Les bulletins physiques sont sous clef. La « poubelle » est cadenassée. Les bulletins sont pris de la « poubelle » à la fin de la journée de vote. On les sécurise sous contrôle des assesseurs et des observateurs des deux partis qui sont choisis des mois à l’avance par les partis.
On lit le chiffre sur la machine. C’est le compte officiel pour le bureau de vote. En pratique, ce sont les chiffres, du fait que les bulletins portent sur une douzaine de questions.
Si on doit recompter, on sort les bulletins papier et on s’y met à la main.
Vient la question du vote par correspondance. Là, c’est tout aussi simple. Pour voter par correspondance, on demande un bulletin. Il vient dans une enveloppe spéciale prépayée qui identifie le votant. Son nom et sa signature sont vérifiés dans les listes électorales dont le votant est temporairement radié pour le vote en personne.
Vote par courrier, vote en personne, il faut choisir.
Le votant remplit son bulletin et le met dans l’enveloppe qu’il doit signer. Quand l’enveloppe arrive au bureau des élections du comté, elle est vérifiée contre les listes une deuxième fois. La signature est également vérifiée. Et le votant est déclaré comme ayant voté.
Certains États se mettent en quatre pour autoriser les gens à changer d’avis et tiennent une comptabilité intermédiaire des bulletins au cas où le votant décide de se montrer en personne le jour du vote. Mais ceci est plutôt l’exception que la règle.
On enlève les décédés de la liste des votants avant le jour du vote. Dans certains États, mais pas tous, la liste des décès récents est comparée à celle des votes par correspondance.
Le jour de l’élection, ces bulletins par correspondance sont dépouillés par les machines. Même processus qu’en personne. On prend le nom de chaque votant sur l’enveloppe extérieure et on le marque comme ayant voté. Et on met le bulletin physique dans la machine qui le lit et le jette au fond de la « poubelle ».
Contrairement à ce que disent les génies Facebook et les francophones monolingues YouTube, on ne vote par définition qu’au plus une fois par personne inscrite sur les listes électorales, qui sont dans le domaine public, soit dit en passant.
Ainsi, toute personne qui évoque des taux de participation supérieurs à 100 % est par définition incompétente en matière de vote aux États-Unis puisqu’il ne peut pas y avoir plus de votes que d’inscrits.
La seule chance de frauder est de s’inscrire sur les listes électorales frauduleusement ou d’usurper l’identité de quelqu’un qui s’y trouve et qui ne vote pas !
Personne (ou presque) ne vote deux fois mais des millions de gens votent zéro fois.
Quelle est la légitimité du président élu ?
S’il y avait une légitimité dérivée du vote, elle tiendrait compte non seulement des fraudes potentielles mais aussi de ce que les Américains appellent la « suppression des électeurs », c’est-à-dire les bâtons mis dans les roues de ceux qui veulent voter.
Les règles qui entourent la liberté de voter sont sujettes à d’interminables débats.
En général, les États font des efforts incroyables pour laisser voter tout le monde.
Un exemple, bizarre pour un immigrant fraîchement arrivé, est l’existence des « bulletins provisoires ». Si je me pointe au bureau de vote sans pièce d’identité, ou dans le mauvais bureau de vote, ou si je ne suis pas sur les listes, je suis autorisé à voter dans certains de ces cas (en fonction de la loi de l’État).
Mon vote n’est pas ajouté dans la machine. Je le mets dans une enveloppe qui est mise de côté. J’ai alors le droit d’aller régulariser ma situation dans les jours qui suivent s’il me manquait ma pièce d’identité ou si je n’étais pas sur les listes !
Si j’étais dans le mauvais bureau de vote, je n’ai rien à faire : le bureau des élections vérifie que je n’ai pas voté dans mon bureau de vote et ajoute mon « bulletin provisoire » aux votes par correspondance.
L a légitimité du président élu n’est-elle pas liée au système électoral américain lui-même ?
Non, pas vraiment car ils devraient être incarcérés tous les deux.
Si un citoyen lambda avait fait la moitié de ce qu’ils ont fait, il le serait.
La perte de légitimité vient des accusations de molestations de jeunes femmes, de l’utilisation de l’État à des fins d’enrichissement personnel, des problèmes fiscaux qui confinent à la fraude, du népotisme, etc.
Le système électoral américain est-il archaïque ?
Dès que l’on dépasse 100 millions de votants, c’est compliqué à gérer.
La Constitution fédérale américaine donne expressément à chaque État le devoir de faire ses propres lois électorales sous contrainte de certains grands principes constitutionnels fédéraux.
Si on y pense, cela fonctionne pareillement en Europe à l’échelle du continent, non ?
Est-ce qu’il n’y a pas un problème de démocratie représentative avec un tel système ?
Non dans le sens où les États-Unis ne sont pas une démocratie mais une république.
Le dernier jour de la Convention constitutionnelle de 1787, lorsque notre Constitution a été adoptée, des habitants de Philadelphie rassemblés sur les marches de l’Independence Hall pour attendre les nouvelles auraient demandé à Benjamin Franklin quelle forme de gouvernement les pères fondateurs avaient élaboré : « Qu’avons-nous, une république ou une monarchie ? » Franklin aurait répondu : « Une république, si vous pouvez la conserver » (« A Republic if you can keep it »).
Les Pères fondateurs ne cherchaient pas du tout à créer une démocratie représentative. Ils cherchaient au contraire à construire une séparation des pouvoirs de telle sorte que la majorité soit constamment freinée dans ses ardeurs.
De ceci découle la profonde séparation des pouvoirs exécutifs, judiciaires et législatifs mais aussi la séparation des pouvoirs entre le niveau fédéral et les États. La Constitution limite expressément les prérogatives de l’État fédéral à quelques sujets seulement dans la section 8 de l’article I. La Constitution limite également les pouvoirs législatifs et exécutifs sur les questions de libertés individuelles limitant sévèrement – au moins dans les textes sinon dans les faits – les diktats de la majorité en matière de liberté d’expression, de port d’arme, de religion, ou de rassemblement.
Une autre division fondamentale s’exprime dans la composition du Congrès fédéral. Il y a deux assemblées, une chambre dont les membres représentent le peuple, et un Sénat qui représente les États.
Contrairement à ce que pensent beaucoup d’Américains, leurs Sénateurs ne sont pas là pour les représenter. Ils sont à Washington pour représenter leur gouverneur et sa législature.
Le collège électoral – qui élit le président des États-Unis – est donc simplement la somme des deux assemblées – la chambre du peuple et celle des États – et c’est pourquoi il y a un vote par membre de chaque entité. C’est parfaitement logique.
Le président n’est pas le président du peuple américain. Il représente à la fois les électeurs et les 50 États. On l’appelle d’ailleurs président des États Unis d’Amérique en anglais, sans le tiret. Il n’est pas le président des Américains.
N’y-a-t-il pas un problème d’échelle avec plus de 300 millions d’habitants ?
Oui et c’est le problème de l’Europe, aussi.
Les Pères fondateurs faisaient face à de plus petites populations.
Cependant, le collège électoral n’est pas né d’un souci de géographie. Les Pères fondateurs ne se sont pas dit qu’il vaudrait mieux organiser des élections locales et agréger les résultats plus tard.
Le collège électoral répond à une angoisse d’alors toujours bien présente aujourd’hui qui est le risque de voir le pouvoir central fédéral usurper le pouvoir local des 50 États.
Ceci est clair lorsqu’on lit la procédure d’élection présidentielle : si le collège électoral échoue à dégager une majorité de grands électeurs, l’élection est renvoyée à la Chambre des représentants selon les termes du douzième amendement.
Dans ce cas, la Chambre des représentants se limite à choisir parmi les trois candidats ayant obtenu le plus de voix à la présidence dans le collège électoral.
Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Chambre du peuple ne représente pas vraiment le peuple : bien qu’il y ait 435 représentants, chaque État n’y reçoit une seule voix et le District de Columbia, c’est-à-dire la ville de Washington, n’a pas le droit de voter.
Chaque délégation d’État vote en bloc – chaque délégation ayant donc une seule voix – et un candidat doit recevoir la majorité absolue des voix des délégations des États, actuellement, un minimum de 25+1 voix, puisqu’il y a 50 États, pour que ce candidat devienne le président-élu.
En outre, les délégations d’au moins deux tiers de tous les États doivent être présentes pour que le vote ait lieu. La Chambre continue de voter jusqu’à ce qu’elle élise un président.
La Chambre des représentants n’a choisi le président que deux fois : en 1801, selon les termes originaux de l’article II, section 1 de la Constitution fédérale et en 1825, selon les termes du douzième amendement.
Le système de l’élection présidentielle est-il à rénover ?
Non !
En fait, l’élection des Sénateurs au suffrage universel direct par le peuple est une rénovation idiote du dix-septième amendement. C’est un dévoiement de l’idée que le Sénat représentait les États. Originalement, les Sénateurs étaient sélectionnés par les chambres et les gouverneurs des États et donc moins soumis aux pressions bassement politiques.
Une intention centrale de la Constitution américaine était de ralentir le flot législatif grâce au Sénat qui est la pièce maîtresse de la Constitution.
Les Pères fondateurs étaient complètement immergés dans la culture classique. Pour comprendre la Constitution américaine, il faut lire Cicéron, Tite-Live et, surtout, Polybe, qui a au moins autant inspiré les Pères fondateurs que Montesquieu.
Le modèle était donc le Senatus Populusque Romanus (SPQR) de la Rome antique. Le Sénat et le peuple.
Une anecdote raconte que Thomas Jefferson – l’auteur de la déclaration d’indépendance et troisième président – avait prêté les œuvres de Polybe à James Madison – l’auteur de la Constitution et quatrième président – pour qu’il s’inspire de ses idées sur la séparation des pouvoirs.
C’est la raison de la complexe séparation des pouvoirs et, aussi de l’existence de droits qui sont presque immodifiables par la majorité, ce qui est profondément anti-démocratique, mais à dessein.
À l’origine, le pouvoir présidentiel était très limité. Il l’est toujours dans les textes même s’il ne l’est plus dans les faits et son pouvoir n’a grossi que par dévoiement de l’esprit des lois.
S’il y a quelque chose à faire, ce serait de remettre l’exécutif dans les clous. Il a complètement métastasé, bien avant Trump d’ailleurs, pour des raisons législatives.