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      Élisabeth Borne peut-elle réussir à Matignon là où elle a échoué à la Transition écologique?

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 17 May, 2022 - 12:47 · 4 minutes

    Elisabeth Borne photographiée à l'Élysée le 16 mai, après sa nomination comme cheffe de gouvernement. Elisabeth Borne photographiée à l'Élysée le 16 mai, après sa nomination comme cheffe de gouvernement.

    POLITIQUE - “La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas”. Durant l’entre-deux tours à Marseille, le candidat Emmanuel Macron annonçait la couleur: verte. Lui réélu, il mettrait la défense de l’environnement au cœur de son action politique, en donnant le mandat à Matignon de piloter la “planification écologique” . C’est donc à Élisabeth Borne , nommée Première ministre ce lundi 16 mai, que revient cette charge.

    Ce qu’elle a évoqué d’emblée, affirmant lors de son premier discours en qualité de cheffe de gouvernement qu’il fallait “agir plus vite et plus fort” face au “défi climatique et écologique”. Son passage au ministère de la Transition écologique faisait d’ailleurs partie des signes qui annonçaient sa nomination, puisqu’il était admis que le chef de l’État cherchait un candidat affichant un profil ”écolo” pour le poste.

    Pourtant, son bilan à l’Hôtel de Roquelaure (où elle était en poste de juillet 2019 à juillet 2020) a fait l’objet de critiques. En cause, les difficultés propres à ce ministère compliqué (qui ont poussé Nicolas Hulot à la démission en 2018) qui ont fortement limité ses marges de manœuvre.

    Arbitrages défavorables face à Bruno Le Maire

    Le recul de deux ans de l’interdiction du glyphosate? C’est sous Élisabeth Borne qu’il a été acté. La baisse du budget alloué à la rénovation énergétique? Sous Élisabeth Borne. Le courroux du Conseil d’État contre le gouvernement au sujet de la baisse (insuffisante) de la pollution de l’air? C’est (aussi) sous Élisabeth Borne. Entre 2018 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 0,9%. Insuffisant pour tenir la trajectoire... fixée par le gouvernement. Des difficultés expliquées à cette époque par son incapacité à gagner des arbitrages face à Bercy, avec la bénédiction du Premier ministre d’alors.

    “Elle était à la Transition écologique sous Édouard Philippe, ce n’était pas facile. L’écologie, ce n’était pas vraiment son truc”, souffle au HuffPost un conseiller ministériel, rappelant que le maire du Havre a un temps officié comme lobbyiste pour le groupe nucléaire Areva. “C’était compliqué pour elle de peser face à Bruno Le Maire. Elle s’est retrouvée dans des contradictions qui montrent bien que l’on reste dans la politique des petits pas, comme l’avait dénoncé Nicolas Hulot. Elle a fait ce qu’elle a pu”, analysait à cette époque Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, cité par Le Monde .

    Un bilan contrebalancé par son passage au ministère des Transports, au cours duquel elle a lancé le “ plan vélo ” en décembre 2017. “Quand on sait que 75% des déplacements font moins de 5 km, il faut arrêter de regarder le vélo avec condescendance en considérant que c’est un sujet mineur”, avait-elle déclaré en clôture des Assises nationales de la mobilité. Trois ans plus tard, alors au ministère de la Transition écologique, Élisabeth Borne triplait le budget de ce plan, perçu par certains acteurs comme une réussite.

    Le boulet de l’inflation

    Désormais cheffe du (futur) gouvernement, Élisabeth Borne peut-elle désormais réellement aller “plus fort et plus vite” vers la transition écologique? “La différence maintenant, c’est qu’elle est Première ministre. C’est elle qui aura des arbitrages à donner”, veut croire une source ministérielle, précisant que l’intéressée “connaît, comme Jean Castex, la machine de l’État sur le bout des doigts, ce qui lui confère une bonne marge de manœuvre sur la conduite des politiques publiques et qui lui permettra d’agir à différentes échelles”.

    En outre, elle aura à conduire une équipe gouvernementale qui devrait compter de nouveaux ministères aux périmètres justement redéfinis pour intégrer la dimension écolo dans leurs politiques, dont deux qui lui spécialement rattachés. Une position stratégique qui lui donnerait donc toutes les cartes pour aller plus loin que lors de son passage à la Transition écologique.

    À la condition que le chef de l’État la soutienne pleinement, dans un contexte économique fragilisé par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. “Elle va mécaniquement être tiraillée entre la maîtrise de l’inflation et l’investissement dans l’écologie. Ça risque donc de bagarrer fort avec Bercy. Si Macron pousse pour la planification écologique avec la foi des convertis, ça peut le faire. Dans le cas inverse, ça s’annonce compliqué pour elle sur ce sujet”, note un conseiller.

    Si Élisabeth Borne est désormais libérée des contraintes (lourdes) qui pèsent sur un ministre de la Transition écologique, elle devrait rester toutefois confrontée à des impératifs qui devraient limiter, encore, ses marges de manœuvre. Jusqu’à quel point? Tout dépendra de l’ambition du président de la République en termes de “planification écologique”. Laquelle reste particulièrement floue à ce stade.

    À voir également sur Le HuffPost: Les 3 questions que soulève la nomination d’Élisabeth Borne à Matignon