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      Pouvoir d’achat, inflation, monnaie et capitalisme du gaspillage

      Henry Bonner · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 14 January, 2023 - 04:00 · 5 minutes

    Comme écrit mon associée Simone Wapler : « La perte de pouvoir d’achat est un phénomène monétaire et politique. Le dollar n’est pas fort, il est seulement moins faible que d’autres devises. La seule monnaie « apatride » qui ne soit pas gouvernée par la politique reste l’or. »

    Les médias nous content actuellement que le dollar est fort. Les autres monnaies – yen, livre, euro – achètent moins de dollars qu’auparavant, plus précisément depuis que la Fed a commencé à relever ses taux d’intérêt. Le dollar serait donc une monnaie forte. L’embêtant est que cette monnaie forte achète moins de choses. Dit autrement son pouvoir d’achat diminue.

    Commençons par deux graphiques de l’évolution du pouvoir d’achat du dollar. Lorsque le pouvoir d’achat baisse un billet ou une pièce permet d’acheter moins de choses. Comme le « pouvoir d’achat » en monnaie enregistre une baisse continue depuis un siècle, il serait plus juste de dire « érosion monétaire ».

    Un pouvoir d’achat qui fond comme neige au soleil

    Voici d’abord l’évolution de la baisse du pouvoir d’achat d’un consommateur américain habitant dans une grande ville depuis 1913, date de ces premières statistiques.

    Évolution du pouvoir d’achat du dollar de 1913 à novembre 2022

    Après deux guerres mondiales, le pouvoir d’achat du dollar a été divisé par 2,5, passant d’un peu plus de 1000 à 400.

    Ensuite, sans guerre mondiale, la glissade a continué. Entre les années 1950 et 1980, le pouvoir d’achat passe de 400 à 100. Nouvelle division par 4.

    Après 1980, ce graphique donne l’illusion que la débâcle est terminée. Cette illusion se dissipe lorsqu’on adapte l’échelle pour y voir un peu plus clair.

    Évolution du pouvoir d’achat du dollar de 1980 à novembre 2022

    De 130 en 1980, le pouvoir d’achat du dollar se réduit à 33,6 en novembre 2022 (date de la dernière statistique de la Réserve fédérale). Une nouvelle division par 3,87…

    Le dollar n’est donc pas une monnaie forte. D’ailleurs, les taux directeurs décidés par la Fed sont en dessous de l’inflation : en souscrivant à un emprunt en dollars, vous recevez aujourd’hui 4,50 % d’intérêt mais l’indice de hausse des prix se situe à 7,10 %. Si le citoyen urbain américain décide de ne pas consommer tout de suite, il perd du pouvoir d’achat…

    L’érosion se poursuit donc pour le dollar. Simplement, elle est moins rapide que celle que subissent les autres monnaies. Les citoyens urbains du vaste monde sont encore moins bien lotis et notamment ceux dont la monnaie est l’euro.

    La baisse du pouvoir d’achat est la conséquence de l’inflation monétaire

    Tous les banquiers centraux jurent la main sur le cœur qu’ils ont le souci de la valeur de la monnaie qu’ils gèrent et de la stabilité des prix.

    C’est leur « mandat », disent-ils.

    Voici ce que vous pouvez lire sur la page d’accueil de la Banque centrale européenne :

    « Notre principale mission est de maintenir la stabilité des prix. Pour ce faire nous veillons à ce que l’inflation reste faible, stable et prévisible afin de vous aider à planifier vos dépenses et votre épargne ».

    Quelle aimable farce ! Reprenons point par point ce couplet.

    « Maintenir la stabilité des prix » : la Banque centrale européenne détermine-t-elle les prix ? Décrète-t-elle le prix d’un baril de pétrole, d’une tonne de riz, de l’acier, du cuivre ? Fixe-t-elle salaires et prix de vente ? Non.

    « Pour ce faire nous veillons à ce que l’inflation reste faible, stable et prévisible » : en toute rigueur, l’inflation n’est pas la hausse des prix, l’inflation est l’augmentation de la masse monétaire. L’inflation est forte, contrairement à ce qu’affirme la BCE.

    Évolution de la masse monétaire de la zone Euro depuis 20 ans

    Source

    La quantité de monnaie en circulation a presque quadruplé. Dans le même temps, la production de biens et services dans la zone euro n’a fait que doubler. Le rythme de la croissance monétaire est quatre fois plus élevé que le rythme de la croissance de la production de biens et services monnayables. Davantage de monnaie pour acheter les mêmes choses conduit nécessairement à augmenter le prix de ces choses.

    « vous aider à planifier vos dépenses et votre épargne » : on ne voit pas en quoi l’augmentation arbitraire et injustifiée de la masse monétaire nous aide à planifier nos dépenses. Quant à l’épargne, avec des taux d’intérêt nuls et administrés, le besoin de la planifier n’existe plus.

    Le financement d’un capitalisme du gaspillage

    Les banquiers centraux se moquent de nous. Ils sont en réalité au service d’un capitalisme dévoyé. Ils ne savent faire qu’une seule chose : créer de la monnaie qui est utilisée pour financer des objectifs politiques : dépenses sociales à des fins de clientélisme politique, orientations vers des investissements non rentables (énergies renouvelables, véhicules électriques, isolement de l’habitat, applications de normes inutiles,…). Ces investissements ne sont pas décidés par des clients libres de choisir mais contraints et forcés par la loi.

    L’avilissement de la monnaie est une tendance longue, c’est pourquoi nous conseillons de placer une partie de votre épargne à long terme en or. Souvenons-nous que les banques centrales conservent toujours de l’or dans leurs coffres. La dématérialisation de la monnaie n’est donc pas totale.

    Lorsque vous contemplez un graphique historique de l’évolution de l’or (cours en euro ou en dollar), vous pouvez constater que c’est une monnaie « apatride » qui échappe à l’érosion des devises.

    Évolution du cours de l’or en euro

    Source

    Ainsi, il vous fallait 300 euros en 2004 pour acquérir une once d’or.

    En 2022, il vous faut 1740 euros.

    La valeur de l’or a plus que quintuplé, compensant l’érosion de la monnaie due à la création monétaire de la Banque centrale européenne.

    Certes, l’évolution du cours de l’or n’est pas aussi régulière que celle de la masse monétaire comme en témoigne la période 2012-2018. Mais le rattrapage finit toujours par se produire. Les banquiers centraux peuvent créer de la monnaie mais pas du pain, de l’essence, de l’électricité, de la viande, des légumes, des maisons,… ou de l’or.

    Comme pour les énergies fossiles, nous restons confiants dans cette tendance longue.

    (Simone Wapler a rédigé cet article pour le blog d’Henry Bonner. Suivez-les en cliquant ici. )

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      Politique restrictive de la BCE : la justification fragile

      Philippe Aurain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 November, 2022 - 04:30 · 3 minutes

    Madame Lagarde, s’exprimant au nom de la BCE, a indiqué , en évoquant l’hypothèse d’un ralentissement économique : « Nous ne croyons pas que cette récession sera suffisante pour dompter l’inflation ». Fabio Panetta ajoute « Lors du calibrage » des décisions, « nous devons faire très attention à ne pas amplifier le risque d’une récession prolongée ou de provoquer une dislocation du marché ».

    La BCE considère donc, d’une part, qu’un durcissement monétaire est nécessaire pour réduire l’ inflation au-delà de l’effet du ralentissement de l’inflation induit par le signal-prix mais que, d’autre part, ce durcissement fait porter des risques économiques et financiers majeurs et doit donc être « calibré ».

    Jusqu’où devrait aller la BCE ?

    L’arbitrage étant posé, jusqu’où devrait aller la BCE dans son biais restrictif ? Partons de la définition d’une politique monétaire restrictive.

    Pour résumer, la banque centrale dispose de deux outils principaux, les taux directeurs et sa capacité de créer de la liquidité via la variation de taille de son bilan. Concernant le niveau des taux, le « juge de paix » d’une politique restrictive est le seuil de « taux neutre » qui est ce niveau de taux permettant une croissance au potentiel et non inflationniste. En Europe, on peut l’estimer proche de 1,75 % en nominal (cf. cette étude de La Banque Postale du 7 novembre : « Tout l’intérêt du taux neutre à l’heure du changement de cap monétaire »).

    Concernant le bilan, il y a débat sur le caractère restrictif : dépend-il du flux (retrait de monnaie par réduction du bilan) ou du stock final (réduction de la quantité de monnaie, c’est-à-dire de la taille du bilan en deçà d’un niveau dépendant de l’activité économique) ? Pour simplifier retenons que, a minima , une politique monétaire restrictive ne doit pas être quantitativement expansionniste (pas d’accroissement du bilan). Sous ces critères, nous serions donc déjà entrés dans une période restrictive depuis la fixation à 2 % du taux de refinancement. Par définition, cela signifie que la politique monétaire ajoute un choc de taux sur un choc de prix sur l’économie.

    Pourquoi la banque centrale choisit-elle de peser sur l’activité alors que l’économie ralentit déjà ? Parce qu’elle considère que l’inflation, bien que reconnaissant son origine non domestique (choc d’offre sur les matières premières et de demande sur les biens, essentiellement aux État-Unis sur ce dernier point), pourrait diffuser dans l’inflation « locale » et sous-jacente et « s’autoentretenir » via la fameuse boucle prix-salaire.

    Elle veut de plus éviter le « désancrage » des anticipations.

    Elle craint également une corrélation « mondiale » de l’inflation.

    Or, qu’observe-t-on sur ces différents thèmes ? L’inflation sous-jacente augmente, mais la part due aux salaires reste limitée (d’après nos calculs, de l’ordre de 57 %). Les études internes de la BCE confirment le faible risque de boucle prix-salaire ( ECB Economic Bulletin, Issue 5/2022 ).

    L’inflation est aujourd’hui ancrée à 2,4 % (SPF à long terme). Contrairement aux Etats-Unis, l’inflation domestique ne vient pas d’un excès de demande pour les biens (qui est inférieure à son niveau 2019 sur la moyenne des 3 pays France, Allemagne, Italie et 7 % sous le niveau 2019 pour les biens durables). Concernant la corrélation mondiale de l’inflation, elle est effectivement patente mais, comme elle baisse aux Etats-Unis, le facteur pourrait plutôt rassurer.

    Par ailleurs, en France par exemple, les marges (EBE/PIB) des entreprises sont en forte baisse si l’on exclut les secteurs Énergie et Transport, à un point très proche de celui le plus bas de l’histoire post choc pétrolier de 1980. Cela signifie, d’une part, qu’elles ne passent pas les prix aux consommateurs, et d’autre part qu’elles sont proches du point de rupture économique.

    Enfin, le ralentissement économique est en cours, les contraintes d’approvisionnement se réduisent et des premiers effets sur la baisse des prix à la production sont visibles.

    En conclusion, le contexte d’inflation justifie le retour à une politique monétaire neutre, un biais accommodant ne faisant qu’amplifier la hausse de prix. En revanche, le passage en mode restrictif fait porter un risque considérable sur l’économie sans être aujourd’hui justifié par les fondamentaux. Il paraîtrait donc raisonnable que la BCE décide d’une « pause » quitte à maintenir une vigilance élevée pour renforcer le resserrement si nécessaire en 2023.

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      Hausses des taux : les banques centrales jouent avec le feu

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Wednesday, 2 November, 2022 - 07:07 · 17 minutes

    Prises de court par l’inflation, les banques centrales américaine (Fed) et européenne (BCE) augmentent leurs taux d’intérêt de manière effrénée, dans l’espoir d’endiguer l’emballement des prix. Le but assumé est de provoquer une hausse du chômage et une baisse des salaires, comme l’a reconnu le président de la Fed, Jerome Powell. Au risque de plonger l’économie mondiale en récession sans parvenir à casser la hausse des prix. Tout semble en effet indiquer que le relèvement des taux ne pourra pas agir directement sur l’inflation, dont les causes se situent du côté d’un resserrement de l’offre plus que d’un excès de demande. L’ONU et Wall Street semblent désormais considérer que l’entêtement des banquiers centraux fait peser un grave risque sur l’économie mondiale.

    Le 21 septembre 2022, la Federal Reserve (Fed) a augmenté son principal taux directeur de 75 points de base. Il s’agissait de la 7e hausse en moins d’un an, faisant passer progressivement le taux directeur de 0.25 à 3.25 %. Un niveau jamais atteint depuis 2007. Il est désormais question d’une hausse identique au mois de novembre . Au-delà du chiffre, c’est la vitesse d’augmentation qui surprend. La Fed a justifié cette nouvelle politique de contraction monétaire par la nécessité de contrôler l’inflation, qui ne montre aucun signe de ralentissement aux États-Unis. Publiés le 13 octobre, les chiffres de septembre marquent une hausse de 0.4 % de l’indice des prix, soit une augmentation de 8.2% par rapport au mois de septembre 2021.

    Suivant la Fed, la Banque centrale européenne (BCE) a également entrepris une politique de hausse des taux excédant les prévisions des marchés en augmentant son taux directeur de 75 points au mois de septembre, puis d’autant le 27 octobre, contre l’avis de la France et l’Italie. Le Financial Times relevait ainsi une tendance globale à la hausse des taux observée sur 20 des principales banques centrales. Avec deux caractéristiques importantes : la vitesse inédite des hausses de taux, et la détermination des banquiers centraux à continuer dans cette voie aussi longtemps que nécessaire.

    Le choix du chômage

    Pour comprendre pourquoi la Fed augmente ses taux aussi drastiquement, il faut revenir aux fondamentaux des modèles économiques qui pilotent son action. Le principe de base de sa politique monétaire (lire notre article Inflation, aux origines de la doxa néolibérale ) repose sur la présomption d’un lien étroit entre le taux de chômage et l’inflation. Selon cette théorie, lorsque le taux de chômage est élevé, les entreprises peuvent baisser les salaires (ou contenir les augmentations), ce qui réduit le revenu disponible des ménages, donc la consommation et in fine les pressions inflationnistes sur les prix. Inversement, lorsque le taux de chômage est faible, les salariés sont en mesure d’arracher de meilleurs salaires tandis que les entreprises doivent offrir des rémunérations plus élevées pour recruter. Le revenu des ménages augmente, la consommation progresse et les prix s’ajustent à la hausse. Il existerait ainsi un taux de chômage d’équilibre, appelé NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) permettant de maintenir une inflation basse et une croissance économique décente. En temps normal, les banques centrales tendent à ajuster leurs taux directeurs pour essayer de maintenir le chômage à un niveau proche du « NAIRU ». Ce qui est particulièrement vrai pour la Fed, dont les prérogatives ne se limitent pas à « garantir la stabilité des prix » (comme la BCE, qui doit cibler un taux d’inflation de 2%) mais également « maintenir le plein emploi » et « modérer les taux d’intérêt à long terme ». Selon ses modèles économiques, des taux élevés pénalisent le crédit et l’investissement, ce qui provoque un ralentissement économique et une hausse du chômage. Inversement, des taux bas doivent faciliter l’accès au crédit, l’investissement, la consommation, et donc l’emploi.

    Jerome Powell, le président de la Fed, a explicitement reconnu que sa politique allait conduire à « une période prolongée de croissance en dessous des tendances normales » et à « un relâchement du marché du travail » – c’est-à-dire une récession et des vagues de licenciements massifs.

    Concrètement, cette théorie implique qu’une politique monétaire visant à réduire l’inflation doit nécessairement provoquer une hausse du chômage. Jerome Powell, le président de la Fed, l’a explicitement reconnu en déclarant que sa politique de hausse des taux allait conduire à « une période prolongée de croissance en dessous des tendances normales » et à « un relâchement du marché du travail » – c’est-à-dire un ralentissement économique pouvant déboucher sur une récession et des vagues de licenciements massifs. La Fed a ainsi indiqué viser un taux de chômage de 4.4% à la fin de l’année, soit un point au-dessus du taux actuel et 1.2 million de chômeurs supplémentaires. Ces chiffres masquent une réalité sociale plus dramatique, faite de baisse des salaires réels et de précarisation accrue, en plus du million d’emplois détruits.

    La décision assumée de provoquer une hausse du chômage pourrait se justifier – dans une certaine mesure – si elle était véritablement un mal nécessaire : une petite part de la population perdrait son emploi et certaines entreprises feraient faillite, mais l’ensemble de la société retrouveraient du pouvoir d’achat et de la stabilité financière.

    En temps normal, un tel « compromis » parait difficile à vendre à l’opinion, comme le reconnaissait Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI et macro-économiste influant, lorsqu’il évoquait « la difficulté d’expliquer à un travailleur qu’il est nécessaire qu’il perde son emploi pour lutter contre l’inflation ». A choisir, un travailleur préfère généralement conserver son salaire, quitte à le voir rogné de 8% par l’inflation, que de perdre son emploi. Or, si la récession semble désormais inévitable, rien ne permet d’assurer qu’elle débouchera sur une baisse de l’inflation. Les travailleurs du monde entier pourraient ainsi se retrouver avec la peste et le choléra : une crise économique avec tout ce que cela implique et une inflation persistante.

    La hausse des taux ne garantit pas la baisse de l’inflation

    Interrogé par la sénatrice démocrate Elizabeth Warren lors d’une audition sous serment devant le Sénat des États-Unis, le président de la Fed avait reconnu que sa politique de hausse des taux n’aurait pas d’impact sur la hausse du prix de l’énergie et des produits alimentaires de base. Et pour cause : ces biens de consommation courante présentent ce que les économistes appellent une demande « inélastique ». En clair, il s’agit de consommation contrainte. Quel que soit le prix, le consommateur peut difficilement arrêter de faire le plein d’essence, de se chauffer ou de se nourrir. Powell a également été forcé d’accorder le point à Elizabeth Warren lorsque cette dernière lui a fait remarquer que les tensions sur les chaines d’approvisionnement n’allaient pas disparaître avec la hausse des taux. En effet, on voit mal comment les pénuries de composants électroniques qui ralentissent la production de certains produits manufacturés pourraient disparaître suite à une baisse de la demande qui résulterait d’un ralentissement économique provoqué par la hausse des taux.

    Powell avait alors admis que sa politique visait à « assouplir le marché de l’emploi », c’est-à-dire éviter une boucle inflationniste prix-salaires qui verrait l’inflation produire une hausse des salaires venant alimenter la hausse générale des prix.

    Mais la théorie économique du « Nairu » sur laquelle semblent reposer ses craintes n’est plus valide depuis des années déjà, comme le notait le Nobel d’économie Paul Krugman. En 2019 Jerome Powell l’avait d’ailleurs admis lors d’une autre audition au Congrès, face à l’élue socialiste Alexandria Ocasio-Cortès . Avant 2020, les faibles taux de chômage constatés aux États-Unis, en Allemagne, au Japon et en Grande-Bretagne n’avaient pas provoqué d’inflation notable, malgré les politiques monétaires par ailleurs expansionnistes des banques centrales respectives. Les milliers de milliards créés par les banques centrales sont en effet restés dans la sphère financière, où une inflation de la valeur des actions a effectivement été constaté. Par ailleurs, les faibles niveaux de chômage dans les pays cités plus haut masquaient une plus grande précarisation de l’emploi et l’explosion des temps partiels (hors Japon). De plus, en Europe comme aux États-Unis, le taux de syndicalisation est au plus bas. Malgré le retour de l’inflation, le rapport de force capital-travail reste donc défavorable aux travailleurs, ce qui rend l’apparition de boucles prix-salaires résultant d’un vaste mouvement social peu probable. On l’a vu en France récemment, où malgré un énorme levier de négociation, les raffineurs ont été contraints d’accepter des hausses de salaire inférieures à l’inflation face à des entreprises pétrolières réalisant pourtant des profits records.

    Si les rémunérations augmentent aux États-Unis, c’est avant tout du fait de la politique volontariste de Joe Biden et de mouvements sociaux isolés et non-coordonnées à l’échelle nationale. Ces hausses restent modestes, très inférieures à la hausse du taux de profit des entreprises et en dessous de l’inflation . Du reste, lorsqu’on observe les tendances à l’échelle mondiale, l’existence de boucle prix-salaire ne s’observe que marginalement dans certains pays.

    Plus de la moitié de l’inflation observée outre-Atlantique proviendrait de la hausse des marges des entreprises.

    À l’inverse, il est de plus en plus communément admis que l’inflation actuelle provient d’abord des pénuries d’offre provoquées par la reprise post-covid mal anticipée par les producteurs, les tensions sur les chaînes d’approvisionnements, la guerre en Ukraine, les aléas climatiques et une stratégie assumée de la part de nombreuses entreprises de profiter de la crise pour accroitre leurs marges en augmentant leurs prix. Aux États-Unis en particulier, on ne compte plus les exemples de PDG admettant publiquement que l’inflation leur fournit une excuse rêvée pour augmenter leur prix. Plus de la moitié de l’inflation observée outre-Atlantique proviendrait ainsi de la hausse des marges des entreprises . Un récent éditorial du Financial Times exhorte d’ailleurs la Fed à admettre cette réalité plutôt qu’à poursuivre vainement des hausses de taux.

    Tous ces éléments pointent vers une inflation causée par des tensions sur l’offre, la demande n’excédant pas les tendances observées avant le covid. Ce qui implique que les hausses des taux de la Fed ne puissent agir que très indirectement sur l’inflation, et vraisemblablement au prix d’une récession sévère.

    Le risque d’une grave récession inquiète les places financières

    Le débat qui anime les places financières porte essentiellement sur la vitesse d’augmentation des taux et la capacité de la Fed à ralentir l’économie sans provoquer trop de dégâts. Powell parle ainsi de « soft landing » (atterrissage en douceur), sans convaincre les marchés financiers, de plus en plus critiques. Comme le notait le magazine Jacobin , Citigroup et Moody’s estiment désormais qu’une récession est l’issue la plus probable. La banque UBS jugeait « particulièrement notable que la Fed admette le risque d’une récession ». Devant le Congrès, les patrons des principales banques ont alerté à ce propos, Jamie Dimond (JP Morgan) déclarant « ces hausses de taux vont assurément provoquer une récession et une hausse du chômage ». Le fonds d’investissement Blackrock jugeait les projections de le la Fed trop optimistes, tout en critiquant une stratégie qualifiée « d’arbitrage brutal » entre prix et salaires qui va « provoquer une large récession ». Surtout, Blackrock ne voit pas en quoi la hausse des taux va contenir l’inflation, qu’il considère provenir d’un problème d’offre.

    Pour Wall Street, il s’agit de prévenir leurs clients qu’une forte dépréciation des actifs financiers est à l’horizon, si la Fed poursuit dans la même voie. Et cette préoccupation va au-delà des simples marchés boursiers. La Banque Mondiale s’inquiétait du fait que « les banques centrales vont sacrifier leur économie à la récession pour contrôler l’inflation ». Les Nations Unies ont alerté sur le fait que les politiques monétaires risquaient « d’infliger des dégâts supérieurs à la crise financière de 2008 et à la pandémie de covid-19 de 2020 ».

    Aux États-Unis, le taux d’emprunt immobilier moyen s’établit désormais à plus de 7,5%, contre 3% en 2021. Soit le plus haut taux en 22 ans, qui provoque de sérieuses craintes d’un retournement du marché immobilier, la demande s’effondrant face à l’inaccessibilité du crédit. Or, une chute brutale de ce secteur pourrait avoir des retombées économiques et financières dramatiques. Tout cela pour des résultats qui se font attendre sur le front de l’inflation.

    Les Nations Unies ont alerté sur le fait que les politiques monétaires risquaient « d’infliger des dégâts supérieurs à la crise financière de 2008 et à la pandémie de covid-19 de 2020 ».

    En septembre, l’indice des prix américains a augmenté de 0,4% par rapport au mois d’août, alors que le marché du travail résistait, tout en ralentissant son rythme de créations d’emplois. Mais si l’économie américaine semble supporter les hausses de taux (à l’exception du marché immobilier), la politique de la Fed impacte déjà négativement le reste du monde.

    En effet, ses hausses de taux provoquent une appréciation spectaculaire du dollar face aux autres monnaies. Ceci s’explique autant par l’attractivité des bons du trésor fédéral que par la confiance accrue dans l’économie américaine, qui semble plus capable de faire face à la conjoncture économique en tant que pays exportateur net de matières premières et énergie (pétrole, gaz, céréales,…). Si l’appréciation du dollar permet aux Américains de réduire le prix des biens importés tout en profitant davantage de leur manne gazière et pétrolière, pour le reste du monde, les effets sont problématiques. Le dollar demeure la monnaie d’échange internationale. Ainsi, la chute de 20% de l’euro augmente mécaniquement le prix du pétrole de 20%, avant même de prendre en compte la hausse de ce dernier. La livre sterling a également perdu plus de 20% de sa valeur face au dollar. Autrement dit, la FED est en train d’exporter l’inflation à tous les autres pays, développés comme émergents.

    Pour limiter cet effet, les autres banques centrales ont emboité le pas à la Fed, augmentant leurs taux – entre autres – pour défendre leur monnaie. Au risque de provoquer à leur tour une récession dans leurs pays respectifs, sans parvenir à juguler l’inflation. Le 27 octobre, Christine Lagarde a reconnu que « l’économie de la zone euro va vraisemblablement ralentir de façon significative au troisième trimestre (…) la récession se profile à l’horizon ». Elle a pourtant justifié une nouvelle hausse des taux de 75 points de base en affirmant qu’un « ralentissement de la demande permettra de faire diminuer l’inflation et la pression sur les prix, notamment de l’énergie ». Des déclarations qui tiennent de la méthode Coué, la BCE ayant par ailleurs admis que l’inflation ne provenait pas d’un emballement de l’économie ou des salaires, mais des prix de l’énergie et de l’alimentation, dont elle prévoit une poursuite de l’augmentation. Comme pour la FED, la Banque centrale européenne admet qu’elle n’a pas de prise directe sur l’inflation tout en assumant prendre le risque de pousser l’économie vers la récession.

    Cette politique monétaire établit un précédent historique inquiétant : jamais une banque centrale n’avait encore renoncé à soutenir ses États membres en période de guerre. Or, le conflit qui oppose objectivement l’UE à la Russie s’ajoute à de nombreuses autres crises nécessitant un soutien monétaire. Citons la crise climatique, une récession déjà actée en Allemagne et l’envolée des prix de l’énergie qui menace le tissu industriel européen. Les États de l’Eurozone vont pourtant devoir financer leur effort de guerre via les marchés financiers, à des taux en hausse du fait de la politique monétaire de la BCE, qui demande par ailleurs aux États d’engager des efforts de désendettement. Tous les ingrédients sont réunis pour provoquer une violente récession.

    De plus, l’augmentation des taux va réduire la capacité du secteur privé et des États à investir dans les domaines indispensables que sont la transition énergétique, l’adaptation au changement climatique et les infrastructures. L’augmentation de la charge de la dette va également réduire les marges de manœuvre des États et collectivités locales en matière de politiques sociales, voire nécessiter des coupes budgétaires drastiques dans les services publics et la protection sociale. La France est d’autant plus exposée que le gouvernement Macron a émis des obligations indexées sur l’inflation, une décision incompréhensible, sauf à vouloir vider le trésor public pour enrichir les investisseurs privés, comme l’a implicitement admis Bruno Le Maire face au Parlement .

    Une attitude incompréhensible, à moins de l’analyser comme une politique de classe.

    Aux États-Unis, l’action de la Fed peut s’analyser comme un effort visant à protéger les détenteurs de capitaux de l’inflation, tout en brisant la capacité du mouvement ouvrier et syndical à obtenir de meilleures conditions de travail. Les mouvements de grèves et de syndicalisation, encore timides et cantonnés à certaines grandes entreprises et secteurs industriels (fret ferroviaire, transport routier, Amazon, Starbucks…) ont déjà provoqué une réaction violente du patronat . Et les commentaires de Jerome Powell sur l’importance d’assouplir le marché du travail sont suffisamment explicites. En juin, il avait estimé que le rapport de force capital/travail était « trop favorable aux travailleurs », confirmant que sa politique monétaire vise aussi à réduire les capacités de négociations des syndicats, et pas uniquement « faire baisser les salaires pour faire baisser l’inflation », comme il l’avait expliqué dès le mois de mai . Les économistes de la Fed estiment pourtant que la politique monétaire de Powell va provoquer une sévère récession, selon les révélations de The Intercept . Ce qui n’empêche pas Powell de poursuivre la hausse des taux. Du reste, la Fed est sujette à l’intense lobbying des grandes banques privées et syndicats patronaux, qui avaient dépensé des millions de dollars pour obtenir la nomination de Powell.

    Mais au-delà du réflexe de classe, qu’on retrouve également du côté de la BCE, l’autre explication de l’entêtement à augmenter les taux tiendrait dans le manque d’alternatives apparentes. À moins d’intervenir directement dans l’économie, en finançant des initiatives publiques visant à agir sur les causes profondes de l’inflation (investissement dans les infrastructures, dans la transition énergétique,…) et confrontées à l’inaction relative des gouvernements, les banques centrales s’en remettent à ce qu’elles savent faire de mieux : agir sur leur taux directeur. Parfois sans y croire, comme le notait le Financial Times . Le journal économique de référence rapportait que Isabel Schnabel, une des principales économistes de la BCE, estimait que les modèles de la Banque Centrale Européenne n’étaient plus valides et que la hausse des prix serait durable, malgré la hausse des taux.

    Se pencher sur d’autres modes d’action remettrait en cause le modèle néolibéral, et dans le cas de la BCE, la logique des traités européens. Quel que soit le bout par lequel on analyse le problème, il s’agit donc bien d’une politique de classe. L’inflation rogne les salaires et l’épargne. La hausse des taux permet de mieux rémunérer les capitaux tout en cassant le pouvoir de négociation des salariés et ainsi maintenir les salaires bas. Mais les conséquences de cette stratégie pourraient échapper au contrôle des banques centrales, en provoquant une grave récession à l’échelle mondiale, avec toute la souffrance que cela implique pour les classes laborieuses de par le monde.

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      Poids de la dette et inflation : quelles leçons après l’épisode britannique ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 1 November, 2022 - 04:10 · 5 minutes

    Par Éric Mengus et Guillaume Plantin.

    Le 23 septembre au Royaume-Uni , l’annonce du mini-budget et les événements qui ont suivi jusqu’à l’annonce de la démission de la Première ministre Liz Truss , le 20 octobre, ont suscité un regain d’intérêt pour le risque de « dominance budgétaire », c’est-à-dire une situation dans laquelle la banque centrale abandonne son objectif de stabilité des prix pour aider le gouvernement à financer ses déficits.

    Mais dans quelle mesure cette séquence d’événements doit-elle nous pousser à repenser les relations entre les gouvernements, en charge de la politique fiscale, et les banques centrales indépendantes, en charge de la politique monétaire avec un mandat de stabilité des prix ? Que nous apprend-elle sur ce risque de dominance budgétaire ?

    La manière canonique d’analyser les interactions fiscales et monétaires a été introduite par les économistes américains Thomas Sargent et Neil Wallace il y a 40 ans. Dans leur contexte, la principale question est de savoir qui ajuste sa politique entre le gouvernement et la banque centrale pour que le gouvernement satisfasse sa contrainte budgétaire. Si le gouvernement réussit à imposer une trajectoire de déficits futurs – il « agit en premier » dans le langage de Sargent et Wallace –, la banque centrale est obligée de « se dégonfler » et de financer les besoins futurs du gouvernement.

    Pressions sur les banques centrales

    Une telle situation ressemble à s’y méprendre au mini-budget britannique et à ses engagements de réductions drastiques de certaines taxes. Mais les événements au Royaume-Uni montrent qu’il peut être plus difficile que nous ne le pensions pour le gouvernement d’« agir en premier » et de « coincer » la banque centrale en imposant une trajectoire de déficits futurs. Le ministre des Finances a démissionné le 14 octobre – avant que Liz Truss ne quitte elle-même le 10 Downing Street. Presque tous les plans budgétaires annoncés ont été retirés.

    In fine, la « dominance monétaire » – c’est-à-dire une situation où la banque centrale privilégie son mandat de stabilité des prix et oblige le gouvernement à adopter une trajectoire de déficits plus soutenables – pourrait éventuellement l’emporter. C’est d’ailleurs ce que notent un certain nombre d’observateurs tels que Jason Furman, ancien président du conseil des conseillers économiques sous la présidence de Barack Obama aux États-Unis.

    Une telle dominance monétaire ne va pourtant pas de soi aujourd’hui, dans un contexte de pressions accrues sur les banques centrales en raison notamment du niveau important des dettes publiques, du caractère importé d’une partie de l’inflation et des besoins importants de financement, par exemple, de la transition verte .

    Forte réaction des marchés

    Alors, quels sont les déterminants expliquant qui remporte finalement la partie entre la banque centrale et le gouvernement ? Parmi ces nombreux déterminants, l’expérience britannique montre que le plus important – qui manque dans la plupart des analyses – est le fonctionnement du marché de la dette.

    Pour emprunter le langage de Markus Brunnermeier, professeur d’économie à Princeton, la domination monétaire découle en partie de la « domination financière » : l’exposition du secteur financier à la dette britannique et, notamment, des fonds de pension a été clé dans la forte réaction des marchés et la brutale hausse des taux.

    Money and Banking, part 4 : Risky Government Debt, Diabolic Loop, Stability and Dominance Concepts (Markus Economicus, 2017).

    Si les investisseurs sur le marché de la dette réagissent fortement à une politique budgétaire déséquilibrée – entraînant une pénurie de liquidités sur ces marchés clés – alors l’action de la banque centrale devient essentielle pour éviter le défaut et réduire le coût pour le gouvernement de s’engager dans cette politique budgétaire.

    Mais ces interventions de la banque centrale ne sont pas neutres non plus et cette banque centrale peut préférer limiter le plus possible ses interventions : dans un contexte d’inflation d’ores et déjà élevée et de craintes quant à la crédibilité de la livre sterling, une monétisation trop importante des déficits aurait été catastrophique pour la stabilité monétaire du Royaume-Uni.

    Croyances des investisseurs

    Ainsi, trois éléments ont été déterminants pour que la banque centrale s’impose et que la domination monétaire se concrétise :

    1. Le marché a fortement réagi aux nouvelles budgétaires britanniques.
    2. La banque centrale était suffisamment disposée à dissuader la domination budgétaire.
    3. Le gouvernement britannique se rend compte que le coût de la domination budgétaire pour le gouvernement dépasse ses gains attendus.

    De ce fait, trois « joueurs » ont compté pour l’issue du jeu entre la banque centrale et le gouvernement, faisant ainsi écho à notre recherche récente dans laquelle nous nous interrogions : « La Banque centrale, le Trésor ou le marché : lequel détermine le niveau des prix ? ».

    Qu’implique ce rôle du marché pour les banques centrales dans cette question du risque de dominance budgétaire ?

    Premièrement, il est clé pour les banques centrales et leurs mandats de stabilité des prix qu’elles influencent les croyances des investisseurs : lorsque les investisseurs pensent que la banque centrale va se « dégonfler », les marchés ne réagiront pas aux politiques fiscales trop expansionnistes et la dominance budgétaire prévaudra.

    Deuxièmement, les banques centrales doivent également laisser les prix sur les marchés de dette refléter les croyances des investisseurs quant aux risques liés à la politique fiscale. Cela n’est pas nécessairement satisfait lorsque les banques centrales sont trop interventionnistes sur ces marchés, même si d’autres motifs peuvent justifier des interventions comme une éventuelle exubérance des marchés .

    Ce dernier point doit pousser à la réflexion des banques centrales comme la Banque centrale européenne (BCE) , notamment en ce qui concerne son nouvel instrument – son outil « anti-fragmentation », le Transmission Protection Instrument – qui lui permet d’agir en cas de variation du taux de financement d’un pays.

    Éric Mengus , Professeur associé en économie et sciences de la décision, HEC Paris Business School et Guillaume Plantin , Professor, Research and Faculty Dean , Sciences Po

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original . The Conversation

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      En exclusivité, voici le gouvernement d'Elisabeth Borne

      eyome · Friday, 20 May, 2022 - 18:29

    Affaires étrangères : #OTAN

    Santé : #OMS

    Economie : #EU

    Affaires Sociales : #McKinsey

    Finances : #BCE

    Education : #OpenSociety

    Environnement : #WorldEconomicForum

    ça va bien se passer...

    #France, #Politique, #fr, #remaniement, #Mondialisme.

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      Mario Draghi : fiasco à l’italienne

      Étienne Chaumeton · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 23 February, 2021 - 04:00 · 3 minutes

    Mario Draghi

    Par Étienne Chaumeton.

    Samedi 13 février 2021, Mario Draghi a prêté serment comme président du conseil italien.

    Qu’est ce que les Italiens peuvent attendre de leur nouveau chef du gouvernement, composée d’une large coalition, par nature instable ?

    À 73 ans, plus d’un an après son départ de la présidence de la BCE , Mario Draghi reprend des fonctions officielles, pour le meilleur ou pour le pire.

    L’ancien vice-président de la banque d’affaire américaine Goldman Sachs a passé l’essentiel de sa carrière au service d’institutions publiques nationales (Trésor italien, Banque d’Italie) et internationales (Banque mondiale, Banque centrale européenne).

    Le poste le plus important de Mario Draghi fut évidemment celui de président de la Banque centrale européenne de 2011 à 2019. Au cours du XXe siècle, les banques centrales avaient pour fonction d’assurer la stabilité des prix et d’être un prêteur en dernier ressort pour les banques privées. Mario Draghi a détruit cet ancien schéma, au profit d’un interventionnisme étatique toujours plus important et au détriment de l’épargne de centaines de millions d’Européens .

    Mario Draghi sauveur de l’Europe ?

    Dans un tweet du 28 octobre 2019, le président Macron a encensé M. Draghi pour avoir rien de moins que « sauvé l’Europe du naufrage, assuré et fortifié la protection de l’Europe et de ses citoyens. » Par ailleurs, l’économiste keynésien Paul Krugman a affirmé que Draghi était « peut-être le meilleur banquier central des temps modernes. »

    Derrière ces éloges se cachent en réalité des atteintes sans précédent aux traités européens et à la liberté économique.

    Celui que certains nomment Super Mario restera célèbre pour avoir annoncé en juillet 2012 que la BCE ferait « whatever it takes » pour préserver l’euro. Ce quoi qu’il en coûte aux citoyens européens a entravé le fonctionnement normal d’une économie de marché.

    Le taux directeur de la BCE a été réduit à 0 % et le taux de dépôt a été fixé à un niveau négatif, à -0,5 % quand Draghi a quitté ses fonctions en octobre 2019. En plus du contre-sens économique et moral d’imposer des taux d’intérêt négatifs, qui visent à spolier et décourager l’épargne, Mario Draghi a lancé la BCE dans des pratiques de quantitative easing , pudiquement qualifiées de non conventionnelles par la Banque de France. Il s’agit de rachat de dettes publiques et d’obligations d’entreprises privées avec de la masse monétaire créée ex nihilo par la BCE, en violation des traités internationaux.

    L’inflation après le mandat de Draghi

    L’inflation cumulée durant les huit années de mandat de Mario Draghi à la tête de la BCE a été de 8 % selon les sources officielles. C’est dire qu’il n’a pas été en mesure de garantir la stabilité des prix, c’est-à-dire le pouvoir d’achat de la monnaie, comme le SEBC (Système européen des banques centrales) le demande. L’inflation a au contraire spolié les épargnants européens, pour permettre à des États de poursuivre un temps leur endettement public.

    Mario Draghi a pu essayer whatever it takes pour sauver l’euro, cela ne changera rien au sort de la monnaie unique qui est condamnée à échouer.

    Arrivé à la tête du gouvernement Italien, Mario Draghi doit maintenant faire face à une économie italienne exsangue et en déclin. L’endettement public officiel frôle les 160 % du PIB. Les Italiens devraient se souvenir qu’en 1992, alors que Mario Draghi était directeur général du ministère du Trésor public, le gouvernement italien a instauré une taxe sur l’ensemble des dépôts bancaires des Italiens.

    Acheter des pièces d’or au lieu de conserver des dépôts bancaires en euros peut être pour les Italiens un moyen de se prémunir du whatever it takes de leur nouveau chef du gouvernement.

    À bon entendeur…

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      La vérité des prix (Michel Drac)

      eyome · Saturday, 6 February, 2021 - 17:27

    Tout ne s'explique par "c'est la faute au libéralisme". Nous sommes passé à autre chose. Le système est complètement parti en quenelle.

    #France, #Politique, #fr, #économie, #BCE