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      Au terme du procès du 13-Novembre, des explications, des aveux mais aucune certitude

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 29 June, 2022 - 04:00 · 6 minutes

    La salle d'audience qui accueille le procès des attentats du 13-Novembre depuis le 8 septembre 2021. La salle d'audience qui accueille le procès des attentats du 13-Novembre depuis le 8 septembre 2021.

    PROCÈS DU 13-NOVEMBRE - Après dix mois de procès, l’heure du verdict. Ce mercredi 29 juin, les peines contre les 20 accusés des attentats du 13 novembre 2015 seront prononcées par la Cour d’assises spéciale . Six sont jugés en leur absence, dont cinq sont présumés morts.

    Les longs mois de débats ont-ils apporté des réponses à l’horreur de ces crimes qui ont causé la mort de 130 personnes? “Du procès ne jaillit pas toujours LA vérité, mais UNE vérité judiciaire. Cette dernière ne suffit sans doute pas, elle ne permet pas de comprendre le mal, la barbarie, la terreur”, soulignait au début des réquisitions Camille Hennetier, l’une des trois avocats généraux du procès pour le parquet national antiterroriste .

    Les accusés ont eu plusieurs occasions pour prendre la parole, mais certains ont exercé leur droit au silence , d’autres n’ont fourni que des explications parcellaires. Malgré les nombreuses questions toujours en suspens, Le Huffpost revient sur trois moments du procès qui permettent d’en savoir un peu plus sur leur passage à l’acte.

    • Les aveux de Salah Abdeslam

    L’une des interrogations majeures pour ce procès du 13-Novembre concernait Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie du commando: a-t-il renoncé volontairement à faire exploser sa ceinture ou cette dernière était-elle défectueuse? Il n’a pas été simple d’obtenir une réponse tant la personnalité de ce Français de 32 ans a dérouté. Provocateur se proclamant “combattant de l’État islamique”, puis plein de remords jusqu’aux larmes coulant sur ses joues, difficile de comprendre qui est vraiment Salah Abdeslam.

    Au lendemain des attentats, il avait confié à ses complices que sa ceinture était défectueuse. Devant la Cour, il a finalement expliqué avoir fait “marche arrière” dans le bar du XVIIIe arrondissement où il devait actionner son gilet. “Je rentre dans le café, un bar pas très grand, avec beaucoup de monde. Je m’installe, je commande une boisson. Je regarde les gens autour de moi et je me dis que je vais pas le faire (...) J’ai renoncé par humanité, pas par peur. Je ne voulais pas les tuer”, a-t-il raconté à l’audience.

    Pourquoi aurait-il menti à son retour à Molenbeeck, en Belgique? Il a dit avoir eu “ honte de ne pas avoir été jusqu’au bout”, avoir eu “peur du regard des autres”. Salah Abdeslam minimise aussi son rôle, détaillant la chronologie de la préparation des attentats tout en assurant connaitre uniquement le lieu de sa mission et l’attaque au Stade de France. Il a refusé de donner plus de détails sur sa soirée du 13-Novembre et de nombreuses zones d’ombre demeurent.

    Sa nouvelle version est-elle une simple stratégie de défense? L’accusation en est persuadée, mais difficile d’en avoir la certitude. “J’ai fait des erreurs, mais je ne suis pas un assassin je ne suis pas un tueur”, a en tout cas insisté au dernier jour du procès Salah Abdeslam, contre qui la perpétuité incompressible a été requise.

    • L’implication de Mohamed Abrini

    “J’étais prévu pour le 13.” La phrase prononcée fin mars par Mohamed Abrini , ami d’enfance de Salah Abdeslam, a fait l’effet d’une petite bombe lors du procès. Le Belgo-Marocain de 37 ans, surnommé “l’homme au chapeau” depuis l’attentat de l’aéroport de Bruxelles, avait jusque-là réfuté toute implication malgré sa présence à Paris avec le commando. Il voulait seulement accompagner ses amis dans “leurs derniers moments”, se justifiait-il.

    Dans sa nouvelle version, il explique que le frère de Salah Abdeslam et futur tueur des terrasses, Brahim, l’aurait approché deux mois avant les attaques. Après avoir accepté de faire partie du “projet”, Abrini raconte ensuite avoir changé d’avis: “Moi, je peux pas aller tuer des gens comme ça dans la rue (...) attaquer des gens non armés”. Brahim Abdeslam se serait alors tourné vers son frère Salah pour remplacer Mohamed Abrini, et ce dernier aurait accompagné le “commando de la mort” pour dire adieu.

    S’il a renoncé, pourquoi a-t-il participé aux ultimes préparatifs? Pourquoi a-t-il été à Paris? Pourquoi avoir loué une seconde planque? Pourquoi être resté à visage découvert? Autant de questions posées par le président de la Cour Jean-Louis Périès, déconcerté devant les incohérences de Mohamed Abrini. L’accusé a peiné à se justifier, répondant simplement qu’il était “perdu” à ce moment-là.

    L’accusation estime qu’il s’agit en réalité d’un désistement de dernière minute, que son récit sert surtout à le dédouaner et à dédouaner Salah Abdeslam. La perpétuité incompressible a également été requise contre le 11e homme des attentats de Paris et Saint-Denis.

    • Pourquoi la France a-t-elle été visée?

    “François Hollande dit que nous combattons la France pour vos valeurs et pour vous diviser. C’est un mensonge manifeste”, avait déclaré Salah Abdeslam dès le début du procès. Reprenant la propagande du groupe État islamique, le principal accusé justifiait les attaques contre la France en invoquant les bombardements français contre l’EI en Syrie et en Irak dans le cadre de la coalition internationale.

    L’ancien président de la République , appelé à la barre en novembre, lui a répondu: “On nous a fait la guerre et nous avons répondu.” Il a rappelé que les frappes en Syrie n’avaient débuté que le “27 septembre” 2015, après les attentats de Charlie Hebdo et du Thalys. “Le commando s’était préparé bien avant [l’intervention française en Syrie]. Nous savons que les attentats étaient préparés depuis fin 2014”, a-t-il assuré.

    Quid des frappes en Irak? Comme le rappelle Le Monde , l’intervention française a débuté en septembre 2014. “Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français (…) ou tout (…) citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’État islamique”, avait déclaré le porte-parole de l’EI peu après le début des bombardements. Cet appel au jihad peut expliquer en partie la vague d’attentats en France en 2015.

    Toutefois, un enquêteur de la DGSI a présenté lors de l’audience un historique de la menace terroriste depuis 30 ans. D’après lui, rapporte L e Monde, “dès 2013, on a un Français rentré de Syrie, où il avait rejoint l’État islamique en Irak et au Levant, porteur d’un projet d’attentat”. La chronologie montre que les intentions d’attaquer étaient donc antérieures à l’intervention française au Moyen-Orient.

    En janvier 2014, un Cannois parti faire le jihad est revenu en France. Il a fabriqué un engin explosif et eu des contacts avec “Jihadi John”, un terroriste britannique. En mai de la même année, Mehdi Nemmouche a commis l’attentat dans le Musée juif de Bruxelles avant d’être arrêté à la gare de Marseille avec une Kalachnikov. La DGSI en conclut que les projets d’attentats contre la France étaient antérieurs à l’intervention en Irak.

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