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      A l'Assemblée, l'effervescence d'une rentrée pas comme les autres

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 28 June, 2022 - 17:20 · 5 minutes

    "C'est du grand n'importe quoi", la rentrée agitée des députés, entre inquiétude et effervescence

    POLITIQUE - “Comme je vais peut-être entrer à Beauvau...” Ugo Bernalicis a une blague toute prête pour expliquer son absence de la photo de groupe des députés de la NUPES . Le député du Nord, qui visait l’Intérieur si Mélenchon accédait à Matignon -clip de rap à l’appui - est arrivé un poil trop tard pour poser devant l’objectif aux côtés de ses nouveaux collègues. Mais il s’en moque, sourire aux lèvres et boutade de rigueur, à la façon d’un vieux routier de la politique, lui qui vit, ce mardi 28 juin, sa deuxième rentrée à l’Assemblée nationale.

    Comme la semaine dernière, l’arrivée des troupes d’ Olivier Faure , Julien Bayou et Mathilde Panot ne passe pas inaperçue dans l’ambiance feutrée du Palais Bourbon. Il est un peu moins de 15 heures, quand les journalistes s’entassent sur les escaliers du jardin qui donne sur la salle des quatre colonnes. Le rendez-vous était donné.

    “C’est bon, on peut rentrer, on ne vous dérange pas?” Un député LREM aux journalistes

    A l’intérieur, plusieurs députés du Rassemblement national font les cents pas derrière un Julien Odoul soucieux de répondre à toutes les sollicitations médiatiques. Elles sont innombrables en cette première journée. A l’extérieur, l’heure est à la NUPES. La centaine de députés socialistes, écolos ou insoumis déboulent en grappe pour un effet de masse réussi... au grand dam de certains élus, troublés par une telle agitation.

    “C’est du grand n’importe quoi”, souffle la députée LREM Anne Brugnera, devant le Palais, en essayant de grimper les marches pour se frayer un passage entre les micros et caméras. Un de ses collègues s’agace en s’adressant aux journalistes: “C’est bon, on peut rentrer, on ne vous dérange pas?”

    Cette configuration va faire du bien à la politique française. Joël Giraud, ancien ministre, député LREM

    Une effervescence qui ne semble pas perturber Joël Giraud, du haut de ses quatre mandats. Il entame son cinquième. “J’ai chaud”, répète l’ancien ministre de la Ruralité pour entamer la conversation avec ses interlocuteurs qui se pressent dans le jardin. Décontracté derrière ses lunettes de soleil, celui qui n’a pas réussi à obtenir le soutien de la majorité pour briguer le perchoir, enchaîne les boutades. “Non, on m’appelle Gigi”, réplique-t-il en éclatant de rire quand un député s’avance vers lui, les bras grands ouverts, pour saluer “Joël.”

    “Tout le monde joue à se faire peur”, regrette l’élu de 62 ans, gourmand d’évoluer dans une “Assemblée nationale à l’Allemande”. Pour lui, l’arrivée en masse d’élus du Rassemblement national ou de la France insoumise n’est en rien source d’inquiétude. “C’est peut-être l’âge qui fait ça”, ou sa “foi protestante”, prévient, dans un sourire, celui qui pense “que cette configuration va faire du bien à la politique française.”

    Je vois l’inquiétude des fonctionnaires, je les connais depuis des décennies, ils se demandent comment tout cela va se passer. David Habib, député socialiste (non-NUPES)

    “Il y aura peut-être une déflagration dans quelques jours...”, conclut-il simplement avant de filer dans les couloirs du Palais. Un ton ironique et enjoué qui laisse peu de place à cette éventualité.

    Un peu plus loin, David Habib n’a pas la même légèreté. Au contraire, l’élu socialiste parle volontiers de son “inquiétude” face aux “groupes extrêmes” qui s’installent au Palais Bourbon. “On est gênés”, nous dit-il, la mine grave, en parlant de l’arrivée massive des députés du Rassemblement national dans les arcanes du Palais Bourbon, “on respecte leur élection, bien sûr, mais a titre personnel je n’ai aucune envie de leur parler ou de leur tenir la porte”.

    Surtout, selon lui, les personnels de l’Assemblée, administrateurs ou huissiers, sont dans la même expectative teintée de crainte. “Je vois l’inquiétude des fonctionnaires, je les connais depuis des décennies, ils se demandent comment tout cela va se passer.”

    Premières tensions au Bourbon

    A l’intérieur, les députés du Rassemblement national donnent quelques éléments de réponse. Pendant que Mickaël Taverne, nouvel élu RN du Nord, se prête au jeu des questions, entre “opposition responsable” ou “fierté immense” de siéger en ces lieux, son collègue José Gonzalez, le doyen de l’Assemblée, livre un discours aux contours étonnants.

    C'est un jour sombre pour l'histoire de ce Parlement. Benjamin Lucas, député NUPES

    Installé au perchoir pour la séance de l’élection de la nouvelle présidente, le septuagénaire frontiste ne peut s’empêcher d’évoquer, avec émotions et regrets , l’Algérie, sa terre natale à laquelle il a dit avoir été “arraché”. Une façon bien singulière de débuter cette XVIe législature, propice à favoriser les premières escarmouches dans l’hémicycle.

    Alors que Louis Boyard, le jeune député insoumis refuse ostensiblement de serrer la main aux élus d’extrême droite quand ils passent à la tribune, sa collègue Sophia Chikirou fait tout ce qu’elle peut pour éviter d’adresser la parole à Sébastien Chenu, le cadre du RN, installé juste à ses côtés en vertu du placement par ordre alphabétique. Pendant ce temps là, Benjamin Lucas, lui, ne décolère pas.

    Encore choqué par le plaidoyer de José Gonzalez, le député Génération.s, proche de Benoît Hamon, évoque même “un jour sombre pour l’histoire de ce Parlement”. “Je ne comprends pas que des collègues aient pu applaudir ainsi le représentant du courant politique qui a combattu avec rage la République et ses valeurs depuis deux siècles”, peste-t-il en référence à certains députés de la majorité. La séance est ouverte.

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