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      Pour Benjamin Muller des "Maternelles", "un père moderne, c'est un père qui prend sa part"

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Sunday, 19 June, 2022 - 06:00 · 7 minutes

    Benjamin Muller signe un Benjamin Muller signe un "Devenir papa pour les nuls" (éditions First)

    PARENTS - “La société doit reconnaître le rôle que les pères ont à jouer auprès de leurs enfants”, écrit Benjamin Muller. C’est sous la direction du journaliste de l’émission La Maison des maternelles , sur France 2, qu’un manuel pour les futurs pères est paru le 25 mai, Devenir papa pour les nuls aux éditions First.

    Rédigé en collaboration avec une sage-femme, un médecin et deux psychologues, le livre qui se veut exhaustif se présente comme une bible destinée aux pères en devenir . Peau à peau, étapes du développement du nourrisson, sommeil et pleurs, fatigue, découvertes des recherches scientifiques en parentalité... Tout ce qui concerne la grossesse et l’accueil d’un enfant y est abordé.

    Mais surtout, le journaliste l’a pensé aussi comme un outil de lutte contre la charge mentale qui pèse sur les femmes. Pour que chaque parent prenne sa part, de manière équilibrée. On lui a posé quelques questions à l’occasion de la fête des pères, ce dimanche 19 juin.

    Le HuffPost : Pour vous, y a-t-il besoin d’un manuel pour apprendre à être père?

    Benjamin Muller: Comme je travaille pour La Maison des Maternelles , je reçois énormément de livres qui s’adressent aux futurs parents, pères et mères, il y en a plein. Mais souvent, les livres pour les futurs ou jeunes pères sont traités un peu par le biais humoristique et léger -j’en ai moi-même écrit un. Mais si on compare, ceux pour les futures mères sont souvent précis, sérieux, journalistiques, scientifiques et graves.

    Et souvent, c’est plus léger pour les pères, du style: “ah vous allez voir, c’est marrant d’avoir un enfant”, “ah c’est dur on dort mal la nuit”, “vous ferez un peu moins l’amour”... Et je trouve que si on veut l’égalité entre les hommes et les femmes sur la question de la parentalité, il faut commencer par parler aux pères normalement.

    D’ailleurs, dans le livre, il y a de nombreux chapitres qui pourraient être copiés-collés et qui s’adressent aussi bien aux pères qu’aux mères. C’est important par exemple que les hommes soient aussi informés de ce qui se passe dans le corps des femmes lors de la grossesse et de l’accouchement: ce qu’est une épisiotomie, en quoi consiste la rééducation périnéale...

    Je voulais offrir aux pères un outil documenté et dense, qui aborde aussi des sujets plus durs, les violences sexuelles, la lutte contre l’inceste, ce qu’est le deuil périnatal...

    Alors pourquoi ne pas avoir écrit à l’attention de tout futur parent, quel qu’il soit?

    Je pense que ça vaut le coup, sur certains points, de s’adresser encore différemment aux pères qu’aux mères. Bien sûr que l’objectif serait que dans 15 ou 20 ans, on puisse écrire “Devenir parent pour les nuls”. Mais aujourd’hui, il y a encore un décalage important sur de nombreux sujets et ça vaut la peine de s’adresser différemment aux pères qu’aux mères.

    Sur les sujets qui concernent la répartition des tâches ménagères et la charge mentale, l’éducation non genrée ou antisexiste, il y a encore un décalage. Pour prendre l’exemple de la charge mentale, il y a énormément de jeunes pères qui, parce qu’ils ont eu l’éducation qu’ils ont eue, ne se posent pas la question. Mais il y a un déséquilibre et c’est la femme qui porte toute la charge mentale.

    Donc je voulais parler aux pères, qui souvent sont plein de bonne volonté -surtout ceux qui vont acheter ce type de livre-, spécifiquement de ces sujets auxquels moi-même je me suis intéressé tardivement. En devenant père, justement.

    Est-ce que ce livre s’adresse à tous les types de familles?

    Oui, après c’est vrai que le modèle souvent cité dans le livre est un modèle où il y a deux parents, peu importe leur genre. Notamment parce que j’essaye de mettre beaucoup en avant la question de l’équilibre entre les deux. Mais le livre n’est pas destiné uniquement aux couples hétéros.

    Que pensez-vous de l’idée encore répandue selon laquelle les femmes, parce qu’elles portent l’enfant, ont plus de facilités à se projeter dans la parentalité?

    C’est du bullshit (rires). Je ne vois pas du tout ce qui pourrait aller dans ce sens-là. Ce n’est pas parce qu’une femme porte un bébé qu’elle est plus apte à prendre rendez-vous chez le dentiste. Il n’y a aucun lien.

    Il y des gens qui continuent de maintenir que l’instinct maternel existe et que la mère est une louve qui défend son bébé... La seule manière de combattre ces idées fausses, pour le père, c’est de s’investir avec son enfant. Et en plus, ce qu’il faut rappeler, c’est que c’est aussi du bonheur.

    Non seulement il faut le faire, pour la maman, le bébé, mais aussi pour son bonheur personnel. Et ça peut paraître titanesque, surtout quand on n’a pas été éduqué comme cela. Mais ça vaut le coup.

    Même s’il reste du travail, je trouve que l’on progresse quand même à grande vitesse, sur l’échelle de la parentalité. Si l’on regarde les générations de nos parents, de nos grands-parents... Ça évolue.

    Est-ce que le sujet du congé paternité reste majeur, malgré son allongement à 28 jours?

    Quand on regarde ce qui se fait dans les fameux pays du Nord, qu’on prend tout le temps comme modèles -je n’aime pas les prendre en modèle pour tout, parce que ce n’est pas forcément comparable-, le fait qu’il y ait un congé aussi long pour le père et pour la mère, ça change tout.

    Nous, on a un mois. C’est très bien, mais c’est du temps passé avec la mère. Donc la tentation, c’est de rester “l’assistant” de la mère. Tous les parents savent que c’est en se retrouvant seul avec son bébé, une journée, une nuit, lui donner seul le bain, c’est là qu’on se rend compte de ce que c’est de s’occuper d’un enfant.

    Et la deuxième chose, c’est le monde du travail. Tant que les hommes seront mieux payés que les femmes, les choses évolueront difficilement. Car quand l’un des deux membres du couple doit s’arrêter de travailler pour un congé parental ou parce que l’enfant est malade ou autre, c’est en général la femme qui le fait, puisqu’elle gagne moins. Et c’est normal, le couple est pragmatique.

    Il faut aussi changer les mentalités: que la crèche n’appelle pas toujours la mère en premier lorsqu’il faut aller chercher l’enfant, que les pédiatres ne s’adressent pas qu’aux mères lors des consultations...

    C’est à nous, la nouvelle génération de parents, de se saisir de ce sujet et d’opérer cette révolution. Les pères doivent oser, en entreprise, refuser une mission tard le soir ou de partir une semaine parce qu’ils ont un enfant en bas âge. Il faut l’assumer, même si on ne peut pas le faire partout, mais quand on peut, c’est l’un des combats que l’on doit mener.

    C’est quoi, un père moderne?

    C’est un père qui n’aide pas sa femme à élever les enfants, c’est un père qui avec sa femme, élève ses enfants. Ce n’est pas un père qui est l’assistant de la mère, c’est un père qui comme la mère, prend sa part.

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