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      Procès du 13-Novembre: l'appréhension des victimes sur "l'après" verdict

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 29 June, 2022 - 13:08 · 6 minutes

    Avec la fin du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, les victimes et leurs proches vont devoir faire face à l'après, avec parfois beaucoup d'appréhension (dessin d'audience réalisé en octobre 2021 et montrant Arthur Dénouveaux, le président de l'association Life for Paris). Avec la fin du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, les victimes et leurs proches vont devoir faire face à l'après, avec parfois beaucoup d'appréhension (dessin d'audience réalisé en octobre 2021 et montrant Arthur Dénouveaux, le président de l'association Life for Paris).

    TERRORISME - Une page qui se tourne, entre peur, appréhension et soulagement. Six ans et sept mois après les attentats du 13 novembre 2015 , et après dix mois de procès, la cour d’assises spéciale de Paris rend son verdict ce mercredi 29 juin , point d’orgue de l’audience criminelle la plus longue de l’histoire judiciaire française d’après-guerre.

    Le procès “historique”, “hors norme”, qui s’est ouvert le 8 septembre dernier n’aura sans doute pas apporté toutes les réponses aux questions posées par les quelque 2500 parties civiles constituées après les attentats les plus meurtriers ayant frappé la France. Mais, si des zones d’ombre persistent, il aura permis aux rescapés et endeuillés de faire entendre leur voix et ressentir leur douleur bien au-delà de la salle d’audience d’un palais de justice transformée en forteresse pendant près de dix mois.

    Et pour elles aussi, la fin de ce procès signe une nouvelle étape dans leur vie, un lourd chapitre qui doit laisser place à “l’après”, la reconstruction. Plusieurs victimes ont témoigné auprès du HuffPost sur la façon dont elles appréhendent la suite alors que ce grand combat touche à sa fin.

    “La fin d’un deuil collectif”

    Évidemment, cette perspective d’après procès n’est pas perçue de la même manière par tous. Pour Stéphane Sarrade qui a perdu son fils Hugo, 23 ans, au Bataclan , le verdict “ne changera rien” à sa peine, mais il va tout de même “marquer la fin d’un deuil nécessaire”. Un deuil individuel, mais aussi collectif, “qui va bien au-delà des victimes”. “C’est un deuil de toute la France, pour toute une génération, pour les terrasses, la musique, le foot...”, confie-t-il.

    Un point final qu’il appréhende également, car “c’est aussi la dernière fois que les médias vont mettre l’emphase sur tout cela ”. Ce sera alors le “début de l’après” où persistera le “deuil individuel” avec lequel il faudra vivre.

    Vivre seul avec son deuil. Un combat de tous les jours qui jusque-là était animé par la volonté d’obtenir justice. “Mais après?” s’interroge Patricia Correira, vice-présidente de l’association 13Onze15, qui a perdu sa fille et le compagnon de cette dernière au Bataclan. “C’est peut-être la colère qui m’a fait tenir jusqu’à présent, mais il y a des parents qui sont morts, qui ont développé des cancers, une maladie d’Alzheimer...”.

    “Un vide qu’il va falloir meubler et remplacer”

    Psychologiquement, l’impact peut-être très violent chez les victimes rescapées et leurs familles. Ce procès a rythmé leur vie pendant des mois , leur a permis de tenir face à la douleur dévorante de la perte. Sur France Bleu , Gérard Chemla, avocat de nombreuses victimes des attentats du 13 novembre, explique qu’un certain nombre d’entre elles craignent une “peur du vide”.

    “On rentre dans un tunnel: au mois de septembre dernier, la vie s’arrête autour de nous et tous les jours, on est sur le procès. Quand on n’y est pas, on y pense, on en parle, on en rêve. Tout d’un coup, on sait que ça va s’arrêter, qu’on ne va plus revoir les gens et il est évident qu’il va y avoir une sensation de dépression. Un vide qu’il va falloir meubler et remplacer.”

    "J’en viens à me demander ce qu’il restera de ma vie après les dix mois David Fritz-Goeppinger, rescapé du Bataclan, sur Franceinfo

    C’est également ce que décrit sur Franceinfo David Fritz-Goeppinger, l’un des survivants du Bataclan, évoquant un quotidien “qui ne veut plus rien dire”, “complètement dénaturé et déstructuré après dix mois”. Dans son esprit, l’audience se présente comme “une colonne vertébrale d’un quotidien qui ne demande plus qu’elle disparaisse”.

    “J’en viens à me demander ce qu’il restera de ma vie après les dix mois, ce qu’il restera de tout ça”, témoigne-t-il, confiant avoir “hâte que cela prenne fin, hâte de revenir au mois d’août dernier, enfin, au moins en apparence”.

    Auprès du Parisien , des victimes évoquent une “peur de quitter la communauté” avec laquelle “des liens forts se sont tissés”. “Aujourd’hui, c’est notre vie. On est attirés par ce tribunal parce que l’on s’y retrouve avec plaisir”, confie Bruno. Pour Cédric, pouvoir observer la manière de réagir des autres victimes “permet de comprendre une part de nous-mêmes. Que nos réactions sont normales face à un événement anormal”. “Moi, ça m’a fait du bien”, explique-t-il.

    Tenter une transition vers l’après en douceur

    Pour éviter une rupture trop brusque, certaines associations se mobilisent pour une transition en douceur. 13Onze15 Fraternité et Vérité réfléchit ainsi à la mise en place de groupes de parole avec le soutien de Paris Aide aux victimes, selon son président Philippe Duperron qui anticipe un “gros trou d’air” à la fin du procès. Ou encore la “béance de l’après-procès”, comme l’a qualifiée un avocat lors de sa plaidoirie.

    Life for Paris, prévoit, elle, d’organiser “plusieurs grands événements pour rassembler tout le monde” et “atténuer le choc”. “On va s’éloigner de la souffrance des victimes. Cela sera pour nous un sas vers la sortie de cette bulle traversée par les émotions les plus violentes”, glisse au Parisien des avocats de victimes.

    Mais pour d’autres encore la fin du procès ne marque pas encore la fin du combat. Paul-Henri Baure travaillait à la sécurité du Stade de France le soir des attentats. Il a été grièvement blessé aux jambes après l’explosion d’un kamikaze, entraînant deux ans et demi d’ITT. Selon lui, le procès est “loin d’être fini”, explique-t-il, car il y aura “sûrement les appels” qui suivront le verdict.

    Mais au-delà de ça, plus personnellement, Paul-Henri combat sur un autre front, un autre procès: celui des attentats de Nice . En effet, sa compagne, qu’il a rencontrée lors d’un congrès international des victimes du terrorisme, a perdu son mari sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016 , percuté par le camion de l’assaillant. “On va donc continuer avec ce procès-là”, nous confie-t-il.

    Le Procès de l’attentat de Nice, qui avait fait 86 morts et plus de 400 blessés se tiendra du 5 septembre au 16 décembre prochain.

    À voir également sur le HuffPost : Un rescapé du Bataclan revient sur le premier jour d’audience au procès du 13-Novembre