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      Procès du 13-Novembre: l'appréhension des victimes sur "l'après" verdict

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 29 June, 2022 - 13:08 · 6 minutes

    Avec la fin du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, les victimes et leurs proches vont devoir faire face à l'après, avec parfois beaucoup d'appréhension (dessin d'audience réalisé en octobre 2021 et montrant Arthur Dénouveaux, le président de l'association Life for Paris). Avec la fin du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, les victimes et leurs proches vont devoir faire face à l'après, avec parfois beaucoup d'appréhension (dessin d'audience réalisé en octobre 2021 et montrant Arthur Dénouveaux, le président de l'association Life for Paris).

    TERRORISME - Une page qui se tourne, entre peur, appréhension et soulagement. Six ans et sept mois après les attentats du 13 novembre 2015 , et après dix mois de procès, la cour d’assises spéciale de Paris rend son verdict ce mercredi 29 juin , point d’orgue de l’audience criminelle la plus longue de l’histoire judiciaire française d’après-guerre.

    Le procès “historique”, “hors norme”, qui s’est ouvert le 8 septembre dernier n’aura sans doute pas apporté toutes les réponses aux questions posées par les quelque 2500 parties civiles constituées après les attentats les plus meurtriers ayant frappé la France. Mais, si des zones d’ombre persistent, il aura permis aux rescapés et endeuillés de faire entendre leur voix et ressentir leur douleur bien au-delà de la salle d’audience d’un palais de justice transformée en forteresse pendant près de dix mois.

    Et pour elles aussi, la fin de ce procès signe une nouvelle étape dans leur vie, un lourd chapitre qui doit laisser place à “l’après”, la reconstruction. Plusieurs victimes ont témoigné auprès du HuffPost sur la façon dont elles appréhendent la suite alors que ce grand combat touche à sa fin.

    “La fin d’un deuil collectif”

    Évidemment, cette perspective d’après procès n’est pas perçue de la même manière par tous. Pour Stéphane Sarrade qui a perdu son fils Hugo, 23 ans, au Bataclan , le verdict “ne changera rien” à sa peine, mais il va tout de même “marquer la fin d’un deuil nécessaire”. Un deuil individuel, mais aussi collectif, “qui va bien au-delà des victimes”. “C’est un deuil de toute la France, pour toute une génération, pour les terrasses, la musique, le foot...”, confie-t-il.

    Un point final qu’il appréhende également, car “c’est aussi la dernière fois que les médias vont mettre l’emphase sur tout cela ”. Ce sera alors le “début de l’après” où persistera le “deuil individuel” avec lequel il faudra vivre.

    Vivre seul avec son deuil. Un combat de tous les jours qui jusque-là était animé par la volonté d’obtenir justice. “Mais après?” s’interroge Patricia Correira, vice-présidente de l’association 13Onze15, qui a perdu sa fille et le compagnon de cette dernière au Bataclan. “C’est peut-être la colère qui m’a fait tenir jusqu’à présent, mais il y a des parents qui sont morts, qui ont développé des cancers, une maladie d’Alzheimer...”.

    “Un vide qu’il va falloir meubler et remplacer”

    Psychologiquement, l’impact peut-être très violent chez les victimes rescapées et leurs familles. Ce procès a rythmé leur vie pendant des mois , leur a permis de tenir face à la douleur dévorante de la perte. Sur France Bleu , Gérard Chemla, avocat de nombreuses victimes des attentats du 13 novembre, explique qu’un certain nombre d’entre elles craignent une “peur du vide”.

    “On rentre dans un tunnel: au mois de septembre dernier, la vie s’arrête autour de nous et tous les jours, on est sur le procès. Quand on n’y est pas, on y pense, on en parle, on en rêve. Tout d’un coup, on sait que ça va s’arrêter, qu’on ne va plus revoir les gens et il est évident qu’il va y avoir une sensation de dépression. Un vide qu’il va falloir meubler et remplacer.”

    "J’en viens à me demander ce qu’il restera de ma vie après les dix mois David Fritz-Goeppinger, rescapé du Bataclan, sur Franceinfo

    C’est également ce que décrit sur Franceinfo David Fritz-Goeppinger, l’un des survivants du Bataclan, évoquant un quotidien “qui ne veut plus rien dire”, “complètement dénaturé et déstructuré après dix mois”. Dans son esprit, l’audience se présente comme “une colonne vertébrale d’un quotidien qui ne demande plus qu’elle disparaisse”.

    “J’en viens à me demander ce qu’il restera de ma vie après les dix mois, ce qu’il restera de tout ça”, témoigne-t-il, confiant avoir “hâte que cela prenne fin, hâte de revenir au mois d’août dernier, enfin, au moins en apparence”.

    Auprès du Parisien , des victimes évoquent une “peur de quitter la communauté” avec laquelle “des liens forts se sont tissés”. “Aujourd’hui, c’est notre vie. On est attirés par ce tribunal parce que l’on s’y retrouve avec plaisir”, confie Bruno. Pour Cédric, pouvoir observer la manière de réagir des autres victimes “permet de comprendre une part de nous-mêmes. Que nos réactions sont normales face à un événement anormal”. “Moi, ça m’a fait du bien”, explique-t-il.

    Tenter une transition vers l’après en douceur

    Pour éviter une rupture trop brusque, certaines associations se mobilisent pour une transition en douceur. 13Onze15 Fraternité et Vérité réfléchit ainsi à la mise en place de groupes de parole avec le soutien de Paris Aide aux victimes, selon son président Philippe Duperron qui anticipe un “gros trou d’air” à la fin du procès. Ou encore la “béance de l’après-procès”, comme l’a qualifiée un avocat lors de sa plaidoirie.

    Life for Paris, prévoit, elle, d’organiser “plusieurs grands événements pour rassembler tout le monde” et “atténuer le choc”. “On va s’éloigner de la souffrance des victimes. Cela sera pour nous un sas vers la sortie de cette bulle traversée par les émotions les plus violentes”, glisse au Parisien des avocats de victimes.

    Mais pour d’autres encore la fin du procès ne marque pas encore la fin du combat. Paul-Henri Baure travaillait à la sécurité du Stade de France le soir des attentats. Il a été grièvement blessé aux jambes après l’explosion d’un kamikaze, entraînant deux ans et demi d’ITT. Selon lui, le procès est “loin d’être fini”, explique-t-il, car il y aura “sûrement les appels” qui suivront le verdict.

    Mais au-delà de ça, plus personnellement, Paul-Henri combat sur un autre front, un autre procès: celui des attentats de Nice . En effet, sa compagne, qu’il a rencontrée lors d’un congrès international des victimes du terrorisme, a perdu son mari sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016 , percuté par le camion de l’assaillant. “On va donc continuer avec ce procès-là”, nous confie-t-il.

    Le Procès de l’attentat de Nice, qui avait fait 86 morts et plus de 400 blessés se tiendra du 5 septembre au 16 décembre prochain.

    À voir également sur le HuffPost : Un rescapé du Bataclan revient sur le premier jour d’audience au procès du 13-Novembre

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      Les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 27 June, 2022 - 10:49 · 5 minutes

    Les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre (photo prise le 8 septembre 2021 lors de l'ouverture du procès des attentats du 13-Novembre). Les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre (photo prise le 8 septembre 2021 lors de l'ouverture du procès des attentats du 13-Novembre).

    JUSTICE - “J’ai fait des erreurs [...], mais je ne suis pas un tueur.” Comme les 13 autres accusés présents au procès des attentats du 13-Novembre , Salah Abdeslam a pris, ce lundi 27 juin, la dernière fois la parole devant la cour d’assises spéciale de Paris, qui est ensuite partie délibérer. Le verdict est attendu mercredi soir .

    “Les débats sont terminés”, a conclu le président Jean-Louis Périès à l’issue de cette 148e et ultime journée de ce procès-fleuve, après dix mois de débats. “L’audience est suspendue, elle reprendra normalement le mercredi 29 juin 2022, à partir de 17 heures”, a-t-il ajouté. Comme le prévoit la procédure, il avait auparavant donné la parole aux 14 accusés présents devant la cour. Six autres, dont cinq présumés morts, sont jugés en leur absence.

    “Mes premiers mots seront pour les victimes”, a déclaré le principal d’entre eux, le Français de 32 ans, Salah Abdeslam. “Je vous ai présenté mes excuses, a-t-il ajouté. Certains vous diront qu’elles sont insincères, que c’est une stratégie [...] comme si des excuses pouvaient être insincères à l’égard de tant de souffrance.”

    L’accusation a requis contre lui la r éclusion criminelle à perpétuité incompressible , la plus lourde sanction prévue par le code pénal qui rend infime la possibilité d’une libération. “La perpétuité est sans doute à la hauteur des faits, mais pas à la hauteur des hommes qui sont dans le box”, a affirmé le seul membre encore en vie des commandos ayant causé la mort de 130 personnes à Paris et à Saint-Denis le 13 novembre 2015.

    “Je ne suis pas un assassin”

    “L’opinion publique pense que j’étais sur les terrasses occupé à tirer sur des gens, que j’étais au Bataclan. Vous savez que la vérité est à l’opposé”, a-t-il aussi dit. “J’ai fait des erreurs, c’est vrai, mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur. Si vous me condamniez pour assassinat vous commettriez une injustice.”

    Salah Abdeslam, quasiment muet durant l’instruction, s’est montré ambivalent pendant le procès, oscillant entre arrogance en se proclamant “combattant de l’Etat islamique” au premier jour d’audience le 8 septembre et compassion quand il a présenté, en larmes, ses “condoléances et [ses] excuses à toutes les victimes ”. Au cours des débats, il a expliqué avoir renoncé à actionner sa ceinture explosive dans un bar du XVIIIe arrondissement de Paris par “humanité”.

    “Quoi qu’on en dise, ce procès n’aurait pas du tout été le même si Salah Abdeslam avait gardé le silence. Il y aurait eu un profond sentiment d’échec si tel avait été le cas”, avait fait valoir vendredi son avocat Martin Vettes lors des ultimes plaidoiries.

    Pas convaincu par le “numéro d’équilibriste” de Salah Abdeslam qui a cherché systématiquement à “minimiser les faits”, le parquet national antiterroriste (Pnat) a requis la réclusion criminelle à perpétuité incompressible à son encontre, la sanction la plus lourde permise par le droit français, qui rend infime la possibilité d’une libération. Elle équivaut à une “peine de mort lente”, a dénoncé l’autre avocate de Salah Abdeslam, Me Olivia Ronen.

    “Regrets” et “excuses” des coaccusés

    Ses coaccusés s’étaient levés tour à tour avant lui pour redire leurs “regrets” ou “excuses” et “condoléances” aux victimes pour certains, et remercier leurs avocats. “Je fais confiance à la justice”, “j’attends beaucoup de votre verdict”, ont aussi dit plusieurs d’entre eux.

    Autre accusé contre lequel la perpétuité a été requise, avec une période de sûreté de 22 ans, Mohamed Abrini, ami d’enfance de Salah Abdeslam. Il a lui aussi beaucoup parlé durant l’audience, reconnaissant qu’il était “prévu pour le 13-Novembre”, mais il est resté avare d’explications sur son renoncement.

    Trois autres accusés contre lesquels le Pnat a requis la réclusion criminelle à perpétuité -Osama Krayem, Sofien Ayari et Mohamed Bakkali- ont préféré garder le silence durant les débats.

    “Personne n’est ici pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé et avoir des réponses (...) Ce procès est une illusion”, avait indiqué Osama Krayem en janvier par la voix de son avocate, Me Margaux Durand-Poincloux.

    Pour des gars comme moi, avoir de l’espoir, c’est dangereux”, avait dit le Tunisien Sofien Ayari pour justifier son mutisme.

    Mohamed Bakkali, déjà condamné pour l’attentat du Thalys , a expliqué quant à lui que sa parole n’avait “pas de valeur”. “Je suis dans une situation où tout est défavorable (...) Quoi que je fasse, tout sera considéré comme de la ruse”, avait-il dit en janvier en faisant valoir son droit au silence.

    Abdellah Chouaa, soupçonné d’avoir apporté un soutien logistique à la cellule qui a préparé les attentats du 13 novembre 2015, a assuré ne pas être un terroriste. “Je t’en veux Mohamed, tu as détruit ma vie, a-t-il déclaré après s’être tourné vers son ami. Je ne sais pas si un jour je te pardonnerai, mais j’en souffre.”

    Au total, des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la perpétuité ont été requises contre les 20 accusés.

    À voir également sur le HuffPost : Au procès du 13-Novembre, le récit de l’horreur au Bataclan

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      Procès du 13-Novembre: Comment les victimes vivent la défense des terroristes

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 24 June, 2022 - 04:30 · 8 minutes

    Neuf mois après le début du procès du 13-Novembre, ces semaines de la mi-juin sont consacrées aux plaidoiries des avocats de la défense. Un moment éprouvant pour les victimes et leur famille, qui doivent faire face à la défense des actes des protagonistes des attentats (photo prise en septembre 2021, dans les premiers jours du procès). Neuf mois après le début du procès du 13-Novembre, ces semaines de la mi-juin sont consacrées aux plaidoiries des avocats de la défense. Un moment éprouvant pour les victimes et leur famille, qui doivent faire face à la défense des actes des protagonistes des attentats (photo prise en septembre 2021, dans les premiers jours du procès).

    TERRORISME - “Ce qui me dérange le plus, c’est que ces gens-là auraient pu éviter d’autres drames.” Depuis début juin, le procès des attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis est entré dans sa dernière ligne droite. Après les réquisitions du parquet , ce sont désormais les avocats de la défense qui se succèdent face à la cour pour plaider en faveur des accusés, et tenter de réduire, voire d’éviter leur condamnation .

    Un temps forcément particulier dans le processus judiciaire, après neuf mois à entendre les récits d’horreur des survivants et des secours, à revenir sur la planification des attaques, à retracer la vie et le parcours de leurs acteurs. Une période où la nuance, la contextualisation et la recherche d’empathie s’invitent dans les débats au sujet de ceux vers qui tous les regards sont tournés.

    À commencer par Salah Abdeslam , dont les conseils, maîtres Martin Vettes et Olivia Ronen, plaident ce vendredi 24 juin. Un rendez-vous très attendu par les victimes et leur famille, toujours en quête d’explications sur ce qu’il s’est passé ce soir de novembre. Sa ceinture explosive a-t-elle dysfonctionné? A-t-il eu peur ou des remords ? Quelle que soit la réponse, tous les participants et observateurs du procès attendent avec impatience la plaidoirie de ce vendredi.

    L’appréhension avant d’entendre la défense de Salah Abdeslam

    “Je ne craignais pas cette période qui me paraît tout à fait nécessaire dans le cadre du débat contradictoire”, commence d’une voix posée le chercheur Stéphane Sarrade, père d’Hugo, mort à 23 ans au Bataclan . “Il y a d’ailleurs eu de très belles plaidoiries et j’ai une vraie curiosité vis-à-vis de celle qui concernera Salah Abdeslam. Je suis curieux de voir quel va être l’angle choisi pour le défendre”, explique celui qui envisage de se “dégager du temps” pour assister sur place à ce moment, sans pour autant singulariser le jihadiste jusqu’à en faire “un martyr ou une célébrité”.

    Patricia Correira aussi attend ce moment. Aujourd’hui vice-présidente de l’association de victimes “13Onze15” après avoir perdu sa fille et le compagnon de celle-ci au concert des “ Eagles of Death Metal ”, elle livre ses pensées: “Abdeslam aurait pu éviter les attentats, mais il a préféré fuir pour essayer de sauver sa peau parce qu’il savait que Daech lui tomberait dessus. Je me demande bien comment son avocate va pouvoir lui trouver des circonstances atténuantes, ce qu’elle va dire pour défendre ce type. Car au lieu de dénoncer ce qu’il allait se passer, il s’est dégonflé.” Et de conclure: “J’espère qu’il ne sortira jamais de derrière les barreaux.”

    Un avis que ne partage pas tout à fait Paul-Henri Baure. Le 13 novembre 2015, lui travaillait pour une société de sécurité aux abords du Stade de France. Quand un terroriste a déclenché sa ceinture d’explosifs à quelques mètres, il a été très gravement blessé aux jambes, au point de ne plus pouvoir retravailler pendant plus de deux ans.

    Aujourd’hui, c’est pourtant lui qui appelle à la clémence: ”Évidemment qu’il faut qu’il puisse être défendu, comme chaque personne qui fait des bêtises. J’espère qu’il sera condamné à une peine lourde, avec une peine de sûreté de 30 ans”, précise-t-il, voulant croire à une possible réinsertion, même dans un futur très lointain.

    Car Salah Abdeslam symbolise toute la pénibilité de la période des plaidoiries pour les victimes et leur famille, comme le résume encore Stéphane Sarrade: “C’est quelqu’un qui a slalomé entre le fait de dire qu’il n’avait pas de sang sur les mains et sa revendication ‘Je suis un soldat de l’État islamique’.” Entre sa négation en bloc et sa fierté assumée d’avoir contribué aux attentats les plus graves perpétrés sur le sol français, tout cela sans exprimer de regrets malgré quelques excuses , difficile ensuite pour ceux qui ont perdu un proche d’assister à une longue défense.

    Le “manque de courage” incompréhensible de certains accusés

    Reste toutefois l’attachement aux valeurs républicaines, au fait que chacun des accusés écope de peines “proportionnées”, “cohérentes avec ce qu’ils ont fait”, comme le dit Stéphane Sarrade. À l’opposé donc de l’idéologie qui a semé la mort en 2015. “Je ne mets pas Salah Abdeslam à part, et je suis même opposé à ce qu’on le fasse: il a droit à une défense”, assure ainsi le père d’Hugo. “Et d’ailleurs, la peine qu’il recevra aura de la valeur parce que l’on aura suivi tout ce processus.” Ce que confirme Paul-Henri Baure, qui voit là une occasion de “comprendre ce qu’ils avaient dans la tête quand ils sont passés à l’acte”.

    Il n’en reste pas moins que certaines plaidoiries ont été particulièrement difficiles à entendre. Patricia Correira, elle, a été choquée par les mots de maître Xavier Nogueras . L’avocat, qui a notamment défendu Jawad Bendaoud par le passé, a plaidé l’acquittement pour Mohamed Amri, qui est venu chercher Salah Abdeslam pour le ramener en Belgique après les attentats. “On se demande comment des avocats peuvent défendre ces gens”, s’interroge-t-elle.

    Ce que la vice-présidente de l’association 13Onze15 déplore, c’est “le manque de courage de ceux qui n’ont rien dit” parmi les accusés. “Ces gens-là, qui auraient pu dénoncer Salah Abdeslam ou Mohamed Abrini ne l’ont pas fait parce qu’ils avaient peur. Mais ils auraient pu empêcher l’attentat de Bruxelles s’ils avaient parlé.”

    Et de prendre l’exemple de “Sonia”, cette femme qui a dénoncé Abdelhamid Abaaoud quand celui-ci s’est réfugié à Saint-Denis, et qui vit désormais sous une nouvelle identité, comme Le HuffPost l’a raconté . Une décision qui a permis l’intervention des forces de l’ordre et d’éviter une série d’attaques (une crèche, un commissariat ou le quartier de la Défense étaient visés, selon les enquêteurs ). “Ma fille était déjà morte quand Amri est venu chercher Abdeslam, je ne prêche pas pour ma paroisse. Mais si ces gens-là avaient parlé, ils auraient eu une protection comme Sonia. C’est grave qu’ils n’aient pas le cran de dénoncer.”

    La culpabilité qui s’inverse

    Une distinction entre accusés que font la plupart des acteurs joints par Le HuffPost . “Il y en a qui ont été entraînés, et qui ne savaient même pas dans quoi”, insiste Paul-Henri Baure, le survivant du Stade de France. Avant de préciser sa pensée avec simplicité: “Si je prête ma voiture à un ami et qu’elle sert à un cambriolage, je serai furieux contre mon ami. Mais je comprendrais que je puisse être condamné.”

    Même son de cloche chez Patricia Correira. “Certaines personnes sont impliquées de très loin et il faut minimiser les peines pour elles”, assure-t-elle. “Il faut distinguer ceux qui avaient l’intention de tuer et ceux qui fréquentaient ces gens sans le savoir et qui ont été entraînés par la vague. Mais il faut quand même qu’il y ait des peines.”

    Un numéro d’équilibre loin d’être aisé pour les parties civiles, surtout quand les arguments des différents représentants de la défense se répètent jour après jour dans une longue litanie. “Je le vis assez mal”, admet Stéphane Sarrade quand on le joint au sortir d’une nouvelle journée à écouter la retransmission du procès. “Il y a quelque chose qui m’apparaît autour de la notion de culpabilité”, décrit cet universitaire qui a tenté de comprendre les terroristes en rencontrant des parents de jeunes partis en Syrie, en s’intéressant à la déradicalisation...

    “Il y a de la culpabilité chez nous, les parties civiles: celle d’avoir survécu, la mienne d’avoir payé les billets de mon fils Hugo pour le concert. Et à l’inverse, il n’y en a aucune chez les accusés”, détaille-t-il. “Il y a même une inversion de la vision parce qu’eux se considèrent comme des victimes.” Une dimension renforcée par les plaidoiries des avocats visant à défendre leurs clients: ”Ça finit par être surréaliste: ce ne sont plus des accusés, mais des citoyens qui n’ont pas fait grand chose, ce serait la religion que l’on jugerait et non pas eux etc.”

    Reste, comme l’image Paul-Henri Baure, que ce temps du procès est indispensable, qu’il faut en passer par là: “Si je me roule par terre, ça ne va rien changer.” D’autant qu’en dépit de la “gêne” et de la “douleur” qu’elle ressent, Patricia Correira voit un but supérieur à atteindre grâce au procès: “que les gens réalisent qu’on ne peut pas tuer des innocents au nom d’un dieu, que c’est la justice qui aura le dernier mot”. Un objectif qui sera atteint selon elle si “les avocats de la défense ne parviennent pas à renverser les peines assez exemplaires requises” par l’avocate générale Camille Hennetier. Car de toute façon, conclut-elle, quelle que soit la décision du tribunal, cela “ne fera jamais revenir nos enfants”.

    À voir également sur L e HuffPost : Commémorer le 13-Novembre en plein procès, un moment “historique” pour les rescapés

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      Mort de Françoise Rudetzki, porte-parole des victimes du terrorisme en France

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 18 May, 2022 - 17:52 · 5 minutes

    Notamment fondatrice de l'association Notamment fondatrice de l'association "SOS Attentats", François Rudetzki a été la porte-parole des victimes du terrorisme pendant près de 40 ans. Elle est décédée ce 18 mai à Paris, à l'âge de 73 ans (photo d'archive prise aux Invalides en septembre 2012).

    TERRORISME - “Femme d’exception” ayant mis sa vie au service des victimes du terrorisme après avoir été elle-même grièvement blessée lors d’un attentat en 1983, Françoise Rudetzki est décédée dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 mai à Paris, à 73 ans, a-t-on appris ce mercredi auprès de sa famille.

    “Jusqu’au bout, elle aura milité pour la reconnaissance et la prise en charge des victimes d’attentats”, a déclaré sa fille Deborah Rudetzki, contactée par l’AFP.

    Et rapidement, les hommages se sont multipliés pour celle qui aura notamment initié la création du fonds de garantie des victimes du terrorisme . Le président de la République Emmanuel Macron a notamment salué “une figure tutélaire pour toutes les victimes d’attentats”, rappelant que François Rudetzki aura vécu “une vie de douleurs, de combats et de victoires”.

    “Sa voix ne s’éteindra pas”, a quant à lui réagi le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, exprimant sa “tristesse” face à la disparition d’une femme qui “a fait de ses blessures son plus grand combat en consacrant sa vie aux victimes du terrorisme”.

    Une figure majeure et protectrice pour toutes les victimes

    Des victimes qui ont elles aussi honoré la mémoire de la septuagénanire. L’association Life for Paris, qui rassemble de nombreuses victimes des attentats du 13-Novembre, a notamment salué dans un communiqué la “grandeur d’âme unique” de cette “femme d’exception”, qui “a permis de faire de la France un exemple de la prise en charge des victimes” et apporté une “aide fondamentale” à l’association à ses débuts.

    Une autre association liée aux attentats survenus à Paris et Saint-Denis en 2015, 13Onze15 a également réagi, par le biais d’un communiqué de son président. Elle évoque notamment “une interlocutrice privilégiée des pouvoirs publics et de tous les acteurs de ‘l’environnement’ des victimes, en France comme à l’étranger, celles attentats, mais aussi des accidents collectifs et de toutes les catastrophes”.

    “Son ambition doit être notre héritage et notre boussole”, a aussi réagi dans un communiqué Frédérique Calendra, déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, saluant la “pugnacité” et l’“enthousiasme” de Françoise Rudetzki dans son combat.

    “Françoise Rudetzki a toujours voulu se battre pour la dignité, pour la reconnaissance des droits” des victimes et “elle ne lâche jamais prise”, avait déclaré le président François Hollande en lui rendant hommage en 2016 à l’Élysée, avant de la décorer de l’Ordre national du mérite.

    Activiste inlassable aux nombreuses victoires

    Juriste, Françoise Rudetzki avait créé SOS Attentats, première association de défense des victimes d’actes de terrorisme, en décembre 1985, une date qui marquait le début d’une vague d’attentats meurtriers liés au conflit du Proche-Orient à Paris.

    Et dès 1986, elle avait obtenu la création du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, financé par un petit prélèvement sur chaque contrat d’assurance de biens , une garantie étendue en 1990 à l’ensemble des victimes d’infractions pénales (viols, agressions, braquages).

    “Jusqu’à son décès”, elle est restée “membre du conseil d’administration” du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), ont indiqué dans leur communiqué les familles Rudetzki et Dab.

    Elle avait aussi réussi à faire reconnaître aux victimes du terrorisme le statut de victimes civiles de guerre et la possibilité pour les associations de se porter partie civile lors des procès. En 2018, elle avait également défendu la création d’un Centre national de ressources et de résilience (CN2R), destiné à améliorer la prise en charge des victimes d’évènements traumatiques.

    “À cette époque, on ne parlait jamais des victimes”

    Le 23 décembre 1983, Françoise Rudetzki avait été victime d’un attentat à la bombe au restaurant le Grand Véfour, sous les arcades du Palais-Royal, à Paris, où elle fêtait ses dix ans de mariage avec son mari. L’explosion avait projeté une porte métallique qui avait écrasé les jambes de la jeune femme d’affaires.

    Opérée à des dizaines de reprises pour soigner ses blessures, elle avait contracté le VIH et le virus de l’hépatite C lors d’une transfusion.

    “À cette époque, on ne parlait jamais des victimes”, avait plus tard confié à l’AFP Françoise Rudetzki. “Le mot ‘victime’ était un peu comme un mot qu’il ne fallait pas prononcer et seuls les médecins s’occupaient des victimes”.

    Par la suite, les chroniqueurs judiciaires l’auront croisée d’innombrables fois aux audiences et dans les couloirs du palais de justice de Paris, où elle se déplaçait à l’aide de béquilles.

    “Nous mesurons la perte que cela va représenter pour les victimes”, a souligné l’avocat Frédéric Bibal en annonçant son décès à la reprise d’audience au procès des attentats du 13 novembre 2015 , qui se déroule en ce moment à Paris. Françoise Rudetzki avait “accompagné de nombreuses victimes au cours de procès d’attentats terroristes”, a rappelé maître Bibal, qui représente plusieurs dizaines de parties civiles au procès du 13-Novembre.

    Ses obsèques auront lieu dans la plus stricte intimité familiale, ont indiqué ses proches.

    À voir également sur le HuffPost : Commémorer le 13-Novembre en plein procès, un moment “historique” pour les rescapés