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      Le monde écologique : un monde de quotas et de contraintes

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 07:30 · 6 minutes

    La France n’a pas de pétrole, mais elle a des écolos qui ont des idées. Ils ont tellement d’idées (sur tout, et surtout des idées) qu’il ne se passe plus une semaine sans que l’un ou l’autre groupe de ces frétillants militants de l’Ascétisme Pour Autrui ne pondent une vibrante tribune en faveur de nouveaux quotas ou de nouvelles restrictions qui garantiront enfin une avancée décisive de l’humanité vers un futur aussi riant que – forcément – sobre.

    C’est ainsi qu’on retrouve des chroniques, régulières maintenant, s’étalant avec délice dans le catastrophisme médiatique dans lequel notre avenir ne tient plus qu’à un fil ; ce dernier, condition de notre survie, se résumant essentiellement à expier nos fautes par différents moyens, bizarrement mais systématiquement tous coercitifs.

    De façon répétitive donc, on retrouve dans les médias, avec une entêtante constance, un appel à nous serrer toujours plus la ceinture. Parmi ces appels, il est difficile de ne pas noter les trépignements de certains à vouloir imposer de fermes limitations énergétiques, rebaptisés pudiquement « quotas carbone » pour faire croire à un quelconque lien avec le dioxyde de carbone.

    Une fois débarrassés de leur gangue de novlangue écolo, ces appels sont tous calibrés de la même façon : quels que soient les problèmes réels ou imaginaires soulevés, il existe un coupable évident, pratique et systématique à savoir l’humanité qui, une fois soigneusement taxée, contrainte et limitée afin d’expier sa faute, pourra échapper à l’apocalypse si et seulement si elle se laisse diriger par une élite éclairée.

    « Permis carbone », « pass énergétique », « quota carbone » : les appellations changent, les titrailles s’enchaînent et chaque semaine de nouvelles propositions sont publiées rappelant que, déjà, quelques députés sont favorables à cette nouvelle bordée de restrictions sévères consistant essentiellement à imposer une limitation énergétique à chaque individu : grâce à ce procédé, chaque citoyen peut être contraint jusque dans son intimité à limiter toutes ses activités, à ne faire que ce qui est approuvé et ne plus avoir ni le droit ni le temps, ni l’énergie pour faire ce qui lui plaît.

    Dans ce monde réjouissant, finis les vols aériens ( quatre pour toute une vie suffisent ), haro sur la voiture individuelle (à plus forte raison lorsqu’elle roule au pétrole), la consommation électrique devient millimétrée et on impose bien sûr une interdiction totale de tout gaspillage (sauf pour l’État). Moyennant beaucoup de verdure, le goulag éco-conscient sera plus joli.

    Du reste, ne comptez pas non plus compenser ces restrictions par quelques douceurs gustatives : l’écologisme militant d’écrabouillement des dissidences climato-catastrogènes entend bien s’immiscer aussi dans votre nourriture, du petit-déjeuner au souper en passant par le quatre-heures à moteur (électrique et encore).

    La transition écologique passera par la bouffe, vous n’y couperez pas et il suffit pour s’en convaincre d’ éplucher les propositions de groupes de lobbies actuels (finement renommés « Instituts » pour mieux vendre leur soupe) : pour l’un de ceux-là, l’ IDDRI , il est même encore laissé trop de latitude à l’individu lorsqu’il va faire ses courses et l’imbécile continue donc d’acheter ce dont il a envie (l’insupportable égoïste) sans trop se soucier du climat, de l’environnement, de la pollution et des ours polaires.

    Pour l’IDDRI, il est manifeste que la transition écologique repose encore trop sur l’individu, ce petit mammifère pénible qui, jusqu’à présent, se passait pourtant trop bien d’eux. Il faut mettre un terme à toute cette belle liberté de reprendre deux fois des pâtes.

    Car fondamentalement, cette liberté est inégalitaire : devant les incitations (ou le tabassage fiscal) propulsant des objectifs écolos jusque dans la nourriture, les riches vont faire attention et devenir de bons petits « consom’acteurs », manger bio et sain, alors que ces sommateurs de pauvres vont continuer à manger des trucs mauvais pour la santé au motif ridicule qu’ils ne sont pas chers, les cons imbéciles.

    Las : comme il y a plus de pauvres que de riches, tout ceci va ruiner les efforts de la transition écologique bien visible, en plus d’accroître les méchantes inégalités que ces comportements différents entraînent inévitablement.

    La conclusion est sans appel : il faut dilapider l’argent public pour médiatiser et promouvoir, puis contraindre, interdire et empêcher, limiter par la loi, réguler de tous les côtés et tailler en pièces la liberté individuelle, le tout en utilisant des mots inventés de toutes pièces comme « surmarge » (qui ne ressemble pas à surprofit ou hyperprofit pour rien, bien sûr). Pour cela, on enchaînera des propositions d’une originalité folle, comme notamment des « chèques alimentations » (en plus des écochèques, des chèques carburant et autres chèques repas de mon cul sur la commode que les Français collectionnent à présent comme autant de petits tickets de rationnement).

    Bien évidemment, il faudrait, comme l’IDDRI le préconise, mettre en place un « délégué interministériel à l’alimentation » car c’est bien connu, rien de tel qu’un comité Théodule de plus dans les couloirs feutrés de notre République : il va tout changer, tant il est vrai que les milliers de Théodule précédents ont tout changé.

    On déplore néanmoins l’absence de proposition d’un Grenelle de la bouffe l’alimentation ou d’un numéro vert qui manque à cette Panoplie du Petit-Étatiste « made in China »… Gageons qu’il s’agit d’un simple oubli qui masque évidemment une vraie volonté de mettre en route ces deux colifichets obligatoires de la réponse politique française à tous les problèmes modernes.

    Notons aussi l’absence encore louable de toute proposition de passer à l’entomophagie. L’IDDRI comprend probablement que le grignotage de grillons et de vers de farine ne fait pas encore recette auprès des Français et qu’il faudra patiemment attendre encore un peu (les premières famines ?) avant ce genre de solutions. En attendant, rassurez-vous, l’élimination de la viande et son remplacement par des feuilles de salade flexitariennes restent à l’ordre du jour.

    Quotas carbone, pistage de votre alimentation jusqu’au moindre petit pois… Les signaux sont encore discrets, mais ils sont persistants, répétés et de moins en moins faibles : il faut absolument imposer l’ascétisme, les contraintes de la limitation et du jeûne alimentaire et énergétique, à tous, tout le temps.

    En réalité, on cache mal le fait que la France s’appauvrit. On cache mal que l’hystérie écologique est maintenant permanente. On cache aussi fort mal qu’il faut maintenant pousser les gens à s’habituer à des pénuries de ce qui nourrit vraiment (de la vraie viande par exemple) ou de ce qui permet de vraiment chauffer son foyer.

    À force de quotas, de mesures de coercition plus ou moins feutrées, on impose aux individus de se départir de plus en plus rapidement de tout ce qui fait le sel de la vie, à commencer par la liberté de choisir ce qu’on va mettre dans son assiette ou de prendre des douches chaudes plutôt que froides.

    Cela va très bien se passer.

    Sur le web

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      Des limites du droit de grève, une perspective historique

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 8 March, 2023 - 04:20 · 19 minutes

    Après une première discussion de la question en mai 1909, la Société d’économie politique réexamine le 4 juin 1910 le problème des grèves.

    Depuis plusieurs années, des grèves paralysaient l’activité économique, elles étaient accompagnées de violences graves, quoique rarement sanctionnées, et touchaient même des services publics ou des entreprises d’utilité publique. Ces développements récents nécessitaient l’attention des économistes et des pouvoirs publics.

    Des limites du droit de grève

    Réunion de la Société d’économie politique, 4 juin 1910.

    Le sujet inscrit à l’ordre du jour est adopté, et M. Leroy-Beaulieu donne la parole à M. Villey, doyen de la Faculté de droit de Caen.

    M. Villey fait tout d’abord remarquer que les grèves ont pris ces derniers temps un caractère alarmant, non pas seulement par les violences et les actes de sauvagerie dont elles ont été marquées, mais par l’envahissement par la grève d’un domaine qui jusqu’ici lui avait été fermé, le domaine des services publics et d’intérêt public.

    L’orateur rappelle les principaux faits de grève survenus dans des services publics ou d’intérêt public et notamment la grève des électriciens de Paris qui, en 1907, a plongé la capitale dans l’obscurité, au risque de compromettre la sécurité, entre autres dans les gares. Peu après survint la grève des Postes ; actuellement c’est la grève des chemins de fer du Sud et à propos de celle-ci on a pu lire une lettre du secrétaire du Syndicat national des chemins de fer protestant contre l’envoi de soldats du génie et demandant au président du Conseil de laisser les grévistes et la Compagnie lutter à armes égales. Il n’est point question du public qui souffre pourtant de la grève. Ce sont là des faits indignes d’un pays civilisé.

    M. Villey observe qu’il n’y a pas de droit de grève institué par la loi.

    La loi du 25 mai 1864 s’est bornée à supprimer les articles du Code pénal qui prohibaient le droit de coalition et les grévistes n’ont pas du chef de cette suppression le droit de méconnaître les autres prescriptions légales ; c’est ainsi qu’ils sont dans l’obligation de respecter le délai de préavis consacré par des usages ayant force de loi. Un patron n’aurait pas le droit de renvoyer un ouvrier sans respecter le délai de préavis, l’ouvrier ne doit pas pouvoir agir autrement que lui. Le Conseil supérieur du travail a bien dit que la grève n’étant qu’une suspension de travail, le délai de préavis n’était pas nécessaire. Il a eu tort et le simple bon sens suffit pour juger qu’il a eu tort. Quand un ouvrier fait grève pour obtenir de nouvelles conditions de travail, il rentre avec un nouveau contrat, c’est de toute évidence.

    Même dans les autres hypothèses, dans le cas d’une grève faite pour obtenir le renvoi d’un contremaître, par exemple, il y a rupture du contrat et non pas suspension. La thèse de la suspension conduit à des conséquences absurdes. S’il n’y avait que suspension du contrat, le patron n’aurait pas le droit de renvoyer l’ouvrier gréviste, ce qui est inadmissible. Lors d’une grève d’ouvriers boulangers qui avait éclaté à Paris, certains patrons ont remplacé les grévistes, et la grève finie, n’ont pas cru devoir renvoyer les ouvriers embauchés, à l’égard desquels ils eussent d’ailleurs rompu le contrat de travail. 150 ouvriers non repris ont alors intenté une action devant le Conseil de prudhommes qui s’est divisé en parties égales. Le juge de paix départiteur leur a donné tort en décidant, avec raison, qu’il y avait eu rupture de contrat.

    La loi anglaise exige un préavis de quinze jours pour la rupture du contrat de travail et l’orateur ne croit pas que la nouvelle loi sur les grèves ait changé cette disposition. Cette loi du 21 décembre 1906 a été provoquée par une décision de la plus haute cour de justice anglaise, déclarant les trade-unions responsables des dommages causés à leur instigation. Cette décision était contraire à la jurisprudence antérieure, et la loi de 1906 a été inspirée par des raisons politiques, La vérité était du côté de la décision judiciaire.

    La grève ne met pas au-dessus des lois.

    Il serait désirable que les syndicats eussent en France une responsabilité effective ; aussi faudrait-il leur donner un plus large droit de posséder. Qu’on ne dise pas que la grève ne pouvant plus être spontanée perdra de son efficacité. Ce n’est vrai ni en fait, ni en droit. La menace de grève acquerra à ce délai de la force ; elle préviendra ces blessures d’amour propre qui sont si souvent un obstacle à l’entente. En tous cas, ce dont il faudrait bien persuader les ouvriers c’est que la grève ne met pas au-dessus des lois et ne justifie pas les violences dont elle est aujourd’hui trop souvent accompagnée.

    La pratique de la grève s’est introduite dans des services où elle est intolérable, dans des services publics et d’intérêt public. Pour les employés des services publics, le droit de grève n’existe pas. C’est ici un véritable crime. Il y a une quinzaine d’années, l’idée qu’une grève des Postes fût possible ne fut venue à personne. De tels faits prouvent un affaissement de l’idée du devoir. Pas un agent ne s’est dit : je n’ai pas le droit de faire ça ; d’arrêter tout le commerce de mon pays ; de jeter dans l’inquiétude des parents de malades, etc. Il y a là un crime que punit l’article 126 du Code pénal. On objectera que les postiers n’avaient pas l’intention de démissionner, mais leur geste équivalait à une démission et c’en était une légalement parlant. Si ce texte n’était pas applicable il faudrait en faire un. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 7 août 1909, a posé le principe d’une façon irréprochable. Cet arrêt clôt la question. La peine de l’article 126 n’est pas appropriée, mais le principe est incontestable.

    À côté des services publics gérés par l’État, il y en a qui intéressent toute la société. Les uns intéressent la défense nationale (guerre, chemins de fer). Les autres intéressent la sécurité publique (éclairage, eau et même boulangerie). La grève ne devrait pas être possible dans ces services. Pour les chemins de fer, il y a un précédent. Le 4 février 1896, le Sénat, sur l’initiative d’un assez grand nombre de ses membres, a voté une proposition punissant de prison les coalitions dans les établissements de la guerre, de la marine et des chemins de fer. Une mobilisation s’imposant en temps de grève, serait, en effet, fort compromise et avec elle la sécurité nationale. Le projet ne fut pas transmis à la Chambre.

    Les services qui intéressent la sécurité publique ne doivent pas être suspendus et les législations de presque tous les pays ont prévu le cas. On a des garanties ou on les cherche contre des excès aussi graves. Il faut provoquer un mouvement d’opinion en faveur de la réglementation des grèves. En un temps où on parle tant de solidarité, il est étonnant qu’on ne comprenne pas que c’est manquer à la solidarité que cesser un service public ou d’intérêt public.

    En terminant l’orateur déclare qu’il n’est point l’adversaire de l’organisation ouvrière, qu’il considère même celle-ci comme une nécessité absolue, mais qu’une sage réglementation des grèves servirait à la fois l’intérêt public et l’intérêt syndicaliste, car ce dernier verra l’opinion se rebeller contre lui si on laisse se développer les errements actuels.

    M. Novicow rappelle ce qui se passe en Russie où la grève est à l’état épidémique. Il y a des grèves, du reste, tout à fait absurdes. Quand la révolution est venue, les commandes ont manqué et des industriels ont dû travailler trois jours au lieu de six. Des ouvriers sont venus trouver ces patrons et leur ont dit : si vous ne rétablissez pas le travail pendant six jours, nous nous mettons en grève ; et ils se sont mis en grève ; ce qui a été excellent pour les patrons. Il arrive que certaines catégories d’ouvriers, en se mettant en grève, spolient d’autres ouvriers. La grève des ouvriers du pétrole de Bakou a privé de travail nombre d’autres ouvriers notamment ceux des chemins de fer dont les machines sont chauffées au pétrole.

    Quand les grèves n’auront plus l’opinion pour elles, elles disparaîtront comme les autres épidémies.

    Il est juste de vouloir améliorer sa situation, mais il ne faut pas que ce soit par des moyens qui portent préjudice à autrui. Suivant l’orateur, la bourgeoisie est responsable de cette épidémie de grèves. Il faudrait faire comprendre aux masses que la grève entraîne une perte, qu’elle empêche une production plus considérable et amène de la misère. Les ouvriers ont un horizon un peu restreint, il faut faire leur éducation sur ce point.

    Quand les grèves n’auront plus l’opinion pour elles, elles disparaîtront comme les autres épidémies, le choléra, la peste. Le jour, conclut M. Novicow, où on aura une juste notion de la richesse qui est l’adaptation des choses de la nature aux besoins de l’homme, les grèves ne seront plus aussi populaires et aussi fréquentes.

    M. Levasseur ne pouvant assister à la séance a adressé au secrétaire perpétuel la lettre suivante dont celui-ci a donné lecture :

    « Mon cher secrétaire perpétuel,

    Je regrette de ne pas être à la séance de samedi. La question m’intéresse beaucoup.

    J’ai toujours pensé et écrit — récemment encore dans Salariat et salaires — qu’il n’y avait pas à proprement parler de droit de grève.

    La grève a été autrefois en France, comme dans beaucoup d’autres pays, un délit. Elle ne l’est plus, c’est un acte libre, comme beaucoup d’actes de la vie civile. L’ouvrier donne moyennant salaire ou cesse de donner son travail et il le peut quand il a rempli ses engagements sans que personne ait le droit de l’en empêcher. Il peut le faire de concert avec d’autres ouvriers et former pour cela des coalitions : l’association aujourd’hui est libre. Tout cela relève du droit commun.

    Si des ouvriers en grève attentent par des violences et des menaces à la liberté d’autres ouvriers, il y a oppression de la liberté et délit prévu par des articles spéciaux du Code pénal. Mais cela ne constitue pas un droit de grève, non plus que les articles de ce code qui punissent les délits, ne constituent un droit au vol.

    Il en est de même des violations de la propriété des patrons. Ce sont des délits de droit commun.

    « Il y a, suivant moi, un grave inconvénient à parler de droit de grève. Il semble qu’on autorise par là des actes que le droit commun réprouve et punit. Il n’y a pas de droit à la brimade, à l’intimidation, à la violence.

    Votre affectionné collègue.

    E. Levasseur. »

    M. Souchon déclare ne pouvoir qu’appuyer les remarques faites par le doyen de la Faculté de Caen ; mais il insiste sur la difficulté de trouver une sanction à l’obligation de respecter le délai de préavis comme à l’interdiction de la grève dans les services publics. Le gouvernement n’aurait qu’à révoquer le fonctionnaire, mais cette sanction n’est pas faite pour beaucoup émouvoir, quand, comme cela s’est produit dans une grève récente, un des meneurs déclare avoir été cinq fois révoqué. Le remède n’est pas tant dans une formule de droit que dans la mentalité du gouvernement. On pourrait, il est vrai, décharger le gouvernement de ce devoir et faire de la grève un délit pénal. Les parquets poursuivraient peut-être.

    Quand il s’agit de grèves dans des services d’intérêt public, la question est très complexe. Il n’est pas douteux que la grève doit être interdite dans les services du gaz, de l’électricité, de l’eau ; mais pour les boulangers, la question est plus délicate. Si dans cette hypothèse on dit que c’est une grève d’un service d’intérêt public, toutes les grèves vont être des grèves de services d’intérêt public.

    Cette recherche de la grève punissable peut, dit l’orateur, nous conduire à une autre idée. Prenant la catégorie des grèves agricoles, M. Souchon montre qu’il y a ici non seulement une grève, mais une destruction de récolte. Le fait que les ouvriers renoncent à travailler au moment où il faut rentrer le blé, faire la vendange, etc., peut entraîner la perte de la récolte, mettre en péril ce qu’on a mis toute une année à préparer. On pourrait, semble-t-il, assimiler ces destructions négatives à des destructions positives, la récolte perdue ainsi à la récolte incendiée et punir aussi cette destruction négative.

    Le mal que se font à eux-mêmes les ouvriers.

    M. Courcelle-Seneuil montre le mal que se font à eux-mêmes les ouvriers par les procédés qu’ils emploient maintenant dans les grèves et il insiste sur l’avènement de cette nouvelle féodalité qui détruit toute sécurité.

    La question se pose, dit-il, de savoir comment amener à soi les masses. Il faut aller à elles et par des exemples pris dans des grèves du sud-ouest, l’orateur fait sentir comment on peut faire cette éducation. Ce n’est pas d’ailleurs des masses seules qu’il faut se préoccuper, mais aussi des dirigeants et l’opinion qui a été complice des méfaits récents peut faire beaucoup pour éviter le retour de pareils faits dans l’avenir.

    M. Yves Guyot dit que si le droit de grève n’a pas été proclamé par la loi de 1864, elle a reconnu le droit de suspendre le travail collectivement ; mais elle n’a pas supprimé les garanties de droit commun, telles que celle du préavis dont M. Souchon lui paraît faire trop bon marché. Les industriels doivent se servir de la plénitude de leur droit et chacun ne doit pas se dire : « Je me tirerai toujours d’affaire. Tant pis pour les autres. » Sans doute, ils ne sont pas certains que les juges appliqueront la loi. Cela tient à ce que les magistrats ne se sentent pas soutenus par la Place Vendôme qui a peur des membres du Parlement qui ont peur des socialistes.

    Mais ce n’est pas d’hier qu’on s’est préoccupé de l’interdiction de la grève dans certains cas. Le conspiracy act anglais de 1874, cité par M. Villey, en est une preuve. M. Souchon admettait qu’elle ne faisait pas de doute pour les services publics, mais il demandait comment reconnaître parmi les services d’intérêt public ceux dans lesquels le droit de grève devrait être prohibé.

    M. Yves Guyot rappelle qu’en 1892, au moment de la chute du ministère dont il faisait partie, il venait de recevoir l’autorisation de déposer un projet de loi portant interdiction de la grève pour les salariés de certaines professions : pour reconnaître ces professions, il y a un criterium très précis. Là où le salariant est chargé d’un service qu’il ne peut pas interrompre, les salariés ne peuvent avoir le droit de le suspendre : tels sont les transports en commun dans une ville, les chemins de fer, les services maritimes postaux, les services d’eau, de gaz, d’électricité, etc.

    M. Yves Guyot publiera dans le Journal des Économistes , du 15 juillet, un article de M. J.-J. Feely, paru dans la North american review , sur la jurisprudence de la Cour suprême du Massachusetts au point de vue de la limitation du droit de grève.

    Il considère qu’il est limité :

    1. Par le droit du corps politique d’assurer sa sécurité
    2. Par les droits égaux des autres individus

    La Cour suprême du Massachusetts se demande :

    1. Si le but de l’Union est illégal. Elle n’admettrait pas l’existence de la Confédération générale du travail
    2. Si le but étant légal, les moyens le sont

    Ont été jugées comme ayant un objet illégal les grèves se proposant :

    1. D’obtenir le monopole dans un métier
    2. De créer ou de maintenir un marché fermé
    3. De soutenir une autre grève par sympathie
    4. De provoquer le renvoi d’un ouvrier sous prétexte qu’il n’appartient pas à une union
    5. De forcer un tiers à violer un contrat
    6. De violer un contrat obligeant le gréviste
    7. D’obtenir la perception d’une amende imposée à un employé dans le but de le forcer de prendre part à la grève
    8. De forcer l’employeur à accepter les règles d’arbitrage faites exclusivement par l’Union
    9. D’intervenir illégalement pour empêcher les employeurs d’accéder librement au marché du travail libre.

    C’est un préjugé français de croire que les grévistes sont au-dessus de toutes les lois, et M. Villey a raison de le combattre.

    M. Watelet regrette de ne pas partager l’avis de M. Yves Guyot sur l’individualisme outré qu’il prête aux chefs d’industrie.

    Ils s’entendraient volontiers pour faire entrer le droit de grève dans son juste exercice ; ce qui leur manque, c’est la confiance dans l’efficacité des protestations. C’est au juge de paix qu’ils les devront porter la plupart du temps. Mais lorsqu’on voit l’autorité impassible devant les abus et même les attentats qui se pratiquent à la liberté du travail, sans cesse et partout, peut-on espérer d’un juge amovible et modeste qu’il en contrecarre la tendance ?

    La crainte du député et d’autres influences secondaires est assez justifiée pour leur faire craindre un déplacement. Cet état de dépendance s’accuse dans les questions d’accidents ou de contraventions relatives au travail. D’autres régions sont pourvues de conseils de prudhommes, composés pour moitié, on le sait, d’éléments ouvriers et patronaux. L’opinion des premiers se manifeste invariablement dans les solutions où doit primer l’intérêt de leurs camarades ; les seconds n’y trouveront donc pas plus de sécurité. En cas de partage, c’est le juge de paix qui y mettra fin ; mais là encore, son indépendance se trouve mise en échec. Aussi la responsabilité effective qu’on attend du contrat collectif et de toutes autres mesures seront-elles vaines si une sanction judiciaire fait défaut.

    Une caisse pour lutter contre les grèves.

    M. Renaud rappelle la création par l’Union des industries métallurgiques d’une caisse pour lutter contre les grèves.

    Quand une grève éclate dans l’un des établissements affiliés, la caisse paie à cet établissement ses frais généraux et on peut remarquer que les grèves ont diminué dans cette industrie. Une organisation analogue existe entre les sociétés de taxi-autos de Paris. Un jour les chauffeurs d’une société se mettent en grève ; cette société ayant ses frais généraux payés par la caisse a annoncé qu’elle ne confierait de voitures à ses chauffeurs qu’au bout d’un certain délai ; elle était maîtresse de la situation.

    M. Paul Leroy-Beaulieu remercie les orateurs qui ont pris part à la discussion et ont contribué à la rendre si brillante. Ce qui paraît ressortir du débat, dit-il, c’est qu’il n’y a pas de droit de grève et qu’il est difficile de trouver des sanctions aux excès des grèves. Cependant, il n’est pas indifférent de proclamer que tel fait est défendu.

    Dans une grève, fait remarquer l’orateur, les intéressés ne sont pas seulement les ouvriers et les employeurs, il y a aussi le public. Il est vrai qu’il y a un écran, le patron, qui fait qu’on ne voit pas le public. Or, c’est lui qui le plus souvent pâtit des grèves, et ce public semble aujourd’hui s’en rendre compte. Du reste, dans un pays comme la France, les ouvriers ne sont pas la majorité et les non-ouvriers s’aperçoivent qu’on les abandonne et la bourgeoisie qui était favorable aux grévistes, il y a une vingtaine d’années, ne professe plus maintenant les mêmes sentiments.

    La grève de l’électricité, qui s’est produite à Paris, a beaucoup contribué à soulever l’opinion publique contre les grévistes et cette orientation nouvelle de l’opinion peut avoir une grande importance pour enrayer les errements actuels qui sont des plus fâcheux. Tout récemment il a été rappelé que trente grévistes poursuivis devant la Cour d’assises de la Somme pour avoir incendié l’usine et la demeure de leur patron, à Fressenneville, avaient échappé à toute répression, une loi d’amnistie étant intervenue qui arrêta les poursuites.

    « Restaurer les droits individuels »

    M. Leroy-Beaulieu pense que dans le cours du XX e siècle, il sera peut-être nécessaire de faire une nouvelle révolution, — il faut l’espérer pacifique — pour restaurer les droits individuels. En ce moment, voici que les syndicats s’opposent les uns aux autres. Les syndicats ne sont pas sans présenter des inconvénients, mais puisque syndicats il y a, il est bon qu’il y en ait qui s’opposent.

    Il est probable que les 200 députés nouveaux que les dernières élections ont envoyés au Palais-Bourbon ne se mettront pas de si tôt à faire des lois d’amnistie comme celles qu’on a eu l’imprudence d’accumuler au cours de la dernière législature et dont l’effet a été déplorable. Il y a quelque chance d’avoir de ce côté une certaine amélioration, précisément parce qu’il y a maintenant un teritus dolens , le public, qui s’aperçoit qu’il est lésé.

    La séance est levée à 11 heures.

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      Ce que Thomas Jefferson entendait par « la recherche du bonheur »

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 6 March, 2023 - 03:30 · 7 minutes

    Par Barry Brownstein.

    L’idée de la « poursuite du bonheur » est dans l’ADN de notre société. Pourtant, ce « droit inaliénable », immortalisé dans la Déclaration d’indépendance a souvent laissé perplexe. Que voulait dire exactement Jefferson ?

    La plupart des gens pensent que le bonheur consiste à se sentir bien mais ce n’est pas ce que Jefferson voulait dire. Plaisir et bonheur ne sont pas synonymes. Notre bonheur ne dépend pas du fait que tout se passe bien dans notre vie ou que nous obtenions ce que nous voulons.

    Dans son article intitulé « The Origins of the Pursuit of Happiness » (Les origines de la poursuite du bonheur), Carli Conklin observe l’incompréhension générale de la société quant à la nature du bonheur. Pour Jefferson « le droit inaliénable à la poursuite du bonheur » ne confère pas un « droit absolu de poursuivre ce qui nous fait du bien ».

    Conklin décrit Jefferson comme un « écrivain méticuleux et réfléchi et un défenseur des droits et des devoirs de l’homme » qui n’aurait pas inclus une phrase approximative dans une « déclaration tout à fait particulière des droits naturels et politiques de l’Homme. »

    Jefferson a été influencé par les Commentaries on the Laws of England de William Blackstone.

    Conklin écrit à propos de l’argument de Blackstone :

    « La poursuite du bonheur est la principale voie par laquelle les hommes peuvent connaître et ensuite appliquer la loi de la nature telle qu’elle se rapporte aux humains. » Blackstone lui-même a écrit que les individus peuvent « découvrir […] ce que la loi de la nature dirige dans chaque circonstance de la vie ; en considérant quelle méthode tendra le plus efficacement à notre propre bonheur substantiel ».

    Conklin a clarifié les implications de l’argument de Blackstone :

    « En ce sens le bonheur est synonyme du concept grec d’ eudaimonia ; il évoque un sentiment de bien-être ou un état d’épanouissement qui est le résultat d’une vie convenable ou vertueuse. »

    Jefferson a fait sienne cette signification du bonheur. Dans une lettre adressée à sa fille aînée Martha (Patsy), il lui conseille de mener une vie vertueuse, qui est la clé du bonheur.

    Il lui écrit : « L’ennui est le poison le plus dangereux de la vie ». Selon lui, l’antidote consiste à « développer quotidiennement ces principes de vertu et de bonté qui vous rendront précieux pour les autres et heureux en vous-mêmes. » Jefferson ne laisse aucune place au doute quant aux moyens de parvenir au bonheur : « La santé, le savoir et la vertu assureront votre bonheur ; ils vous donneront une conscience tranquille, l’estime privée et l’honneur public. »

    En nous renvoyant à Blackstone, Conklin s’exprime ainsi :

    « Plutôt que d’être fugace ou temporel, ce bonheur est réel et substantiel. Il est réel en ce sens qu’il n’est pas fictif ; pas imaginaire ; [mais] vrai ; authentique. Il est substantiel en ce qu’il se rapporte à la substance ou à l’essence de ce que signifie être pleinement humain. Ainsi, pour Blackstone, rechercher le bonheur, c’est rechercher une vie convenable ou bien ordonnée, en harmonie avec la loi de la nature telle qu’elle s’applique à l’homme. »

    La sagesse de Blackstone et de Jefferson est conforme aux dernières recherches universitaires sur le bonheur. Une fois que nous avons dépassé les nécessités de la vie – et non, ces nécessités n’incluent pas les voitures électriques – les changements hédoniques ou autres dans les circonstances de la vie ont peu d’impact sur le bonheur. Une chercheuse, Sonja Lyubomirsky, a expliqué que « le bonheur, plus que toute autre chose, est un état d’esprit, une façon de se percevoir et de s’approcher de soi-même et du monde dans lequel nous résidons ».

    Leonard Read pensait que la poursuite du bonheur était un processus spirituel.

    Dans son livre Elements of Libertarian Leadership , il écrit :

    « Nous ne sommes vraiment heureux que lorsque nous sommes dans un état perpétuel d’éclosion, notre propre conscience s’ouvrant à la Conscience Infinie. »

    Par éclosion , Read fait référence aux idées du philosophe grec Héraclite qui croyait, selon les mots de Read, que « nous sommes des créatures en transit. Nous ne pouvons pas dériver tels que nous sommes en étant de petits êtres joyeux ; nous devons grandir et si nous ne le faisons pas nous nous décomposons ».

    Le célèbre auteur de Man’s Search for Meaning , Viktor Frankl, a souligné que le bonheur doit être obtenu indirectement en menant une vie qui a du sens. Dans son livre Yes to Life : In Spite of Everything , il explique que la vie ne consiste pas à obtenir ce que nous voulons : « Le plaisir en lui-même ne peut pas donner un sens à notre existence ; ainsi, l’absence de plaisir ne peut pas enlever un sens à la vie. »

    Frankl soutient que « le bonheur ne devrait pas, ne doit pas et ne pourra jamais être un but mais seulement un résultat, le résultat de l’accomplissement du devoir. »

    Dans la lignée de Blackstone et de Jefferson, Frankl nous conseille d’« effectuer une révolution copernicienne », un virage conceptuel à 180 degrés, après lequel la question ne peut plus être « Que puis-je attendre de la vie ? » mais seulement « Qu’est-ce que la vie attend de moi ? Quelle tâche dans la vie m’attend ? »

    Dans Anna Karénine, le Vronsky de Léon Tolstoï fait l’expérience de l’ennui contre lequel Jefferson met en garde. Après avoir obtenu l’amour d’Anna Karénine, Vronsky « sentit bientôt que la réalisation de ses désirs ne lui donnait qu’un grain de la montagne de bonheur à laquelle il s’attendait… Il fut bientôt conscient qu’il y avait dans son cœur un désir de désirs – l’ennui. Sans intention consciente, il commença à s’accrocher à chaque caprice qui passait, le prenant pour un désir et un objet. »

    Tolstoï a mis en lumière la leçon selon laquelle une vie qui tourne autour de la satisfaction de soi ne fonctionne pas : l’accomplissement de Vronsky « lui a montré l’erreur éternelle que commettent les hommes en s’imaginant que leur bonheur dépend de la réalisation de leurs désirs ».

    Pourquoi est-il important que la « poursuite du bonheur » soit si souvent mal comprise ?

    Il n’existe aucun droit au bonheur ; en tout cas, les autres ne sont pas obligés de vous rendre heureux. Vous êtes libre de poursuivre le bonheur si vous ne piétinez pas les droits des autres à poursuivre leur bonheur.

    Le regretté pasteur et auteur Hugh Prather avait prévenu :

    « Le malheur, c’est le manque de concentration, l’agitation et surtout la peur. N’ayant aucune intégrité, aucune direction intérieure calme, il prend ses repères à partir de n’importe quel problème perçu comme étant devant lui maintenant. »

    Lorsque nous recherchons le bonheur, nous avons la responsabilité d’éliminer les obstacles au bonheur que nous nous sommes créés. Pointer du doigt les autres tout en « restant inconscient de nos schémas de pensée les plus sombres » est un obstacle au bonheur. Au contraire, Prather nous encourage à prendre conscience de nos « pensées mesquines, malveillantes et embarrassantes ».

    Prather nous conseille d’examiner comment nous utilisons le temps. Avons-nous un but utile ? Si ce n’est pas le cas, nous « tournons en rond […] et rebondissons de façon désordonnée et sans espoir sur tous les changements que le temps apporte ». Ce faisant, la preuve de notre « insignifiance et de notre inefficacité » s’accumule. Le mécontentement grandit.

    Se sentant malheureux, on peut penser que quelqu’un ou quelque chose d’autre doit être responsable. Ce sont eux, et non moi, qui sont dénués de vertu. Ne pas comprendre la véritable nature du bonheur favorise l’irresponsabilité et menace la liberté .

    Une société dont la population est moins disposée à rechercher le bonheur, au sens où Jefferson, Blackstone et Frankl l’ont conseillé, est une société dans laquelle les autoritaires populistes se multiplient pour exploiter le vide. Les autoritaires et les collectivistes vont pointer du doigt une myriade de « problèmes » faisant obstacle au bonheur et nous assurer qu’ils ont des solutions.

    Le bonheur est un travail interne, et ceux qui en comprennent la nature cultivent des vertus intemporelles qui mènent à une vie pleine de sens et d’objectifs. Aujourd’hui, plus que jamais, la poursuite du bonheur est essentielle à la préservation de la liberté.

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      Pourquoi la liberté a besoin d’une philosophie

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 19 February, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Par Dan Sanchez.

    Partout dans le monde, les États ont mené une guerre contre la liberté, faisant disparaître nos droits par une succession rapide de politiques radicalement tyranniques. Comment ceux d’entre nous qui croient en la liberté peuvent-ils contrer cela ?

    Tout d’abord, nous pouvons persuader davantage de personnes de se joindre à nous pour s’opposer aux mauvaises politiques. Mais cela peut être une bataille difficile. Comme vous le savez peut-être par expérience, il est difficile de faire changer d’avis les gens, en particulier leur position politique. Les défenseurs de la liberté sont souvent déconcertés par l’obstination avec laquelle certains s’accrochent à leurs positions antiliberté.

    Pourquoi nous heurtons-nous sans cesse à ce mur ?

    Selon Henry Hazlitt , c’est parce que les libertariens ne réalisent souvent pas que « certaines propositions qu’ils combattent ne sont qu’une partie de tout un système de pensée ». C’est pourquoi, explique Hazlitt, même les arguments irréfutables contre une mauvaise politique ne parviennent souvent pas à convaincre.

    Ainsi, il ne suffit pas de critiquer une mauvaise politique spécifique de manière isolée.

    Hazlitt conclut :

    « C’est une philosophie globale quoique confuse que nous devons affronter et nous devons y répondre par une philosophie tout aussi globale. »

    Illustrons l’affirmation de Hazlitt par un exemple.

    Supposons que vous débattiez avec quelqu’un qui soutient le salaire minimum. Vous présentez clairement un argumentaire solide , étayé par une logique économique, un raisonnement moral et des preuves empiriques démontrant que le salaire minimum viole les droits et favorise le chômage , poussant les personnes qu’il est censé aider vers la pauvreté et la dépendance. Pendant ce temps, les contre-arguments de votre adversaire sont confus et mal informés. Et pourtant, malgré tout cela, il rejette avec colère vos affirmations et persiste dans son soutien au salaire minimum.

    Comment cela se fait-il ?

    Le problème est que son soutien au salaire minimum « n’est qu’une partie de tout un système de pensée », comme l’a dit Hazlitt, à savoir l’idéologie économique, politique et morale progressiste dont il s’est imprégné à l’école, dans les médias ou sous une autre influence.

    S’il devait se plier à votre argument supérieur et s’opposer au salaire minimum, cette opposition serait en désaccord avec le reste de sa vision du monde. Le simple fait d’envisager cette idée crée une dissonance cognitive. Il recule donc devant cet inconfort mental intense et rejette la raison elle-même au nom de l’autoprotection émotionnelle.

    Selon le psychologue Jordan Peterson , il existe une « tendance humaine naturelle à répondre à […] l’idée étrange […] par la peur et l’agression… ». Cela s’explique par le fait que « prendre sérieusement en considération le point de vue d’autrui signifie risquer de s’exposer à une incertitude indéterminée – risquer une augmentation de l’anxiété existentielle, de la douleur et de la dépression… »

    Il peut sembler idiot de considérer de nouvelles idées si effrayantes et des systèmes de croyance si précieux. Mais nous le faisons tous, et pour de bonnes raisons.

    Comme l’explique Peterson dans son livre Maps of Meaning , nos systèmes de croyances (y compris nos visions sociopolitiques) nous permettent de donner un sens au monde. Ils sont les boussoles et les cartes que nous utilisons pour naviguer dans l’immense complexité de la vie. Sans paradigmes globaux pour structurer nos vies, nous nous sentons perdus en mer, confus et apeurés. C’est pourquoi nous sommes si attachés et si protecteurs de nos systèmes de pensée.

    Comme l’a démontré l’historien des sciences Thomas Kuhn, même les scientifiques sont attachés à leurs paradigmes et ont tendance à s’y accrocher en dépit de la raison et des preuves contraires, jusqu’à ce que ces anomalies s’accumulent au point de précipiter une crise et que le paradigme finit par s’effondrer d’un seul coup sous leur poids. Le paradigme discrédité est alors supplanté par un paradigme alternatif. Ainsi, les changements de paradigme scientifique ont tendance à être révolutionnaires plutôt qu’évolutifs.

    Comme l’a fait valoir Jordan Peterson, cela est vrai non seulement pour les paradigmes scientifiques mais aussi pour les systèmes de croyance en général, y compris sociopolitiques.

    Ainsi, un progressiste peut préserver son précieux modèle en répondant à des anomalies comme vos arguments solides contre le salaire minimum par un déni général. Vous avez peut-être planté la graine du doute, mais il est réticent à la laisser germer, de peur qu’elle ne compromette et n’effondre toute sa philosophie progressiste. Une telle crise de paradigme bouleverserait son monde et il ne veut pas qu’elle se produise.

    Mais si, en plus de remettre en question sa vision actuelle, vous lui en proposez également une alternative – « une philosophie tout aussi complète », comme l’a dit Hazlitt – cela peut atténuer son anxiété à l’idée d’abandonner son idéologie progressiste. Au lieu de la perspective de voir sa structure existante s’effondrer et être remplacée par rien d’autre qu’une confusion sans direction, on lui offre l’opportunité de la remplacer par une autre. C’est beaucoup moins effrayant.

    Ainsi, au lieu de se contenter de démystifier le salaire minimum en particulier, il est essentiel de fournir au moins un aperçu d’une vision alternative plus large : c’est-à-dire la fonction économique des salaires en général, l’éthique des contrats en général, et ce que sont les marchés et les sociétés libres et comment ils fonctionnent. Une fois que votre adversaire commence à comprendre et à adopter la perspective de la liberté dans son ensemble, il lui sera beaucoup plus facile d’adopter les salaires du marché et de renoncer au salaire minimum.

    Pour amener les gens à abandonner le progressisme, le socialisme, l’autoritarisme et autres idéologies illibérales, nous devons « avant tout », comme l’a conclu Hazlitt, « exposer les fondements d’une philosophie de la liberté ».

    Pour détourner les gens des mauvaises politiques, nous devons d’abord et avant tout les orienter vers de bons principes fondamentaux et une bonne philosophie. Nous devons aller au-delà du jeu de la taupe avec les mauvaises propositions et poser les bases philosophiques nécessaires pour aider les individus à effectuer leurs propres changements de paradigme révolutionnaires – leurs propres expériences de conversion – vers la liberté.

    Traduction Contrepoints

    Article publié initialement le 9 août 2022

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      Maroc : la liberté d’expression malmenée

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 7 February, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Toute société démocratique se fonde sur un pilier fondamental et indispensable : la liberté d’expression . C’est le droit propre à chaque individu qui lui permet de rendre publics ses émotions, ses sentiments et ses opinions. La participation des citoyens à la vie politique garantit le fonctionnement démocratique de l’État.

    Cette participation peut prendre différentes formes mais elles relèvent toutes du droit à la liberté d’expression : critiquer le pouvoir en place, révéler des vérités, exprimer son refus des politiques instaurées, etc. La garantie de ce droit requiert des institutions répondant aux normes démocratiques, soit un ensemble de règles et de principes encadrant leur fonctionnement transparent, responsable, équitable et indépendant.

    Dans les régimes autoritaires le pouvoir doit être nécessairement centralisé autour d’une seule personne ou un petit nombre de personnes ayant le pouvoir de contrôle et de manipulation des institutions de l’État. Les règles démocratiques qui assureraient leur bon fonctionnement doivent être brisées par le recours à des restrictions de la liberté d’expression afin de limiter la capacité des individus à observer, réfléchir, critiquer et remettre en question le contrat établi.

    Même les démocraties avancées peuvent recourir à des restrictions de la liberté d’expression mais pas de façon fréquente et structurelle comme celle des pays où règne l’autoritarisme, où le pouvoir politique réprime et censure dès qu’il se sent en danger.

    Au Maroc, comme dans plusieurs pays arabes ou du tiers monde, les individus sont confrontés à des atteintes à leur liberté d’expression, des journalistes aux activistes et jusqu’au citoyen lambda.

    La répression n’est pas un intrus dans la vie politique du Maroc , elle en est un élément crucial qui fait partie de l’ADN marocain. Des professeurs à l’université ou à l’école ont cette relation autoritaire répressive avec les étudiants, des parents avec leurs enfants, des responsables des administrations publiques, et toute personne pouvant jouir d’un tout petit pouvoir supplémentaire sur une autre pourra appliquer son autoritarisme. Pas seulement le régime.

    Depuis 2017, la répression a explosé

    Le nombre de détenus politiques et d’expression est allé crescendo. Depuis la crise du covid la limitation du droit de réunion et de manifestation s’est accrue grâce notamment à la promulgation de l’état d’urgence sanitaire toujours d’actualité. Les arrestations arbitraires des activistes rifains du Hirak en 2017 et les peines de prison surréalistes par rapport aux présumés crimes, les procès se caractérisant par la non-équité des journalistes et des activistes des droits humains, et les détentions des blogueurs des réseaux sociaux à cause de leurs opinions.

    De nombreuses fondations et associations de défense des droits de l’Homme tant marocaines qu’étrangères ont critiqué ces atteintes à la liberté des citoyens et ont plusieurs fois demandé des procès équitables pour tous les détenus, la libération de certains d’entre eux et la fin de ces pratiques qui nuisent à l’image du pays et provoquent des dégâts multidimensionnels sur les individus de cette génération et la suivante. La résolution adoptée par le Parlement européen sur la dégradation de la situation de la liberté d’expression n’a rien apporté de nouveau mais a appuyé les affirmations et les dénonciations des activistes et des victimes qui n’ont pas de crédibilité pour l’opinion publique marocaine. Mais pour beaucoup, même la majorité du Parlement européen ayant voté pour l’adoption de la résolution manque de crédibilité et d’objectivité, et considèrent qu’il s’agit d’un complot contre le Maroc et sa politique étrangère avec les États-Unis, Israël et les pays d’Afrique.

    L’expansion des discours médiatiques influencés par le régime ont renforcé la polarisation sociale ainsi que l’extension des faux comptes de réseaux sociaux pour influencer l’opinion publique et diffuser les campagnes de diffamation contre les « ennemis du régime » et leur entourage.

    Cependant, il semble que le régime néglige les effets de la propagation de la désinformation et des discours de haine, lui qui réprime et justifie ses comportements et politiques autoritaires par la garantie de la stabilité et la paix et la lutte contre la discorde qui sème la zizanie et se retrouvera in fine comme la Syrie. Cet exemple de la Syrie diffusé largement par les discours politiques et médiatiques, continue d’être évoqué par un nombre non négligeable de Marocains comme une forte motivation de leur silence : « on accepte les atteintes à notre égard pour éviter la situation actuelle de la Syrie » ; « On peut vivre sans liberté mais pas sans pain » ; « ils l’ont arrêté parce qu’il ne se mêle pas de ses affaires » ; « vous voulez revenir à l’ère du siba (l’anarchie) ? Alors taisez-vous et foutez la paix au Makhzen » etc. Les manifestations et les révolutions ont été largement associées au chaos et aux guerres civiles déclenchées après les mouvements du Printemps des peuples en 2011, les gens ont cru en ces idées et les ont adoptées.

    Cette polarisation accrue a biaisé les visions et les opinions vis-à-vis des opposants aux politiques émanant du pouvoir et toute personne qui ose exprimer un avis contraire ou révéler des vérités en relation avec ce pouvoir. Accepter un certain statu quo consiste en fait à se rebeller contre les lois de la nature à caractère dynamique fondamentalement. L’univers s’inscrit dans une continuité de mutations et de changements infinis, le soleil, les planètes, les étoiles et les galaxies se déplacent constamment, les espèces naturelles et les races humaines depuis leur création sont en évolution constante et les régimes politiques à leur tour ne sont pas rigides, sont soumis aux transformations et n’échappent pas à la loi du dynamisme.

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      Covid : la grossière diversion de la fin de l’isolement des cas positifs

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 3 February, 2023 - 04:15 · 4 minutes

    Lundi, la Direction générale de la Santé (DGS) a annoncé la fin de l’isolement systématique des cas positifs et de la réalisation de tests au bout de deux jours pour les cas contacts à compter du 1er février. Une décision justifiée par un contexte épidémique dit « favorable » sur l’ensemble du territoire.

    L’isolement n’est plus une obligation mais une vive recommandation, comme pour toute infection virale.

    La fin de ces deux mesures s’accompagne de la fin des arrêts de travail dérogatoires sans jour de carence et du service « Contact covid » mis en place par les CPAM.

    Après les grands confinements, la grande libération ? Que nenni.

    Le précédent antiterroriste

    Ceux qui se souviennent du sort de l’état d’urgence antiterroriste ne seront guère si naïfs.

    Critiquées pour leurs nombreux prolongements depuis 2015, les lois relatives à l’ état d’urgence antiterroriste ont fait l’objet, début 2021, d’une introduction dans le droit commun, une entrée qui a constitué une entaille de plus dans un État de droit qui n’en a en réalité que l’intitulé.

    Cette introduction sera largement critiquée par les juristes voyant d’un mauvais œil la mise à l’écart du juge judiciaire , garant des libertés et de la propriété au profit du ministre de l’Intérieur et de ses autorités préfectorales, notamment en matière de liberté de circulation, de culte ou encore de communication.

    Une dilution de l’État de droit

    Professeure de droit public à l’université de Nanterre et directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof), Stéphanie Hennette-Vauchez a écrit La démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente .

    Cet ouvrage porte une critique des états d’urgence à répétition diluant peu à peu la démocratie dans une forme d’autoritarisme soft . Mais cette répétition n’est pas l’unique outil de cette dilution. L’intégration de mesures dans le droit commun en est également un puissant levier.

    L’état d’urgence sanitaire, comme l’état d’urgence antiterroriste, a montré un autre levier après une tentative d’intégration à notre droit commun.

    L’échec du projet 3714

    Le 21 décembre 2021, le Conseil des ministres a présenté le projet de loi n°3714 visant à instituer un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires .

    Si les plus grands totalitarismes ont toujours été ceux qui ont su se draper dans les oripeaux les plus nobles, ce texte visait à remplacer l’oppression par l’incitation. Or, l’article 1er du texte permettait à Matignon de prendre des décisions à l’encontre des personnes non-vaccinées et frappant directement leurs libertés les plus élémentaires, rappelant l’idée d’un passeport vert proposée à la même époque et visant à créer des droits de circulation différenciés selon le régime vaccinal.

    Si ce projet de loi a été retiré dès le lendemain de sa présentation , marquant un peu plus l’amateurisme – volontaire ou non – du gouvernement, ce dernier a tenté une autre méthode.

    La fin des mesures emblématiques

    Puisque le faire de manière frontale faisait courir le risque d’une trop grande levée de boucliers dans un contexte social déjà tendu, le gouvernement a décidé d’agir autrement.

    Le 1er août dernier, l’état d’urgence sanitaire prenait officiellement fin. Plus de confinement, plus de pass sanitaire, plus de couvre-feu mais la possibilité pour les établissements de fixer des règles d’entrée et pour le ministère de la Santé de prendre des arrêtés en cas de reprise épidémique.

    Mais la mesure la plus controversée restera sans doute la non-réintégration des soignants non- vaccinés , l’obligation vaccinale de ces personnels, alors même que la vaccination ne permet pas d’éviter la contagion mais de limiter uniquement la symptomatologie du virus. Pérenniser l’état d’urgence, pas les soignants, donc…

    Cette réintégration est depuis l’objet d’un conflit électoral récurrent de la part du RN et de LFI, lesquels souhaitent se tailler la part du lion de l’électorat infirmier contestataire.

    Davantage qu’une intégration dans le droit commun, la fin de l’état d’urgence sanitaire s’est en réalité soldée par la fin des mesures les plus emblématiques de cette période, sans mettre fin à la logique sous-jacente.

    Une fin de restriction insipide

    Entre répétition, intégration dans le droit commun ou simple arrêt des mesures phares, les moyens d’écorner notre État de droit en pérénisant l’état d’urgence sont nombreux. L’état d’urgence sanitaire n’y fait pas exception et la fin de quelques restrictions, émiettée dans l’actualité normative, tranche par son absence totale de saveur dans un contexte d’exaspération généralisée.

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      Pour en finir avec le « libéralisme »

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 29 January, 2023 - 04:30 · 4 minutes

    Si vous défendez en France le libéralisme classique vous êtes rapidement soumis à un exercice pénible. Face à l’ignorance de votre auditoire, vous êtes contraint d’expliquer les « droits naturels », de remonter à l’humanisme et à l’ école de Salamanque , de justifier laborieusement que le libéralisme n’est pas que le marché et la concurrence loyale. Ni le capitalisme de connivence.

    Définir facilement le libéralisme est si malaisé que beaucoup commencent par expliquer « ce qu’il n’est pas ».

    Bref, en invoquant le libéralisme, vous perdez vos interlocuteurs même ceux qui seraient plutôt disposés à aller dans votre sens. Car beaucoup commencent à douter du bien-fondé du « tout État ».

    Le concept mussolinien du « tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors l’État » n’a jamais été autant pris en défaut que ces deux dernières années :

    • Réforme des retraites
    • Gestion de l’épidémie de Covid-19
    • Crise énergétique provoquée
    • Dogmatisme écologique
    • Lutte contre la hausse des prix, stigmate de l’inflation monétaire
    • Dysfonctionnements de plus en plus flagrants de l’Éducation nationale, de l’hôpital, des transports publics, de la justice…

    Autant de sujets qui mènent certains esprits sensés – pourtant nourris aux mamelles roses et rouges du mammouth – à douter.

    Si vous vous réclamez du « minarchisme » comme solution possible à ces maux votre auditeur prête une oreille plus attentive que si vous agitez l’épouvantail du libéralisme. C’est ce que j’ai constaté.

    Le minarchisme est plus simple à définir rapidement

    D’abord, l’étymologie est simple : « min » = minimal et « archie » = gouvernement.

    Pas de gros mot qui font peur comme « liberté » avec son effrayant corollaire de « responsabilité ».

    Légère consonnance avec « anarchie » qui évitera de vous faire immédiatement ranger dans la case « fasciste » ou « capitaliste ».

    Wikipedia définit ainsi le minarchisme :

    « Idéologie politique dérivée du libertarianisme qui préconise un État minimal dont la légitimité est enserrée par des limites strictes ».

    Évidemment, vous aurez tout intérêt à éviter la diabolique mention du libertarianisme et à condenser cette définition, par exemple : « politique qui préconise un « État minimal », dont la légitimité est enserrée par des limites strictes ».

    Wikiberal complète un peu, mais en restant simple :

    « L’État étant caractérisé comme un monopole de la violence, ses prérogatives légitimes sont souvent identifiées aux seuls domaines où la violence est justifiée, les « fonctions régaliennes » de l’État : le maintien de l’ordre, la justice, la défense du territoire. »

    Vous pouvez à ce stade paraître sympathique car contre la violence d’où qu’elle provienne. Presque baba-cool … Vous devriez alors pouvoir argumenter sur le bien-fondé de faire reculer les prérogatives de l’État.

    Certes, un libéral farouche vous objectera que la police, la justice et même l’armée pourraient être confrontées à la concurrence. Mais le libéral farouche est une espèce rarissime dans notre merveilleux paradis social et enfer fiscal et ce n’est pas à lui que vous cherchez à ouvrir des horizons.

    À ce stade, vous devriez cependant recevoir les objections classiques :

    « Oui,… mais non ! Que faites-vous de l’éducation, de la politique industrielle, de la culture, de la santé, de l’énergie… Que faites-vous du « lien social » ? ».

    Vous pouvez alors dégainer une autre arme : la subsidiarité.

    La subsidiarité pour contrer l’irresponsabilité

    Je vous l’accorde, la subsidiarité n’est pas le mot politique le plus usuel dans notre merveilleux paradis centralisé. Mais la définition coule assez bien :

    Wikipedia

    « la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action. »

    Vous pouvez là aussi prendre un peu de liberté avec la définition et la remplacer par :

    « La décision d’une action publique doit revenir à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action. »

    Ainsi, vous serez vu d’un bon œil par les habitants des « territoires » excédés des décisions prises à Paris par des gens qui ne subiront jamais les nuisances de leurs erreurs.

    Ceci vous permettra de butiner différents thèmes comme :

    • Le salaire minimal ou le RSA (pourquoi devraient-ils être identiques à Dunkerque et à Nice ? À Dunkerque, le chauffage est un poste bien plus lourd qu’à Nice)
    • La scolarité (pourquoi pas un peu d’initiatives locales dans la pédagogie et les programmes ? Qui est le plus apte à juger de ce qui convient à vos enfants ?)
    • Le lien social et la solidarité consentie et non pas imposée ne seraient-ils pas bien plus forts si les gens concernés avaient leur mot à dire ?
    • Pourquoi la monnaie devrait-elle être administrée par un organisme supranational irresponsable des conséquences de sa création monétaire ?
    • Etc.

    Bref, en combinant minarchisme et subsidiarité, vous devriez pouvoir instiller un peu de libéralisme en évitant d’être étiqueté libéral-au-cœur-sec qui n’aspire qu’à être un loup parmi des loups dévorant des agneaux.

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      Euthanasie : pourquoi tant d’incompréhension ?

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 January, 2023 - 03:30 · 5 minutes

    Pourquoi une petite minorité de militants très actifs s’oppose-t-elle avec tant d’acharnement à l’euthanasie et au suicide assisté ?

    Ce n’est pas vraiment un mystère puisqu’à chaque évolution sociétale (contraception en 1967, IVG en 1975, PACS en 1999, mariage pour tous en 2013, PMA élargie en 2021) nous assistons à la même tragicomédie jouée par des opposants très minoritaires.

    À chaque fois, il s’agirait selon eux d’un pas gravissime franchi vers l’inconnu, d’une atteinte à des principes moraux anciens et intangibles.

    Un acharnement antidémocratique

    Il n’est pas question ici de revenir pour la énième fois sur les arguments et contrarguments des partisans et opposants à l’euthanasie dite active, mais de tenter de situer la parole des opposants. D’où parles-tu ? Qui représentes-tu ? Eu égard au caractère ultraminoritaire des oppositions à l’euthanasie et au suicide assisté, il ne peut s’agir que de personnes n’accordant pas une importance majeure aux principes de base de la démocratie, en particulier la loi de la majorité. Les sondages sont depuis des années tous concordants : plus de 90 % des Français, et en tout état de cause au moins 80 %, sont favorables à cette liberté nouvelle.

    Les opposants contestent la validité de ces sondages avec quelques arguties. Mais leur nombre, la concordance et la permanence dans le temps des résultats ne permettent pas de douter de l’orientation de l’opinion dans ce domaine. Nul doute que cette opinion publique n’est pas toujours fondée sur la rationalité et que l’émotivité joue un rôle, surtout lorsqu’il s’agit de la maladie et de la mort. Mais il n’y a là rien de spécifique : l’opinion publique est toujours déterminée tout autant par des facteurs émotionnels que rationnels.

    Il s’agit donc bel et bien, en toute conscience, de s’opposer à la volonté d’une écrasante majorité de citoyens, de leur interdire d’accéder à une liberté de choix face à la mort. Là encore, pas de véritable surprise. Les opposants sont regroupés en associations proches des milieux les plus conservateurs, voire réactionnaires, du catholicisme. Les musulmans ou les juifs traditionnalistes sont évidemment sur la même ligne idéologique. Ces ultraconservateurs n’ont jamais éprouvé un amour immodéré pour la liberté ni même pour la démocratie et le principe de majorité. In petto, leur sentiment profond est que les principes traditionnels issus de la religion sont supérieurs aux lois votés par les Parlements. Ils défendent avec acharnement ces principes.

    En l’espèce, leur approche consiste à penser ou plutôt à croire que la vie et la mort des êtres humains relèvent de la volonté d’une divinité et non de la liberté des Hommes. On comprend alors que le fait d’aider une personne qui le souhaite à quitter la vie soit perçu comme une atteinte majeure à la sacralité de la vie. Ces traditionnalistes ne comprennent probablement pas que pour un athée ou agnostique, un tel geste, sans aucun doute très difficile à accomplir, représente un ultime témoignage d’amour et de respect de la libre volonté d’une personne.

    Électoralisme de droite, hypocrisie de gauche

    Alors qu’une législation autorisant l’euthanasie et/ou le suicide assisté a été adoptée dans de nombreux pays (Belgique Suisse, Pays-Bas, Luxembourg, Canada Colombie, Oregon, Californie, etc.), l’extrême timidité de la classe dirigeante française sur ce sujet interroge. L’expérience existe et n’a entraîné aucune difficulté majeure, aucun bouleversement dans la société, aucun abus du fait même de l’encadrement extrêmement strict de l’assistance à mourir. Alors, pourquoi tant d’hésitations en France, pourquoi tant de controverses déjà mille fois abordées ailleurs ?

    L’aspect purement électoraliste toujours minutieusement observé par les politiciens professionnels ne concerne vraiment que la droite. Elle risque de perdre un nombre d’électeurs sans doute assez faible mais significatif eu égard aux faibles différences de nombre de voix entre les candidats. La prudence de droite peut donc être intéressée, purement politicienne.

    Bien que l’électorat de gauche soit, lui, massivement favorable à une évolution de la législation, la présidence de François Hollande (2012-2017) n’a fait qu’un pas de clerc dans ce domaine avec la Loi Léonetti (2016) autorisant la « sédation profonde et continue », c’est-à-dire l’endormissement définitif et profond du patient et l’arrêt des soins. Pour beaucoup de personnes favorables à l’euthanasie, il s’agit de la dernière torture possible médicalement. Pourquoi ne pas délivrer le patient, s’il le souhaite, d’une vie qui n’en est plus une ? Pour de pures raisons idéologico-religieuses bien évidemment. Accepter la sédation profonde, c’est en réalité aujourd’hui en France souhaiter quitter la vie sans le pouvoir. Quelle épouvantable hypocrisie !

    Mutation anthropologique ?

    Le thème du changement anthropologique a souvent été évoqué par les opposants à l’euthanasie.

    Ce thème fait l’objet de débats universitaires mais dans un cadre beaucoup plus large. Simple dans son principe, la question peut mener à des développements complexes et très hypothétiques. Voici.

    L’évolution extrêmement rapide de nos sociétés depuis un siècle conduit-elle à l’apparition d’un nouveau type d’individu ? Sommes-nous en présence d’une évolution en profondeur de l’espèce humaine par rapport à ce qu’elle était durant les siècles passés ? Pour traiter le sujet il faut aborder ses aspects économiques (élévation considérable du niveau de vie en Occident), politique (la démocratie), technologiques (la numérisation de l’information, les biotechnologies, etc.) psychologiques, sociologiques, etc. Si le problème de la fin de vie (liée en partie à la technologie médicale car auparavant on mourait rapidement) fait bien partie du sujet de l’éventuelle mutation anthropologique, il n’en est qu’un aspect très particulier.

    Prétendre qu’à elle seule la possibilité de finir sa vie librement avec l’aide d’autrui représente un bouleversement anthropologique relève du mensonge ou du fantasme d’idéologues en mal de justifications conceptuelles.

    Crispation et pusillanimité

    La crispation conservatrice face une liberté nouvelle ne surprend pas. Mais la pusillanimité de tous les gouvernants français étonne car ils semblent hésitants face à une population déterminée. L’étonnement est d’autant plus grand que de multiples expériences étrangères peuvent être analysées. De toute évidence, nous n’irions pas vers l’inconnu ni vers un changement majeur comme aiment à le croire les opposants.

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      chapitre 17 À quoi sert l'école ? extrait 79

      Angélique Andthehord · Tuesday, 10 January, 2023 - 14:46

    Tout le monde me regardait, tout le monde attendait ma réaction. Visiblement, toute la classe partageait l'avis de Marie-Annick mais je ne perçus aucune pression exercée sur moi, ce qui aurait été suffisant pour que je me renfermasse sur moi-même et qu'on ne pût rien obtenir de moi. Même Marie-Annick, quand elle voulait m'embêter, elle venait à côté de moi alors que, là, elle ne me parlait que depuis sa place, de l'autre côté de la classe.

    « De quoi t'as peur ? insista-t-elle. Si on t'dit quelque chose, t'auras qu'à répondre que tu croyais qu'c'était plus obligé pour les 5ème. »

    C'est vrai, après tout. Pourquoi ça serait obligé pour moi alors que les autres, elles le mettent jamais, ni dans la classe, ni dans les couloirs, ni au réfectoire, ni dans le parc et on leur dit jamais rien.

    Du coup, je me levai, enlevai mon tablier, le pliai et le rangeai au fond de mon cartable. Sur ce, je quittai la classe pour aller aux cabinets.


    extrait de : Les 5ème


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