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      Électricité : les renouvelables créent une hausse des prix

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 04:15 · 4 minutes

    On sait depuis longtemps que la multiplication des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) entraîne une hausse du coût moyen de la production de l’électricité. La forte corrélation entre poids des renouvelables dans le mélange électrique et niveau des prix de l’électricité le suggère : à faible poids, prix bas (Hongrie) ; à poids moyen, prix moyen (France) ; à poids considérable, prix élevé (Allemagne).

    On sait également que l’année 2022 a montré qu’à cette inflation par les coûts s’ajoute une inflation par la mécanique du marché de gros européen. Les prix de l’électricité en Europe ont été largement déconnectés des coûts de production de l’électricité. En France, par exemple, le coût moyen de production a augmenté d’environ 15 % (du fait de l’augmentation du prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité) alors que le prix de vente moyen a augmenté d’environ 130 %. Cette augmentation des prix de vente provient principalement de la généralisation du prix qui s’établit sur le marché européen de l’électricité à l’ensemble des prix de l’électricité en Europe. En 2022 ce prix a été largement celui de la production des centrales au gaz allemandes .

    Ce que l’on sait moins, c’est qu’il y a une double relation causale entre les renouvelables et cette mécanique infernale :

    • la hausse du prix du gaz est liée au développement des renouvelables,
    • le marché européen a été conçu dans le but de favoriser ces mêmes renouvelables.

    L’éolien et le photovoltaïque sont intermittents

    Durant la majorité des heures de l’année, le vent ne souffle pas et le Soleil ne brille pas. Qui plus est, en particulier pour l’éolien, cette intermittence est aléatoire car on ne sait guère longtemps à l’avance quand les installations vont produire. Pour répondre à la demande, notamment de pointe, il faut donc avoir sous le coude des centrales capables de démarrer instantanément. Les centrales les mieux adaptées à cette tâche sont les centrales au gaz qui est ainsi un complément nécessaire aux renouvelable. Plus de renouvelables, c’est davantage de gaz.

    L’ Allemagne , mais aussi l’Italie et l’Autriche étaient et sont toujours des pays très dépendants des importations de gaz, et en particulier de gaz russe. La décision de Gazprom de diminuer brutalement ses ventes de gaz à ses clients européens a évidemment fait flamber le prix du gaz en Europe, et le prix de l’électricité au gaz sur le marché européen de l’électricité.

    Cet enchaînement maintenant bien connu n’explique pas la contagion de la hausse des prix dans le reste de l’Europe et notamment en France. La part de notre électricité achetée sur le marché européen est faible (même si elle a augmenté en 2022 du fait de l’indisponibilité temporaire d’une vingtaine de nos centrales nucléaires) et de plus l’essentiel de ces achats se font de gré à gré, hors marché.

    Cela aurait dû nous protéger de la contagion. Si cela n’a pas été le cas, c’est à cause d’une « règle » particulière de ce marché européen. La Cour des comptes européenne, qui n’est pas suspecte d’hostilité à ce marché et à cette règle, la présente en ces termes :

    « Toutes les offres de fournisseurs ayant trouvé preneur […] doivent être rémunérées au même prix que l’offre la plus élevée qui équilibre le marché ». 1

    D’où sort cette règle ?

    La Cour des comptes européenne mange le morceau et avoue clairement :

    « Cette méthode vise à faire en sorte que les producteurs d’énergie verte dégagent un bénéfice, et donc un retour sur investissement, ainsi qu’à accroître l’approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables».

    Pour faire plaisir aux industriels de l’éolien et du photovoltaïque, les achats obligatoires à prix rémunérateurs (qui existent dans la plupart des pays européens, notamment en France) ne suffisent pas, peut-être parce qu’ils sont trop voyants. L’Union européenne a tenu à les renforcer par des prix élevés totalement déconnectés des coûts de production.

    Les prix élevés de l’électricité qui ruinent les ménages et les industries européennes ne sont donc pas seulement une conséquence imprévue des renouvelables, ils sont au contraire une cause voulue, un moyen conscient de la multiplication des renouvelables. Les boucliers énergétiques dont nos gouvernants dotent à grands frais les consommateurs ne servent qu’à les protéger des flèches et des javelots que ces gouvernants eux-mêmes ont systématiquement et savamment décochés.

    Le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de cette absurdité mais il la perpétue. Le président déclare que « l’électricité doit être vendue aux Français à un prix qui correspond à son coût de production », mais en même temps il fait voter le doublement rapide des renouvelables et ne remet pas en cause le mécanisme inflationniste du marché européen qui a la double vertu d’être un marché et d’être européen.

    1. Cour des comptes européenne 2023. L’intégration du marché intérieur de l’électricité . Encadré n°1, p. 33.
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      Électricité : analyse du mois de janvier 2023

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 03:50 · 3 minutes

    Sur ce diagramme de RTE (site eCO 2 mix) on voit clairement les mécanismes en jeu du fait des énergies intermittentes. Mais il y a d’abord plusieurs constatations générales à en tirer.

    Considérations générales sur l’électricité

    La consommation reste faible, en particulier la deuxième quinzaine de janvier. Certes, le froid n’a pas été vraiment là. Les maxi à la pointe ont été d’à peine 80 GW. Tout laisse à penser que si les Français ont sans doute commencé à se restreindre c’est malheureusement surtout l’activité économique qui est en berne.

    EDF a quasiment gagné son pari : fin janvier on est à 44 GW de nucléaire. Toutefois, nous savons que l’avenir continuera à être très difficile, entre les grèves, les réparations de tuyaux, les visites décennales, les rechargements de combustible complètement désynchronisés à cause de tout cela, plus le covid… et le manque de personnel.

    D’après les membres de l’association PNC (Patrimoine nucléaire et climat), dès le mois de mai le parc aura 22 tranches à l’arrêt. Or l’expérience montre qu’EDF et ses partenaires n’ont les moyens humains que pour traiter 15 arrêts simultanés. Au-delà c’est l’engorgement et les retards se multiplient. Cette perspective est inquiétante. En attendant, en février, on peut estimer notre capacité « pilotable » mobilisable les nuits sans vent, à 60 GW. Ce n’est pas beaucoup !

    Le passage des pointes de la semaine, qui ont atteint 82 GW, lundi 25 janvier, a été délicat. D’après PNC, les contrats EJP et tempo ont été activés plusieurs jours consécutifs. Les déstockages d’eau ont dépassé 17 GW à la pointe ; les turbines de pointes ont été sollicitées, ce qui signifie que ce moyen de secours pour faire face à la perte d’une tranche de 1300 MW devient d’une utilisation courante ; toutes les centrales à gaz plus la cogénération ont apporté 9 GW, le charbon 1,7 GW et nous avons importé jusqu’à 8 GW. Impossible de savoir si des effacements industriels ont été opérés, ni si la tension a été abaissée. Le site de RTE ne donne pas ces informations pourtant très importantes.

    Électricité : quid du solaire et de l’éolien ?

    Ils nous ont joué un bon tour.

    La première quinzaine de janvier il y avait du vent (jusqu’à 14GW,) mais avec des interruptions spectaculaires il est vrai. Mais on n’avait ni froid, ni activité. Et pile à mi-janvier, avec une remontée assez forte de la consommation, patatras ! Chute quasi instantanée du vent !

    Cela illustre bien qu’avec l’intermittence, on a du courant, certes, mais pas quand il nous le faut, en tout cas pas toujours.

    Les conséquences

    EDF a réagi rationnellement. Plutôt que de faire faire le yoyo au nucléaire et compte tenu des prix spots, la première partie du mois nous avons exporté essentiellement vers l’Angleterre, l’Italie, la Suisse.

    Mais lorsque le vent est tombé, nous avons importé d’Allemagne. Autrement dit nous avons exporté du vent et importé du charbon. On ne saurait mieux dire ! Dans cette situation de janvier, le vent ne nous a été d’aucun intérêt, quand il ne soufflait pas bien sûr, mais aussi quand il soufflait !

    Et la finance, dans tout ça ?

    L’évolution des prix est spectaculaire, elle aussi. On voit bien certains passages à prix nuls. Et on a exporté à 120 euros/MWh et importé à 175 euros/MWH en moyenne. Belle opération !

    Électricité : les Allemands raflent la mise

    Contrairement à la France, les Allemands ont gardé toute leur capacité pilotable en termes d’électricité. Les 130 GW qu’ils ont installés en éolien et solaire sont en plus de leur capacité normale.

    Ils profitent à plein du manque de capacité en Europe et de la fixation de prix débiles. Entre Energiewende (Transition énergétique) et Ostpolitik (gaz russe) ils ont créé la crise et contre toute morale (si tant est qu’il y ait une morale en énergie) ils en retirent des bénéfices.

    Faut-il les en blâmer ? Nous n’avons pas eu besoin d’eux pour nous mettre nous-mêmes dans une situation impossible.

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      50 % de nucléaire ? Un objectif vide de sens

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February, 2023 - 04:15 · 14 minutes

    Les dernières discussions au Sénat ont « sauvé » l’objectif de 50 % de nucléaire… par rapport à un abandon pur et simple, évidemment. Cela a-t-il un sens ?

    Lors des différentes consultations publiques, de nombreuses interventions, tant d’experts, de sociétés savantes et de simples citoyens ont posé la question :

    « À quoi ça sert de baisser le nucléaire à 50 % et de le remplacer par des énergies renouvelables ? »

    Invariablement, l’élément de langage utilisé pour la réponse de la part des autorités techniques et politiques est :

    « Pour avoir une filière de secours en cas de risque systémique sur le nucléaire ».

    On peine à croire que nos dirigeants aient pu cautionner une assertion aussi ridicule. Un enfant comprendrait qu’on ne peut pas sécuriser une filière pilotable par une filière intermittente et aléatoire. En réalité, nous allons montrer qu’il n’y a aucune justification à remplacer du nucléaire par de l’éolien ou du solaire. Si on privilégie les coûts, c’est un ensemble nucléaire et gaz qui convient. Si on veut privilégier l’ indépendance énergétique , c’est le plus possible de nucléaire, avec un peu de gaz.

    En aucun cas les énergies intermittentes ont une quelconque utilité ; pire, elles créent d’innombrables difficultés techniques et rendent le marché de l’électricité hyper volatil sans aucune justification.

    Scenarii à 50 % de nucléaire

    Situation en 2019 (dernière année « normale ») : productions et capacités en France

    • Éolien……….     37 TWh pour 19 GW
    • Solaire………     14,8 TWh pour 14 GW
    • Nucléaire…..  360 TWH
    • Reste………… 111 TWh
    • Total…………. 523 TWh

    Passage à 50 % de nucléaire (objectif de la loi actuelle).

    Imaginons le scenario après arrêt des réacteurs actuels. Les discussions sont en cours pour leur prolongation et ce n’est pas gagné.

    On suppose un montant et un profil de consommation inchangés, ce qui est peu probable si on pousse les transferts d’énergie vers l’ électricité .

    50 % nucléaire cela donne 260 TWh. On peut le faire avec 33 GW de nucléaire en base (taux de disponibilité de 90 %). Soit 20 réacteurs.

    Si le reste du mix gaz et hydraulique ne change pas, les ENR auront 152 GWh. Si on vise moitié/moitié solaire et éolien en puissance, comme en Allemagne, et si on respecte la multiplication par trois des éoliennes et par cinq du solaire, soit les objectifs actuels, on vise à peu près 120 GW d’ENR.

    Avec 17 % de facteur de charge globale (cas allemand) et 120 GW d’ENR, on aurait 178 GWh de production d’énergie. C’est un peu plus que le besoin mais nous n’en sommes pas loin.

    Quelques petits problèmes

    Le problème des pointes

    Lorsque la pointe de 19 heures l’hiver se produit en situation anticyclonique sur toute l’Europe, ce qui arrive plusieurs fois par an, il faut conserver une puissance pilotable égale à la consommation à cette pointe. Ces dernières années, c’était environ 90 GW avec un record en 2012 à 102 GW.

    Dans cette situation, si on arrête le charbon, avec 33 GW de nucléaire, 10 GW de gaz et 17 GW d’hydraulique, 2 GW de biomasse, on aligne 62 GW pilotables. Manquent environ 30 GW. Si on ne veut pas toucher au dogme de 50 % de nucléaire, il faut construire 30 GW de centrales pilotables (gaz ?) supplémentaires.

    Le problème du creux

    Un examen au jour le jour en France et en Allemagne montre que l’ensemble éolien/solaire ne donne guère plus que 60 % de la puissance installée au maximum (quand il y a du vent, il y a peu de soleil et vice-versa). Néanmoins, avec 130 GW, certains jours en Allemagne les ENR sont largement majoritaires.

    Le 16 septembre 2022 à 12 h 30 (Energy charts.de), les ENR donnaient 44GW, le Soleil était à son apogée. Le réseau allemand baissait tout ce qu’il pouvait. Les gros alternateurs donnaient une trentaine de GW. Mais l’Allemagne exportait 8 GW en excédent. Pourquoi ne pas baisser davantage les centrales à combustible fossile ?

    Pour deux raisons :

    1. Il fallait se préparer à la « descente » du solaire vers la nuit.
    2. Il fallait veiller à la stabilité du réseau, garder suffisamment d’énergie cinétique pour pallier les variations rapides. Or, le solaire et l’éolien n’en disposent pas.

    Pour l’instant, l’Allemagne profite de ses voisins ; elle importe et exporte pour pallier la variabilité de ses ENR et profite de l’interconnexion pour « récupérer » l’inertie des gros alternateurs nucléaires français et fossiles polonais.

    Que se passe-t-il si tout le monde fait pareil ?

    L’examen des scenarii à 2050 montre que tous utilisent l’import/export pour compenser les coupures et écouler l’excédent, selon la météo. Il ne vient à personne l’idée que la météo est parfois la même pour tout le monde.

    En réalité, on ne sait pas quel est le seuil technique possible d’insertion des ENR dans un réseau car pour l’instant l’Europe n’est pas assez pénétrée (17 % en global). Certes, on connaît des remèdes à base d’électronique de puissance, de batteries et de condensateurs. Mais cela doublerait probablement le coût des ENR.

    Mais si on stocke les surplus, ça marche ?…

    C’est totalement incompris des décideurs.

    On a calculé ici que pour compenser l’absence de vent de trois semaines qu’on a connue en janvier 2022, il aurait fallu stocker une énergie équivalent, en stockage (par pompage entre deux lacs), à monter les eaux de la totalité du lac de Genève de 220 mètres.

    Le stockage n’est pas un problème de technologie, c’est un problème d’ordre de grandeur.

    Chercher les optimums

    Financier

    Empiriquement et hors problème de gouvernance et d’émission de CO 2 , en France l’optimum financier pilotable serait sans doute (à une pointe d’hiver sans vent de l’ordre de 90 GW) :

    • 40 GW d’EPR
    • 17 GW d’hydraulique
    • 2 GW de biomasse
    • 20 GW de centrales à gaz combinées, peu flexibles mais avec un très bon rendement
    • 10 GW de cogénération
    • 10 GW de turbines à gaz très flexibles

    L’ordre de mérite, c’est-à-dire l’enclenchement des moyens de production en fonction du coût variable est celui décrit ci-dessus. Il faut ajouter en premier les ENR mais les nuits sans vent ça ne change pas grand-chose.

    Mais une question se pose alors : les 120 GW de solaire et d’éolien apportent-ils une économie et une baisse des émissions de CO 2 ? Rien n’est moins sûr. Ils représentent ensemble un million d’euros par MW d’investissement tous les vingt ans, soit d’ici 2050 180 milliards d’euros.

    Une utilisation rationnelle des centrales à gaz nécessaires pour assurer la sécurité d’alimentation coûterait moins cher même avec un prix du gaz élevé. En effet, si on les fait produire continument, leur rendement est au moins le double et les émissions de CO 2 de moitié que lors d’une marche chaotique.

    Indépendance et émissions de CO 2

    Évidemment, l’optimum en termes d’indépendance énergétique ce sont plutôt 60 GW d’EPR et 20 GW de gaz ultraflexible (nécessaire de toutes façons pour suivre les fluctuations rapides de l’éolien et du solaire en plus des STEPs hydrauliques.)

    Dès lors, à quoi servent l’éolien et le solaire ?

    Les 20 GW de nucléaire en plus peuvent donner quand on veut 158 GWh… et les fluctuations des ENR intermittentes obligent à des contorsions du nucléaire qui pourraient être préjudiciables à la durée de vie des réacteurs et à la sureté.

    L’Autorité de sureté nucléaire se demande :

    « La production nucléaire fluctue énormément. Quand la demande est très faible, notamment la nuit, ou que les éoliennes prennent en partie le relais car il y a du vent, EDF réduit la voilure . Avec l’arrêt de la production pilotable d’origine fossile, […] les fluctuations de la demande d’électricité devront être encaissées par le parc nucléaire. La question, c’est : est-ce que ça conduit à effets particuliers en termes de prolongation du parc ? »

    Quel que soit l’objectif, l’éolien et le solaire apparaissent non seulement inutiles mais nuisibles.

    Retour sur la question des coûts et des prix des ENR

    Quelques réflexions.

    Les coûts de l’éolien et du solaires sont sous-estimés.

    Le raccordement, les accessoires supplémentaires (électronique, condensateurs, réseaux additionnels) sont à la charge de RTE, le réseau commun, et donc payés par tout le monde, sauf les opérateurs des ENR. Dans le cas de l’ offshore , cela peut aller jusqu’à 25 % du coût d’investissement d’un projet.

    L’intermittence n’est pas prise en compte. Il faudrait soit en tenir compte dans les coûts et y associer les producteurs appelés en secours en cas de manque. 1 On pourrait en tenir compte dans les prix. Un produit qu’on n’est pas sûr d’obtenir à terme n’a pas la même valeur qu’un produit garanti. On pourrait donc affecter aux prix du MWh des ENR un coefficient réducteur basé sur la probabilité d’avoir le produit pendant la période du contrat.

    Le coût d’investissement de l’éolien et du solaire par kWh est beaucoup plus élevé que celui du nucléaire. La durée de vie des ENR est de 20 ans, celle d’un EPR 60 ans. Le taux de charge de l’éolien est quatre fois moindre, celui du solaire sept fois moindre que celui du nucléaire. Il faudrait donc un coût d’investissement 12 fois moindre pour l’éolien, 20 fois moindre pour le solaire pour arriver à l’égalité. On en est loin. Les coûts d’investissement sont respectivement de : 1,5 million d’euros/MW pour l’éolien ; 5 millions d’euros/MW pour le nucléaire (prévu pour l’EPR2) ; 0,5 million d’euros pour le gaz et le solaire.

    Remarquons en outre que sur un vrai marché libéral, il n’y aurait pas de solaire et d’éolien car par nature ils ne peuvent être rentables. Ils produisent quand Soleil et vent sont abondants donc bradés et quand il est rare, donc cher, ils sont à sec.

    Et quid des prix actuels ?

    Dans un marché normal et sain, la facturation pourrait comprendre un abonnement calculé pour amortir les investissements et un tarif heures pleines/heures creuses au coût marginal. (avec en plus des frais financiers et des marges correctes nécessaires à la pérennité des investissements.) C’est un peu ce que faisait EDF à l’époque du monopole. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

    Il est alors difficile de comprendre que certains voient leurs prix multipliés par 2, 4, 6… Et comment le gaz intervient là dedans alors qu’il ne représente que 10 % de la part des sources de l’électricité ?

    En fait, il y a d’abord une première raison, l’application d’un dogme d’économiste mal compris par les décideurs et les fonctionnaires européens. Les règles du marché boursier qu’ils ont instituées impliquent plus ou moins que soit pris en référence le prix marginal au moment de la transaction d’achat. Une théorie mathématique démontre en effet que dans un marché dont le mix de production est optimisé pour avoir un coût global moyen minimum, la facturation liée au coût marginal de la centrale dernière appelée (celle qui a le coût variable le plus élevé) rémunère à la fois les coûts fixes et les coûts variables de l’ensemble des acteurs. Et même dans le cas de petites variations, le système est vertueux, il tend à inciter les producteurs à avoir le coût marginal en particulier à la pointe, le moins élevé.

    La facturation d’EDF en tant que monopole d’État était plus ou moins inspirée de cette théorie.

    Mais il y a un gros hic : le marché européen n’est pas optimisé !

    Et la théorie montre aussi que dès que le marché s’écarte significativement de l’optimisation, le prix devient très vite aberrant. Appliquer cette théorie nécessite donc d’avoir la maîtrise de la conception du mix et de son optimisation, et que les variables ayant conduit à cette optimisation ne varient pas trop, le tout à très long terme.

    Aucune de ces conditions n’existent sur le marché européen dans son ensemble.

    Au contraire, c’est la cacophonie totale. Et même s’il y avait eu optimisation, elle serait complètement obsolète avec les prix actuels du gaz. La théorie pouvait marcher seulement pour EDF et son nucléaire, avec peu de coûts variables et une vision à long terme.

    Mais on pourrait dire qu’il n’y a pas que des contrats sur le marché en bourse.

    Il y a l’ARENH, tarif « nucléaire » qui oblige EDF, contre son intérêt, à faire profiter quelques spéculateurs de revenus insensés. Il y a aussi des contrats de gré à gré. Pour les vendeurs qui ne produisent rien ou pas grand- chose, c’est en fait un problème de couverture. Ceux qui n’étaient pas assez sécurisés doivent aller en bourse et subir des coûts déments (y compris EDF, avec la crise de disponibilité de ses centrales !) Les situations des différents vendeurs sont donc très diverses : certains sont en faillite, d’autres gagnent des fortunes.

    Vous avez dit libéralisation ?

    Pour « libéraliser » le marché européen de l’électricité, l’Europe a créé trois marchés réglementés :

    1. Un marché de quotas de CO 2 qui pénalise les énergies fossiles.
    2. Une contrainte d’appel au merit order qui impose aux réseaux de prendre toute énergie intermittente produite, même sans besoin et qui de fait, subventionne le solaire et l’éolien.
    3. Une bourse avec une référence idiote liée au coût marginal.

    La France a ajouté trois autres marchés réglementés :

    1. Un marché de capacités.
    2. Le marché ARENH.
    3. Un marché de certificats d’économies d’énergie.

    Et puis jusqu’à cette année, les particuliers pouvaient bénéficier d’un tarif réglementé. Malheureusement, il est déterminé par une péréquation entre les coûts français et les valeurs en bourse. Il devrait doubler pour cette raison alors que rien physiquement n’a changé sur le réseau en France ! C’est la dernière des débilités de la situation globale. Certes, le « bouclier tarifaire » décidé par le gouvernement épargne cela aux particuliers et à certaines très petites entreprises (en subventionnant les traders déficients, d’ailleurs). Jusqu’à quand ? Les très grosses entreprises trouveront sans doute des solutions. Mais pour l’instant, celles de taille intermédiaire en prennent plein la poire. Et on veut réindustrialiser !

    Changer quelque chose dans cette cathédrale baroque où tout est lié est infernal. Ce sera très long et pendant ce temps là une partie de notre PIB et de nos emplois ira ailleurs dans le monde.

    Conclusion

    L’électricité ne se stocke pas et demande des investissements à très long terme.

    Qu’on le veuille ou non, un réseau nécessite des règles de planification de l’ensemble de la zone significativement interconnectée, sous peine soit de surinvestissement, soit de manque. En outre, il existe des critères non techniques et non financiers à prendre en compte, comme l’indépendance énergétique.

    Une fois la planification faite, les opérations peuvent parfaitement être libéralisées avec une vraie concurrence via des appels d’offre. Une concurrence qui s’exerce sur la production, pas uniquement sur un commerce qui s’apparente à du trading et de la spéculation. On peut éventuellement subventionner et donner des avantages à des technologies en devenir mais pour un temps limité. Au-delà, si le besoin de faveurs persiste c’est que ladite technologie n’est pas efficiente. Dans un système d’appels d’offres vraiment libéral, l’éolien et le solaire ne subsisteraient pas.

    On se demande comment nous en sommes arrivés à cette situation ubuesque.

    Certes, la formation du monde politique, des fonctionnaires nationaux et européens, des journalistes, les rend généralement inaptes à une compréhension du sujet. Mais tous les experts indépendants, de nombreuses sociétés savantes (académie des technologies, académie des sciences, académie de médecine) et même certains organismes d’État (Cour des comptes, France Stratégie) ont exprimé l’incohérence de ces programmes énergétiques.

    C’est un constat inquiétant de portée plus générale que le seul domaine de l’énergie : la « vérité » ne sort plus de la bouche des experts mais de l’opinion publique travaillée par un militantisme idéologique.

    1. c’est un peu l’esprit qui a présidé aux marchés de capacités et l’obligation pour les ENR « d’acheter » leur capacité manquante. Ce marché a tourné à la catastrophe. Les « capacités » sont devenues un marché spéculatif complètement déconnecté du physique.
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      La précarité électrique arrive

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 26 January, 2023 - 04:15 · 8 minutes

    L’irrecevabilité sera certes opposée à une classe politique au débit de laquelle doit être mis l’étiolement principalement industriel de notre économie mais elle le sera également à une population française par trop indifférente, au fait ou non de ce dont il est question dans ce live d’une heure.

    De même que, après avoir lu le remarquable compte rendu intitulé « Texas, février 2021 : faillite d’un réseau électrique », l’une et les autres ne peuvent d’ores et déjà arguer de l’ignorance pour méconnaître délibérément ce que leur fait pendre au nez la récente fuite en avant éolienne du programme énergétique gouvernemental.

    Je les exhorte donc à parcourir au moins partiellement ce que rapporte ce document d’une clarté et d’une exhaustivité étonnantes [ 1 ], dont les médias français ne se sont guère fait l’écho.

    Xavier Chavanne, l’auteur, est physicien à l’Institut de physique du globe de Paris. Il nous apprend qu’un froid polaire et une présence éolienne excessive dans le parc de production texan conduisirent le RTE de l’État américain à procéder à de massifs délestages tournants, responsables d’au moins 250 morts et indirectement de plusieurs centaines d’autres entre le 14 et le 19 février 2021. Là-bas, 140 GW électriques potentiels, dont 30 GW éoliens probablement prioritaires, étaient et sont toujours chargés de couvrir une demande rarement supérieure à 75 GW. Le dramatique blackout apporta donc une nouvelle démonstration du caractère rédhibitoire du dépassement des 30 % éoliens de la puissance appelée par les consommateurs ; un caractère rédhibitoire contesté par le SER (Syndicat des Énergies renouvelables) et dont n’a manifestement cure le gouvernement d’Élisabeth Borne.

    L’entrée en matière du live mentionné ci-dessus n’a par ailleurs que sommairement traité d’un des principaux handicaps dressés, année après année, sur le chemin de la pérennisation de notre industrie électronucléaire : le niveau de radioprotection toujours plus surréaliste que des décennies de propagande sont parvenues à faire adopter par les autorités civiles et militaires, tant pour les situations d’exploitation normale des installations que pour les situations accidentelles. Les considérables retours d’expérience de la radiothérapie et de l’imagerie médicale battent pourtant en brèche un aussi ruineux excès de précaution et de prévention contre toutes les formes de contamination radioactive.

    On n’en veut pour preuve que l’exemple suivant.

    Avant que, en 2013, la règlementation française ne transpose les directives Euratom de radioprotection, les limitations qu’elle imposait à la dose annuelle reçue par les professionnels fréquentant la zone dite contrôlée des INB (Installation Nucléaire de Base) étaient : 50 mSv en situation normale ; 120 mSv pour une intervention technique d’urgence ; 2 mSv/jour en pratique usuelle.

    Aujourd’hui, on ne dénombre pas la moindre victime de ce que les défenseurs de la « relation linéaire sans seuil (de nocivité) » considèrent sans doute comme un laxisme coupable.
    De fait, Euratom exigea de diviser ces seuils par 2,5 ce qui eut pour conséquence de multiplier par autant le nombre des intervenants en maintenance, en réparation et même en exploitation, par conséquent de multiplier par autant le coût de leurs interventions ; ce dont EDF se serait bien passé en ce moment.

    La démonstration est pourtant quasi faite depuis longtemps qu’un seuil de nocivité de la radioactivité s’établit autour de 100 mSv/an pour les plus pessimistes, les observations suivantes étant largement notoires : on a reçu 1 mSv après 6 aller-retour Paris-Tokyo ; une radiographie communique 1 mSv, un scanner abdomino-pelvien 15 mSv ; en France, on reçoit annuellement 2,5 mSv de dose naturelle (radon) et artificielle, quand certains pays comme le Kérala, en Inde, en reçoivent de 30 à 50 sans préjudice sanitaire connu sur les populations concernées.

    S’agissant maintenant de la dérive du prix de l’électricité, le live confirme que les Français la doivent à la création d’un marché UE fallacieusement vendue comme une ouverture à la concurrence libre et non faussée et à la ruine préméditée de notre parc électronucléaire en ayant résulté. Pour autant, nos compatriotes ne doivent pas gober le rêve selon lequel le retour immédiat au marché national leur rendrait de facto un KWh bon marché : les dégâts causés à notre potentiel d’approvisionnement électrique demeureront irréversibles encore longtemps et le principe de la facturation du KWh au coût marginal de production, plus connu sous le nom de « merit order », régit de façon intangible l’exploitation de tout système électrique. C’est le mode commercial qui avait cours chez nous avant la dissolution d’EDF dans le marché européen, un marché SPOT établi la veille pour le lendemain dont EDF-production-transport-distribution avait autrefois la responsabilité sans partage.

    Actuellement, tout marché de l’électricité est peu ou prou prisonnier de la marginalité gaz, y compris un marché qui redeviendrait national, auquel ne resterait que la négociation plus efficace du prix de ce gaz, la mise en concurrence de la marginalité de ce dernier avec les marginalités charbon et fuel pour atténuer la facture du consommateur. Car il est aujourd’hui impensable d’imaginer ajouter à ce qui précède une forme de redistribution de la rente nucléaire, tant EDF est endettée, tant les lois NOME et ARENH ont perverti le marché national à son détriment.

    Reste que le marché UE est bel et bien vicié par un marché dit à terme – la possibilité de réserver jusqu’à 200 TWh, une semaine à 3 ans à l’avance – pervertissant dangereusement un marché SPOT déjà dénaturé par la priorité éolienne , en spéculant sur l’accessibilité et sur les coûts à venir des différents combustibles, de même que sur la disponibilité des divers moyens de production et sur toutes sortes d’externalités comme l’effacement à prix d’or de certains industriels. Résultat : les contrats de ce type arrivant aujourd’hui à maturité sont à des prix exorbitants, même avec un prix du gaz ayant sensiblement baissé. Non seulement les Français ont ainsi peu de chances de jouir de la baisse probablement momentanée du prix du gaz, mais, double peine, leurs tarifs sont soumis au lissage permanent des dépenses gouvernementales en ruineux chèques énergie.

    Un heure de live n’aura pas suffi à épuiser les thèmes abordés, comme la stabilité des systèmes électriques gravement compromise par l’éolien, l’usage des STEP (Station de Transfert d’Énergie par Pompage), les Réacteurs à Neutrons Rapides (RNR) de quatrième génération dont Superphénix fut le plus célèbre précurseur, ASTRID et la loi NOME. À propos du scélérat dispositif ARENH, une nécessaire mise au point relative au financement du plan Messmer a pu néanmoins être exprimée.

    Pour finir, il convient donc plus que jamais de s’attarder sur la périlleuse fragilisation de notre approvisionnement électrique ourdie par une extension inconsidérée des interconnexions commerciales européennes, combinée à la relégation progressive de l’usage de notre nucléaire à la fonction de supplétif de l’éolien.

    Lundi 9 janvier 2023, la barre des 44 GW nucléaires disponibles fut franchie avec le retour de Tricastin 4 et, au total, 43 tranches en fonctionnement.

    Jusque fin janvier, la France aura ainsi 66 GW mobilisables à la pointe et 62 GW en février, ce qui est assez peu lorsqu’on songe aux 100 GW appelés en février 2012, même si notre hydraulique semble reprendre quelques couleurs grâce à une fonte des neiges précoce. Or, dimanche dernier, quelle ne fut pas notre surprise de voir un Tricastin 4 déconnecté du réseau à peine revenu à sa puissance nominale, de même que neuf autres réacteurs la semaine précédente. En y regardant de plus près, ont découvrit que les 44 GW nucléaires n’avaient délivré ce jour-là qu’une puissance de 34 GW avec des creux à 32,6 GW. Pourquoi ? Parce que grâce à un vent momentanément généreux nos prioritaires éoliennes étaient arrivées en force sur le réseau, pardi ! Ce qui, sans surprise, n’a pas duré.

    Peu importe à un RTE aux ordres qu’un suivi de charge servilement inféodé à une production éolienne aussi fantasque use prématurément des tranches certes modifiées pour ce faire, mais dans les limites raisonnables de l’erratique. Peu lui importe surtout que ce suivi de charge se traduise par la production abusive d’effluents liquides et de déchets (concentrats d’évaporateurs, résines échangeuses ions, filtres…) et finisse par nécessiter à terme la construction de stockages supplémentaires, avant rejet.

    Le discours largement convenu dans ce pays, y compris par RTE, est que conformément à la directive européenne concernée on a besoin de toutes les énergies, même des plus intermittentes. Cette directive pourtant en porte-à-faux avec l’ article 5 du traité de Lisbonne (principe de subsidiarité) impose une croissance des interconnexions commerciales assez débridée servant surtout à mutualiser les instabilités, notamment l’allemande.

    Aussi, étendre de plus en plus loin des échanges croissants d’énergie électrique – 10 % de la puissance de production en 2020, 30 % en 2030 ! – est-il confier notre sécurité d’approvisionnement à des secteurs de moins en moins sûrs… Ce qu’ont manifesement programmé les scénarios stratégiques esquissés par RTE en 2012, estimant que 35 à 50 milliards d’euros d’investissements sur le réseau de transport seraient à réaliser de 2012 à 2030 ; que, sur ce montant, 5 milliards d’euros porteraient sur le renforcement des interconnexions électriques avec les pays voisins et 5 à 10 milliards d’euros accompagneraient la transition énergétique.

    À l’évidence, il y a une urgence française à forcer le retour au format des interconnexions de systèmes nationaux autonomes, des interconnexions dont l’utilité exclusive doit redevenir de permettre à un ou plusieurs de ces systèmes de se sustenter momentanément, lors de difficultés ponctuelle ou périodiques desquelles aucun n’a jamais été et ne sera jamais à l’abri. En d’autres termes, le marché de l’électricité doit redevenir une prérogative nationale responsabilisant directement les gouvernements nationaux. Ce faisant, les Européens s’en porteraient sans doute beaucoup bien mieux qu’aujourd’hui…

    (1) La lecture de ce document va de 10-15 minutes à 35-40 minutes, selon qu’on en prend partiellement ou totalement connaissance.

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      Nucléaire : le pilier du nouveau monde électrique

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 22 January, 2023 - 04:30 · 11 minutes

    Qui aurait pu imaginer il y a 20 ans que les pertes financières et la dette d’EDF (estimée à 67 milliards d’euros l’année prochaine) s’accumuleraient au point d’évoquer la perspective d’une faillite ?

    Les méthodes ayant permis les succès passés dans le formidable développement de l’énergie nucléaire pourraient bien se révéler utiles pour faire face aux défis de la transition énergétique afin de se passer des énergies fossiles.

    Les difficultés

    Les déboires actuels du réacteur nucléaire EPR incarnent les difficultés de la gouvernance du nucléaire et du « système » énergétique depuis 20 ans. La coopération ratée avec l’Allemagne, voulue exemplaire, et alors dénommée « l’Airbus du nucléaire » s’est achevée par le retrait unilatéral du partenaire allemand. Cet échec a abouti à un réacteur nucléaire hybride franco-allemand coûteux qui a discrédité la réputation internationale d’excellence de la France dans ce domaine.

    La responsabilité incombe principalement au partenaire d’Outre-Rhin plutôt qu’à EDF. L’incohérence de la politique énergétique allemande, non exempte de jalousie envers la France , a engendré une dangereuse dépendance au gaz russe et a abouti à la réouverture de centrales au charbon dans ce pays.

    De plus, un défaut d’autorité d’arbitrage a entrainé une surenchère des exigences des parties prenantes, des surcoûts et des retards dans la construction de l’EPR de Flamanville . Qui commande ?

    De 1973 à 1988, le programme nucléaire français avait été mené avec une autorité hiérarchique sans faille et une organisation quasi militaire contrastant aujourd’hui avec la pluralité des pôles décisionnels de l’EPR qui confine parfois à l’anarchie.

    La prolifération « d’autorités indépendantes », toutes jalouses de leurs prérogatives dans de multiples secteurs, entravent encore aujourd’hui l’efficacité de l’action publique, surtout quand elles se combinent aux effets du principe de précaution dont le nucléaire est devenu un champ d’application privilégié.

    EDF aurait-elle désappris le nucléaire après avoir spectaculairement réussi son apprentissage au siècle dernier ?

    Qui est responsable ?

    Les responsables de cette débâcle sont nombreux, principalement des « politiques ». Mais si « la victoire a cent pères, l’échec est orphelin ».

    Cependant, l’hebdomadaire Le Point a dressé une longue liste non exhaustive le 27 octobre 2022 des responsables (mais pas coupables ?) : Jospin, Voynet, Cochet, Hollande, Lepage, Brottes,…

    L’État défend-t-il avec suffisamment de conviction les intérêts d’EDF et de la France à Bruxelles, ou bien fait-il dire à l’Europe ce qu’il ne veut pas assumer, et que les traités n’imposent pas ?

    Le mécanisme d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique ( ARENH ) en est une illustration exemplaire, alors que ni les traités européens, ni les normes de la concurrence ne l’exigent.

    EDF est aussi devenue la « Bête noire » des ayatollahs européens du droit de la concurrence à cause de son « monopole parfait » qui fonctionnait « trop bien ». L’Allemagne ne supportait pas d’avoir à sa porte une puissante entreprise produisant une électricité bon marché capable de concurrencer sa propre industrie.

    « Comment voulez-vous que ce pays qui a fondé sa richesse, son efficacité, sa crédibilité sur son industrie accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? » ( Henri Proglio ).

    L’entreprise EDF est donc devenue un défi permanent pour l’Allemagne, et aussi une obsession pour les écologistes extrémistes. Les héritiers de la lutte antinucléaire fondatrice du mouvement écologique mondial en ont fait animal hybride issu du croisement d’un bouc émissaire et d’une vache à lait. Chacun tape sur la bête pour l’affaiblir et pour la culpabiliser avant de la traire. Jusqu’à ce qu’elle ne donne plus de lait…

    Ainsi, après avoir été conçue pour gravir des montagnes (l’extraordinaire construction de son parc nucléaire), EDF a dû apprendre à devenir une « entreprise rentière » qui vend son électricité nucléaire pour faire prospérer ses concurrents.

    Le président Marcel Boiteux

    Un des anciens présidents d’EDF, l’économiste Marcel Boiteux a exercé de hautes responsabilités entre 1949 et 1987. Il a témoigné de la foire d’empoigne institutionnalisée dans son livre intitulé Haute tension . Il mériterait de se voir décerner le titre de « Monsieur EDF » car cette entreprise d’électricité occupe aujourd’hui encore une place de premier rang mondial grâce à ses conceptions efficaces qui en ont fait un modèle de référence. Elles ont permis la construction à un rythme inédit de 60 réacteurs sur 20 centrales nucléaires en 15 ans, entre 1973 et 1988.

    Il a su naviguer sans se faire broyer entre les puissantes parties prenantes cherchant à capter la rente et à étendre leurs pouvoirs et leurs avantages (administrations de tutelle telles que Bercy, Matignon, l’Élysée, auxquelles sont venus se joindre l’Écologie, les syndicats, les baronnies internes, les gros clients, les industriels fournisseurs d’équipements et de combustibles, etc). Ces sangsues ont transformé EDF en une annexe de la direction générale des impôts et de puissants prédateurs financiers : le tarif d’électricité ne reflète plus aujourd’hui le prix de production d’EDF.

    Sous la direction de Marcel Boiteux, c’est la science économique qui dirigeait EDF. Ce n’était pas les traders et les consultants, ni les analystes de marchés financiers, ni les bureaucrates (nationaux et européens), ni les politiques, ni les profiteurs motivés davantage par la captation du pactole de la rente électrique que par le souci du bien public.

    Ses choix dictés par le calcul économique, parfois à contre-courant des modes, se révéleront généralement optimaux. Il en fut ainsi pour les barrages hydro-électriques au détriment du charbon qui avait la préférence du secteur privé avant la nationalisation. Et, bien sûr, du grand choix nucléaire.

    C’est en application de ce calcul de l’optimum économique qu’EDF doit son mix reposant largement sur le nucléaire, là où, ailleurs, domine la diversification avec beaucoup plus de gaz et de charbon. Il fallait alors oser le risque d’une telle concentration de moyens sur un choix aussi lourd.

    Lorsqu’en 1981 le Président François Mitterrand convoqua Marcel Boiteux pour fixer sa feuille de route, il lui indiqua que, conscient de l’intérêt national, le choix nucléaire lui paraissait le meilleur pour le pays. Toutefois, pour apaiser l’aile antinucléaire de sa coalition, il proposerait des compensations politiques. Ce fut l’arrêt de la construction de la centrale de Plogoff et la transformation de l’Agence pour les économies d’énergie en Agence française pour la maîtrise de l’énergie. Elle deviendra ensuite l’Agence de la transition écologique « ADEME » qui constitua un refuge d’antinucléaires.

    Ensuite, sous la présidence Hollande, le lobby antinucléaire (qui rassemble aussi les industriels du solaire et de l’éolien subventionnés) s’est doté de capacités d’études et a envahi les cabinets ministériels. Le transfert du secteur de l’énergie passant du ministère de l’Industrie au ministère de l’Écologie et du Développement durable aura une influence décisive. Le nucléaire deviendra alors « honteux » et le mot même sera prohibé dans les administrations.

    Qui veut tuer EDF ?

    Dans la régulation d’un monopole public, l’acte majeur est la fixation des tarifs. Là où, en économie de marché, le prix est déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande, le producteur abrité sous son statut de monopole définit son prix dans l’intérêt général du pays. Mais il peut être dès lors soupçonné de prédation exercée sur ses clients, ou d’abuser de sa situation.

    Pourtant, le consommateur domestique français a longtemps payé sa fourniture d’électricité nettement moins cher que son voisin allemand… avant l’ouverture à la concurrence qui devait faire baisser les prix !

    Mais les acteurs de l’ouverture du monopole ont confondu « développer la concurrence » avec « affaiblir EDF à tout prix » en faisant travailler cette entreprise à sa propre perte alors qu’EDF aurait dû devenir le « château d’eau » du nucléaire de l’Europe.

    EDF avait gagné le statut « d’entreprise bien-aimée des Français » et le choix nucléaire avait été adopté par l’opinion. Vu de l’étranger, cette situation unique où électricité et nucléaire étaient devenus un pléonasme apparaissait comme un mystère incompréhensible.

    EDF est donc apparue comme une véritable bête noire aux yeux de l’Internationale verte qui a fait du nucléaire sa bannière de combat pour rassembler ses partisans. L’écologie politique a érigé la lutte antinucléaire comme son acte fondateur.

    Le nucléaire constitue une cible idéale du fait de sa technologie difficile à expliquer et mystérieuse à bien des égards pour le grand public. Elle permet à ses détracteurs d’entretenir facilement un état d’inquiétude à cause de ses rayonnements invisibles et de son lien indélébile avec l’arme atomique.

    EDF a incarné la synthèse de l’État-providence et du progrès technique jusque dans les années 1980.

    Aujourd’hui, ses valeurs paraissent en décalage par rapport à deux tendances majeures de l’époque contemporaine : la dérégulation de l’économie globalisée dans un marché ayant une vision à court-terme, et l’écologie politique.

    Affronter à la fois le marché mondial et l’Internationale verte représente un immense défi pour EDF.

    Une décision démocratique

    Contrairement à la thèse d’une décision imposée hors du champ démocratique, un débat contradictoire au niveau politique a bien eu lieu dans les années 1970. L’ensemble des partis politiques y ont pris part, de la gauche à la droite, à l’exception de ceux de la mouvance écologique d’implantation plus récente. Tous ont confirmé le choix du nucléaire.

    Mais depuis 20 ans, jusqu’en 2022, une sortie du nucléaire semblait se dessiner presque par inadvertance , sans le dire explicitement, avec l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, la fermeture prématurée prévue de 12 réacteurs, et une réduction à 50 % de sa part dans le mix électrique.

    Puis, dans son discours refondateur prononcé à Belfort en février 2022 , le président Emmanuel Macron affirme, dans un revirement politique spectaculaire, l’attachement indéfectible de la France au nucléaire et sa relance avec un programme de construction de six nouveaux réacteurs EPR.

    Peu après, avec la guerre en Ukraine et la crise du gaz, les Français ont eu l’occasion de mesurer la valeur stratégique de leur atout nucléaire qu’ils avaient quelque peu oublié depuis les chocs pétroliers il y a 50 ans.

    Oser le dire

    Ayant érigé les émissions de carbone en indicateur absolu du progrès écologique, les défenseurs de l’environnement devraient en principe tresser des couronnes à l’énergie nucléaire, seule capable de succéder au charbon et aussi, partiellement, au gaz dans le mix mondial.

    Ce n’est pourtant pas ou peu le cas.

    Le tournant historique qui semble amorcé depuis le choc de la guerre en Ukraine devrait conduire les écologistes à reconsidérer leur point de vue, tout comme la guerre du Kippour de 1973 eut pour conséquence directe le programme nucléaire français.

    De la machine à vapeur à l’électricité, de la voiture à l’avion, les mutations du secteur de l’énergie conditionnent l’ensemble de l’économie et de la société. L’électricité aura été, économiquement, technologiquement, socialement, et politiquement, au cœur du développement du dernier siècle. L’énergie nucléaire, et avec elle EDF, se situent au confluent des grandes lignes de force qui façonnent l’évolution du monde.

    Tout-nucléaire, tout-électrique

    Certains antinucléaires, notamment au sein de l’ADEME, se complaisent à imaginer l’idéal d’une économie « zéro carbone » en construisant des scénarios irréalistes à partir de 100 % d’énergies renouvelables intermittentes dans le but de contrer le nucléaire.

    Or, aujourd’hui et demain, le nucléaire peut être développé pour une production de masse ( EPR) comme pour une production modulaire ( SMR ) en répondant aux impératifs de sûreté et de traitement des déchets radioactifs . Il a des atouts décisifs comme l’abondance de son combustible uranium pour des millénaires dans les réacteurs de quatrième génération (RNR) , ses faibles émissions de CO 2 ( 4 gCO 2 /kWh en France , soit moins que l’éolien et le solaire) et l’occupation minimale de l’espace foncier.

    Bien plus encore qu’un choix économique, le choix du nucléaire constitue un véritable choix de société relevant évidemment du pouvoir politique.

    Pollutions de l’environnement, épuisement des ressources de la planète, développement et accès à l’énergie pour tous, mobilité électrique, tous ces défis convergent pour faire appel à l’électricité qui conquiert désormais l’immense secteur des transports dont elle était jusqu’ici restée exclue.

    Il n’y a pas à chercher loin la solution. La réponse aux défis énergétique est là, toute trouvée, et testée, c’est l’énergie nucléaire, même si encore peu de personnes osent l’affirmer avec conviction tant elle a été dénigrée.

    L’électricité nucléaire, une énergie propre tant pour ses usages que pour sa production, sera ainsi au cœur du futur. EDF aura un grand rôle à y jouer pour incarner la transition énergétique réussie vers le nouveau monde post énergie fossile.

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      Le système kafkaïen de fixation du prix de l’électricité

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 14 January, 2023 - 04:30 · 11 minutes

    En 1997 la France est entrée tout naturellement dans le marché européen de l’énergie via son appartenance à l’Union européenne.

    Il semble qu’on le regrette amèrement aujourd’hui du fait qu’avec la crise actuelle, le système de fixation des prix de gros de l’électricité instauré par la Commission européenne conduit à des aberrations.

    Pour l’électricité il y avait en France un système de fixation du prix aux données complètement maîtrisées. À présent, il existe un dispositif qui subordonne le prix de cette énergie à des éléments sur lesquels nous n’avons aucune prise, en l’occurrence les prix du gaz et du CO 2 . Aussi, un expert comme Loïk Le Floch-Prigent ancien président de GDF énonce sans hésiter qu’il faudrait quitter ce marché. Et Bruno Le Maire s’interroge. Sur Public Senat , en  septembre dernier, il n’a pas hésité à qualifier ce système « d’aberrant, obsolète », et il en souhaite vivement la réforme.

    En attendant de voir réformé ce marché, ou d’en sortir, les petites et moyennes entreprises souffrent. Des boulangeries, grandes consommatrices d’électricité, sont conduites à la faillite. Le Figaro du 10 janvier alerte sur le fait que la consommation électrique des industriels a diminué de 14,1 % au dernier trimestre 2022 en comparaison avec la moyenne 2018-2021. Le gouvernement ne cesse donc pas d’intervenir pour tenter de protéger tant les consommateurs privés que les  entreprises des effets de ces prix atteignant des sommets. Un article du journal Le Monde du 28 âout 2022 rappelle qu’en 10 ans, les tarifs sont passés de 120 à 190 euros et que les coûts pour livraison en 2023 culminent à près de 1100 euros le MWh, soit dix fois plus qu’il y a un an.

    Quelle est exactement la situation de la France ? Comment fonctionne le marché européen de l’électricité ?

    La situation de la France

    La France est un pays au mix énergétique particulièrement apte à fournir les prix les plus compétitifs de l’électricité :

    La France a la particularité de disposer d’un parc très important de centrales nucléaires. Sa géographie a permis la mise en œuvre de très nombreux barrage hydro-électriques. Aussi, chaque année, sa production d’électricité est-elle supérieure à sa consommation : en 2021 elle s’est élevée à 522,9 TWh, et la consommation à 456 TWH.

    Le pays est donc structurellement exportateur d’électricité. Mais dans l’année, des pointes de consommation particulièrement élevées obligent pendant quelques jours à importater l’électricité de pays voisins interconnectés par des réseaux à haute tension. En 2021, notre pays a exporté 81,0 TWh d’électricité et en a importé 44,0. Au total, cette année-là, les importations ont représenté 9,4 % des besoins du pays.

    En 2021, la production (en TW) était constituée de la façon suivante :

    • Nucléaire………………. 360,7
    • Hydraulique…………..    62,5
    • Thermique fossile…..    38,6
    • Éolien……………………    36,8
    • Solaire…………………..    14,3
    • Autres thermiques….    10,0

    Total……………………………..  522,9

    En coûts de production (par MWh), les rapports des experts citent les chiffres suivants :

    • Énergie nucléaire………. 32 à 33 euros
    • Hydraulique……………… 15 à 20 euros
    • Éolien terrestre………….. 90 euros
    • Solaire………………………. 142 euros
    • Thermique………………..  70 à 100 euros

    On en arrive ainsi à un coût pondéré de production de 46 euros/MWh. C’est bien l’estimation donnée par Loïk Le Floch-Prigent interrogé sur RMC le 7 décembre dernier :

    « Les industriels baissent leur production : je ne vois pas ce qu’il y a de réjouissant. À cause de l’augmentation du coût de l’électricité on a des entreprises qui vont devoir payer 5 à 6 fois plus que d’habitude le prix de leur électricité… Pourquoi est-ce qu’un produit que l’on fait à 50 euros se retrouve dans l’industrie à 600 euros ? »

    Autre avantage du système français : le nucléaire intervenant pour près de 70 % dans le mix énergétique et les renouvelables pour 22,5 %, les émissions de CO 2 sont limitées à 18,8 Mt seulement en 2021..

    La France est contrainte de mettre un terme aux monopoles de l’EDF et de Gaz de France :

    À partir de 1996 la destruction des monopoles publics a été menée tambour battant par la Commission européenne au nom de la politique de la concurrence de l’Union européenne.

    Il a donc été mis un terme au monopole de EDF : la loi NOME (Nouvelle organisation des marchés de l’électricité) du 7 décembre 2010 contraint la grande entreprise nationale à vendre chaque année 100 TWh d’électricité à des « fournisseurs alternatifs » qui n’en produisent pas, au prix de 42 euros le MWh. Ce mécanisme baptisé l’ ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Ces nouvelles entreprises soudain apparues achètent donc à EDF de l’électricité à 42 euros pour la revendre ensuite au public ou aux entreprises en faisant concurrence à leur fournisseur, c’est-à-dire à EDF. En complément elles vont s’approvisionner sur le marché de gros européen (EPEX Spot SE ) à mesure qu’augmente leur clientèle. Elles sont une trentaine actuellement une trentaine : Total Énergie, Planète Oui, ENI, Ekwateur, Happ-e, Cdiscount Energie, etc. En 2022 le quota de 100 TWh a été revu à la hausse, passant à 120 TWh avec un prix de cession porté à 46,5 euros.

    Et ces différents fournisseurs alternatifs se sont à leur tour dotés de moyens de production, s’équipant en centrales photovoltaïques et en parcs d’éoliennes.

    Le marché européen de l’électricité

    Le marché européen de l’électricité a été créé avec pour objectif de mettre en place le même mécanisme de formation des prix de gros de l’électricité dans tous les pays européens.

    On a voulu créer un prix de gros commun quels que soient les coûts de production nationaux. Le prix de gros est donné par le coût de la dernière centrale appelée pour produire l’électricité dont le marché a besoin, une centrale qui va fonctionner au gaz. Ainsi le prix de gros de l’électricité se trouve déterminé par le prix du gaz, un prix considérablement variable dans le temps. Il y a eu le choc gazier de l’après covid, puis à partir du 24 février 2022 le choc de la guerre en Ukraine.

    Les prix du gaz naturel ont ainsi connu des variations considérables : de 17,9 euros/MWh en janvier 2021 à 103,2 en fin d’année ; puis une pointe à 272,6 euros le 22 août 2022 ; pour revenir ensuite à des prix plus normaux : 134,7 euros en fin d’année. Actuellement, les niveaux sont plus raisonnables, soit par exemple 74,3 euros le 9 janvier 2023. Et vient s’ajouter dans le coût de fonctionnement d’une centrale alimentée au gaz le prix du CO 2 émis qui va régulièrement en croissant.

    On a ainsi vu le prix de gros de l’électricité varie donc considérablement et atteint des sommets astronomiques comme indiqué ci-dessous :

    Prix spot de l’électricité : marché de gros en euro/MWh

    • décembre 2020…   49,2311
    • août 2021………….   99,1721
    • décembre 2021…. 442,888
    • mars 2022………..  540,6630
    • août 2022…………  743,8427
    • octobre 2022…….  121,6713
    • décembre 2022…. 463,4610
    • janvier 2023……… 128,08

    Les niveaux d’avant crise n’ont donc pas été atteints.

    Les entreprises ont vu ainsi les prix de l’électricité multipliés par 7 ou 8 et parfois davantage encore. Le prix de l’énergie représente près de la moitié de leur facture, les autres charges étant constituées par le coût de l’acheminement et la fiscalité, c’est-à-dire des taxes diverses et la TVA. Les contrats sont passés pour des périodes annuelles voire biannuelles et les fournisseurs ne manquent pas de prendre leurs précautions au moment où leurs clients doivent renouveler leur contrat.

    Du fait de ces variations de prix à partir du nucléaire ou des énergies renouvelables les producteurs réalisent à certains moments des profits importants et les États interviennent alors pour les taxer à partir d’un cours convenu, fixé à 180 euros. Ces superprofits sont reversés ensuite aux particuliers et aux entreprises.

    Quelle solution demain pour la France ?

    L’Europe a créé un marché unique de l’électricité au niveau européen pour faire baisser les prix et orienter les mix énergétiques des États membres vers les énergies renouvelables.

    Elle a mis fin aux monopoles : EDF en France, ENEC en Italie, EnBW en Allemagne.

    Trois bourses de marché de gros ont été créées : Nord Pool pour les pays du nord, European Energy Exchange (EEX) en Allemagne et Power Next en France.

    En 2008 les bourses allemande et française ont fusionné pour donner EPEX Spot.

    Aujourd’hui, il y a une zone de prix unique constituée par l’Allemagne, la France et l’Autriche. La CRE (Commission de régulation de l’énergie) veille au bon fonctionnement de ces marchés en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique de l’Union européenne. Sur ces marchés de gros les prix sont fixés pour des livraisons instantanées ou à terme. Le système actuel se fonde donc sur le coût de production de la dernière centrale appelée à être mise en marche pour satisfaire les besoins du marché. Il s’agit d’un coût marginal, le coût de production de la centrale venant en dernier sur la liste des centrales classées par ordre croissant de coût : en plaçant les prix de gros de l’électricité à ce niveau la Commission européenne a estimé que tous les producteurs d’électricité seraient satisfaits.

    Du fait des inconvénients résultant du fonctionnement de ce marché de gros on s’interroge, aujourd’hui sur la validité de ce système de fixation des prix de l’électricité, et on réfléchit à la façon de le réformer.

    En France plusieurs experts, dont Loïk Le Floch-Prigent sont partisans d’en sortir.

    Dans un communiqué du Groupement des Industries sans Frontières en date du 9 janvier 2023 Loïc Le Floch-Prigent nous dit :

    « Il faut casser cette spirale infernale qui va tuer l’essentiel de notre tissu d’entreprises : il nous faut revenir aux relations directes entre les producteurs et les clients avec une politique tarifaire tenant compte de l’offre et de la demande et pour cela affirmer notre position à l’égard des instances européennes. Les entreprises n’ont pas besoin d’aides, de subventions, de rustines aléatoires ».

    En effet, la France n’est pas dans la situation des autres pays européens pour lesquels le gaz et le  charbon interviennent à 28 % dans la production d’électricité, le mix ne faisant intervenir le gaz que pour 2,25 % seulement et le charbon pour 0,9 %, tout au plus.

    Le professeur Jacques Percebois, directeur du CREDEN à Montpellier , propose de ne plus respecter les directives européennes :

    « On pourrait faire un marché national où le prix dépendrait de notre propre mix énergétique, et limiter le marché de gros aux interconnexions ».

    Il propose éventuellement une autre solution : se baser sur une moyenne pondérée des coûts marginaux.

    Un autre expert, Nicolas Goldberg du cabinet Colombus Consulting avance l’idée qu’il faudrait imposer aux fournisseurs d’électricité des règles prudentielles pour qu’ils se couvrent à long terme et soient ainsi moins sujets aux soubresauts du marché.

    De leur côté les européanistes plaident pour que la France demeure dans le système européen mais cen le réformant : « Si on remet en cause le marché de l’électricité, on remet en cause tous les marchés européens » ( Anna Creti ).

    Sous la pression de la France Ursula van der Leyen a finalement annoncé début avril 2022 que l’Union européenne allait plancher sur une reforme structurelle de ce marché.

    Un colloque intitulé « Beyond the crisis : rethinking the design of power-markets » a été organisé par la présidente de la CRE le 15 décembre dernier à Paris à la maison de la Chimie pour tenter de trouver une solution. Mais si elle devait se faire, cette réforme demanderait beaucoup de temps, tant les processus de décision européens sont lourds et complexes.

    La France a la chance de disposer d’un mix énergétique exceptionnel permettant de produire de l’électricité à 50 euros le MWh, une production extrêmement basse en émissions de CO 2 .

    Pourquoi devrait-elle donc entrer dans un système de fixation des prix fondé sur le cours mondial du gaz naturel alors qu’elle même n’en utilise pratiquement pas pour produire de l’électricité ?

    Il est peu probable que nos gouvernants aient la volonté de cesser de nous soumettre aux hautes autorités de Bruxelles en faisant bande à part : ce n’est pas dans le tropisme européen de notre Président.

    La nécessité de réindustrialiser le pays aujourd’hui le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part, devrait nous permettre de quitter le système kafkaïen de fixation du prix de cette énergie dans lequel nous sommes enfermés sans que Bruxelles s’en émeuve : il s’agit d’une énergie vitale dont la France est capable de maitriser le coût pour le bien-être des consommateurs et le bon fonctionnement des entreprises. L’Espagne a trouvé une solution pour échapper au système européen, et il est à espérer que nos dirigeants soient assez rusés pour trouver la notre.

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      Les Français ont l’électricité qu’ils ont voulue dès 1997

      André Pellen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 20 December, 2022 - 03:30 · 12 minutes

    Tout a été dit sur la fondation, en 1997, de l’entreprise socialo-écologiste de sabotage de l’ industrie électronucléaire française dont nous payons aujourd’hui les pots cassés. Yves Bréchet en a récemment fait l’implacable rétrospective devant une commission parlementaire. Il n’a épargné personne et a souligné combien la ruine de notre filière à neutrons rapides va coûter durablement cher à notre économie et plus encore au confort matériel de notre population.

    Le propos est ici de porter un regard sans complaisance sur les séquelles d’un évènement que d’aucuns ont trop tendance à passer sous silence, en tout cas à en minorer la responsabilité dans ce qui arrive aujourd’hui au pays : « la consultation nationale Grenelle-Environnement visant à refonder la politique de l’écologie et à rendre compatible la croissance avec les limites d’un monde fini » .

    À l’automne 2007, le nouveau locataire de l’ Élysée avait à peine posé ses valises que le terrain de jeu d’une Commission Nationale du Débat Public – CNDP – dont on ne compte plus les prodigalités socioéconomiques grouillait d’inventeurs plus géniaux les uns que les autres. Trois ans plus tard, le résultat de la cogitation populaire fut à la hauteur de l’ambition du législateur : on programmait ce que les Français redoutent et même condamnent aujourd’hui, dans l’allégresse des temps nouveaux d’une transition pleine de promesses ! En témoigne le Rapport Poignant-Sido d’avril 2010 dont les conclusions du groupe de travail sur la maitrise de la pointe électrique sont synthétiquement rapportées en suivant.

    On croit y lire les prescriptions des Pannier-Runacher, Bruno Le Maire et autre Olivier Véran, au mot près !

    Solutions techniques pour réduire la demande à la pointe, notamment par le biais des effacements de consommation

    Pour renforcer la sécurité d’approvisionnement à moyen et long terme lors des pointes de consommation d’électricité, il est nécessaire de maîtriser la croissance de la demande à la pointe selon trois axes :

    1. La maîtrise globale de la demande
    2. La maîtrise des usages contribuant à la croissance de la pointe
    3. Le développement des effacements de consommation

    La maîtrise de la demande

    Elle se place dans la droite ligne des objectifs du Grenelle de l’environnement notamment en termes d’amélioration de l’isolation des bâtiments. La programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité préconise sur cette même base une stabilisation de la consommation en électricité.

    En particulier, le gouvernement a fixé un objectif de 38 % de réduction de la consommation d’énergie des logements d’ici 2020, ce qui correspond à un passage de 240 KWh/m 2 par an à 150 KWh/m 2 par an en moyenne. La Loi Grenelle 1 dispose que toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012 et par anticipation à compter de la fin 2010 s’il s’agit de bâtiments publics et de bâtiments affectés au secteur tertiaire devront présenter une consommation d’énergie primaire inférieure à un seuil de 50 kWh/m 2 par an en moyenne (équivalent du label BBC actuel).

    Le mécanisme des certificats d’économie d’énergie introduit par la Loi POPE permet de piloter finement la réduction des consommations par la fixation d’objectifs chiffrés aux vendeurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur, froid et fioul domestique). Sur la première période (du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009), un objectif de 54 TWh avait été fixé, cet objectif étant réparti entre les opérateurs en fonction de leurs volumes de ventes. Cet objectif est assorti d’une pénalité financière de 2 c€/KWh pour les vendeurs d’énergie ne remplissant pas leurs obligations dans le délai imparti.

    La maîtrise de certains usages contribuant à la pointe

    Elle est d’ores et déjà engagée, notamment pour ce qui concerne l’éclairage. L’éclairage public constitue un gisement d’économie d’énergie. Un remplacement des luminaires les moins performants (principalement les lampes à vapeur de mercure, soit 30 % du parc) permettrait de réduire en partie l’appel de puissance lié à l’éclairage le soir en hiver. Il pourrait être envisagé de cibler en particulier les 35 700 communes de moins de 10 000 habitants, rassemblant plus de 50 % de la population française et pour lesquelles une rénovation de l’éclairage public pose des difficultés spécifiques…

    …Proposition 5 du gouvernement

    Lancer un plan de communication sur la fixation du point de consigne du chauffage à 19° et de la climatisation à 26°. Engager une démarche d’État exemplaire dans ce domaine pour tous les bâtiments publics…

    Le pilotage d’urgence

    Le délestage est la solution d’effacement la plus radicale et la plus efficace. Elle permet de sauvegarder l’équilibre du système électrique. On peut parler de délestage à partir du moment où le client n’est plus consulté. Lorsqu’un secteur géographique est délesté, il n’est plus du tout alimenté en électricité.
    En Californie, les Programmable Communicating Thermostat (PCT) permettent de commander temporairement une hausse de la température de consigne des climatiseurs de 1 à 3°C en période de pointe estivale et le client – informé de ce changement – garde la possibilité de rétablir la température initiale. Ces dispositifs sont obligatoires dans les logements neufs…

    Proposition 7

    Favoriser l’équipement de chauffages électriques et des climatiseurs neufs par des dispositifs permettant de les couper durant une durée prédéterminée sur un signal émis par le gestionnaire du réseau de distribution (GRD). Rendre progressivement ces dispositifs obligatoires pour les chauffages et les climatiseurs neufs.

    L’information d’urgence aux personnes a montré son efficacité en Bretagne, où le dispositif EcoWatt a permis de sensibiliser la population et d’effacer la consommation de l’équivalent d’une ville de 4000 habitants…

    Proposition 8

    Mettre en place sur l’ensemble du territoire national un dispositif pour sensibiliser les consommateurs aux enjeux de la réduction de consommation, notamment de chauffage ou de climatisation, lors des périodes de tension sur le système électrique…

    Le pilotage contractualisé de la charge

    Le consommateur peut choisir de passer un contrat directement avec son fournisseur ou bien avec une tierce partie, appelée « agrégateur » , qui se charge de valoriser l’effacement par ailleurs.

    Les contrats de pilotage de la charge passés directement entre le fournisseur et le consommateur concernent en général des sites industriels importants.

    Les contrats de pilotage contractualisé de la charge passés entre des petits consommateurs et des agrégateurs posent néanmoins des difficultés plus importantes.

    Il est aussi très difficile de contrôler le réalisé en temps réel, ce qui explique par exemple la pertinence du seuil de 10 MW aujourd’hui. RTE a néanmoins lancé une expérimentation sur l’ajustement diffus selon un jeu de règles transitoires validé par la CRE en 2007.

    Par ailleurs, RTE a proposé d’abaisser de 1 MW le seuil actuel évoqué plus haut – correspondant à la taille minimum d’une unité d’agrégation – à 250 KW dans les règles du mécanisme d’ajustement soumises actuellement à l’approbation de la CRE…

    Proposition 10

    Rendre explicite dans la réglementation la possibilité pour les sites au tarif réglementé de vente de valoriser des effacements.

    Troisième axe

    Depuis deux ans déjà, une CRE et un RTE très actifs travaillaient dans l’ombre à cette notion de contrat d’effacement entre consommateurs et « fournisseurs » ou entre consommateurs et « agrégateurs ». Ce qui suit en dit long sur l’élasticité des missions et des prérogatives que les deux organismes s’autorisèrent abusivement pour l’occasion…

    Attardons-nous sur la délibération de la Commission de Régulation de l’Énergie du 9 juillet 2009 portant communication sur l’intégration des effacements diffus au sein du mécanisme d’ajustement : signé Philippe de Ladoucette.

    Le développement des effacements diffus pourrait permettre, au bénéfice des consommateurs, de renforcer la sécurité du système électrique, de maîtriser la demande d’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre… Dans sa décision du 5 décembre 2007 relative aux règles transitoires de mise en œuvre des effacements diffus, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a invité les acteurs à poursuivre leur concertation…

    Recommandations de la CRE pour les évolutions futures

    La loi du 10 février 2000 impose, dans le cadre du mécanisme d’ajustement, que l’opérateur d’effacements diffus rémunère les fournisseurs dont les clients se sont effacés pour l’énergie injectée par ces fournisseurs et valorisée par l’opérateur d’effacements diffus.

    La CRE veillera à ce que les modalités de rémunération et les modalités d’intégration d’effacements diffus dans le mécanisme d’ajustement n’entravent pas indûment le développement de ces effacements diffus…

    Par ailleurs, la CRE considère que la question de la validité des données de comptage provenant des opérateurs d’effacements, revêt un caractère prioritaire. La mise en place d’un dispositif apportant aux acteurs la confiance nécessaire dans les données fournies par les opérateurs d’effacements diffus, favorisera leur développement. Elle demande donc à RTE de lui faire une proposition avant le 31 décembre 2009, en concertation avec les acteurs.

    En outre, la CRE souhaite élargir le champ de développement des effacements diffus. À cet effet, elle invite RTE :

    –  à définir en concertation avec les acteurs concernés les modalités de la contractualisation par RTE d’une capacité d’effacement de consommateurs raccordés aux réseaux publics de distribution, capacité qui devra être rémunérée à son juste prix. Sur la base des résultats de l’expérimentation, ces travaux devront permettre une contractualisation avant mi-2010 ;

    –  à étudier d’autres dispositifs permettant la valorisation des effacements diffus en dehors du mécanisme d’ajustement.

    …Favoriser la mise en place d’un dispositif public de soutien aux effacements diffus, au titre de leurs externalités positives.

    Se sachant avant tout chargés de garantir les capacités d’approvisionnement du pays et de veiller à la réalité de la production concurrente d’EDF, la CRE et RTE auraient dû très tôt se déssolidariser d’une prévarication n’ayant pas tardé à devenir patente, consistant à dissimuler que, pour l’essentiel, ladite production est factice. Que reste-t-il, en effet, des « fournisseurs d’électricité » soit-disant en lice au 31 décembre 2010 ? …de ceux qui ne demeurent pas sous perfusion ARENH, s’entend !

    La duperie de ces 25 dernières années

    Ainsi, ces 25 dernières années, les Français ne se sont-ils pas seulement fait duper par une Dominique Voynet qui s’en vante publiquement, et pas seulement par ses complices encore à la manœuvre ; ils se sont également fait duper par l’administration Sarkozy à laquelle ils doivent ce qui précède et, surtout, une loi NOME et un dispositif ARENH en train de les ruiner et de ruiner leur pays. C’est pourquoi leur naïveté, leur indifférence et/ou leur complaisance clientéliste ne peuvent aujourd’hui que se payer au prix fort ; d’autant que s’en défendre, en arguant du retard pris par la France en équipement éolien, n’est pas recevable : le mardi 6 décembre dernier à 8 heures, nos 17 GW éoliens – la puissance de 17 tranches nucléaires ! – payés au prix exorbitant de quelque 120 milliards d’euros ne fonctionnaient qu’à 12 % et ne couvraient que 3 % de la consommation nationale, quand le pays importait 18 % de cette dernière ; les mix électriques de la veille et du lendemain ne valant guère mieux.

    Dès lors, enfler indéfiniment une glose faite de lamentations, de déplorations et de condamnations toujours plus caractérisées ne présente d’autre intérêt que se compter dans les chapelles partisanes ; certainement pas celui d’aider à prévenir aussi peu que ce soit le drame énergétique en train de se nouer. La plupart des journalistes et des observateurs qui s’y livrent – dont nombre de romanciers et de résistants pro nucléaires de la 25ème heure – semblent n’avoir pas la moindre idée du complexe techno-industriel que le pays doit reconstituer d’urgence, ni de ses statut, mode et niveau de financement les plus appropriés, quand c’est de ça qu’ils devraient traiter en priorité et que devraient partir les revendications économiques et sociales les plus instantes.

    Les plumes de presse les plus compétentes et les plus lucides auraient même déjà dû exiger que soient prises sans tarder les dispositions suivantes, préalable absolu à toute initiative industrielle : réformer en profondeur CRE, ASN et RTE, notamment le recrutement de leurs personnels, une place et des prérogatives dans les chaînes de décisions économiques et industrielles devant encourir la censure d’un parlement qu’il convient de doter d’un comité de surveillance à l’expertise techno industrielle incontestable et contrôlable à tout moment ; supprimer les structures théodules ADEME, HCTISN et autre CESE faisant double emploi avec ce comité ; reconsidérer avec attention prérogatives et domaine de compétence de l’OPECST et, surtout, supprimer la funeste imposture démocratique CNDP, se parant fallacieusement de la légitimité électorale.

    Il faut garder à l’esprit que, confronté à un tel carcan règlementaire et institutionel, le plan Messmer n’aurait jamais réalisé l’exploit de mettre en un peu plus de 20 ans une soixantaine de tranches nucléaires sur le réseau national, si tant est qu’il eût pu y en mettre seulement le dixième. Il n’y a pas de secret : ce pays n’a pas la moindre chance de réitérer peu ou prou un tel exploit, sans recourir à la mobilisation politique, administrative, économique et industrielle que le gouvernement Messmer jugea indispensable… sans faire d’EDF la SNCF de l’électricité, ce qu’elle ne fut surtout pas dans la période pré-Mitterrandienne.

    Bref, les Français doivent se décider à savoir et à revendiquer ce qu’ils veulent vraiment, avant qu’il ne soit trop tard, sachant qu’il est déjà trop tard pour les plus de 65 ans…

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      Envolée des prix de l’électricité : à qui la faute ?

      Rémy Prud'homme · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 7 December, 2022 - 04:30 · 5 minutes

    La propagande gouvernementale affirme que la guerre à l’Ukraine, qui multiplie par cinq le prix du gaz en Europe, devait (selon RTE, un appendice de l’exécutif) entraîner en France une hausse du prix de l’électricité de 35 %.

    Mais dans sa générosité, notre gouvernement a mis en place un « bouclier » qui va limiter cette hausse à 4 % en 2022, et à 15 % en 2023. Vous êtes invité à dire bravo et merci. En réalité, un quintuplement du prix du gaz européen n’a qu’un effet très limité, pratiquement négligeable, sur le coût de production de notre électricité.

    Les raisons du coût de production de notre électricité

    Elles sont au moins au nombre de quatre.

    La première est que le poids de l’électricité au gaz dans le mélange électrique français est faible : 6 % en 2021. L’essentiel de notre électricité est d’ origine nucléaire , hydraulique et renouvelable. Les coûts de production de ces formes d’électricité sont totalement indépendants du gaz et de son prix. Le coût de 94 % de notre production électrique n’est en rien affecté par une hausse du prix du gaz. Seul 6 % de notre production peut l’être.

    La deuxième raison est que (pour ces 6 % là) le coût du combustible (le gaz) ne représente que 10 % du coût de production de l’électricité au gaz. Le reste correspond au coût du capital, aux salaires, à l’entretien, toutes dépenses qui sont évidemment sans lien avec le prix du gaz et son évolution.

    La troisième raison est que pour l’électricité en général et donc aussi pour l’électricité au gaz , le coût de la production compte seulement seulement pour 50 % (48 % exactement) du prix payé en France par le ménage ou l’entreprise. L’autre moitié de ce coût consiste en dépenses de commercialisation, de transport, de distribution et en taxes. Ces dépenses et ces taxes sont elles aussi complètement indépendantes du prix du gaz.

    Enfin, le gaz importé et utilisé en France (pour produire de l’électricité et pour d’autres usages) n’est russe qu’à 17 %. Le prix du gaz norvégien ou qatari que nous consommons n’est pas directement affecté par la guerre à l’ Ukraine et l’embargo sur le gaz russe. On peut cependant soutenir qu’il l’est indirectement , dans la mesure où existent des marchés mondiaux ou régionaux du gaz. Par prudence, on ignorera ce quatrième effet.

    Au total, la valeur des achats de gaz représente donc environ 6 % x 10 % x 48 %, soit 0,3 % du coût de la production et de la distribution de l’électricité en France, ou si l’on préfère de la facture des ménages et des entreprises. Un doublement du prix du gaz entraîne donc une augmentation de 0,3 % de cette facture ; et un quintuplement de ce prix une augmentation de 1,5 % de cette facture. L’embargo de Poutine sur les ventes de gaz à l’Europe a peut-être contribué à la multiplication par cinq du prix du gaz mais certainement pas entraîné une dramatique menace d’augmentation de 35 % du prix de l’électricité en France.

    Qu’est-ce qui transforme ce petit +1,5 % en un terrible +35 % ?

    Le marché européen est une fabrique de rentes

    Pour le comprendre, il faut regarder du côté de Bruxelles plutôt que du côté de Moscou.

    Il fut un temps où le prix de vente par EDF de l’électricité en France (on disait : le tarif) était égal à la moyenne des coûts de production de cette électricité par EDF (plus un honnête dividende versé par EDF à l’État). Lorsque ces coûts diminuaient, les tarifs baissaient, comme cela se produisit durant la période 1988-2008. Comme ces coûts étaient largement des coûts de capital, les tarifs étaient raisonnablement stables.

    Des idéologues idolâtres du marché et de l’Europe ont postulé qu’un marché était toujours préférable à un monopole et que l’Europe était toujours préférable à la France. Ils ont remplacé un monopole français éclairé par un marché européen inadapté .

    En simplifiant un système complexe, on peut dire que le prix actuel de l’électricité européenne est égal au coût marginal de l’électricité en Europe, qui est en pratique le coût marginal de l’électricité au gaz russe en Allemagne. Lorsque la Russie de Poutine réduit ou cesse ses livraisons de gaz à l’Allemagne, le prix du gaz en Allemagne bondit, entraînant celui de l’électricité en Allemagne et par contagion ailleurs en Europe et donc en France.

    Quelle aubaine pour tous les producteurs d’électricité infra-marginaux ! Ils produisent leur électricité (nucléaire ou même renouvelable) à son coût habituel et la vendent à ce prix européen, empochant des bénéfices extravagants. En théorie, un marché, un marché qui fonctionne s’entend, élimine les rentes ; en réalité le marché européen de l’électricité fabrique des rentes.

    L’apparition de cette rente n’a pas grand-chose à voir avec Poutine. L’embargo du dictateur russe, on l’a vu, cause une augmentation de 1,5 % du coût de l’électricité en France, qui aurait, du temps d’EDF, entraîné une augmentation du prix de cet ordre de grandeur. C’est le marché européen de l’électricité qui engendre une augmentation supplémentaire de 33,5%, pour conduire aux 35% d’augmentation estimés par RTE.

    D’où sort ce marché européen ? Il a été forgé et mis en place à l’initiative de la Commission européenne, avec l’appui du Parlement européen, dans des décisions prises par des conseils ministériels européens. Des responsables français – fonctionnaires, parlementaires européens, ministres – y ont très activement participé. Sans leur marché européen chéri, les embargos de Poutine seraient restés des pétards mouillés. Pour camoufler leurs erreurs nos dirigeants ne seraient pas obligés d’incriminer des boucs émissaires et d’inventer de coûteux boucliers – qu’ils nous feront un jour payer.

    Dans une audition à l’Assemblée nationale, Yves Bréchet (ancien haut-commissaire à l’énergie atomique, membre de l’Académie des Sciences), emploie les expressions : « âneries, laquais du prince, naïveté confondante » pour qualifier l’attitude de nos dirigeants en matière de politique énergétique. Il est difficile de lui donner tort. Exprimons le même jugement en disant que ces dirigeants ne méritent pas les bravos et les mercis qu’ils attendent de nous.

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      Coupures de courant : la soviétisation continue

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 5 December, 2022 - 04:30 · 4 minutes

    N’avoir école que l’après-midi, nous en avions tous rêvés lorsque nous foulions les bancs de l’école. Pourtant, ce qui était un doux rêve pour beaucoup s’apparente aujourd’hui à un cinglant cauchemar.

    L’annonce nous vient du ministre de l’ Éducation nationale , Pap N’diaye, lors de l’Educatech Expo qui s’est tenue en fin de semaine Porte de Versailles à Paris. Ce rendez-vous incontournable de l’innovation éducative a donc été paradoxalement l’occasion pour le ministre de faire une des annonces les plus régressives pour le secteur : la fin de l’école matinale les jours de coupures programmées d’électricité. Ces coupures se diviseraient en trois créneaux : 8 h-10 h, 10 h-12 h et 18 h-20 h, soit les heures d’école et de périscolaire qui étaient pourtant totalement exclues selon le chef de l’État en juin dernier.

    Si la capitale était un temps exclue du dispositif, c’est bel et bien l’ensemble de l’ Hexagone qui devrait être concerné, à l’exception de la Corse, reliée au réseau italien.

    Numéros d’urgence et alarmes indisponibles

    Afin de préparer progressivement la population à ces coupures, une circulaire était publiée par Matignon ce jeudi à l’attention des préfets.

    Une préparation est d’autant plus nécessaire qu’Internet et les téléphones mobiles devraient évidemment être eux aussi mis hors service durant ces coupures, à l’exception des lignes téléphoniques en T, connectées à des lignes en cuivre. De façon parfaitement surréaliste, ces coupures devraient également concerner les systèmes d’alarmes et même les numéros d’urgence. Le 112, qui devrait être l’objet d’une campagne de communication dans les prochains jours, serait quant à lui légèrement épargné.

    Outre l’éducation, c’est donc l’ensemble de notre mode de vie, y compris salarié, qui est ici rationné.

    Six à dix délestages

    En tout, près de quatre millions de clients du réseau électrique devraient être simultanément concernés par les six à dix délestages électriques que la cellule interministérielle de crise prévoit cet hiver.

    Ces délestages seront annoncés trois jours à l’avance par SMS avant d’être confirmés le lendemain, soit 48 heures avant. Dans la foulée, RTE, la société publique qui gère, depuis sa création en 2000, le réseau électrique sous contrôle d’EDF, conseille l’utilisation de l’application EcoWatt, équivalent de Bison Futé ou de Météo France permettant de visualiser en temps réel le réseau électrique.

    Une nouvelle conséquence des mesures écologistes

    Ces coupures inédites de l’aveu même de RTE sont destinées à éviter toute panne généralisée du réseau.

    Les causes de ce nouveau rationnement de notre mode de vie sont connues : inflation post-covid, conflit russo-ukrainien et surtout démantèlement en règle du parc nucléaire français . À l’heure où nous écrivons ces lignes, ce sont 30 réacteurs, soit plus de la moitié des 56 que compte la France, qui sont aujourd’hui à l’arrêt en raison de l’abandon des infrastructures énergétiques françaises depuis de nombreuses années, grâce à des évangélistes écologistes pour qui l’inflation et la pauvreté ne sont que des dommages collatéraux dans leur combat contre le progrès.

    L’électricité comme signe de civilisation

    L’homme se distingue de l’animal par la découverte puis la domestication qu’il a opéré sur le feu. Cette maîtrise a permis à notre espèce de nombreuses avancées techniques et biologiques, de la nourriture moins énergivore au travail des matériaux en passant par le rôle social du feu autour duquel s’est constitué le foyer, mot dont la sémantique même ne cache rien de son rôle social.

    De la même manière, ce qui distingue l’homme moderne de son prédécesseur est la maîtrise cette fois de l’électricité au XIX e siècle et dont dépend aujourd’hui l’ensemble de la vie humaine récente.

    L’absence d’électricité est donc un signe profond de dé-civilisation et de régression de notre mode de vie.

    La tiers-mondisation heureuse

    Si vous avez aimé les pénuries de masques, les confinements, les couvre-feux, l’inflation, la fin de l’abondance et les pénuries d’essence, vous devez être profondément heureux de ce qui s’apparente donc à un nouvel épisode de soviétisation de l’Hexagone.

    Ce nouvel épisode n’est rien d’autre qu’une tiers-mondisation heureuse car planifiée. L’effondrement économique et social n’est plus une fatalité puisqu’il est annoncé tout sourire par une élite politique expliquant joyeusement que tout est sous contrôle.