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      Ligue des champions: le préfet Lallement reconnaît un "échec" qu'il assume (en partie)

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 9 June, 2022 - 10:02 · 8 minutes

    Au cours de son audition au Sénat, le préfet de police Didier Lallement a reconnu un Au cours de son audition au Sénat, le préfet de police Didier Lallement a reconnu un "échec" dans l'organisation de la finale de la Ligue des champions. Mais il a toutefois assumé les décisions prises, en particulier celle d'avoir eu recours à des gaz lacrymogènes.

    LIGUE DES CHAMPIONS - C’était l’heure des explications. Ce jeudi 9 juin, près de deux semaines après la finale de Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid, le préfet de police Didier Lallement était auditionné au Sénat pour donner des éléments de compréhension sur la manière dont a été gérée la soirée par les forces de l’ordre.

    Un exercice auquel le haut fonctionnaire s’est livré en faisant acte de contrition, du moins en façade. Ainsi, Didier Lallement a commencé son intervention face aux commissions de la Culture et des Lois en le reconnaissant d’emblée: “Je suis le seul décisionnaire et le seul responsable en matière de sécurité publique à Paris et en petite couronne. Et ce qu’il s’est passé ce soir-là est à l’évidence un échec.” Avant d’ajouter déplorer que la situation ait ”ébranlé l’image de la France” à l’international.

    Voilà pour le propos liminaire, et pour le ton de l’intervention du préfet de police qui a répété à plusieurs reprises “assumer” ce qu’il s’est passé le soir du 28 mai aux abords du stade de France.

    Le gaz lacrymogène comme seul recours

    C’est notamment le cas sur le sujet brûlant des gaz lacrymogènes employés contre les supporters, parmi lesquels des familles, massés à l’entrée de l’enceinte dans l’attente de pouvoir enfin y pénétrer. “J’assume complètement avoir fait usage de gaz lacrymogène , qui est, je le répète, le seul moyen au plan policier de faire reculer une foule, sauf à la charger”, a-t-il notamment déclaré. “Et je pense que ça aurait été une erreur grave de charger une foule.”

    En effet, Didier Lallement assure que du fait d’une présence massive de supporters de Liverpool munis de faux billets, c’est une foule bien trop nombreuse qui s’est pressée avant la finale dans le dispositif policier et de vérification des billets. “Les personnes rejetées essayaient soit de passer à tout prix, soit de reculer et elles n’y arrivaient pas”, décrit-il. Ce qui lui a “fait craindre un drame par écrasement” au sein de cette foule massive, le poussant à lever certains dispositifs de préfiltrage, situés plus loin du stade, pour se concentrer sur l’enceinte en soi et éviter des intrusions massives.

    Avec pour conséquence directe la formation d’une masse de gens trop nombreuse aux abords du stade, et donc l’emploi de gaz lacrymogène pour la faire reculer. “Je ne nie pas qu’il y ait eu des gestes inappropriés”, a-t-il toutefois nuancé, reconnaissant que certains fonctionnaires avaient pu faire un usage inapproprié de gaz lacrymogène “après avoir repoussé des gens qui s’étaient introduits” dans l’enceinte du stade.

    Le chiffre des 30 à 40.000 faux billets n’est pas un sujet, pour Didier Lallement

    Autant d’éléments qui ont fait dire au préfet de police, comme à Gérald Darmanin lorsqu’il avait lui aussi été entendu par le Sénat, que “le comportement des policiers et gendarmes a évité un drame”. “Nous avons fait en sorte que personne ne soit blessé gravement ou mort, et que le match puisse se tenir”, s’est-il ainsi félicité, assurant qu’en cas d’annulation de la rencontre de football, le gestion d’un public de 70.000 personnes agacées aurait été encore plus délicate en matière de sécurité publique.

    Un argumentaire que l’on a retrouvé au moment d’évoquer le nombre remarquable de supporters de Liverpool qui se seraient présentés au stade de France, contribuant à rendre inopérant le dispositif de sécurisation des lieux. En effet, s’il a là encore déclaré qu’il “assumait” avoir donné le chiffre de 30 à 40.000 personnes, martelé depuis par les responsables politiques du pays , Didier Lallement a rapidement cherché à créer un contre-feu. “On peut discuter de ce chiffre, il n’est pas essentiel”, a-t-il ainsi clamé, assurant que l’afflux de quelques milliers de personnes sur une file d’attente n’attendant aucunement une telle foule aurait déjà été un risque.

    S’il a assuré être “le seul responsable de ce chiffre ”, qu’il a d’ailleurs précisé en évoquant “34.000 personnes munies de faux billets”, le préfet de police a d’ailleurs tenté de l’expliquer. Étant également responsable de la police des transports à Paris et en petite couronne, “j’avais à la fois des chiffres remontant des opérateurs et des constats de la part des effectifs de terrain, qui évaluaient par rapport à ce qu’ils connaissent”, a-t-il déclaré.

    Avant d’en revenir à son argument principal: le chiffre n’était de toute façon pas important. “C’est un chiffre qui n’avait pas de valeur scientifique, mais qui permettait de dresser un constat: il y avait beaucoup plus de personnes que de contenance dans le stade.” Et de poursuivre: “Peut-être me suis-je trompé. Mais jamais je n’ai prétendu que ce chiffre était à quelques milliers parfaitement juste. Il n’a jamais été dit que la présence de ces 30 à 40.000 personnes étaient aux abords immédiats du stade, devant les portes du stade. Mais nous non plus. On les subodorait sur les abords du stade.”

    Des faux billets, mais pas d’interpellations?

    Tout cela avant de tenter d’éteindre une dernière fois le débat, qui a pourtant tant fait parler et alimenté les accusations de “mensonge” des autorités françaises venues notamment d’Angleterre: “Bien évidemment, y’avait pas 30 à 40.000 personnes devant les portillons du stade. C’est évident, je ne sais pas d’où vient ce débat.”

    D’ailleurs, au passage, sur le sujet des faux billets, Didier Lallement en a profité pour démonter un autre chiffre beaucoup revenu ces derniers jours pour justifier l’argument des propriétaires de faux billet comme responsables des dysfonctionnements: celui des “ 70% de faux billets ” aux points de précontrôle avant l’accès au stade. “Personne n’a dit qu’il y avait 70% de faux billets, il y avait un problème de contrôle sur les précontrôles”, a assuré Didier Lallement ce jeudi, précisant que les organisateurs de la rencontre avaient des difficultés avec les “stylos chimiques” servant à vérifier la validité des billets, qui produisaient selon lui “jusqu’à 70% d’erreurs”.

    D’ailleurs, autre point sur lequel le préfet de police a “assumé” les décisions prises samedi 28 mai: le bilan relativement maigre en ce qui concerne les interpellations de possesseurs de “faux billets”, en nombre pourtant massif à en croire la communication de l’exécutif, Gérald Darmanin ayant dénoncé une “fraude massive, industrielle de faux billets”. Ce à quoi Didier Lallement a répondu ce jeudi: “J’assume de ne pas avoir interpellé des supporters qui avaient des faux billets. Au moment où se passaient les choses, nous ne pouvions pas savoir s’il s’agissait d’une infraction ou d’un délit.” En clair, les forces de l’ordre auraient manqué d’éléments légaux et judiciaires pour pouvoir procéder à des interpellations.

    Malgré tout cela, Didier Lallement a toutefois refusé de se prononcer sur les conséquences que le fiasco du stade de France pourrait avoir sur son avenir. “Je ne suis pas sûr que ma situation personnelle soit le sujet, mais je vous y répondrai en privé si vous le souhaitez”, a-t-il répondu à la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. Et de s’agacer même, une fois relancé sur le sujet “Quelle importance? Je suis un haut fonctionnaire, je suis révocable tous les mercredis... Quel est votre problème?” Ambiance.

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