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Aux législatives, Zemmour réactive le clivage entre le RN du Nord et le RN du Sud
news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 6 May, 2022 - 05:30 · 4 minutes
POLITIQUE - L’élément de langage est rodé dans les rangs de Reconquête!. Sans alliance, le Rassemblement national accusera de lourdes défaites, en particulier dans le Sud-Est de la France aux élections législatives des 12 et 19 juin. S’obstiner dans cette voie reviendrait donc à “sacrifier” plusieurs gains potentiels sur l’autel de la “rente” du parti lepéniste, peu enclin à partager son gâteau électoral.
L’élu RN de Nice, Philippe Vardon , peut en témoigner. Bien implanté dans le secteur, ce conseiller régional et président du groupe RN dans la ville de Christian Estrosi devra faire face à un candidat RN dans la circonscription qu’il brigue. La direction du parti d’extrême droite a décidé de lui retirer l’investiture et de lui mettre un adversaire de son propre camp dans les pattes.
La raison évidente? Sa main tendue à Reconquête! en vue des élections législatives, à rebours de la ligne officielle du parti. La raison officielle? Le RN affirme que Philippe Vardon a commis des violences à l’encontre d’un collaborateur, sur fond de tensions internes liées justement à la position à adopter face à Éric Zemmour. “Évidemment, tout est bidon”, grince auprès du HuffPost un ex-RN proche de Philippe Vardon.
La raison moins avouable? La proximité de cet ancien identitaire (toujours assistant parlementaire de Nicolas Bay) avec les troupes d’Éric Zemmour, bien qu’il soit (a minima) resté loyal à Marine Le Pen tout au long de la campagne présidentielle. Quoi qu’il en soit, Philippe Vardon compte bien maintenir sa candidature. Ce qui l’expose automatiquement à une exclusion du parti et à se présenter “sans étiquette”.
“Beaucoup d’incompréhension”
“Il y a chez moi beaucoup d’incompréhension face à cette décision, dont je n’ai pas été informé officiellement”, a-t-il déclaré à l’AFP mercredi 3 mai. Quelques jours plus tôt dans Le Figaro , il rejouait le match (ancien) entre le FN du Nord et le FN du Sud: “Vu d’ici, on regarde forcément les choses un peu différemment que depuis le Pas-de-Calais”.
Une petite pique à l’entourage proche de Marine Le Pen, surtout implanté dans les Hauts-de-France et accusé de longue date par ses détracteurs de se focaliser uniquement sur les anciennes terres communistes au détriment du sud et de ses spécificités électorales, plus portées sur les questions identitaires et sécuritaires que sur le pouvoir d’achat et la retraite à 60 ans.
Ce que les cadres du RN récusent, faisant valoir que le parti à la flamme tricolore n’a pas eu besoin de parler “union des droites” pour s’implanter (et confirmer) dans le secteur . Mais ce clivage (qui a souvent expliqué des luttes internes au FN) est-il renforcé par Reconquête!?
T’as raison David Rachline, Louis Aliot, Julien Sanchez ou Franck Alisio c’est le RN du Nord 🤣 C’est d’ailleurs pour cela que Jordan Bardella a lancé les législatives dans le Var. Faut vraiment arrêter de prendre vos histoires pour des réalités, c’est surréaliste.
— Jean Philippe Tanguy Ⓜ️ (@JphTanguy) May 2, 2022
Mauvaise manière
Comme le montre la carte ci-dessous, Éric Zemmour a enregistré ses meilleurs scores dans le Sud-Est. Dans certains secteurs du Var ou des Alpes-Maritimes, l’ancien journaliste dépasse même les 20%. Ce qui permet aujourd’hui à Reconquête! de brandir la menace d’une division des voix d’extrême droite dans ces zones aux élections législatives.
“Ce qui est certain c’est qu’il y a une spécificité de la bourgeoisie au Sud pour ce vote, bien moins rétive qu’au Nord. Donc sur le plan électoral, je pense que Vardon a raison”, observe pour Le HuffPost l’historien Nicolas Lebourg.
“L’intransigeance du RN sur Reconquête! peut un peu être vue comme une mauvaise manière du Nord faite au Sud, le premier pouvant se contenter des classes populaires”, poursuit le spécialiste, avant de mettre en garde sur le caractère potentiellement réducteur de cette “bipartition”, puisque le RN est bien implanté dans le Gard Rhodanien, sans avoir à faire de compromis sur la ligne.
“Bipartition”
Il n’empêche qu’en Provence, c’est bien cette lecture qui prédomine chez les soutiens de Reconquête!, où l’on ne cesse d’accuser le RN de préférer perdre seul que de gagner avec Éric Zemmour. Faute d’accord, zemmouristes et lepénistes s’affronteront donc dans de nombreuses circonscriptions.
“Dans les Bouches-du-Rhône ça va être un carnage, d’autant que beaucoup de cadres nous ont rejoint. Le RN a du mal à trouver des candidats, ça n’annonce rien de bon”, observe un cadre local de Reconquête! passé par le RN. “Même sans Éric Zemmour, c’était déjà compliqué. En 2017, tout le monde s’est fait défoncer dans le coin. Alors avec nous au milieu...”, poursuit-il.
Quoi qu’il en soit, le parti d’Éric Zemmour compte bien s’investir dans cette zone, en y envoyant ses recrues les plus identifiées, comme Damien Rieu et Dénis Cieslik (porte-parole de Reconquête!), tous les deux candidats dans les Alpes-Maritimes. En interne, plusieurs s’attendent à voir Stanislas Rigault atterrir dans le Vaucluse. Tous se présentent dans des circonscriptions jugées “jouables”. À défaut d’être “gagnables”.
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