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      Présidentielle 2020 : le socialisme autoritaire en tête, la gauche en miettes

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 February, 2021 - 10:14 · 4 minutes

    Par Frédéric Mas.

    Sommes-nous condamnés à un face-à-face Macron-Le Pen pour la présidentielle de 2022 ? Un sondage Ipsos/Sopra Steria paru mercredi semble confirmer la prise en étau de l’élection entre nationalisme et centrisme autoritaire, et une uniformisation anti-libérale et socialisante de l’offre politique.

    Dans tous les cas de figure, Emmanuel Macron est crédité de 24 à 27 % des intentions de vote, et Marine Le Pen de 25 à 26,5 %. En troisième position vient Xavier Bertrand (centre-droit), qui se retrouve dans une fourchette de 14 à 16 %.

    Le fractionnement de la gauche ne lui permet pas de passer le premier tour, sauf si le PS et EELV réussissent le tour de force de s’unir. Dans ce cas, ils arriveraient à 17 % avec Yannick Jadot et 16% avec Anne Hidalgo à la tête de l’hypothétique coalition.

    Face à face Macron-Le Pen

    Marine Le Pen progresse sans avoir à faire campagne, Macron a fait disparaître de son discours les dernières traces de libéralisme . L’opinion publique juge sévèrement le quinquennat d’Emmanuel Macron, élu sur un programme réformiste et qui finalement n’a pu ou su débloquer les lourdeurs de la vie publique française.

    La crise des Gilets jaunes, celle des retraites et finalement la gestion de la crise sanitaire ont achevé la transformation de La République en marche en formation autoritaire, rognant sur les libertés publiques, la liberté d’expression et le droit de propriété sous couvert d’ouverture progressiste et écologiste.

    L’extrême droite n’a fait que recueillir les fruits de l’insatisfaction et de la défiance des citoyens pour apparaître aux yeux de beaucoup comme une alternative au gouvernement en place.

    La droite fait de l’œil au populisme de Montebourg

    Une partie de la droite modérée a gauchisé son discours économique et durci son discours sécuritaire, offrant face au Rassemblement national un populisme anti-libéral plus soft et plus expérimenté.

    L’ancien ministre et actuel président du Conseil régional des Hauts-de-France Xavier Bertrand a suscité quelques remous à droite comme à gauche après avoir énoncé des points de convergences avec l’ex-PS Arnaud Montebourg sur la question de la souveraineté et de l’industrie.

    Guillaume Peltier , le numéro deux de LR, a tenu des propos similaires au micro de LCI, parlant de « points communs » sur la souveraineté et le « patriotisme économique » . Last but not least, Marine Le Pen elle-même a reconnu un air de famille entre son discours et celui de l’ancien ministre du Redressement productif. En cherchant à surfer sur le rejet de la mondialisation, toutes les droites finiraient-elles par converger ?

    L’écologie en position de force à gauche

    À gauche, Yannick Jadot triomphe, car il est en position de faiseur de rois. Il sait que le PS ne peut envisager son avenir sans lui, et que c’est autour de l’écologie politique que s’agrégeront les formations de la gauche de la gauche si elle veut remettre en cause le duopole Macron-Le Pen.

    Il faut bien parler de gauche de la gauche, car l’aile modérée du PS a été absorbée par le macronisme, et les figures qui réapparaissent autour de Jadot, comme par exemple Benoît Hamon , estiment de manière assez contre-factuelle que c’est en mettant la barre encore plus à gauche qu’elles pourront décrocher l’élection.

    Mais Anne Hidalgo pourra-t-elle travailler avec des écolos qui surfent sur toutes les modes les plus radicalement anti-capitalistes, indigénistes et anti-tech ? Elle a déjà du mal à Paris, alors à l’échelle du pays…

    Alternatives libérales ?

    Alors, l’avenir politique est-il bouché pour les libéraux ? Certaines figures dynamiques au sein de la droite modérée comme du courant progressiste de la majorité présidentielle pourraient jouer un rôle en contrepoint du social-autoritarisme ambiant.

    Rafik Smati, le président d’ Objectif France , Aurélien Véron, l’infatigable défenseur des libertés et élu à Paris ou David Lisnard , le maire de Cannes pourraient porter une voix libérale discordante au sein d’une droite qui se cherche.

    Valérie Petit , députée de la 9 e circonscription du Nord se positionne comme libérale, écologiste et progressiste. Bien qu’apparentée à la majorité présidentielle, elle a récemment déposé une proposition de résolution visant à évaluer les conséquences des restrictions sanitaires sur les libertés publiques.

    Des parcours à suivre, et qui pourraient inspirer des vocations !

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      Le Pen-Macron, le retour de blanc bonnet et bonnet blanc

      Michel Faure · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 February, 2021 - 04:30 · 7 minutes

    Le Pen

    Par Michel Faure.

    Marine Le Pen pourrait-elle être notre prochaine présidente de la République ? C’est une hypothèse qui n’a plus rien d’invraisemblable aujourd’hui si l’on en croit l es sondages. Le plus récent d’entre eux, le Harris Interactive des 19 et 20 janvier 2021, donne au second tour 52 % des intentions de vote au président de la République Emmanuel Macron et 48 % à Marine Le Pen. Avec seulement quatre points d’écart, nous sommes dans la marge d’erreur, donc rien n’est certain.

    Bien sûr, il reste encore un peu plus d’une année avant le prochain scrutin présidentiel et d’autres candidats peuvent encore apparaître et séduire l’opinion au point qu’il leur serait possible de franchir avec succès l’étape du premier tour. Mais pour l’instant, nous ne voyons personne à l’horizon et nous nous retrouverons alors en 2022 face à la perspective de ce navrant replay du second tour de 2017 . Comment est-ce possible ? Et pourquoi Marine Le Pen pourrait bien, cette fois-ci, l’emporter ?

    Le Pen-Macron : droite et gauche se sont auto-détruites

    Pour répondre à la première question, rappelons que nous pensions qu’avec sa victoire de 2017 le président Emmanuel Macron avait pulvérisé la droite et la gauche traditionnelles. En réalité, l’une et l’autre se sont auto-détruites dans les jours précédant le scrutin. La désolante présidence de François Hollande a laissé une triste impression de vide et d’impuissance et a divisé la gauche en multiples groupuscules.

    La droite n’était pas trop mal partie pour gagner sous la houlette de François Fillon qui avait déclaré la France en faillite et l’urgence de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires. Ce programme radical a bien sûr inquiété la fonction publique. Conséquence ou coïncidence, l’histoire nous le dira, le Parquet national financier s’intéressa soudain à l’épouse du candidat et à son travail, réel ou fictif, mais rémunéré, auprès de son mari. Ce népotisme désolant, mais banal, parait-il, a révélé le zèle et la vélocité des juges et mis Fillon hors jeu.

    Face aux Républicains assommés et au PS en miettes, il ne restait plus que deux personnages sur la piste, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. La première avait entrepris de « dédiaboliser » le parti de Papa, mais continuait dans sa lignée à détester l’Europe, l’euro et les migrants ; le second et nouveau jeune premier du moment, fringant et prometteur, nous annonçait un monde d’après meilleur que celui d’avant. Macron l’emporta haut la main (43,6 % des voix contre 22,3 pour son adversaire) après un débat entre les deux tours où Marine Le Pen fut agressive et confuse.

    Pourquoi, quatre ans après cette très lamentable performance, Marine Le Pen revient-elle, et pourquoi les Français, en 2022, pourraient peut-être la préférer à Emmanuel Macron ?

    La paupérisation et la colère

    Deux raisons répondent à cette deuxième question.

    La première est la paupérisation de nombreux foyers et leur colère face au peu d’intérêt que leur situation suscite en haut lieu. Le mouvement des Gilets jaunes en a été l’expression. En 2019, 9,3 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté, et un million d’autres les ont rejoint fin 2020, estime Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, dans une interview à France Culture le 7 octobre 2020 .

    Il ajoute :

    Concrètement, aujourd’hui, pour une personne seule, c’est un peu moins de 1060 euros par mois. Ça fait pas mal de monde, presque 15 % de la population française.

    La Covid joue son rôle, bien sûr, dans cette montée de la pauvreté, malgré les mesures de soutien et les aides sociales importantes.

    Cette crise de la pauvreté a été entendue par Macron, mais n’a pas pu être résolue car elle est le résultat d’ une lente désindustrialisation de notre pays depuis 1975 , de la baisse du niveau d’éducation des jeunes et de la montée du chômage. Pendant ce temps, le nombre de fonctionnaires grandit (en 2019, il a augmenté de 17 400 pour dépasser les 5,66 millions), les dépenses publiques aussi, nos déficits et notre dette également.

    La part des dépenses publiques dans le PIB est passé de 54 % en 2019 à 62,8 % en 2020, selon le site Statista qui estime qu’elles redescendront à 58,5 cette année. Bref, le secteur public continue à lentement asphyxier le secteur productif et marchand, c’est-à-dire le secteur privé.

    Emmanuel le flou

    La deuxième raison est lié à l’effondrement du naïf enthousiasme qui avait accompagné l’élection d’Emmanuel Macron, président bonapartiste élu plus pour sa jeunesse et sa promesse de renouveau que pour son programme, si léger et flou que nous en avons perdu la trace.

    En ce début de 2021, nous savons que notre République est dirigée par un politicien assez amateur et très autoritaire. Certains ont cru voir chez lui le libéral d’un monde nouveau alors qu’il s’avère l’étatiste du monde ancien. Il n’a pas su réformer la France, ni gérer la crise sanitaire, et a mis à mal notre Parlement, l’économie de notre pays, et nos libertés.

    Prudence et sympathie

    Ce triste bilan macronien pourrait annoncer une éventuelle préférence pour Marine Le Pen. Elle a eu l’intelligence de rester quasiment muette pendant quelque temps après l’élection d’Emmanuel Macron. Son débat raté est sans doute l’une des causes de cette discrétion. Elle fait aussi moins peur, ne brandit plus l’hypothèse d’un Frexit imminent, ni la menace de l’abandon de l’euro. On l’imagine devenue raisonnable.

    Par ailleurs, il est indéniable qu’elle suscite la sympathie de nombreux Français. Elle est dans le paysage politique depuis longtemps et l’occupe de façon singulière. Quand elle promet de « parler au nom du peuple » , ce n’est pas faux si l’on considère que par ce mot elle entend les classes populaires. En 2017, un sondage montrait déjà que plus on est pauvre, plus on vote pour elle.

    L’actualité joue en sa faveur avec les Gilets jaunes, les attentats islamistes et la crise migratoire. Elle n’oublie pas une part de son héritage familial , le poujadisme, auquel son père fut lié, et elle prend souvent la défense des PME et des petits commerçants, lesquels ont quelques bonnes raisons de ne pas voter pour Macron qui a fermé leurs magasins dès que les hôpitaux risquaient d’être saturés.

    Quoi qu’on en pense, Marine Le Pen reste la même nationaliste et souverainiste de toujours. Elle apporte son soutien à Donald Trump, admire Vladimir Poutine, approuve l’intervention russe en Syrie et va jusqu’à proposer une alliance de la France avec Bashar El Assad contre l’État islamiste. En matière économique, elle se montre tout aussi calamiteuse pour rester rétive aux échanges internationaux et pour sa promesse de « défendre les services publics ».

    Comme Macron avant elle, elle veut un « État stratège ». Nous en voyons déjà les dégâts avec notre actuel président. Ce serait probablement pire encore avec Le Pen. Enfin, l’Europe les sépare. L’une la déteste, l’autre serait ravi de la dominer.

    Le Pen-Macron et l’envie d’une sortie de secours

    De même qu’il n’était pas raisonnable en 2017 de s’emballer pour le jeune politicien fougueux, mais sans expérience, qu’était alors Emmanuel Macron, de même il serait périlleux de penser que Marine Le Pen ne serait plus aujourd’hui celle que l’on croyait. Son élection nous confinerait dans une autarcie patriotique, un autoritarisme désordonné, le recul de nos libertés et un nouvel affaiblissement de la France sur les plans politique, économique et sur la scène européenne et internationale.

    Nous revoici donc, peut-être, devant ce triste et impossible choix : deux personnages autoritaires et adeptes de l’étatisme. À chacun de choisir le moindre mal tant que personne, ni à droite ni à gauche, n’émerge pour nous offrir enfin une sortie de secours. Franchement, nous méritons mieux.

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      Hidalgo, la candidate qui transforme l’or en plomb

      Aurélien Véron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 07:28 · 4 minutes

    Anne Hidalgo

    Par Aurélien Véron.

    Elle déclarait l’été dernier trop aimer Paris pour envisager de se présenter à la présidentielle de 2022. Manifestement, cette passion a perdu de son éclat au cours de l’automne. Peut-être en a-t-elle assez de ces Parisiens si sales selon ses propres mots. En tout cas, Anne Hidalgo se prépare à abandonner la capitale pour décoller à la conquête de la France. Envol d’une fusée ou d’un pétard mouillé ?

    Imaginons un instant Anne Hidalgo à l’Elysée. Les finances de la France gérées comme celles de Paris placeraient rapidement notre pays sous la tutelle du FMI.

    Certes, les Français n’ont jamais attaché une importance décisive à la rigueur budgétaire. Ceci explique qu’aucun budget n’ait atteint l’équilibre depuis 1974. Anne Hidalgo nous promet, elle, de basculer dans la 4 ème dimension de la dette. Elle qui n’a jamais compté, ni négocié les gros contrats. Naturellement ! Elle est désintéressée… avec l’argent du contribuable.

    Des budgets qui explosent avec Hidalgo

    Depuis la réfection des Halles à 1 milliard (5 fois plus que les 200 millions annoncés au départ), combien de chantiers ratés ? Résiliation du contrat Autolib, pénalités de 263 millions d’euros versées à Unibail dans le dossier de la Tour Triangle , 240 millions requis par Smovengo pour ne pas liquider la société des nouveaux Velib’, et c’est sans parler des 280 millions de subventions annuelles aux associations amies. Imaginez les sueurs froides à Bercy en cas de victoire Hidalgo.

    La répression, ce n’est pas non plus sa priorité. Ses adjoints manifestent régulièrement contre les forces de l’ordre. A Paris, la future police municipale, acquise de longue lutte, sera désarmée au cas où ces futurs agents s’engageraient sur la voie ô combien périlleuse de la protection des Parisiens. Ainsi, ils se cantonneront à la verbalisation des artisans et des livreurs mal garés.

    Il faut dire qu’Anne Hidalgo a plus de compassion pour un sans-papiers accro au crack que pour les familles parisiennes frappées par le malheur. Salles de shoot, squats, centres d’accueil des migrants pullulent. Tandis que les familles, comme celles qui ont tout perdu rue de Trévise n’ont à ce jour reçu aucune aide de la mairie, pas le moindre geste depuis 2 ans.

    Autant dire qu’installée au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré, Anne Hidalgo transformerait vite Place Beauvau en squat écolo avec guichet de conseil et d’analyse de stupéfiants pour Rave Party à l’accueil.

    Mixité sociale et oubli des classes moyennes

    La mixité sociale prétendue constitue le pilier d’une stratégie de remplacement des familles des classes moyennes par des couches très populaires : préemptions (préalables à l’éviction des locataires en place) et bétonisation à marche forcée. Le tour de magie Hidalgo, c’est de vendre du vert pour finir avec du béton partout et des décharges en bas de chez soi.

    Il en résulte l’exclusion progressive des catégories intermédiaires , trop riches pour bénéficier des logements sociaux de plus en plus nombreux (à 6 ou 13€ mensuels du m2) mais pas assez pour payer le prix d’un marché dont le rétrécissement dû aux préemptions entretient la pression sur les loyers (entre 30 à 40€ du m2).

    Résultat de cette déconstruction sociale méthodique quartier par quartier, Paris perd 11.000 habitants chaque année dont 3.500 enfants, et ferme par conséquent de nombreuses classes chaque année.

    Avec Hidalgo, l’ « urbanisme tactique »

    Mais son arme fatale pour décourager ceux que son premier adjoint n’hésite pas à qualifier de « bourgeois réacs », c’est « l’urbanisme tactique ». Laisser tags et affiches sauvages proliférer au milieu des rues jonchées de déchets. Remplacer le mobilier urbain élégant et patiné avec les années par des poutres, des palettes et autres blocs de récupération posés à l’avenant, installer des places minérales, parsemer les belles avenues de plots jaunes et de murets en béton.

    Ajouter à cela des pissotières en plastique ouvertes aux regards, fuyant sur les trottoirs, et installer partout des bacs dont les plantes non arrosées se meurent pour servir de dépotoirs. Ne doutons pas de la transformation du pays en bidonville géant avec ces recettes infaillibles de Paris Ville Fleurie.

    Hidalgo présidente, la décroissance ne sera pas loin. Les Français devront changer brutalement leurs habitudes au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Comme à Paris, elle développera les activités citoyennes, inclusives et durables pour éveiller la conscience des citoyens à l’égard des injustices sociales et climatiques.

    Partout en France se multiplieront ateliers de masques cousus main ou de recyclage des vieux grille-pain, et micro-potagers urbains dans les carrés boueux qu’elle décline sur les trottoirs aux pieds des arbres. Voilà la révolution participative en marche !

    Vous pensez que celle qui a transformé la Ville Lumière en capitale mondiale de la palette a peu de chance de séduire les Français ? Vous croyez vraiment que sa phobie des voitures et des nouvelles technologies, que son incapacité à mener un chantier correctement à son terme rendent sa victoire improbable ? N’excluez pas pour autant d’investir dans un cierge. Dans notre contexte politique hautement inflammable, même l’hypothèse la plus saugrenue peut se réaliser.

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      États-Unis : après Trump, faut-il réformer la démocratie américaine ?

      Philippe Lacoude · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 04:00 · 15 minutes

    Trump

    Philippe Lacoude , un des contributeurs de Contrepoints , réside aux États-Unis. Il a travaillé plusieurs années pour le Center for Data Analysis de la Heritage Foundation, un think tank libéral et conservateur de Washington DC, dont il a souvent présenté les travaux aux membres du Congrès et leurs collaborateurs. Soucieuse de la défense des institutions laissées par les Pères fondateurs, la Heritage Foundation accorde un budget substantiel aux questions constitutionnelles et électorales, dont la fraude.

    Contrepoints : y-a-t-il eu de la fraude électorale ?

    Il existe de nombreux cas de fraude électorale avérée aux États-Unis. Mes anciens collègues de la Heritage Foundation ont fait une recherche exhaustive de tous les cas qu’ils ont pu trouver et leur base de données publique dénombre 1302 cas qui s’étalent de 1979 à 2020.

    Certains de ces cas ont pu changer les résultats d’élections locales lorsque le nombre d’électeurs était faible.

    Mais à part dans la tête de marginaux mal ajustés, il n’existe aucun cas reconnu de fraude ayant entraîné un basculement d’un candidat à un autre dans une élection fédérale ou générale au niveau d’un État, comme celle des gouverneurs, sénateurs, auditeurs, procureurs généraux, etc.

    Dans toute l’histoire des vingt dernières années, le nombre de cas est minime et, en proportion, minuscule par rapport au total énorme des voix exprimées.

    Il manque 38 votes au président Trump dans le collège électoral pour être réélu. Les quatre États où les scores étaient les plus serrés – les États de l’Arizona, de Géorgie, du Nevada et du Wisconsin – représentent 43 voix dans le collège électoral.

    Mais, dans ces États, il manquait 76 508 votes au président Trump pour y faire basculer l’élection en sa faveur. C’est un chiffre bien plus élevé que toutes les fraudes avérées de 1979 à 2020 de la base de données de la Heritage Foundation. Et encore eut-il fallu que ces 76 508 votes se répartissent dans des proportions exactes au vote près.

    Je fais remarquer au passage qu’en 2016, 70 000 voix séparaient le président Trump et la secrétaire d’État Clinton, et que le résultat final a été de 306-232 dans le collège électoral.

    Est-il facile de frauder ?

    On vote en même temps pour le président, le ou les sénateurs, le représentant fédéral, le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, le procureur général, le sénateur d’État, le représentant d’État, le commissaire aux comptes, les juges d’État, le conseiller général, le shérif, le commissaire aux comptes, le médecin légiste, le représentant de la compagnie des eaux, le représentant au conseil d’administration des écoles, les juges, les procureurs (comté), le maire, le procureur (ville) et aussi tous les référendums. J’en oublie…

    Les bulletins font parfois deux pages. On remplit les cases. Ou plutôt, on les peinturlure. Retour au cours élémentaire. On s’applique. Faut pas dépasser !

    Après Bush-Gore, les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans des machines électroniques. Elles lisent les bulletins par procédé optique. Elles sont calibrées à l’avance pour chaque type de bulletin, différents dans tous les comtés à cause des référendums. La machine lit le bulletin et il tombe dans « l’urne », une immense poubelle dont le couvercle est la machine.

    Pour frauder, il faut donc ajouter un chiffre dans le software de la machine – qui, contrairement aux âneries que j’ai lues, n’est pas reliée à internet [au moment du vote] – et un bulletin dans la poubelle. Il faut donc être un hacker et avoir un accès physique aux bulletins.

    Les bulletins physiques sont sous clef. La « poubelle » est cadenassée. Les bulletins sont pris de la « poubelle » à la fin de la journée de vote. On les sécurise sous contrôle des assesseurs et des observateurs des deux partis qui sont choisis des mois à l’avance par les partis.

    On lit le chiffre sur la machine. C’est le compte officiel pour le bureau de vote. En pratique, ce sont les chiffres, du fait que les bulletins portent sur une douzaine de questions.

    Si on doit recompter, on sort les bulletins papier et on s’y met à la main.

    Vient la question du vote par correspondance. Là, c’est tout aussi simple. Pour voter par correspondance, on demande un bulletin. Il vient dans une enveloppe spéciale prépayée qui identifie le votant. Son nom et sa signature sont vérifiés dans les listes électorales dont le votant est temporairement radié pour le vote en personne.

    Vote par courrier, vote en personne, il faut choisir.

    Le votant remplit son bulletin et le met dans l’enveloppe qu’il doit signer. Quand l’enveloppe arrive au bureau des élections du comté, elle est vérifiée contre les listes une deuxième fois. La signature est également vérifiée. Et le votant est déclaré comme ayant voté.

    Certains États se mettent en quatre pour autoriser les gens à changer d’avis et tiennent une comptabilité intermédiaire des bulletins au cas où le votant décide de se montrer en personne le jour du vote. Mais ceci est plutôt l’exception que la règle.

    On enlève les décédés de la liste des votants avant le jour du vote. Dans certains États, mais pas tous, la liste des décès récents est comparée à celle des votes par correspondance.

    Le jour de l’élection, ces bulletins par correspondance sont dépouillés par les machines. Même processus qu’en personne. On prend le nom de chaque votant sur l’enveloppe extérieure et on le marque comme ayant voté. Et on met le bulletin physique dans la machine qui le lit et le jette au fond de la « poubelle ».

    Contrairement à ce que disent les génies Facebook et les francophones monolingues YouTube, on ne vote par définition qu’au plus une fois par personne inscrite sur les listes électorales, qui sont dans le domaine public, soit dit en passant.

    Ainsi, toute personne qui évoque des taux de participation supérieurs à 100 % est par définition incompétente en matière de vote aux États-Unis puisqu’il ne peut pas y avoir plus de votes que d’inscrits.

    La seule chance de frauder est de s’inscrire sur les listes électorales frauduleusement ou d’usurper l’identité de quelqu’un qui s’y trouve et qui ne vote pas !

    Personne (ou presque) ne vote deux fois mais des millions de gens votent zéro fois.

    Quelle est la légitimité du président élu ?

    S’il y avait une légitimité dérivée du vote, elle tiendrait compte non seulement des fraudes potentielles mais aussi de ce que les Américains appellent la « suppression des électeurs », c’est-à-dire les bâtons mis dans les roues de ceux qui veulent voter.

    Les règles qui entourent la liberté de voter sont sujettes à d’interminables débats.

    En général, les États font des efforts incroyables pour laisser voter tout le monde.

    Un exemple, bizarre pour un immigrant fraîchement arrivé, est l’existence des « bulletins provisoires ». Si je me pointe au bureau de vote sans pièce d’identité, ou dans le mauvais bureau de vote, ou si je ne suis pas sur les listes, je suis autorisé à voter dans certains de ces cas (en fonction de la loi de l’État).

    Mon vote n’est pas ajouté dans la machine. Je le mets dans une enveloppe qui est mise de côté. J’ai alors le droit d’aller régulariser ma situation dans les jours qui suivent s’il me manquait ma pièce d’identité ou si je n’étais pas sur les listes !

    Si j’étais dans le mauvais bureau de vote, je n’ai rien à faire : le bureau des élections vérifie que je n’ai pas voté dans mon bureau de vote et ajoute mon « bulletin provisoire » aux votes par correspondance.

    L a légitimité du président élu n’est-elle pas liée au système électoral américain lui-même ?

    Non, pas vraiment car ils devraient être incarcérés tous les deux.

    Si un citoyen lambda avait fait la moitié de ce qu’ils ont fait, il le serait.

    La perte de légitimité vient des accusations de molestations de jeunes femmes, de l’utilisation de l’État à des fins d’enrichissement personnel, des problèmes fiscaux qui confinent à la fraude, du népotisme, etc.

    Le système électoral américain est-il archaïque ?

    Dès que l’on dépasse 100 millions de votants, c’est compliqué à gérer.

    La Constitution fédérale américaine donne expressément à chaque État le devoir de faire ses propres lois électorales sous contrainte de certains grands principes constitutionnels fédéraux.

    Si on y pense, cela fonctionne pareillement en Europe à l’échelle du continent, non ?

    Est-ce qu’il n’y a pas un problème de démocratie représentative avec un tel système ?

    Non dans le sens où les États-Unis ne sont pas une démocratie mais une république.

    Le dernier jour de la Convention constitutionnelle de 1787, lorsque notre Constitution a été adoptée, des habitants de Philadelphie rassemblés sur les marches de l’Independence Hall pour attendre les nouvelles auraient demandé à Benjamin Franklin quelle forme de gouvernement les pères fondateurs avaient élaboré : « Qu’avons-nous, une république ou une monarchie ? » Franklin aurait répondu : « Une république, si vous pouvez la conserver » (« A Republic if you can keep it »).

    Les Pères fondateurs ne cherchaient pas du tout à créer une démocratie représentative. Ils cherchaient au contraire à construire une séparation des pouvoirs de telle sorte que la majorité soit constamment freinée dans ses ardeurs.

    De ceci découle la profonde séparation des pouvoirs exécutifs, judiciaires et législatifs mais aussi la séparation des pouvoirs entre le niveau fédéral et les États. La Constitution limite expressément les prérogatives de l’État fédéral à quelques sujets seulement dans la section 8 de l’article I. La Constitution limite également les pouvoirs législatifs et exécutifs sur les questions de libertés individuelles limitant sévèrement – au moins dans les textes sinon dans les faits – les diktats de la majorité en matière de liberté d’expression, de port d’arme, de religion, ou de rassemblement.

    Une autre division fondamentale s’exprime dans la composition du Congrès fédéral. Il y a deux assemblées, une chambre dont les membres représentent le peuple, et un Sénat qui représente les États.

    Contrairement à ce que pensent beaucoup d’Américains, leurs Sénateurs ne sont pas là pour les représenter. Ils sont à Washington pour représenter leur gouverneur et sa législature.

    Le collège électoral – qui élit le président des États-Unis – est donc simplement la somme des deux assemblées – la chambre du peuple et celle des États – et c’est pourquoi il y a un vote par membre de chaque entité. C’est parfaitement logique.

    Le président n’est pas le président du peuple américain. Il représente à la fois les électeurs et les 50 États. On l’appelle d’ailleurs président des États Unis d’Amérique en anglais, sans le tiret. Il n’est pas le président des Américains.

    N’y-a-t-il pas un problème d’échelle avec plus de 300 millions d’habitants ?

    Oui et c’est le problème de l’Europe, aussi.

    Les Pères fondateurs faisaient face à de plus petites populations.

    Cependant, le collège électoral n’est pas né d’un souci de géographie. Les Pères fondateurs ne se sont pas dit qu’il vaudrait mieux organiser des élections locales et agréger les résultats plus tard.

    Le collège électoral répond à une angoisse d’alors toujours bien présente aujourd’hui qui est le risque de voir le pouvoir central fédéral usurper le pouvoir local des 50 États.

    Ceci est clair lorsqu’on lit la procédure d’élection présidentielle : si le collège électoral échoue à dégager une majorité de grands électeurs, l’élection est renvoyée à la Chambre des représentants selon les termes du douzième amendement.

    Dans ce cas, la Chambre des représentants se limite à choisir parmi les trois candidats ayant obtenu le plus de voix à la présidence dans le collège électoral.

    Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Chambre du peuple ne représente pas vraiment le peuple : bien qu’il y ait 435 représentants, chaque État n’y reçoit une seule voix et le District de Columbia, c’est-à-dire la ville de Washington, n’a pas le droit de voter.

    Chaque délégation d’État vote en bloc – chaque délégation ayant donc une seule voix – et un candidat doit recevoir la majorité absolue des voix des délégations des États, actuellement, un minimum de 25+1 voix, puisqu’il y a 50 États, pour que ce candidat devienne le président-élu.

    En outre, les délégations d’au moins deux tiers de tous les États doivent être présentes pour que le vote ait lieu. La Chambre continue de voter jusqu’à ce qu’elle élise un président.

    La Chambre des représentants n’a choisi le président que deux fois : en 1801, selon les termes originaux de l’article II, section 1 de la Constitution fédérale et en 1825, selon les termes du douzième amendement.

    Le système de l’élection présidentielle est-il à rénover ?

    Non !

    En fait, l’élection des Sénateurs au suffrage universel direct par le peuple est une rénovation idiote du dix-septième amendement. C’est un dévoiement de l’idée que le Sénat représentait les États. Originalement, les Sénateurs étaient sélectionnés par les chambres et les gouverneurs des États et donc moins soumis aux pressions bassement politiques.

    Une intention centrale de la Constitution américaine était de ralentir le flot législatif grâce au Sénat qui est la pièce maîtresse de la Constitution.

    Les Pères fondateurs étaient complètement immergés dans la culture classique. Pour comprendre la Constitution américaine, il faut lire Cicéron, Tite-Live et, surtout, Polybe, qui a au moins autant inspiré les Pères fondateurs que Montesquieu.

    Le modèle était donc le Senatus Populusque Romanus (SPQR) de la Rome antique. Le Sénat et le peuple.

    Une anecdote raconte que Thomas Jefferson – l’auteur de la déclaration d’indépendance et troisième président – avait prêté les œuvres de Polybe à James Madison – l’auteur de la Constitution et quatrième président – pour qu’il s’inspire de ses idées sur la séparation des pouvoirs.

    C’est la raison de la complexe séparation des pouvoirs et, aussi de l’existence de droits qui sont presque immodifiables par la majorité, ce qui est profondément anti-démocratique, mais à dessein.

    À l’origine, le pouvoir présidentiel était très limité. Il l’est toujours dans les textes même s’il ne l’est plus dans les faits et son pouvoir n’a grossi que par dévoiement de l’esprit des lois.

    S’il y a quelque chose à faire, ce serait de remettre l’exécutif dans les clous. Il a complètement métastasé, bien avant Trump d’ailleurs, pour des raisons législatives.

    Pour des raisons de facilité politique, les deux chambres ont délégué à l’exécutif le détail de l’écriture des lois sous forme des décrets d’application. Ceci donne la possibilité à l’exécutif de quasiment inverser dans les décrets ce qui est écrit dans les lois.

    Depuis les années 1960, les tribunaux cèdent ou soumettent leurs jugements à celui de l’exécutif au nom d’un anti-concept juridique appelé déférence judiciaire. L’idée est que les décrets écrits par les hauts fonctionnaires priment sur les lois des législateurs, sauf dans les cas les plus patents de violation de la loi.

    Cette idée saugrenue qui érige la fainéantise législative et l’usurpation administrative en principes moraux fait partie de la jurisprudence de la Cour suprême décidée à une époque où elle était plus étatiste.

    En pratique, une série de décisions judiciaires qui culminent dans l’ignominie avec la décision connue sous le nom de « déférence Chevron » considèrent que si un individu ou une entreprise est en conflit avec l’administration fédérale sur une question de réglementation, cette dernière a raison sur les points qui ne sont pas explicitement adressés par la loi.

    D’à peine plus de 10 000 pages par an a la fin des années 1960, le journal officiel américain est passé à presque 100 000 pages dans la dernière année de la présidence Obama. Les administrations pondent des textes, de nature législative dans les faits, avec fébrilité.

    L’amour immodéré des cours de justice pour la stare decisis , y compris dans les cas absurdes, empêche de mettre une fin à cet affront constitutionnel.

    Le constitutionnaliste libertarien Randy E. Barnett a proposé une série d’amendements à la Constitution pour remettre la présidence dans les clous. Passer au suffrage universel direct n’en fait pas partie et me paraît la plus mauvaise façon de diminuer le pouvoir exécutif.

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      Après la défaite de Donald Trump, que va devenir le Parti républicain ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 November, 2020 - 04:15 · 7 minutes

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    Par François Vergniolle de Chantal.
    Un article de The Conversation

    À l’issue du cycle électoral de 2020, Donald Trump est donc battu. Les chances de succès d’une contestation de sa défaite devant les tribunaux s’amenuisent au fur et à mesure que les décomptes aboutissent, d’autant qu’il n’a jusqu’ici apporté aucune preuve de la fraude massive qu’il dénonce.

    Alors que son ère à la Maison Blanche prend fin, l’avenir de son parti fait l’objet de nombreuses conjectures .

    La popularité persistante de Donald Trump

    Trump est en quelque sorte un battu populaire. S’il a perdu, à la fois au Collège électoral (214 grands électeurs sur 570) et en pourcentage de voix (47,7 %), il a toutefois amélioré son score en nombre d’électeurs par rapport à 2016. Selon un décompte encore provisoire du Pew Research Center , il a obtenu plus de 71 millions de votes, dépassant Obama en 2008 (69,5 millions de votes) et augmentant son propre score de 2016 de 9 millions de voix.

    De toute évidence, Trump n’est pas pour tout le monde le repoussoir que dépeignent les démocrates. D’autant que les électeurs trumpistes de 2020 sont plus divers qu’attendu. Selon les sondages de sortie des urnes , dont les résultats seront à affiner, 43 % des électrices ont choisi Trump, ainsi que 32 % des Hispaniques et 31 % des Asiatiques.

    Le président sortant a aussi remporté 42 % des suffrages des électeurs dont le foyer a un revenu inférieur à 50 000 dollars par an, 40 % des électeurs dont le foyer comporte un membre d’un syndicat, 32 % des électeurs votant pour la première fois et, enfin, 42 % des électeurs diplômés du supérieur.

    Si ces chiffres pointent indubitablement vers une défaite, ils montrent tout autant que Trump n’est pas un accident de la vie politique. Dès lors, son élection en 2016 ne peut plus être vue comme purement conjoncturelle : il bénéficie d’une large base électorale, qui n’est pas réduite aux hommes blancs sans diplômes.

    Les bons résultats des républicains

    Par ailleurs, les républicains ont, à la surprise générale, progressé à la Chambre des représentants en gagnant 4 sièges ; et au Sénat , ils conservent de justesse leur majorité, l’écart restant à confirmer dans l’attente des résultats en Alaska et en Caroline du Nord (qui seront favorables aux républicains) et, surtout, du deuxième tour pour deux sièges de sénateur en Géorgie, où l’un des candidats républicains est nettement en tête.

    Enfin, au niveau des États , les républicains conservent l’avance dont ils bénéficient depuis 2010 : 52 % des 7383 législateurs fédérés sont républicains, et le Grand Old Party contrôle 23 États, 11 autres étant « divisés » entre un pouvoir législatif républicain et un gouverneur démocrate ou l’inverse.

    Bref, Trump a mené son parti à la défaite, mais les républicains, surtout au niveau local, ont su obtenir des victoires auxquelles le président n’est pas tout à fait étranger. Si Trump a perdu, il n’a pas été répudié pour autant. Quelles conséquences cela a-t-il pour le Grand Old Party ?

    Déception dans les rangs

    Au vu des résultats, nombreux sont les républicains à privilégier d’abord leur survie électorale et leur réputation personnelle en prenant leurs distances vis-à-vis de l’administration sortante, notamment quand Trump multiplie les déclarations à l’emporte-pièce , sans preuves, pour dénoncer une élection truquée.

    Les élus républicains le font d’autant plus volontiers qu’ils ont constaté que leurs scores étaient plus élevés que celui du président sortant dans leur circonscription ou leur État.

    L’heure est donc au sauve-qui-peut général et à l’abandon du président . Mais au-delà de cette réaction prévisible qui tient de l’opportunisme électoral bien compris, qu’en est-il pour ceux des républicains qui, bien avant le scrutin, avaient fermement pris position contre le président ou, au contraire, lui avaient pleinement fait allégeance ?

    Le sentiment qui domine à la fois chez les anti-Trump et les pro-Trump est la déception. C’est tout d’abord le cas pour tous les groupes républicains qui souhaitaient une défaite franche et massive de Trump, qui n’est pas survenue.

    Du Lincoln Project aux Republican Voters Against Trump , sans oublier le grand nombre de gouverneurs républicains qui ont vertement critiqué Trump pour sa gestion de la crise de la Covid , tous espéraient que le milliardaire new-yorkais soit balayé dans les urnes : dans un tel cas de figure, ils auraient pu facilement relancer le parti sur une voie plus conforme à la doxa conservatrice et, ainsi tourner la page de l’hérésie trumpiste.

    Mais c’est aussi, bien entendu, un résultat décevant pour tous les émules de Trump, que ce soit au Congrès, comme les sénateurs Tom Cotton (Arkansas), Josh Hawley (Missouri) ou Ted Cruz (Texas), dans les États (Ron Desantis en Floride) ou au sein de la société civile (le clan Trump et notamment son fils Don Trump Jr., des figures médiatiques comme Tucker Carlson ou encore les responsables d’associations ou de groupes trumpistes, par exemple la NRA).

    Même si l’on ignore à l’heure actuelle ce que Trump fera une fois qu’il aura quitté la Maison Blanche et s’il se risquera à une nouvelle candidature en 2024 – il aurait alors 78 ans, l’âge de Biden en 2020 –, il est incontestable que la défaite de 2020 prive momentanément le parti de tout leader incontesté ou, plus précisément, qu’elle ouvre la voie à une multiplication des rivalités individuelles.

    Quel renouvellement ?

    Dans ces conditions, le Grand Old Party apparaît incapable de répondre au défi quasi existentiel auquel il est confronté : procéder à un renouvellement idéologique et intellectuel. Le parti se contente en effet de ressasser un reaganisme vieux de quarante ans : du slogan de campagne de Trump en 2016 ( Make America Great Again est emprunté à la campagne de Reagan en 1980) aux thématiques qui ont émaillé sa présidence – la dénonciation d’un État dans l’État ( deep state ), la baisse des impôts, la déréglementation à tout crin, la loi et ordre, etc.

    Ce dessin de Thomas Nast, paru en 1874, représente pour la première fois le parti républicain par le symbole de l’éléphant.
    Wikipedia , CC BY

    L’absence totale de toute ligne idéologique a été confirmée par l’abandon opportuniste du libre-échange par Trump (alors qu’il s’agit d’un principe cardinal du conservatisme depuis les années 1980) ou encore par l’absence de programme ( platform ) de la convention républicaine de 2020. Sans ligne idéologique directrice, le parti risque de se retrouver sur un programme minimal fait de nationalisme et de conservatisme fiscal.

    Plus concrètement, il est vraisemblable à ce stade que les républicains du Congrès fassent d’une opposition tous azimuts à l’administration Biden leur mode de gouvernement privilégié en reprenant volontiers l’accusation d’une « élection volée » afin d’une part, de panser leurs plaies et, d’autre part, de donner une illusion d’unité.

    Mais les failles demeurent béantes. Le parti semble ouvert à toutes les candidatures contestataires menées par un quelconque leader charismatique désireux de désigner des boucs émissaires. Le mandat de Donald Trump annonce sans doute le futur du leadership républicain dans un contexte de vacuité doctrinale : charismatique, contestataire et clivant.

    Cette évolution n’empêchera pas les républicains de gagner des élections en se positionnant comme exutoire de la colère et des craintes d’une base électorale blanche arc-boutée sur ses valeurs et son identité, surtout si l’administration Biden ne réussit pas à redresser l’économie ou si elle s’enferre dans une rhétorique de la confrontation dictée par une gauche culturelle très mobilisée.

    Mais le décalage grandissant qui en résulterait avec la société américaine risquerait de conduire à la marginalisation, voire à l’éclatement du Parti républicain. Signant la première caricature de ce parti en 1874, Thomas Nast choisissait l’éléphant, pour rendre hommage à son poids électoral d’alors, mais le représentait se précipitant du haut d’une falaise. Républicains, gare !

    François Vergniolle de Chantal , Professeur de civilisation américaine à l’Université de Paris (LARCA – CNRS/UMR 8225)., Université de Paris

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

    The Conversation

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      Élections américaines 2020 : 3 leçons à retenir

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 10 November, 2020 - 04:30 · 8 minutes

    Par Nathalie MP Meyer.

    Il s’est passé des choses très intéressantes lors du grand round électoral américain de cette année. Appelés à choisir le 46 ème président des États-Unis , à renouveler un tiers du Sénat ainsi que l’intégralité de la Chambre des Représentants, les électeurs devaient également se prononcer par référendums locaux sur plusieurs sujets socio-économiques d’importance.

    Ce n’est pas une mince victoire libérale que de constater combien des politiques typiquement dirigistes ont été fermement rejetées, y compris dans des États acquis de longue date au parti démocrate.

    En Californie, 40 millions d’habitants, la nette et prévisible victoire du candidat présidentiel démocrate Joe Biden n’a pas empêché les électeurs d’écarter sans ménagement la « proposition 16 » qui visait à introduire un principe de discrimination positive pour les femmes et les minorités dans leur accès aux emplois publics et dans les universités.

    Malgré un budget colossal consacré à la promotion du projet et un soutien de toute la gauche californienne, dont la co-listière de Joe Biden Kamala Harris, il semblerait que le rêve américain d’une égalité de traitement basée sur le mérite de chacun et non sur son genre ou sa couleur de peau soit plus vivant que jamais.

    Un résultat d’autant plus appréciable que le féminisme et l’antiracisme très en vogue sur les campus américains sont en train de sombrer lamentablement dans la radicalisation autoritaire de la cancel culture , technique qui consiste à faire disparaître ses opposants du débat public. À noter d’ailleurs que selon des sondages « sortie des urnes », Donald Trump a amélioré son score auprès des minorités par rapport à 2016.

    Second revers pour les partisans de la régulation à l’extrême, la « proposition 22 » présentée par quatre grands acteurs du transport et de la livraison à domicile via des applis internet dédiées dans le but de conserver aux chauffeurs et livreurs qui travaillent avec eux le statut de travailleurs indépendants a été approuvée par 58 % des électeurs californiens.

    Uber, Lyft et les autres se battaient pour revenir sur une récente loi californienne qui obligeait ces entreprises à considérer leurs partenaires comme des salariés. L’initiative individuelle et l’esprit d’entreprise qui font aussi partie du rêve américain semblent également très vivants.

    Citons pour finir les différents votes ayant eu lieu dans plusieurs États d’obédiences politiques diverses pour légaliser un certain nombre de drogues . L’idée étant non pas d’en encourager la consommation, mais de traiter le réel problème de la toxicomanie américaine autrement que par des mesures de prohibition qui n’ont jamais marché nulle part.

    Ceci étant dit, il est bien évident que le grand résultat attendu depuis le 3 novembre, jour de l’élection, est le nom du vainqueur de la course présidentielle. Dans une poignée d’États (Arizona, Nevada, Géorgie, Pennsylvanie et Caroline du Nord), les résultats sont si serrés que les instituts de sondage attachés aux grands organes de la presse américaine n’ont pas été en mesure de donner leur estimation du vainqueur avant le samedi 7 novembre, sachant que le décompte des bulletins est toujours en cours au moment où j’écris.

    Pas de dissonance entre eux : aussi bien le média conservateur Fox News , que l’agence Associated Press ou le média pro-démocrate CNN indiquent que l’ex-sénateur démocrate et ancien vice-président de Barack Obama Joe Biden, 78 ans, a toutes les probabilités d’être le 46 ème président des États-Unis.

    À noter que Fox News a pris de l’avance sur tous les autres en attribuant l’Arizona à Biden très tôt dans le dépouillement.

    Un résultat qui ne convainc pas le président sortant Donald Trump . Il s’est déclaré vainqueur du scrutin dès le 4 novembre et il dénonce depuis une vaste fraude à son encontre, notamment via les votes par correspondance que son concurrent a toujours encouragés par précaution sanitaire contre le Covid-19 et que lui a déconseillés en raison du vecteur de triche potentielle qu’ils pouvaient devenir. Du fait de la pandémie, ceux-ci représentent en effet 100 millions de bulletins sur un total de l’ordre de 160 millions de suffrages.

    Loin d’admettre sa défaite, Donald Trump promet au contraire quantités de poursuites judiciaires et des demandes de recompte pour faire éclater la vérité au grand jour.

    Tout le camp républicain ne le suit pas dans cette voie, à commencer par Fox News et un certain nombre de personnalités qui se désolidarisent , mais sur les réseaux sociaux, la bataille fait rage dans une montée aux extrêmes assez décourageante.

    Entre certains pro-Biden qui se réjouissent d’avoir vaincu le fascisme, rien que ça, et certains pro-Trump qui déjouent complot mondial sur complot mondial, rien que ça, je partage pour ma part la position adoptée par le comité éditorial du Wall Street Journal (WSJ) dans son article du 6 novembre.

    En l’occurrence, Donald Trump a tous les droits de demander des recomptes lorsque les résultats sont très serrés et il a de même tous les droits de faire appel à la justice s’il pense que des fraudes ont eu lieu. Mais pour cela, il lui faudra un peu plus de biscuits que des déclarations aussi tonitruantes que vagues sur la « massive fraud » qui se dresse contre lui.

    Si, à l’issue de toute la procédure, Biden venait à conserver les 270 grands électeurs dont il a besoin pour entrer effectivement à la Maison Blanche, le WSJ exprime l’espoir que Donald Trump concéderait sa défaite avec élégance, ceci pour donner le panache final à tout ce qu’il a réalisé de bien sur le plan économique comme sur le plan diplomatique en quatre ans de mandat à la tête des États-Unis.

    Mais le départ de Trump signifierait-il pour autant que Joe Biden serait une bonne affaire pour les Américains ? À considérer son programme tout en dépenses publiques, impôts et réglementations supplémentaires dans la plus fine tradition française, c’est douteux.

    Donald Trump ne s’est pas montré non plus très scrupuleux sur les dépenses, avec pour conséquence que le déficit public a explosé et que la dette publique des États-Unis atteint maintenant 100 % du PIB , mais au moins a-t-il fortement baissé les impôts et éliminé bon nombre de réglementations inutiles, ce qui s’est vu dans la croissance de l’économie américaine et un taux de chômage tombé à 3,5 % avant l’apparition du Coronavirus.

    Mais avec Biden, ce sont 11 000 milliards de dollars de dépenses supplémentaires sur 10 ans qui sont prévus afin d’élargir l’Obamacare (couverture santé), financer son propre Green New Deal (écologie et climat), augmenter les prestations sociales, financer les écoles et relancer l’économie dans le contexte du Covid-19. Toutes proportions gardées, on croirait entendre Bruno Le Maire nous expliquer l’effort prodigieux à base de « quoi qu’il en coûte » du gouvernement français en ces temps de pandémie.

    Face à cela, il est évidemment prévu d’instaurer de nouveaux impôts, mais la dépense est devenue tellement « out of control » – pour reprendre l’expression du site libéral reason.com dans la vidéo explicative ci-dessous (03′ 36″) – que la dette américaine continuera à augmenter follement.

    Mais ce n’est pas tout. Joe Biden compte aussi réguler drastiquement tous les aspects possibles de la vie de ses compatriotes, des contrats de travail entre employeurs et salariés jusqu’à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, exactement comme la loi Avia tentait (inconstitutionnellement) de le faire en France.

    Perspectives bien moroses compte tenu du ralentissement attendu de l’économie mondiale suite à la pandémie de Covid.

    Mais il y a quand même quelques bonnes nouvelles !

    La première, c’est que Joe Biden ne pourra sans doute pas mettre son programme en application comme il l’entend. Il devra compter avec la volonté du Congrès. Or tout montre que le Sénat va rester républicain tandis que la majorité démocrate à la chambre des représentants est en passe de perdre beaucoup de sa superbe.

    Et la seconde, c’est que dans la configuration qui s’annonce – Joe Biden à la Maison Blanche et les républicains dans l’opposition – tout est en place chronologiquement, économiquement et idéologiquement pour qu’une candidature républicaine dépouillée des aspérités inutiles du trumpisme et revenue aux valeurs du conservatisme fiscal et de la protection des libertés voulues par les Pères fondateurs trouve un écho significatif dans le pays dès 2024.

    Sur le web