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      "Armaggedon Time" de James Gray raconte tout ce que Trump déteste

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 20 May, 2022 - 10:59 · 4 minutes

    Les jeunes acteurs Jaylin Webb et Michael Banks dans Les jeunes acteurs Jaylin Webb et Michael Banks dans "Armaggedon Time" de James Gray

    FESTIVAL DE CANNES - “Le temps de l’Armaggedon” qu’évoque James Gray, en hommage à une reprise des Clash sortie en 1979, n’est pas celui de l’apocalypse nucléaire. Plutôt celui de l’apocalypse familiale de son jeune héros, Paul Graff, au début des années 1980 dans lequel le réalisateur américain a transposé tous ses souvenirs d’enfance. Le film, avec Anne Hathaway et Anthony Hopkins notamment, est en compétition pour la Palme d’or au Festival de Cannes .

    Après avoir exploré la jungle dans The Lost City of Z et l’espace dans Ad Astra , James Gray revient dans le quartier du Queens de New York où il a grandi, pour raconter le passage à l’âge adulte d’un adolescent, petit-fils d’immigrés juifs ukrainiens à qui il avait déjà consacré The Immigrant . À la rentrée de septembre 1980 dans une classe publique, le jeune Paul Graff (interprété par Banks Repeta, 14 ans) se lie d’amitié avec Johnny Davis (Jaylin Webb, 16 ans), garçon noir qui vit seul avec sa grand-mère. Ensemble, le duo enchaîne les 400 coups... Jusqu’à ce que les parents de Paul décident de le changer d’école.

    “J’ai compris très tôt ce qu’étaient les privilèges”

    Il intègre alors le lycée privé de Kew-Forest School dans les beaux quartiers de Forest Hill où le magnat de l’immobilier Fred Trump, le père de Donald, siège au conseil d’administration tandis que Maryanne Trump, la sœur de Donald, vient y tenir des conférences sur son parcours de “ self made woman ”, dit-elle.

    Un pan de l’histoire bien réel, ainsi que James Gray l’a confirmé au micro de Pierre Lescure dans “C à Vous”. “Ils étaient plus ou moins ceux qui dirigeaient mon école. La sœur de Donald Trump, interprétée par Jessica Chastain, n’arrêtait pas de nous dire à quel point elle avait travaillé dur pour réussir. Je me souviens que même enfant, je lui demandais: ‘Qu’est-ce que tu racontes? Ta famille est richissime’. J’ai compris très tôt ce qu’étaient les privilèges”, assure le cinéaste.

    Anthony Hopkins incarne Aaron Rabinowitz, le grand-père du jeune héros dans Anthony Hopkins incarne Aaron Rabinowitz, le grand-père du jeune héros dans "Armaggedon Time"

    Pour les parents de Paul, tous les deux fils d’immigrés juifs arrivés aux Etats-Unis une génération plus tôt, qui ont “américanisé” leur nom de famille, entrer dans cette école marque “l’aube d’une nouvelle vie” pour leur petit dernier. Le début du fameux rêve américain auquel ils croient très fort.

    Sauf qu’à l’école Trump, le jeune Paul est entouré d’enfants issus de milieux très privilégiés avec lesquels il ne partage pas grand-chose, surtout pas ses passions pour Mohammed Ali et le Sugarhill Gang. Des camarades de classe qui traitent par ailleurs sans complexe de “nègre” son meilleur ami Johnny à qui la société n’offre aucune seconde chance.

    Anthony Hopkins en sage grand-père

    Le film -que James Gray a écrit au milieu de la présidence Trump- démarre à la veille de l’élection de Donald Reagan, dont l’arrivée au pouvoir marque le début d’une décennie de révolution conservatrice. Un “tournant de l’histoire des Etats-Unis, marqueur profond d’inégalités”, insiste le cinéaste lors de la conférence de presse d’ Armaggedon Time ce vendredi 20 mai. “Le film raconte ces fissures qui commencent à devenir évidentes, et se propagent jusqu’à devenir des divisions sociales, politiques et raciales.”

    Et c’est grâce à son grand-père, le toujours impeccable et émouvant Anthony Hopkins, que Paul apprend la responsabilité morale de ne pas se taire. “N’essaie pas d’être parfait. Fais de ton mieux, mais n’accepte jamais l’intolérance et le racisme et fais-toi entendre”, lui transmet le sage grandpa Aaron Rabinowitz, qui porte dans le film un chapeau mou ayant appartenu au vrai grand-père de James Gray, la personne qu’il “aimait le plus au monde et en qui [il] avait le plus confiance”.

    James Gray n’a pas retenu ses larmes à l’issue de la projection à Cannes de son film tendre, drôle, parfois aussi dur et amer qui, à travers le quotidien d’une famille de trois générations, décrit les inégalités sociales et le mythe illusoire du “rêve américain”. “Quand vous ne savez pas comment résoudre ces problèmes, vous ne faites que les décrire, les éclairer en espérant que les spectateurs trouveront des solutions. C’est en tout cas ma philosophie”, conclut le cinéaste.

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