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      Législatives 2022: Olivier Faure appelle les abstentionnistes à voter Nupes

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 14 June, 2022 - 12:43 · 9 minutes

    Olivier Faure, premier secrétaire du PS, lors de la campagne des législatives, le 8 juin 2022 Olivier Faure, premier secrétaire du PS, lors de la campagne des législatives, le 8 juin 2022

    POLITIQUE - On a connu le premier secrétaire du PS triste et ennuyé. C’était en 2018, quand il prêchait dans le désert pour la “renaissance du PS” et qu’il appelait au rassemblement des forces de gauche , quand personne ne voulait en entendre parler.

    Lundi 13 juin, dans son bureau du siège d’Ivry-sur-Seine, c’est un Faure rayonnant et détendu qui nous accueille. Il semble confiant pour sa circonscription de Seine-et-Marne où il est arrivé largement en tête du premier tour, avec près de 47% des voix, loin devant la candidate Ensemble! (22%), mais surtout bien plus haut que ses 27,37% du premier tour des législatives de 2017, il y a cinq ans.

    Le chef de file socialiste attaque frontalement la “non-campagne” d’Emmanuel Macron qui mènerait “au chaos”. Il s’en prend à des réformes économiques qu’il juge “cachées”, comme l’augmentation de la TVA, et fustige les professions de fois des candidats “Ensemble!”, qui seraient remplies de “banalités”.

    Olivier Faure croit encore à l’hypothèse d’un Jean-Luc Mélenchon à Matignon. Il confie que le leader insoumis lui a proposé plusieurs postes de ministres car “il ne faut pas improviser” et affirme que “le suspense est total” avant dimanche, date du second tour. Entretien.

    Le HuffPost : Passer de 1.75% à la présidentielle à 25% aux législatives, ça doit faire quelque chose en termes d’ascenseur émotionnel...

    Olivier Faure : C’est une immense satisfaction. Avec 70 circonscriptions, on fait 300.000 voix de plus qu’à la présidentielle. Cela valide une stratégie – seule l’union peut conduire à la victoire – et une conviction: le rôle historique du PS est de rassembler la gauche pour gouverner.

    Ces tripatouillages ne sont pas glorieux. La Nupes est devant.

    Quelle est votre lecture du premier tour du dimanche 12 juin ?

    Le rassemblement de la gauche et des écologistes a levé un véritable espoir. Dans ce troisième tour, Marine Le Pen a disparu. Jamais un président élu ou réélu n’était arrivé derrière ses opposants aux législatives suivantes. C’est la gauche qui mène le jeu et impose les thèmes du pouvoir d’achat ou de la transition écologique.

    L’abstention reste colossale, mais une large part de l’explication tient au fait que le président a choisi d’anesthésier tout débat pour que la campagne reste sous les radars. Quand les choix ne sont plus éclairés par la confrontation démocratique, les élections ne permettent plus de purger les différends. Et le débat finit dans la rue. Ce mépris pour l’élection, cette volonté d’obtenir un chèque en blanc conduit au chaos.

    Diriez-vous, comme Jean-Luc Mélenchon, que le ministre de l’Intérieur “manipule” les résultats ?

    Depuis le démarrage de cette campagne, Gérald Darmanin cherche à masquer les résultats d’“Ensemble !” et fait tout pour minorer le score de la NUPES. Soit il compare les scores en métropole pour tout le monde, soit il prend en compte les outre-mer, pour tout le monde. Ces tripatouillages ne sont pas glorieux.

    En 2017, si l’on additionne les quatre partis de la Nupes, on obtient 25%, soit le même score qu'en 2022. Comment expliquer que la gauche ne progresse pas en termes de voix?

    Elle progresse si vous n’omettez pas les outre-mer. Dans le même temps, la majorité présidentielle passe de 32% à 25%.

    Selon les projections, vous aurez, au second tour, à peu près le même nombre de députés socialistes, une trentaine. Est-ce à dire que cet accord a servi simplement à sauver les meubles du PS ?

    Non. D’abord, parce que ce ne seront pas exclusivement les mêmes : il y a aura l’émergence d’une nouvelle génération. Il y a deux mois, après notre score à la présidentielle, tout le monde anticipait notre disparition, l’absence de groupe parlementaire et tout au plus la victoire d’une poignée de députés se comptant sur les doigts d’une seule main.

    Je lance un appel à la génération climat, celle qui a marché contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme et les violences faites aux femmes. Le 19 juin c’est la dernière station avant le désert!

    Vous croyez vraiment à l’hypothèse de Mélenchon à Matignon ?

    Absolument.

    Avec quelles réserves de voix ? L’abstention est souvent plus importante au second tour…

    Nous avons une réserve de voix fantastique dans ce second tour : 69% des 18-24 ans et 71% des 25-34 ans n’ont pas voté au premier tour. C’est abyssal. C’est dans cette génération montante que la Nupes réalise potentiellement ses meilleurs scores. C’est dans leurs mains qu’est la clé du scrutin. Je lance un appel à la génération climat, celle qui a aussi marché contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme, contre les violences faites aux femmes : le 19 juin, c’est la dernière station avant le désert!

    Jean-Luc Mélenchon serait en train de composer son gouvernement. Il vous a proposé un poste?

    Oui, plusieurs.

    Lesquels?

    Nous avons commencé à évoquer ce gouvernement qui ne pourrait être que pluriel. C’est normal de se projeter. On ne peut pas improviser ni sur le dispositif humain ni sur la méthode pour engager les grandes réformes. Ce sont des enjeux sérieux. Notre projet n’est ni infaisable ni impossible, il est le résultat d’une longue réflexion à la conjonction de nos projets présidentiels. Mais avant cela, il faut gagner le 19 juin.

    Jean-Luc Mélenchon sera responsable devant le Parlement, pourra être renversé par une motion de censure et la président de la République conservera son droit de dissolution. Ceux qui lui imaginent un avenir de dictateur peuvent se rassurer.

    Pensez-vous rassembler en vue du second tour, malgré la radicalité de Jean-Luc Mélenchon?

    Si demain la Nupes est majoritaire, elle sera composée pour moitié d’insoumis et pour moitié d’écologistes, de socialistes et de communistes. Jean-Luc Mélenchon et son gouvernement arc-en-ciel ne tireront leur légitimité que de l’Assemblée nationale.

    Ceux qui lui imaginent un avenir de dictateur peuvent se rassurer ( rires ). Il sera responsable devant le Parlement, pourra être renversé par une motion de censure, devra répondre aux questions des parlementaires, et la président de la République conservera son droit de dissolution de l’Assemblée. Ce sera une reparlementarisation de nos institutions. Un peu de VIème République dans la Vème, en somme…

    François Hollande vous a-t-il appelé depuis l’annonce des résultats?

    Il ne m’a pas appelé en quatre ans, ce n’est pas aujourd’hui qu’il va le faire…

    Les dissidents socialistes qui se sont présentés contre la Nupes seront-ils exclus du PS?

    Un mot sur leur bilan: seuls trois parmi les soixante-dix qui se présentaient ont réussi à se maintenir au second tour. C’est un échec total. Pire, plusieurs d’entre eux ont, par leur présence, interdit l’accession de la gauche au second tour. Nous appliquerons le moment venu nos règles statutaires (qui prévoient leur exclusion, NDLR).

    Il y aura un avant et un après-Nupes. Des gens me klaxonnent dans la rue pour me dire merci. C’est sacrément nouveau.

    Certains datent de la fin de la Nupes aux Européennes de 2024. Quelle durée de vie à cette alliance, selon vous ?

    Il y a un avant et un après-Nupes. Personne ne peut tourner le dos à une aspiration aussi forte. L’aventure de l’union populaire est extraordinaire et nous sommes portés sur le terrain par cet élan. Des gens me klaxonnent dans la rue pour me dire merci. C’est sacrément nouveau! On ne pourra pas dire aux électeurs que cette aventure s’arrête au soir du 19 juin.

    Concernant les Européennes, il est déjà arrivé par le passé que la gauche plurielle présente des listes distinctes. C’est un scrutin à la proportionnelle intégrale. Cela n’empêche pas de se rassembler à d’autres élections.

    Je rappelle que nous avons voté Macron au second tour pour faire barrage à Le Pen. Se voir traiter aujourd’hui d’extrémistes par Élisabeth Borne, c’est fort de café. C’est même honteux.

    Comment percevez-vous la stratégie d’Emmanuel Macron dans cette campagne?

    Sur quatre tours, Emmanuel Macron réussit l’exploit de ne jamais dévoiler ses intentions sur le quinquennat qui s’ouvre. En dehors de la retraite à 65 ans, que propose-t-il ? Ses candidats aux législatives doivent se contenter d’aligner les généralités : l’emploi c’est mieux que le chômage, la préservation de notre environnement c’est mieux que la pollution... Bref, les feuilles tombent à l’automne et les fleurs fleurissent au printemps! Derrière ces banalités et cette absence de vision, il y a un projet qui demeure soigneusement caché.

    Emmanuel Macron s’est engagé auprès de Bruxelles à ramener le déficit budgétaire à 3%, ce qui signifie une économie de 80 milliards d’euros par an. Comment va-t-il faire puisqu’il nous dit que les impôts directs n’augmenteront pas, qu’il ne touchera pas aux revenus et au patrimoine des plus riches ni aux superprofits des multinationales? Il va augmenter la TVA.

    Augmenter la TVA? En pleine crise du pouvoir d’achat, vous êtes sûr?

    Il ne veut pas toucher à l’impôt sur le revenu; il ne veut pas rétablir l’ISF ni abroger la flat tax … L’équation n’est pas tenable autrement. C’est l’impôt le plus injuste puisqu’il frappe de la même manière tous les Français, quels que soient leurs revenus.

    La majorité actuelle n’est pas à l’unisson pour appeler à faire barrage contre le RN face à la Nupes, comment percevez-vous ces hésitations?

    Ils n’ont pas de doctrine, pas de ligne… Cela change en fonction de leurs intérêts et des interlocuteurs. C’est l’incarnation du cynisme en politique. Désormais, tous ceux qui ne sont pas des supporters d’Emmanuel Macron sont transformés en anti-républicains! Quand je vois que même dans la circonscription de Marine Le Pen, la candidate LREM a appelé à voter blanc au second tour. Ils tombent progressivement dans la ligne de LR, “le ni ni”, ne distinguant pas l’extrême droite de la gauche. Je rappelle que nous avons voté Macron au second tour pour faire barrage à Marine Le Pen! À l’époque, la Macronie suppliait la gauche de venir à son secours et se trouvait même des ” valeurs républicaines communes” avec LFI. Se voir traiter aujourd’hui d’extrémistes par Élisabeth Borne, c’est fort de café. C’est même honteux.

    À voir également sur Le HuffPost : Face à la NUPES, le péril rouge agité par la Macronie vire à l’écarlate