche a qualifié la décision prise ce jeudi 30 juin par la Cour suprême américaine de limiter les moyens à disposition du gouvernement pour lutter contre la pollution atmosphérique . Une décision conservatrice de plus de la part de l’instance suprême, signe que l’héritage de Donald Trump se porte comme un charme.

    En effet, après la récente décision concernant l’avortement (que les États peuvent désormais librement interdire), il s’agit d’une preuve de plus du pouvoir donné par l’ancien président à cette institution, au sein de laquelle il a placé plusieurs personnalité extrêmement conservatrices . En majorité à six juges contre trois progressistes, les républicains se servent à loisir de la Cour suprême pour pousser leurs idées, avec des conséquences très importantes.

    Après avoir également consacré le droit à porter une arme à feu partout hors de chez soi, et cela en dépit de l’affolante répétition des fusillades mortelles, la juridiction pourrait désormais s’attaquer à des acquis supplémentaires, à l’image du mariage homosexuel, du droit à avoir certaines pratiques sexuelles telles que la sodomie ou de l’accès à la contraception par exemple.

    Une décision “effrayante” pour les juges progressistes

    Ce jeudi, c’est donc le climat qui a été visé par une décision majeure de l’instance. La haute juridiction a estimé que l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) ne pouvait pas édicter de règles générales pour réguler les émissions des centrales à charbon, qui produisent près de 20% de l’électricité aux États-Unis.

    La Maison Blanche a immédiatement dénoncé ce revirement et appelé le Congrès à “mettre l’Amérique sur le chemin d’un futur énergétique plus propre et plus sûr”.

    L’arrêt a été adopté par les six magistrats conservateurs de la Cour. “Mettre une limite aux émissions de dioxyde de carbone à un niveau qui imposerait de renoncer au niveau national au charbon pour produire l’électricité pourrait être une solution pertinente à la crise d’aujourd’hui. Mais il n’est pas crédible que le Congrès ait donné à l’EPA l’autorité d’adopter une telle mesure”, écrit le juge John Roberts en leur nom.

    Mais leurs trois collègues progressistes se sont dissociés d’une décision jugée “effrayante”. “La Cour a retiré à l’Agence de protection de l’environnement le pouvoir que le Congrès lui a donné de répondre au ‘problème le plus pressant de notre époque’”, écrit la juge Elena Kagan, en rappelant que les six années les plus chaudes ont été enregistrées au cours de la dernière décennie.

    Reflétant les divisions de la société américaine sur les questions environnementales, la décision a été immédiatement saluée par le parti républicain, hostile à toute régulation fédérale et défenseur des énergies fossiles. “Aujourd’hui, la Cour suprême rend le pouvoir au peuple”, a estimé son chef au Sénat, Mitch McConnell, en reprochant au président démocrate Joe Biden “de mener une guerre contre les énergies à prix abordable” malgré l’inflation.

    Les États-Unis marginalisés à l’échelle mondiale

    Mais les démocrates, à l’instar de la jeune élue Alexandria Ocasio-Cortez, ont jugé la décision “catastrophique”. “Notre planète est en feu et cette Cour suprême extrémiste détruit la capacité du pouvoir fédéral de se battre”, a ajouté la sénatrice Elizabeth Warren.

    Atterrées, les organisations de défense de l’environnement ont souligné l’écart avec le reste du monde. “La décision menace les États-Unis d’être relégués loin derrière nos partenaires internationaux qui accélèrent les efforts pour remplir leurs engagements climatiques”, a souligné Nathaniel Keohane, président du Center for Climate and Energy Solutions .

    Après la volte-face sur l’avortement la semaine dernière, cet arrêt représente un nouveau changement de pied à la Cour suprême. En 2007, elle avait décidé à une courte majorité que l’EPA était compétente pour réguler les émissions de gaz responsables du réchauffement climatique, au même titre qu’elle est chargée par une loi des années 1960 de limiter la pollution de l’air.

    Mais depuis, l’ex-président républicain Donald Trump, un climatosceptique hostile à toute mesure contraignante pour l’industrie, a fait entrer trois magistrats au sein du temple du droit américain, cimentant sa majorité conservatrice.

    Un pari perdu pour Joe Biden et son administration

    Au-delà de l’EPA, leur décision pourrait limiter les efforts de toutes les agences fédérales de régulation, notamment celle sur la santé et la sécurité au travail (OSHA). “La Cour a pris des mesures pour contrôler l’EPA mais aussi toutes les agences administratives”, analyse Ilya Shapiro, directeur des études constitutionnelles à l’Institut Manhattan, sur Twitter. Pour lui, “la Cour a simplement refusé de laisser une agence exécutive décréter qu’elle est compétente”.

    Les démocrates se sont donc également inquiétés du risque de voir plusieurs régulations tomber dans les prochains mois. Cette Cour “réactionnaire et extrémiste” “renvoie le pays au temps où les requins de l’industrie avaient tous les pouvoirs”, a regretté le chef de la majorité démocrate au Sénat Chuck Schumer.

    Concrètement, le dossier au cœur de la décision trouve sa source dans un plan ambitieux adopté en 2015 par Barack Obama pour réduire les émissions de CO2. Ce “Clean Power Plan”, dont la mise en oeuvre revenait à l’EPA, avait été bloqué avant d’entrer en vigueur.

    En 2019, Donald Trump avait publié sa propre “règle pour une énergie propre abordable”, limitant le champ d’action de l’EPA au sein de chaque site de production d’électricité, sans l’autoriser à remodeler tout le réseau. Un tribunal fédéral ayant invalidé cette mouture, plusieurs États conservateurs et l’industrie du charbon ont demandé à la Cour suprême d’intervenir et de préciser les pouvoirs de l’EPA.

    Le gouvernement du démocrate Joe Biden avait fait savoir qu’il ne comptait pas ressusciter le plan de Barack Obama et avait demandé à la haute Cour de déclarer le dossier caduc pour éviter une décision aux conséquences dommageables. Son pari a échoué.

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