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      Pourquoi continuer d’augmenter les renouvelables en France ?

      Vincent Benard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 29 December, 2022 - 04:30 · 14 minutes

    Quels sont les avantages d’augmenter la part de l’éolien/solaire dans des pays comme la France, capables de développer et maîtriser un parc de centrales nucléaires de qualité ?

    Spoiler : Aucun.

    Mais nos dirigeants vont quand même le faire.

    L’objectif de ce billet est de résumer brièvement de façon compréhensible les principales conclusions d’une étude remarquable mais très longue et technique, comparant le coût de diverses grilles électriques « compatibles avec le Net Zéro », mais avec un scénario de base principalement fondé sur le nucléaire et un peu d’hydroélectrique et plusieurs scénarios avec un taux de pénétration croissant des énergies renouvelables intermittentes (ENRi en français, VRE en anglais dans l’étude).

    Mon premier objectif était d’en faire un gros thread pédagogique, mais c’est mission impossible avec une étude aussi exhaustive. Il aurait fallu 200 tweets et deux semaines de travail !

    Ceux qui voudront en détailler les conclusions devront donc s’y plonger, désolé.

    L’étude publiée par l’OCDE et la Nuclear Energy Agency

    L’étude est intitulée « The Costs of Decarbonisation: System Costs with High Shares of Nuclear and Renewables ». Elle est co-publiée par l’OCDE et la Nuclear Energy Agency.

    Avant que certains ne crient à l’étude pro-lobby nucléaire, je rappelle que la NEA est une agence intergouvernementale destinée à favoriser la coopération entre pays nucléaires ou souhaitant le devenir et pas un syndicat de vendeurs de centrales. Et l’étude m’a parue très objective et plutôt conservatrice niveau chiffres.

    Vous entendez souvent les partisans de scénarios 100 % renouvelables dire que le coût du kWh éolien ou photovoltaïque est passé en dessous de celui du nucléaire et citer cette courbe, au demeurant globalement exacte, à l’appui :

    Le coût ainsi calculé est un LCOE : coût actualisé de l’électricité.

    C’est grosso modo le « coût moyen en sortie d’usine du kWh produit tout au long de la vie de l’usine ». Il est calculé en intégrant toutes les dépenses en capital, opérationnelles et de carburant, pendant la durée de vie de l’usine. Ce coût total de possession est divisé par la quantité d’énergie utile fournie à la grille.

    Le tableau ci-dessous résume les coûts pris en compte pour le nucléaire et l’éolien ; en vert la caractéristique la plus favorable :

    La prise en compte de tous ces facteurs aboutit donc logiquement à un LCOE éolien nettement plus faible que celui du nucléaire.

    Mais le LCOE ne prend pas en compte les coûts dits systémiques imposés à la grille par l’intermittence du solaire et de l’éolien. C’est tout l’intérêt de l’étude OCDE-NEA d’expliquer avec force détails et calculs comment ces coûts varient avec la proportion d’ENRi.

    L’étude parvient à la conclusion que les coûts globaux de distribution de l’électricité croissent avec l’inclusion d’une part croissante d’ENRi dans la grille. Les scénarios comparés vont de 0 à 75 % d’ENRi.

    Les pourcentages d’ENRi sont à comprendre en pourcentage de l’électricité produite, pas de la puissance installée. Nous verrons combien ce point est essentiel.

    Dans le scénario de base, l’essentiel de la production est nucléaire. Dans le scénario 75 %, le nucléaire tombe à zéro.

    Notez que tous les scénarios…

    … conservent une petite part d’électricité générée par du gaz mais dans des circonstances différentes qui n’engendrent pas les mêmes coûts. Nous le verrons plus tard.

    Le scénario « low cost VRE » correspond à une situation fictive où les coûts de l’éolien terrestre seraient encore divisés d’un tiers, ceux de l’éolien offshore de deux tiers, et où des mécanismes optimaux de marché alloueraient aux ENRI une « part de marché idéale », calculée à 35 %.

    Ce scénario « low cost VRE » semble très irréaliste (voir en fin du thread ). Les coûts des autres scénarios sont établis à partir de technologies existantes. L’étude a modélisé un pays fictif aux caractéristiques très proches de la France, interconnecté avec des régions frontalières selon le schéma suivant : c’est donc certes une modélisation théorique mais comparable à une situation bien réelle, en l’occurrence la nôtre, et c’est bien pratique !

    Et donc voici comment évoluent, selon l’étude, les coûts globaux de génération de l’électricité entre un scénario de base très nucléaire et les scénarios avec davantage d’ENRi : ils sont très nettement croissants (détail des chiffres un peu plus loin).

    Nous avons avec l’Allemagne un exemple de pays avec 30 % d’ENRi qui a vu ses coûts d’électricité fortement augmenter, de 50 % en nominal et de 28 % hors inflation depuis 2006. Même si le scénario de base allemand n’est pas du tout le même (plus de fossiles)…

    Cet exemple montre bien un phénomène d’accroissement des coûts corrélés avec la part des énergies renouvelables intermittentes et clairement identifiés comme tels.

    Comment est-ce possible ?

    « Mais comment est-il possible que le coût global de la grille augmente en augmentant la part d’énergies au LCOE plus faible », vous demanderez-vous à juste raison.

    Le mérite de l’étude OCDE-NEA est d’expliquer clairement qu’au LCOE, chaque mode de production ajoute des coûts supportés par la grille et que les coûts de l’intermittence des énergies éolienne et solaire sont supportés par les autres modes.

    Ces coûts supplémentaires sont appelés « coûts d’intégration » par l’étude. Ils comportent des profile costs , que je traduirais par « coût de la surcapacité », les coûts d’équilibrage de la grille ( balancing costs ), les coûts de « densité » de la grille ( grid costs ).

    Les « options de flexibilité » sont principalement le pilotage des réserves d’hydroélectricité et les possibilités offertes par l’interconnexion des grilles qui viennent réduire les surcoûts d’intégration, mais de très peu par rapport auxdits surcoûts.
    Voici comment ces coûts se décomposent dans les divers scénarios et influent sur le coût global de la distribution d’électricité dans le pays modèle, dont on rappelle qu’il ressemble beaucoup à la France. les profile costs sont prépondérants à partir de 30 % d’ENRi.

    L’étude (en comptant 1,1 dollar/euro) estime donc à : environ 1,8 milliard d’euros le surcoût d’une grille à 10 % d’ENRI (+5 %/scénario de base) ; environ 7,3 milliards d’euros à 30 % d’ENRi (+21 %) ; environ 13,6 milliards d’euros à 50 % d’ENRi (+42 %) ; et environ 30 milliards d’euros à 75 % d’ENRi (+95 %).

    L’étude a été publiée en 2019 sur la base de chiffres 2015 à 2017. En 2020, avec 70 % de nucléaire, donc très proche du cas étudié, et consommant à peu près la même quantité d’électricité, la France a dû débourser près de 6 milliards d’euros de soutien aux ENRi avec 9 % de pénétration.

    Ce chiffre est donc nettement supérieur au surcoût de 1,8 milliard chiffré par l’OCDE-NEA à 10 % d’ENRi. Je ne saurais dire quelle est la part de sous-estimation de l’étude, plutôt conservatrice dans ses hypothèses, et celle d’inefficacité négociatrice de l’État français, qui se fait peut-être gruger par le lobby ENRi, et pourrait avoir adopté un dispositif de soutien aux ENRi trop favorable par rapport aux surcoûts réels.

    Les surcoûts

    Même s’ils sont peut être sous-estimés, ces surcoûts sont déjà énormes.

    Examinons-en la nature en commençant par le plus important d’entre eux, le profile cost , ou coût de la surcapacité.

    Premier surcoût d’intégration : profile costs , coûts de la surcapacité.

    Un MW installé de nucléaire coûte peut être quatre fois plus cher en investissement que le MW installé en éolien mais son facteur de charge est potentiellement quatre fois plus élevé dans un pays européen (en pratique 3,5 fois).

    Voici donc toutes les capacités installées nécessaires pour satisfaire une demande électrique de 537 TWh dans les différents scénarios :

    Mais ce n’est pas tout : non seulement il faut bien payer pour cette capacité redondante mais la nature du courant électrique (non stockable à coût acceptable) et la nature non pilotable du solaire et très peu pilotable de l’éolien obligent à réduire la production des autres usines lorsqu’il faut laisser passer en priorité dans la grille une production excédentaire non pilotable des ENRi.

    Par conséquent, les autres usines voient leur facteur de charge réduit par les ENRi.

    Vous vous souvenez que le LCOE est égal à la somme des coûts fixes et variables divisés par la production. Si vous réduisez la production, malgré la réduction des coûts variables liés au carburant, vous augmentez mécaniquement le LCOE !

    Ce phénomène est déjà observé en Allemagne dont les centrales thermiques voient leur rentabilité chuter parce qu’elles doivent réduire leur production en faveur des ENRi. Mais ce surcoût serait bien pire avec des centrales nucléaires.

    En effet, nous avons vu que le LCOE du nucléaire est en grande partie composé de coûts en capital. Donc l’effet d’éviction de la production sur le LCOE sera bien plus important pour une centrale nucléaire qu’avec une centrale classique.

    En langage d’économiste, l’intermittence impose aux autres centrales non intermittentes une externalité négative que les mécanismes actuels de tarification des ENRi ne font pas porter aux producteurs desdites ENRi mais par des taxes sur les consommateurs finaux. En effet, les producteurs éoliens/PV sont payés au kWh produit, indépendamment que cette production survienne quand elle est utile ou quand elle ne l’est pas. Ce phénomène de profile cost est déjà expérimenté par la grille européenne de façon parfois caricaturale lorsque les gestionnaires de réseaux scandinaves doivent littéralement payer la grille allemande pour qu’elle accepte leur électricité excédentaire.

    Ce phénomène de « prix de gros négatif » de l’électricité était une rareté avant l’arrivée des ENRi. L’étude note une forte augmentation du phénomène avec le déploiement des ENRi, de 56 heures en 2012 à 146 heures en 2017.

    Pourquoi ? Parce que à ce moment, la demande allemande n’est pas assez élevée pour absorber cette électricité et que la grille allemande doit donc faire en sorte que les fournisseurs d’énergie pilotable classique coupent leur production => prix très bas, voire négatifs.

    Enfin, quand il y a trop de capacité éolienne dans la grille, certaines éoliennes doivent être arrêtées lors des périodes de trop forte production, ce qui augmente là aussi mécaniquement leur LCOE.

    En Grande-Bretagne, les coûts directement payés aux centrales (qu’elles soient éoliennes ou gaz) pour réduire leur production sont actuellement de environ un milliard de livres (1,1 milliard d’euros) et pourraient s’envoler à environ 2,6 milliards d’euros en 2026.

    Les « coûts de grille » ( grid costs ) sont liés à la plus grande surface occupée par les éoliennes, donc l’augmentation du nombre de points de connexion, ainsi que des pertes par transport sur de plus longues distances lorsque le vent souffle seulement dans certaines régions.

    Les « coûts d’équilibrage de la grille » ( balancing costs ) sont liés à la nécessité de conserver davantage de centrales gaz actives pour amortir les à-coups de production liés aux sautes de vent de l’éolien. Les turbines gaz tournent au ralenti et conservent ainsi une énergie cinétique suffisante pour entrer en action à quelques secondes près en cas de variation brusque de la puissance envoyée dans le réseau par l’éolien.

    Une part de production par centrales gaz est conservée car en l’état actuel de la technologie, le nucléaire n’est pas un bon amortisseur de chocs, il ne peut pas faire varier sa puissance instantanément.

    Cette part est quasi identique dans tous les scénarios :

    Mais les auteurs notent que plus la pénétration des ENRi augmente, plus la capacité nécessaire de centrales gaz pour générer la même quantité d’énergie augmente : trois fois plus pour le scénario 75 % !

    Les auteurs notent d’ailleurs que malgré ce taux de fonctionnement plus faible, le nombre de cycles démarrage-arrêt-redémarrage des centrales de Back Up en augmentera les coûts de fonctionnement et les risques d’usure prématurée.

    Pire encore…

    Pour des raisons technico-économiques trop longues à développer, les centrales dites « à cycle ouvert » OCGT sont préférables aux centrales à cycle fermé (CCGT) pour assurer cette fonction de Gaz Peaker de l’éolien mais elles ont l’inconvénient d’émettre 52 % de CO 2 de plus que les centrales CCGT par MWh produit.

    Ce qui m’amène à examiner l’intérêt CO 2 des différents scénarios.

    Les accords de Paris impliquent de faire passer les émissions de CO 2 par kWh d’électricité produite de 430 g (moyenne OCDE actuelle) à 50 g. Avec 70 à 80 g selon les années, la France est déjà proche de l’objectif.

    Voici les émissions de CO 2 par kWh et par source en France selon le site @electricityMaps : le nucléaire est le plus performant, les fossiles émettent de 125 à 200 fois plus.

    Hé oui, le nucléaire est plus performant que l’éolien ou le solaire. La raison en est simple : par MWh produit tout au long du cycle de vie, une centrale nucléaire utilise environ 15 fois moins de matériaux que l’éolien, matériaux qu’il faut miner, raffiner, usiner, etc.

    On en déduit que n’importe quel mix qui ne comprendrait aucune électricité fossile serait en dessous de 50 g/kWh, mais qu’inclure ne serait-ce qu’un peu de fossiles peut nous faire passer au-dessus.

    Illustration avec la France d’aujourd’hui …

    Les fossiles (principalement le gaz) représentent 7,1 % de la puissance demandée moyenne mais 83 % des émissions liées à la production électrique sur l’année 2021.

    Donc non seulement les ENRi sont un peu moins bonnes que les centrales nucléaires du point de vue du CO 2 émis mais les scénarios à haut niveau d’ENRi imposent une augmentation des émissions des centrales gaz de backup .

    Ajoutons que les grilles à « haut niveau d’ENRi » sont moins protégées par une année de « cygne noir climatique ». Si une période sans vent ni soleil plus élevée que ce que nous avons connu se matérialisait, les risques de blackout seraient plus nombreux ; et dans le scénario 75 % qui n’aurait plus de centrales nucléaires et des backups 100 % gaz, les émissions augmenteraient encore plus fortement.

    Dans une autre étude l’Agence internationale de l’Énergie résume par cette excellente formule le problème posé par l’intégration massive d’ENRi dans des grilles conventionnelles ou nucléaires :

    La valeur systémique des énergies renouvelables intermittentes tel que l’éolien et le solaire décroît lorsque leur part dans la production électrique augmente.

    Bref, l’étude OCDE-NEA (qui colle avec les « résultats expérimentaux » de la France et de l’Allemagne) montre qu’en l’état actuel des technologies, l’inclusion d’ENRi dans un pays fortement nucléarisé n’a AUCUN intérêt ni économique ni climatique. Un gouvernement sensé devrait dire « STOP, nous n’avons pas besoin d’augmenter la part des ENRi, arrêtons tout nouveau contrat de rachat garantis aux producteurs solaires et éoliens et reconcentrons-nous sur le nucléaire qui fut notre force ces derniers 50 ans !

    Mais nos dirigeants sont en train de faire tout l’inverse et devraient voter le 10 janvier prochain la catastrophique loi d’accélération du déploiement des ENR.

    Les raisons de cet entêtement m’interrogent.

    Vous pourriez m’opposer les objections suivantes :

    L’étude est basée sur des chiffres 2015-2017, mais les ENRi ne vont-elles pas encore voir leur prix baisser ?

    L’étude est celle des technologies existantes, les progrès des ENRi ne vont-ils pas changer la donne ?

    Vous n’avez pas parlé du scénario low cost VRE de l’étude qui indique une baisse de coût de grille, pourquoi ?

    La filière nucléaire a aussi ses problèmes, son LCOE augmente (cf twitt #7), comment vont évoluer les LCOE comparés du nucléaire et de l’éolien ?

    Et le foisonnement, change-t-il la donne ?

    L’étude ne considère le stockage de l’énergie produite en période de « surplus météo » que de façon marginale, pourquoi ?

    Toutes ces questions (et d’autres) sont excellentes mais ce billet étant déjà trop long, elles feront l’objet d’une suite dans quelques jours !

    Un billet tiré initialement du Thread de Vincent Bénard.

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      Transition énergétique : mission impossible

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 13 January, 2021 - 03:40 · 6 minutes

    la production

    Par Michel Negynas.

    Rappel : il est normal que les industriels de l’énergie éolienne défendent leur secteur, qu’on leur donne la parole, et qu’on les écoute. Il est moins normal que ces gens prennent les Français pour des imbéciles.

    Les responsables des syndicats d’énergie renouvelable (Solaire et éolien, pas biomasse et hydraulique, qui servent souvent à noyer le poisson dans les chiffres de production) sont des adeptes de la vérité alternative. Nous en avons déjà parlé ici.

    Après la semaine difficile que nous venons de passer ( Contrepoints s’en est fait largement l’écho) par suite d’une absence quasi-totale de vent, on aurait pu penser que cette corporation se fasse discrète. Il n’en n’est rien. Ils en rajoutent. BFM TV aussi .

    « Les énergies renouvelables ne se sont pas développées aussi vite que prévu. On paye le développement trop long de certains projets. Il y aurait moins de tension sur le réseau si on avait respecté nos objectifs » estime Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

    L’objectif de la transition énergétique est de multiplier par trois la puissance installée en éolien, et par cinq en solaire.

    Voyons ce que cela donne.

    Ci-dessous la courbe de production de la semaine, selon le site ECO2 mix.

    Source : https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere

    Pendant toute la semaine, l’éolien a fourni une puissance ridicule : 1 à 2 GW, avec 17 GW installés. Le vent s’est mis à souffler en week-end, alors qu’on en avait moins besoin.

    Le solaire a été lui aussi négligeable, de très brèves pointes à 3,5 GW maximum à la pointe de midi, et évidemment zéro à la pointe du soir. Ceci pour 10 GW de puissance installée.

    L’ensemble des énergies intermittentes a donc fourni au maximum 2 GW à la pointe du soir, pour 27 GW installés (soit 15 EPR). Même avec 90 GW installés (ce qui est l’objectif) on aurait eu un peu plus de 6GW… Ce qui relativise quand même pas mal le discours de M Roesh ! En fait, il nous prend vraiment pour des débiles… ou peut-être est-il sûr de ses arrières, il peut dire n’importe quoi en toute quiétude, pour une raison qui nous dépasse… ou pas.

    L’hydraulique a pu être exceptionnellement haute, à 17 GW : elle ne dépasse généralement pas 15 GW. Merci aux dernières pluies et chutes de neige.

    Le GAZ, 12 GW installés, a fourni 8 GW, c’est probablement le maximum disponible, surtout qu’il doit en garder sous le pied pour accompagner de brusques sautes de vent. Il est possible aussi que les équipements de cogénération ne soient pas forcément disponibles.

    Le nucléaire a fourni 52 GW. C’est un taux de disponibilité de 85 %, ce n’est pas si mal.

    Charbon et fuel étaient au taquet, c’est-à-dire de l’ordre de 2,5 GW au maximum : un peu plus que les réacteurs arrêtés de Fessenheim … Et la biomasse apporte à peine 1 GW.

    Par ailleurs, toute la semaine on a fait jouer la clause contractuelle d’EJP (effacement des jours de pointe) pour ceux qui ont encore ce type de contrats.

    Pendant les pointes, on a importé jusqu’à 8 GW, une partie étant redirigée vers l’Angleterre, paradis de l’éolien, et l’Espagne, paradis du solaire. Les deux étaient comme nous en mauvaise posture. C’est l’Allemagne, comme d’habitude, qui nous sauve la mise, avec son double langage.

    Le cas du nucléaire

    Le consultant de BFM l’admet :

    « Même si ce n’est pas le coeur du problème, la centrale de Fessenheim a sans aucun doute été fermée trop tôt. L’urgence était politique, pas industrielle. Fermer des centrales au charbon, c’est bien pour le climat, mais il faut que d’autres prennent le relais » , juge Nicolas Goldberg.

    C’est sûr, il y avait urgence politique ! Mais 1600 MW en moins, ce n’est pas grave…

    La « faible » disponibilité des centrales nucléaires (85 %, contre 8 % pour les énergies intermittentes) est expliquée par les confinements Covid.

    En réalité, on commence à avoir des problèmes de programmation de la maintenance des centrales car elles produisent moins, puisqu’on donne la priorité aux ENR. Il est ainsi plus difficile de synchroniser le calendrier des rechargements en combustible. Et nous n’avons pas connu le pire : février s’annonce plus critique de ce point de vue, si nous subissons à nouveau un anticyclone et un froid de canard. Heureusement, les équipements en compteurs Linky avancent bien !

    Et l’Allemagne dans tout ça ?

    On peut consulter ses données sur le site de l’institut Fraunhofer Energy Charts

    L’Allemagne a 62 GW d’éolien dont 8 en mer, et 52 GW de solaire, soit 114 GW d’ENR intermittentes.

    Mais elle a aussi 77 GW de fossiles (fioul, gaz, charbon, lignite), encore 8 GW de nucléaire, 8 GW de biomasse et 4 GW d’hydraulique, soit 97 GW de production pilotable. Sa consommation max est plutôt de 70 GW. (En Allemagne, on se chauffe au gaz). Elle prévoit d’arrêter nucléaire et charbon, soit 29 GW et installera sans doute quelques centrales à gaz. Mais elle ne sera plus excédentaire sans soleil et sans vent. Alors voyons comment s’est passé la semaine.

    Pendant les jours les plus critiques, mercredi et jeudi, les 115 GW sont tombés à 5 GW à la point du soir… pas de quoi exporter du renouvelable. Par contre, le lignite et le nucléaire étaient au maxi !

    Les performances de l’ off shore rendent le bilan allemand des ENR un peu meilleur, mais l’ off shore varie exactement comme le on shore. Que ce soit dans un pays, ou entre pays, ou entre on shore et off shore , contrairement aux arguments cent fois entendus, il n’y a pas foisonnement dans la situation d’anticyclone sur toute l’Europe. Et la roue de secours allemande risque bien d’être supprimée.

    Et selon l’association EIKE nous avons eu une chute brutale de fréquence, près de la limite de premier niveau de sécurité, le 8 janvier à 13 h 14. (Pointe de la mi journée). C’est la plus grosse alerte depuis 2006. Les causes ne sont pas claires, mais on peut craindre une fragilité du réseau causée par l’absence d’inertie des ENR intermittentes.

    Conclusion de BFM TV

    Le risque, en attendant, c’est que l’on reporte la fermeture de ces centrales au charbon. La fermeture du site de Cordemais, en Loire-Atlantique, est conditionnée à la mise en service de l’EPR de Flamanville et de la centrale au gaz de Landivisiau. Pour l’instant, sa fermeture a été repoussée en 2024, voire en 2026.

    Un risque, ou une chance in extremis ?

    Prions pour un mois de février obéissant au changement climatique.

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      Les dégâts de l’éolien et du solaire : les coûts d’acheminement de l’électricité

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 December, 2020 - 03:45 · 9 minutes

    l

    Par Michel Negynas.

    L’éolien et le solaire bénéficient de règles complètement anti libérales dans le cadre européen de libéralisation de l’électricité : obligation d’achat de la production, quand il y en a, par le réseau électrique, quel que soit son besoin, et tarifs subventionnés garantis sur des périodes longues. En outre, il en existe une autre, moins connue : l’éventuel surcoût directement lié à leur développement est supporté par le réseau de transport et de distribution.

    Rappelons, de plus, que l’intermittence de ces moyens de production impose d’investir en double dans un réseau de production pilotable, nécessaire pour assurer la continuité du service les nuits sans vent. Cela réduit en fait à néant l’utilité de développer ces producteurs d’énergie aléatoire, qui sont en fait un doublon par rapport à ce qui est absolument nécessaire. Pire, leurs caractéristiques en font des perturbateurs du réseau, ce qui a des conséquences technologiques et financières.

    Quelques notions simples sur notre électricité

    Nous utilisons du courant alternatif au lieu de courant continu : il varie autour de zéro lors d’un cycle et cela 50 fois par seconde, c’est sa fréquence. Cela a plusieurs avantages :

    • il est plus facile à produire par des machines tournantes, et inversement peut faire tourner des moteurs très simples.
    • par le biais des transformateurs, on peut adapter la tension (les volts) et le courant (les ampères) au transport et à l’usage, pour limiter les pertes.
    • le passage à zéro 50 fois par seconde aide les disjoncteurs à couper le courant quand il le faut.

    Par contre, il présente quelques inconvénients.

    • gestion de deux types d’énergie : l’énergie active, qui seule peut se transformer en énergie mécanique, et l’énergie réactive, consommée par certains utilisateurs. C’est une composante importante des réglages du réseau, assez peu connue du grand public.
    • les lignes électriques très longues posent des problèmes de stabilité. C’est pour cela que pour des liaisons à longue distance, on revient à du courant continu au moyen de convertisseurs électroniques. Et c’est pour cela aussi qu’équilibrer géographiquement les puissances sur le réseau se fait de proche en proche. Ce n’est ni évident, ni instantané.

    Les gestionnaires de réseau doivent donc régler les puissances actives et réactives, la tension et la fréquence du réseau dans des limites contractuelles pour que tout fonctionne, avec des contraintes géographiques, et cela à la microseconde près.

    Heureusement, le réseau a la faculté de s’adapter un peu de lui-même lorsqu’il est alimenté par de gros turbo-alternateurs, lesquels ont une grande inertie mécanique et fournissent les deux types d’énergie. Les réglages se font par les régulateurs de ces machines, ainsi qu’avec des équipements assez simples, comme des condensateurs.

    Les dégâts collatéraux des énergies diffuses, intermittentes et aléatoires

    La production diffuse

    Dans des régions à forte densité de population comme l’Europe, centraliser la production d’électricité est une évidence. On montre en effet que les coûts énergétiques sont corrélés à la surface occupée par les moyens de production.

    En outre, plus un réseau est interconnecté, plus il est facile et peu onéreux d’assurer la continuité d’alimentation. (Si vous voulez que votre maison photovoltaïque soit réellement autonome en énergie, il vous faut un diesel de secours pour les jours sans soleil et les pannes). L’interconnexion exige la centralisation de la conduite du réseau.

    En outre, une production à l’aide de grosses unités est plus facile à gérer qu’une multitude de petites unités. C’est une des difficultés intrinsèque à la « production citoyenne » et à la couverture de la France d’éoliennes de 3 MW ou de champs photovoltaïques de 1 ou 2 MW ; ou pire, d’installations en toiture de quelques kW…qui modifient la nature même du réseau électrique de distribution, puisqu’il devient aussi réseau de production.

    Le réglage du réseau

    Une grande partie des petites éoliennes, installées en majorité sur le territoire, de 1 à 3 MW, sont incapables de régler quoi que ce soit. Elles ne participent pas à la stabilité du réseau, au contraire, elles le perturbent. Tant que leur puissance installée totale est assez faible par rapport au réseau, cela n’a pas grande importance.

    Mais les plans de développement de la Programmation pluriannuelle de l’énergie changent la donne. Les grandes éoliennes off shore , elles, doivent s’équiper pour participer à la stabilité du réseau car leur impact individuel n’est pas négligeable : c’est au prix d’une grande complexité des appareillages internes, sources de pannes et d’incidents, et d’équipements spécifiques sur le réseau..

    En ce qui concerne le solaire, qui produit du courant continu, l’injection dans le réseau nécessite de toute façon un convertisseur électronique plus ou moins complexe.

    Mais tout ça n’a aucune inertie : si on n’avait que des ENR sur un réseau, il serait impossible à régler et stabiliser. En outre, tous les équipements électroniques cités produisent un courant très haché, source de pertes et nécessitant eux-mêmes d’autres dispositifs pour le lisser.

    La variabilité instantanée de la production

    La prévision de la production des ENR aléatoires est en gros possible en gros à long et moyen terme. Les variations sur la journée sont moins prévisibles, mais le réseau peut s’adapter, même avec des centrales nucléaires, toutefois au prix d’usure prématurée et de surcoûts.

    Mais il existe une variabilité à très court terme : une rafale de vent, un train de nuages qui passe… Celle là est très perturbante pour le réseau. C’est particulièrement vrai pour l’éolien, on le voit sur la figure suivante (Puissance/vitesse) dans la zone des vents intermédiaires, qui peuvent être prépondérants à certaines saisons, et où une faible variation de vitesse entraîne une grande variation de puissance.

    l Source

    L’éloignement entre sources de production (régions venteuses) et lieux de consommation

    Ce problème est particulièrement vrai en Allemagne, entre mer du Nord et Ruhr ou Bavière. On a vu qu’en fait, l’électricité se transporte mal sur de longues distances, avec des pertes.

    Les remèdes

    Les ingénieurs ayant une créativité infinie, presque tous ces problèmes ont une solution technologique à base de batteries pouvant stocker quelques minutes de production, de condensateurs ou d’appareillages très sophistiqués à base de semi- conducteurs.

    Jusqu’à une certaine limite cependant. Par exemple l’Irlande, dont le mix est très riche en ENR, expérimente ces difficultés et n’aura de salut qu’en renforçant son interconnexion avec l’Angleterre et peut-être la France. Il va sans dire que toutes ces considérations rendent impossible techniquement un scenario tout ENR.

    Mais voilà, tous les gadgets précités ont un coût… pris en charge non pas par la production qui les rend nécessaires, c’est-à-dire l’éolien et le solaire, mais par les réseaux… En France, le raccordement des ENR est à la charge du réseau, peu de gens le savent.

    C’est ainsi que RTE (Réseau de Transport de l’Électricité) en charge du réseau Haute Tension et ENEDIS, en charge du réseau de distribution, annoncent des investissements faramineux : en tout, 102 milliards sur 15 ans. Et bien qu’ils s’en défendent, une grande partie est directement liée au développement du solaire et de l’éolien.

    RTE annonce 33 milliards : 13 milliards concernent l’adaptation du réseau , 8 milliards le renouvellement des ouvrages les plus anciens , 7 milliards le raccordement des énergies marines , 3 milliards le numérique et 2 milliards pour les interconnexions transfrontalières.

    Autrement dit, la maintenance représente 7 milliards : tout le reste c’est pour les ENR, c’est-à-dire pour les raccordements et pour sophistiquer une conduite du réseau rendue plus complexe.

    Comme l’admet François Brottes, président de RTE : « C’est un peu comme un athlète de très haut niveau qui pratiquait il y a quelques années le triathlon – nucléaire, hydraulique, thermique – et qui maintenant pratique le décathlon : il y a beaucoup d’énergies nouvelles, de modes de consommation nouveaux. » Sauf que le triathlon suffisait…

    ENEDIS annonce 69 milliards. C’est curieux, car la PPE ne prévoit pas d’augmentation de la consommation.

    Il y en a 5,7 pour le compteur Linky si on compte les dépenses totales. La rentabilité est basée sur les économies de personnel qui pourraient être faites sans le Linky. Il y a déjà des procédures permises via une photo du compteur envoyée par mail… En fait, le cœur du Linky, c’est son disjoncteur, qui ne remplace pas le disjoncteur de protection de l’installation. Il est là pour servir un jour, peut être… Il attend son heure, une nuit sans vent par exemple.

    Mais il y a d’autres postes importants : « On passe d’un réseau où l’électricité va dans un sens, du producteur au consommateur, à un système électrique conçu et exploité de manière totalement différente, avec des acteurs nouveaux », remarque Marianne Laigneau, nouvelle Présidente d’Enedis…

    L’entreprise doit ainsi raccorder actuellement 90 % des nouvelles installations renouvelables au réseau d’électricité. Soit 450 000 producteurs d’électricité en tout, pour une capacité de 26 gigawatts raccordés en dix ans… ( Les Échos )

    L’autre poste important, c’est la mobilité électrique : pour 2022, Enedis vise donc aussi 100 000 bornes raccordées au réseau, contre près de 30 000 aujourd’hui. Cela permettra de recharger un million de véhicules électriques environ. « Notre rôle est d’être un facilitateur de cette mobilité électrique. Nous ne vendons rien », insiste Marianne Laigneau.

    L’entreprise aide, par exemple, les collectivités à déterminer quel serait l’endroit le plus pertinent pour installer des bornes de recharge. « Après on tire des câbles » pour connecter ces bornes au réseau, explique la nouvelle dirigeante…( Les Échos )

    Eh oui, on l’oublie toujours, mais multiplier les sources de production et consommation de l’électricité, c’est tirer des câbles de cuivre et d’aluminium. Pas très écologique, et ruineux.