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      Législatives 2022: À Nice, le camp Estrosi se dit "à ça" de faire tomber Éric Ciotti

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 15 June, 2022 - 13:21 · 7 minutes

    Affiches des candidats Éric Ciotti (LR) et Graig Monetti (Ensemble!) placardés aux abords de la place Masséna à Nice. Affiches des candidats Éric Ciotti (LR) et Graig Monetti (Ensemble!) placardés aux abords de la place Masséna à Nice.

    POLITIQUE - Mardi 14 juin. Nice. Promenade du Paillon. 16h. Le soleil écrasant donne un aperçu de la canicule qui va s’abattre sur la France ces prochains jours. Une chaleur étouffante que l’air marin rend supportable. Comme le thermomètre, le contexte électoral est brûlant dans cette première circonscription des Alpes-Maritimes, où le député sortant Éric Ciotti affronte le candidat de la majorité présidentielle (et du maire de la ville, Christian Estrosi), Graig Monetti au second tour des élections législatives .

    Certes, le finaliste de la primaire LR dispose d’un matelas confortable de six points d’avance sur son poursuivant. Mais le score important réalisé par la candidate NUPES samedi 12 juin, 20%, laisse le jeu ouvert, dans cette circonscription exclusivement urbaine. Alors que des enfants profitent des jets d’eau de la coulée verte, l’outsider nous accueille les bras ouverts.

    “Vous ne connaissez pas Nice? Je vais vous faire la visite”, lance du haut de ses deux mètres Graig Monetti, visiblement ravi de faire campagne flanqué d’un journaliste parisien, offrant ainsi une autre dimension à son bras de fer. Tout l’inverse de son adversaire. “Je ne souhaite pas de presse nationale dans ma campagne. Merci beaucoup”, nous a répondu dans un SMS, lapidaire mais courtois, Éric Ciotti.

    “Ça fait quand même deux anciens Premiers ministres qui sont derrière Graig Monetti, ce n’est pas rien” Entourage de Graig Monetti, candidat Ensemble! de la 1ère circo des Alpes-Maritimes.

    Chemise trempée et barbe parfaitement taillée, le jeune homme de 29 ans affiche un grand sourire. Quelques heures plus tôt, il a reçu une vidéo de soutien de Jean Castex. Un geste qui intervient après celui d’Édouard Philippe, qui lui a fait “l’honneur” d’un déplacement pour lui donner un coup de pouce. Ancien chef de cabinet de l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal, le candidat a le bras long en Macronie.

    “Ça fait quand même deux anciens Premiers ministres qui sont derrière lui, ce n’est pas rien”, souligne l’entourage du candidat Ensemble!. Ce dernier est d’humeur rigolarde, et s’amuse d’un SMS un brin provocateur envoyé à son “pote” David Lisnard, maire LR de Cannes, le soir du premier tour: “tu veux pas me faire une vidéo de soutien?”

    Cet après-midi, la campagne de cet adjoint à la mairie de Nice prend des airs de marathon, de la place Masséna à celle du Pin, en passant par le Vieux Nice et la place Garibaldi. Jouant la partition du gamin du coin, il enchaîne les bises aux commerçants, les anecdotes sur untel et les réalisations de la mairie.

    Graig Monetti photographié place du Pin Graig Monetti photographié place du Pin

    Contrepartie de ce bagage d’élu local comme de sa grande taille qui le rend facilement repérable, Graig Monetti est systématiquement alpagué et ramené à des considérations municipales. Là, un président d’association sportive qui lui réclame des infrastructures, ici une habitante du Vieux Nice en guerre contre les rats. À tous, il adresse le même message et le même geste, en rapprochant son pouce de son index: “on est à ça de l’emporter dimanche prochain”.

    Un mélange des genres qui fait grincer le camp d’en face. “Il va voir les commerçants en leur promettant des terrasses, comme si c’était dans les compétences d’un député”, tacle Alexandre Saradjian, responsable des Jeunes avec Ciotti. “Les trois premières semaines de ma campagne, et je le fais encore, j’ai dû les passer à expliquer en quoi consistait le rôle du député. Après je suis élu local, les gens m’interpellent pour me parler de leur situation, je ne peux pas faire comme si ça ne m’intéressait pas”, répond Monetti qui valorise une politique ”à auteur d’hommes” et “au contact”, y compris physique, des électeurs.

    Place du Pin, qui tient plus de l’enclave bobo que du bastion de droite, Graig Monetti donne de sa personne pour aller chercher les voix une à une, convaincu que les électeurs de la NUPES “qui ont un prisme écologique et un prisme social très fort” peuvent se reporter sur sa candidature, tout comme la jeunesse abstentionniste. À un ami restaurateur, il balance: “en fait c’est simple. Si tous nos potes qui sortent faire la fête le samedi soir vont voter dimanche, ça passe. S’ils ne vont pas voter, c’est mort. C’est pour ça qu’il faut en parler et insister”.

    Graig Monetti en campagne dans le Vieux Nice Graig Monetti en campagne dans le Vieux Nice

    17 heures. Sa collaboratrice lui tend son téléphone. Graig Monetti affiche un rictus. Une bonne nouvelle? “Philippe Vardon (président du groupe RN à la mairie de Nice, NDLR ) vient d’appeler à voter Éric Ciotti. “C’est bien. C’est une clarification qui démontre ses accointances avec l’extrême droite”, analyse celui qui parle “vivre ensemble”, ”écologie” et “circuits courts”. De quoi bénéficier d’une sorte de barrage anti-Ciotti venant de la gauche? L’élu dit refuser de jouer cette carte, même s’il ne loupe pas une occasion de flinguer ce “champion du monde du pessimisme” qu’incarne à ses yeux un député sortant “qui fait tout le temps la tronche”.

    Ciotti? Il fait tout le temps la tronche. C'est le champion du monde du pessimisme. Graig Monetti, candidat Ensemble! face à Éric Ciotti dans les Alpes-Maritimes

    Même endroit, 19 heures. La température est plus clémente et les terrasses se remplissent pour l’apéro. Une grappe de militants LR se promène avec des piles de prospectus Éric Ciotti sous le bras. Avec eux, le suppléant historique du député LR, Auguste Verola, ainsi que Gaëlle Frontoni, vice-présidente du Conseil départemental des Alpes-Maritimes. Sur Twitter, le compte “Les Jeunes avec Ciotti” vante une opération “grand tractage”. La réalité est un peu moins épique. Après un échange avec une dame à la chevelure rousse loin d’être acquise à Éric Ciotti, le groupe préfère finalement s’engager rue Bonaparte.

    Ignorant manifestement que leur patron se passerait bien de presse nationale, l’équipe nous accueille bien volontiers. Auguste Verola est agacé. Voilà que plusieurs riverains se braquent en entendant le nom d’Éric Ciotti, accusé soit de racisme soit d’homophobie, ce que le soutien apporté par la tête de pont de l’extrême droite locale ne devrait pas arranger. Dans ce quartier fréquenté par la communauté LGBT de Nice, le souvenir de la mobilisation du député LR contre la mariage pour tous en 2013 est tenace.

    L'équipe d'Éric Ciotti attablé en terrasse devant des piles de prospectus L'équipe d'Éric Ciotti attablé en terrasse devant des piles de prospectus

    “Quand on voit les agressions homophobes, on se dit que le discours de fermeté d’Éric Ciotti sur la sécurité pourrait pourtant trouver écho”, regrette Alexandre Saradjian qui juge le dialogue difficile dans le secteur et déplore “la campagne de dénigrement” menée par le candidat “piloté par Estrosi”. “Lors du débat, il a osé dire que son bilan de député tenait sur un post-it. Non mais sérieusement? Éric Ciotti est questeur de l’Assemblée nationale, il devrait redescendre un peu”, poursuit le responsable des Jeunes avec Ciotti.

    Lors du débat, il a osé dire que son bilan de député tenait sur un post-it. Non mais sérieusement? Éric Ciotti est questeur de l’Assemblée nationale, il devrait redescendre un peu... Entourage d'Eric Ciotti à propos de son concurrent Ensemble! Graig Monetti

    Plus loin, la conversation s’engage avec un père de famille qui accuse les élus de ne se montrer qu’en période électorale. Gaëlle Frontoni est appelée à la rescousse pour écouter les griefs de cet homme et prouver que les élus LR sont bien à l’écoute. La conversation dure bien vingt minutes.

    Auguste Verola grommelle à notre oreille: ”à trois jours de la fin de la campagne, on ne devrait pas faire ça, il faut rester sur les législatives et enchaîner. On perd du temps là”. Un militant rétorque à voix basse: “le monsieur nous dit quand même qu’ils ont cinq voix dans sa famille...”. Et confirme ainsi ce que Graig Monetti s’est échiné à répéter toute l’après-midi. Dimanche prochain, cela va se jouer ”à ça”.

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