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      « Nous voulons faire avancer le projet d’une Espagne républicaine, plurinationale et démocratique » – Entretien avec Lilith Verstrynge

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Tuesday, 20 June, 2023 - 19:54 · 19 minutes

    Alors que le gouvernement espagnol dirigé par le socialiste Pedro Sánchez affiche une politique ambitieuse sur le plan social ces dernières années, notamment grâce à ses partenaires de la gauche radicale, les élections municipales du 28 mai dernier en Espagne ont été marquées par une percée de la droite. Un temps divisée entre Podemos et Sumar, nouvelle formation menée par la charismatique ministre du Travail Yolanda Díaz, la gauche espagnole a finalement trouvé un accord de rassemblement le 9 juin dernier. Cet accord, obtenu à l’issue de dures négociations, devrait permettre d’éviter que la droite n’obtienne la majorité absolue aux élections générales convoquées le 23 juillet prochain par le chef du gouvernement. Dans ce contexte, nous nous sommes entretenus avec Lilith Verstrynge. Ancienne directrice de la rubrique Politique du Vent Se Lève , Lilith Verstrynge est désormais secrétaire d’État à l’Agenda 2030 au sein du gouvernement espagnol, et secrétaire à l’organisation de Podemos. Au terme de cet accord, elle figure également sur la liste présentée à Barcelone par Sumar-En Comú Podem. Dans cet entretien, elle revient sur la situation politique espagnole, sur le bilan social du gouvernement Sánchez, sur sa fonction au sein de ce gouvernement, sur les élections à venir ou encore sur les relations franco-espagnoles.

    LVSL – La dernière réforme des retraites espagnole a fait l’objet d’un vif débat d’interprétation en France, dans le contexte de la contre-réforme portée par le gouvernement d’Élisabeth Borne. Si les opposants à ce projet ont pointé du doigt le sens progressiste de l’exemple espagnol et le fait qu’il existait d’autres solutions de financement – avec notamment une mise à plus forte contribution des hauts revenus et des entreprises –, l’exécutif et ses relais médiatiques ont au contraire insisté sur l’âge de départ à 67 ans, sans préciser que le nombre d’annuités nécessaire de l’autre côté des Pyrénées était fixé à 37 ans, soit 6 ans de moins que chez nous. Quel regard portez-vous sur ce débat ?

    Lilith Verstrynge – Je pense qu’il ne faut pas tirer de conclusions définitives sur les spécificités de chaque système de retraite. En effet, les institutions de protection sociale sont le résultat d’évolutions historiques, notamment du rapport de force politique et de l’état de la lutte des classes. En ce sens, on sait que la France a toujours été à l’avant-garde dans la lutte pour les droits des travailleurs. C’est le mouvement ouvrier qui, à travers ses luttes, a permis le développement de ces systèmes toujours complexes et comportant de nombreuses variables, avec des caractéristiques propres à chaque pays et à chaque période. Dans ce développement historique, les organisations de la classe ouvrière ont donné la priorité à certaines luttes par rapport à d’autres, souvent pour des raisons circonstancielles qui ne peuvent donc être extrapolées à d’autres contextes.

    Pour la première fois en Espagne, un gouvernement, dans un contexte de crise, a donc décidé de ne pas choisir l’austérité et les coupes budgétaires dans les droits sociaux.

    Pour autant, il est évident que dans la période qui est la nôtre, en Europe, l’un des enjeux de la lutte contre le néolibéralisme est précisément cette question des retraites. En Espagne, tant en 2010 qu’en 2013, les gouvernements en place ont affaibli le système de retraite. Dans le contexte actuel, avec un gouvernement plus favorable aux revendications populaires, nous avons réalisé une petite avancée en mettant davantage à contribution les plus riches pour qu’il n’y ait pas de baisse des prestations. L’une des autres motivations de ce choix était de faire en sorte que le système soit pérenne afin qu’il ne pénalise pas les jeunes mais qu’il repose sur ceux qui ont le plus d’argent.

    Pour la première fois en Espagne, un gouvernement, dans un contexte de crise, a donc décidé de ne pas choisir l’austérité et les coupes budgétaires dans les droits sociaux. Cela fait partie de la même bataille que les citoyens français ont mené dernièrement contre la réforme d’Emmanuel Macron. Depuis l’Espagne, et notamment depuis Podemos, nous avons suivi de près les manifestations en France et nous pensons qu’il est injuste et antidémocratique que Macron applique une réforme contre la souveraineté populaire et la volonté des Français. Nous espérons que cette réforme sera tôt ou tard abandonnée. Les luttes des pays voisins et frères sont également importantes pour que notre pays continue à mener une politique en faveur de la promotion des droits sociaux.

    LVSL – Comme vous l’avez souligné, la politique sociale ambitieuse menée en Espagne depuis le retour au pouvoir de la gauche en 2018 autour de Pedro Sánchez, tranche avec celle menée par Emmanuel Macron en France depuis 2017, voire avec le social-libéralisme qui avait marqué le quinquennat Hollande. Quelles ont été les grandes réalisations sociales de ce gouvernement et comment expliquer deux orientations aussi différentes de la social-démocratie de part et d’autre des Pyrénées ?

    L. V. – De nombreuses mesures concrètes peuvent être citées. Dans la politique des droits sociaux, par exemple, nous avons parcouru un long chemin dans le développement de ce que l’on appelle le quatrième pilier de l’État-providence, qui englobe toutes les politiques de la dépendance. Ce sujet était jusqu’alors très peu développé en Espagne et nous avons réussi à beaucoup avancer dessus. Du point de vue de la législation sur le travail, ce gouvernement a été le premier depuis la mort de Franco [en 1975, NDLR] à adopter des lois sur le travail qui ont fait avancer significativement les droits des classes laborieuses.

    En plus de ces mesures structurelles, au cours de la dernière législature, et en réponse à la crise pandémique et à la guerre en Ukraine, nous avons développé ce que l’on a appelé le Bouclier social. Nous avons essayé de faire en sorte que, dans une situation de besoin, l’État protège et défende les classes populaires. Pour cela, nous avons réalisé de nombreuses mesures comme le plafonnement des loyers, les aides directes, la limitation du prix de l’énergie, le subventionnement des transports en commun… Toutes avec la même logique : il faut que les citoyens voient que, face à une crise comme celle que nous avons vécue, l’État est capable de contrôler le marché et d’intervenir quand cela s’avère nécessaire.

    De grandes lois sur l’égalité entre les hommes et les femmes ont également été appliquées, ainsi que des lois plus directement féministes : la loi sur l’avortement – qui assure l’avortement libre et public dans toutes les communautés autonomes –, la « loi trans » et sur les droits des personnes LGBTI+, ou encore la loi sur le consentement sexuel.

    Aujourd’hui, sur le plan social, le gouvernement espagnol mène une politique plus ambitieuse que le reste des gouvernements européens et constitue la preuve qu’il est possible d’aller au-delà du néolibéralisme.

    Je crois que le facteur fondamental qui permet d’expliquer la différence entre l’orientation progressiste du gouvernement espagnol et celle du reste des gouvernements européens est la présence de Podemos au sein du gouvernement. En tant que force issue de la mobilisation sociale et reposant sur une forte contestation du système, la question d’entrer ou non au gouvernement a toujours été au centre de nos réflexions stratégiques. Malgré le fait que certains de nos alliés ne l’ont pas forcément vu du même œil, à Podemos, nous avons toujours pensé que la seule façon de changer certaines choses était de participer au gouvernement. Depuis, je crois que nous l’avons prouvé. Aujourd’hui, sur le plan social, le gouvernement espagnol mène une politique plus ambitieuse que le reste des gouvernements européens et constitue la preuve qu’il est possible d’aller au-delà du néolibéralisme, lorsqu’il s’agit de faire de la politique.

    LVSL – Le gouvernement de coalition constitué autour de Pedro Sánchez regroupe les socialistes du PSOE et d’autres forces politiques de gauche radicale, comme les communistes et Podemos, dont vous êtes secrétaire à l’organisation. Quel est aujourd’hui le rapport interne aux forces de gauche en Espagne ? Où en sont par ailleurs les débats autour du populisme de gauche en Espagne, pays où il fut particulièrement puissant ?

    L. V. – La gauche en Espagne vit un moment de transition et de recomposition après avoir fait l’expérience du gouvernement. C’est la première fois depuis la Seconde République [de 1931 à 1939, NDLR] que des forces politiques à la gauche de la social-démocratie accèdent à l’exécutif. En ce sens, nous devons intégrer cette expérience dans nos organisations et dans nos stratégies afin de continuer à progresser au cours des prochaines années.

    Dans ce contexte, je pense qu’il existe un consensus général sur le fait que la participation au gouvernement est quelque chose de positif. Ce gouvernement est un franc succès, puisque c’était un pari politique de Podemos. C’est important car, comme je l’ai dit, il y a quatre ans, Podemos était pratiquement la seule force à rechercher du gouvernement de coalition. Il est donc satisfaisant que notre hypothèse d’alors soit désormais partagée par l’ensemble de notre espace politique.

    Au-delà de ce consensus, la plus grande différence repose sur le fait que certains croient que nous ne pouvons pas dépasser les limites-mêmes du Régime de 1978 [instauré au moment de la Transition démocratique, NDLR], et que nous sommes donc destinés à faire une « meilleure social-démocratie » que le PSOE. D’autres partis, comme Podemos, pensent au contraire qu’il est possible de surmonter certains « verrous » institutionnels qui persistent. En ce sens, depuis Podemos, nous sommes fortement engagés dans l’alliance avec les forces de l’Espagne plurinationale, en particulier Esquerra Republicana de Catalunya [la Gauche républicaine catalane, NDLR] et Euskal Herria Bildu [coalition nationaliste basque de gauche, NDLR] pour faire avancer le projet plus large d’une Espagne républicaine, plurinationale et démocratique.

    LVSL – Vous êtes également membre du gouvernement espagnol, plus précisément secrétaire d’État à l’Agenda 2030, depuis juillet 2022. Quel est votre rôle et en quoi consistent plus précisément vos fonctions ?

    L. V. – L’Agenda 2030 synthétise les grands objectifs de l’humanité face à la transformation de notre monde. C’est un document long et contradictoire, mais qui reprend certains des enjeux pour lesquels les mouvements sociaux se battent depuis des décennies : la justice climatique, la réduction des inégalités mondiales, un niveau minimum de développement social pour l’ensemble de l’humanité ou encore l’égalité entre les hommes et les femmes. En ce sens, je crois que l’existence d’un engagement international autour de ces objectifs constitue déjà un acquis en tant que tel.

    Au sein du gouvernement espagnol, je suis donc chargée de l’application de ces objectifs dans notre pays, tout en étant garante de la souveraineté de ce dernier. Nous avons développé une stratégie autour de huit grands axes de transformation qui feraient de l’Espagne un pays durable, avec moins d’inégalités et un système de production plus avancé. Mon rôle est donc de coordonner toutes les politiques publiques du gouvernement espagnol afin qu’elles fonctionnent de manière cohérente avec ces objectifs.

    LVSL – L’Espagne apparaît comme une société extrêmement fracturée, notamment sur la question territoriale et identitaire. L’émergence de Vox à l’extrême-droite, les remises en cause de la nouvelle loi sur la mémoire historique et les crispations autour des nationalismes périphériques ont réinterrogé en profondeur les fondements de la monarchie constitutionnelle espagnole, hérités de la Transition démocratique. Dans de telles conditions, comment faire émerger un projet de société majoritaire et en même temps progressiste en Espagne ? Les aspirations à une Espagne républicaine progressent-elles dans la société ?

    L. V. – Pour répondre à cette question, il faut déplacer notre regard du présent et analyser le temps long. Il y a dix ans, l’Espagne vivait dans une révolte permanente. Chaque jour, il y avait des mobilisations, la désobéissance civile était devenue fréquente sur des questions telles que les expulsions et la majorité de la population critiquait très fortement la politique néolibérale et ses implications économiques. C’est ce contexte qui a permis à un mouvement comme Podemos d’émerger comme option politique jusqu’à s’imposer dans le gouvernement.

    La volonté de transformation dans un sens démocratique reste très importante en Espagne.

    Il est vrai que les choses ont changé et que désormais, nous sommes confrontés à un mouvement inverse. Toutefois, la volonté de transformation dans un sens démocratique reste très importante en Espagne, notamment autour de questions clés. Par exemple, une enquête publiée le 10 avril dernier a montré que 75% de la population estime que le prix de location des logements devrait être plafonné. Face à des campagnes médiatiques massives contre de telles mesures, il existe toujours une opinion majoritaire prête à intervenir sur le marché pour garantir le droit au logement.

    C’est précisément en partant de ce type de questions, qui sont idéologiquement transversales mais qui montrent qu’il existe dans notre pays une base solide opposée au néolibéralisme, que nous pouvons construire cette majorité progressiste qui dépasse les limites du système actuel et créer autre chose de plus juste et démocratique.

    LVSL – La défaite électorale de la gauche aux dernières municipales et la convocation surprise d’élections générales pour le 23 juillet par Pedro Sánchez ont suscité de nombreux débats stratégiques à gauche. Comment analysez-vous ces résultats ?

    L. V. – En 2021, Pablo Iglesias s’est présenté aux élections régionales à Madrid. Le 5 mai, il a annoncé publiquement qu’il quittait la vie politique. Il a pris sa décision après une analyse rigoureuse à travers laquelle sa personne politique était devenue le bouc émissaire mobilisateur de la pire droite de notre pays. Podemos, mais en particulier Pablo Iglesias, font l’objet de persécutions depuis des années dans les médias mais aussi politiquement et judiciairement. Au fil du temps, progressivement, cela a laissé une trace de stigmatisation dans notre organisation politique et chez nombre de ses dirigeants.

    Quand Pablo a abandonné la politique, il l’a fait avec un projet pour la gauche. Un processus de renouvellement, une succession. D’un côté, une nouvelle direction à la tête de Podemos avec des femmes comme Ione Belarra, actuelle secrétaire générale, Irene Montero, secrétaire politique, Isa Serra, porte-parole et Idoia Villanueva, responsable internationale. De l’autre, une démarche de leadership externe à notre organisation politique, représentée par Yolanda Díaz. La feuille de route était l’unité des forces de gauche que les conflits internes et la réalité territoriale de notre pays avaient auparavant désunies ou n’avaient pas réussi à unir.

    Cette fois-ci, la désunion nous a pénalisés électoralement puisque l’électorat progressiste considère que l’unité de notre espace politique est essentielle.

    Lors des dernières élections régionales et municipales, Podemos a suivi cette feuille de route en essayant de parvenir à un maximum d’accords d’unité au niveau régional et municipal. Certaines forces politiques telles que Compromís ou Más Madrid ne voulaient pas de candidatures unitaires. En 2015, ce type d’accords avait été une condition nécessaire de notre victoire dans la plupart des grandes villes d’Espagne, notamment Barcelone et Madrid. Cette fois-ci, la désunion nous a pénalisés électoralement puisque l’électorat progressiste considère que l’unité de notre espace politique est essentielle. Cela a donc provoqué de la désaffection voire de l’abstention.

    Bien sûr, d’autres raisons permettent de comprendre ce résultat. L’Espagne n’est pas exempte de la réalité européenne et internationale, de la prolifération de gouvernements de droite et d’extrême droite. Le gouvernement espagnol, avec le PSOE et Podemos à l’intérieur, a également été le gouvernement qui a dû gérer une pandémie inédite et les conséquences de la guerre en Ukraine. Cette gestion, bien que progressiste et protectrice de l’État contre le marché prédateur, a fait des ravages électoraux sur ces deux formations politiques.

    Les niveaux d’abstention ont été très élevés à gauche tandis que les électeurs de droite ont considéré ces élections régionales et municipales comme une sorte de référendum contre le gouvernement central. Celui-ci a été dirigé par Isabel Díaz Ayuso, à la tête du Parti populaire de Madrid et qui est aujourd’hui le principal instrument idéologique de la droite espagnole.

    La convocation quasi immédiate d’élections générales par Pedro Sánchez, 24 heures seulement après ces résultats, visait à générer un choc de mobilisation au sein de l’électorat progressiste, mais aussi à capter ce vote au profit de son organisation politique, le Parti socialiste, en tant que vote utile contre une droite très organisée. Sanchez a ainsi renoncé à mettre en valeur le gouvernement progressiste et ses alliances. Au contraire, Podemos essaie de faire comprendre au PSOE depuis des mois qu’en revendiquant l’action de notre alliance gouvernementale progressiste et de la majorité plurinationale au Congrès des députés (avec Bildu et ERC), il serait possible d’assurer un deuxième gouvernement progressiste.

    LVSL – Finalement, un accord électoral a été trouvé sur le fil entre Podemos et Sumar. Pouvez-vous revenir sur les enjeux de cet accord et sur les perspectives pour la gauche dans ces élections ? La victoire annoncée de la droite réactionnaire est-elle inéluctable ?

    L. V. –
    Podemos et Sumar ont récemment signé un accord de coalition électorale. Un accord qui n’a pas été facile à accepter puisqu’il impliquait le veto politique d’Irene Montero, numéro 2 de notre organisation politique et actuelle ministre à l’Égalité. De notre point de vue, ce veto est une erreur politique et un message dangereux pour la société, qui a à voir directement avec la volonté de discipliner politiquement le féminisme. Irene Montero, depuis le ministère à l’Égalité, a promu les droits de tous. Avec ce veto, on concède en quelque sorte que l’extrême droite, qui a construit une bonne partie de sa position politique contre les politiques du ministère à l’Égalité et spécifiquement contre Irene Montero, a raison.

    Malgré cela, nous allons nous présenter aux élections législatives avec Sumar, car dans le cas contraire, nous aurions facilité la tâche de la droite et de l’extrême droite qui auraient pu obtenir la majorité absolue. On peut donc encore éviter un gouvernement de PP et de Vox en Espagne, notamment grâce à cet accord responsable. Et malgré tout, Podemos continuera à travailler à la reconduction d’un gouvernement de coalition progressiste.

    LVSL – Le 19 janvier dernier – lors de la première journée de mobilisation contre sa réforme des retraites –, Emmanuel Macron a rendu visite à Pedro Sánchez à Barcelone pour le 27ème Sommet franco-espagnol. Où en sont les liens et la coopération entre nos deux pays ? Le Traité de Barcelone signé à cette occasion va-t-il changer grand-chose ?

    L. V. – Il est tôt pour le définir. Dans le moment que nous traversons, où les équilibres classiques de l’UE ont été rompus par la guerre en Ukraine, tous les États jouent des cartes différentes. C’est ce qu’a essayé de faire Macron avec Mario Draghi en Italie, bien que cette voie ait été stoppée par la victoire de Giorgia Meloni. Désormais, en partie à cause de la crise énergétique, il semble que l’Espagne soit un nouveau partenaire stratégique pour la France, puisqu’elle pourrait être une voie d’entrée privilégiée pour le gaz algérien ou l’hydrogène vert.

    Nous sommes confrontés à la nécessité historique de réformer l’Union européenne. Cela nous oblige à parler de l’OTAN et des limites qu’elle nous impose, mais aussi de ce que devrait être la relation avec la Chine

    En tout cas, je crois que tant que les alliances se feront sur ce type d’intérêts conjoncturels et non sur des visions partagées de l’Europe, elles ne dureront pas. Nous sommes confrontés à la nécessité historique de réformer l’Union européenne. Nous devons être en mesure de poser des bases solides pour que l’Union soit autonome, souveraine et garantisse les droits des peuples concernés dans un monde qui va profondément changer dans les décennies à venir. Cela nous oblige à parler de l’OTAN et des limites qu’elle nous impose, mais aussi de ce que devrait être la relation avec la Chine ou de la manière dont nous accélérons la transition écologique dans toute l’Europe. Tels sont les grands enjeux qui doivent articuler la relation entre la France et l’Espagne.

    LVSL – Vous ne cachez d’ailleurs pas vos liens avec notre pays, et la fascination que constituent à vos yeux l’histoire et la vie politique française. Pourriez-vous revenir sur votre parcours intellectuel et politique, ainsi que sur l’importance de la France dans ce parcours ?

    L. V. – Tout d’abord, je suis franco-espagnole. J’ai eu la chance de pouvoir étudier en France, après avoir quitté l’Espagne à l’âge de dix-sept ans. J’ai été entièrement éduquée dans le système français, au Lycée français d’abord, lors de mon enfance en Espagne, et à l’université ensuite, en licence d’histoire à Paris-Diderot puis en master de sciences politiques et d’études européennes à la Sorbonne.

    Mes références politiques et historiques sont profondément marquées par l’influence de la France, à commencer par la Révolution française et toutes les grandes figures révolutionnaires. Mon engagement politique a également commencé en France, avec la France insoumise, alors que je suivais par exemple le 15M [mouvement des Indignados né sur la Puerta del Sol à Madrid le 15 mai 2011, NDLR] à distance.

    J’ai donc la chance d’être liée à ces deux pays. La France m’a donné tout ce dont je dispose pour faire de la politique actuellement en Espagne. De tous ces outils, les valeurs républicaines et l’implication politique et sociale que j’ai forgées en France sont sans doute les plus enrichissants.

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      Espagne : l’assaut de Pedro Sanchez contre la Constitution

      César Casino Capian · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 16 November, 2022 - 03:45 · 6 minutes

    Pour garantir sa continuité au pouvoir, Pedro Sanchez a négocié avec les indépendantistes catalans la suppression du délit de sédition pour lequel ils avaient été condamnés en 2019. Cette énième atteinte à l’État de droit sort définitivement le PSOE de la catégorie de parti constitutionnaliste.

    CGPJ : le double jeu de Sanchez

    Dans un précédent article, j’avais eu l’occasion d’expliquer de façon détaillée le fonctionnement du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ), équivalent espagnol du Conseil de la magistrature, ainsi que sa perte d’indépendance progressive au profit des pouvoirs exécutif et législatif.

    Alors que le mandat des membres du CGPJ a expiré depuis quatre ans, la crise du bipartisme et la polarisation politique rendent impossible un consensus entre les formations politiques pour son renouvellement, ce qui provoque une crise sans précédent du système judiciaire espagnol.

    Le 10 octobre, le président du CGPJ a démissionné afin de protester contre l’absence de renouvellement avec l’intention de créer un choc dans l’opinion publique. Contraint de relancer la négociation mais peu habitué au dialogue avec Pedro Sanchez, l’ancien président galicien et nouveau dirigeant du Parti Populaire (PP), Alberto Núñez Feijóo, a repris des négociations avec le Parti socialiste (PSOE) qui ont rapidement dégénéré en tragi-comédie.

    Il s’est avéré en effet qu’en parallèle de ces négociations, le PSOE négociait en catimini avec le parti indépendantiste catalan ERC son soutien au projet de loi de finances pour 2023 en échange de l’engagement des socialistes à supprimer le délit de sédition du Code pénal pour le remplacer par un délit de troubles aggravés à l’ordre public aux peines moins importantes .

    Il convient de rappeler que les indépendantistes catalans, coupables de l’organisation du référendum illégal du 1 er octobre 2017 et de la déclaration d’indépendance qui s’ensuivit, avaient été condamnés pour sédition à des peines entre 9 et 13 années de prison . Par l’effet du principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable au délinquant, le tour est ainsi joué et nos apprentis putschistes verront donc leurs peines réduites au minimum et retrouveront leur éligibilité .

    Non contents d’avoir obtenu leur grâce hors du cadre juridique applicable en la matière , Pedro Sanchez a du boire le calice jusqu’à la lie et accepter la suppression du Code pénal du délit dont ils se sont rendus coupables afin de garantir la continuité de son gouvernement pour quelques mois de plus.

    En apprenant la teneur de l’accord entre nationalistes et socialistes, Feijóo a été contraint de mettre fin aux négociations pour le renouvellement des magistrats du CGPJ.

    « Le mensonge comme forme de gouvernement »

    En l’absence de cadre légal pour une amnistie générale, la suppression du délit de sédition du Code pénal était en discussion depuis plusieurs mois entre le PSOE et ERC. Le PP a donc cherché à s’assurer que les socialistes ne jouaient pas de double jeu. À quelques mois des élections municipales et régionales, les populaires en concurrence avec Vox ne pouvaient pas se permettre de céder au chantage des socialistes qui les accusent d’obstruer le jeu constitutionnel du renouvellement du CGPJ alors qu’eux-mêmes bradent sciemment la souveraineté nationale au profit de délinquants nationalistes qui clament depuis le début leur intention de récidiver dès que l’occasion se présentera

    Le 12 novembre, El Mundo a révélé les messages échangés avant la rupture du dialogue entre les deux chargés de la négociation, le député européen du PP Estéban Gonzalez Pons et le ministre socialiste Félix Bolaños. Lorsqu’à la veille de l’annonce de l’accord le premier interrogea le second sur l’existence de négociations portant sur la suppression du délit de sédition, l’émissaire socialiste lui répondit sans sourciller « C’est une non-nouvelle, rien ne porte sur la sédition ».  Ce n’est qu’après une conversation directe entre Sanchez et Feijóo que le premier dut reconnaître le marché avec les nationalistes catalans.

    Pourtant, durant la campagne électorale de 2018, Pedro Sanchez avait déclaré que les actions commises par les nationalistes catalans en septembre et octobre 2017 constituaient une rébellion. Il s’était même engagé à modifier l’article correspondant du Code pénal afin que la justice puisse sanctionner les formes hybrides d’atteintes à l’ordre constitutionnel qui ne reposeraient pas totalement sur l’emploi de la force. Entretemps, les tribunaux espagnols ont tranché et condamné les indépendantistes catalans pour sédition, un délit aux peines inférieures, considérant qu’il manquait un degré de violence à leurs actions pour qu’existe une rébellion. Le revirement est brutal.

    Le président du gouvernement n’en est pas à son premier mensonge : il avait aussi dit qu’il ne s’allierait jamais avec Podemos ni avec Bildu, l’émanation politique de l’ETA, qu’il ne gracierait jamais les nationalistes catalans coupables d’une tentative de coup d’État et qu’il redonnerait au CGPJ son indépendance . Ce lourd pédigrée et sa dernière trahison à la Nation lui ont donc valu un éditorial particulièrement cinglant dans le journal de centre-droit El Mundo , intitulé « Le mensonge comme forme de gouvernement ».

    Le PSOE a choisi son camp

    En méprisant les règles élémentaires de la loyauté et de la morale politique, Pedro Sanchez semble entériner une alliance de gouvernement durable avec Podemos et le soutien continu des partis nationalistes catalans et basques, y compris ceux issus de l’ETA.

    Sur le long terme, son consentement à des demandes nationalistes chaque jour plus délirantes aggrave les problèmes territoriaux de l’Espagne : ce qu’il appelle « dialogue » n’est rien d’autre que la poursuite du marchandage démocratique qui ne cesse de fracturer une Espagne de plus en plus invertébrée.

    L’enjeu de la mainmise du pouvoir exécutif sur le pourvoir judiciaire apparait désormais clairement. Nombreux ont été les observateurs à dénoncer que la mise en œuvre des programmes politiques et économiques de la coalition socialo-communiste nécessitait un pouvoir judiciaire sous contrôle et très particulièrement le Tribunal Constitutionnel, dont les membres sont nommés par le CGPJ.

    A un an des prochaines élections générales, Sanchez joue son va-tout en radicalisant les rapports politiques pour rassembler le camp de la gauche et exclure le PP du champ de l’acceptabilité politique. Dans un an, même si la droite devait accéder au pouvoir, les oppositions de toutes sortes reprendront les hostilités et assimileront toute tentative de réforme à une résurgence du franquisme.

    Face aux tensions qui traverseront un Etat qu’il aura lui-même contribué à désarmer, notamment en supprimant le délit de sédition, le PSOE pourra se présenter comme le seul parti capable d’apaiser la situation. En achetant la paix sociale comme il le fait, Pedro Sanchez se fait complice des ennemis de la Constitution : tant que les nationalistes prospéreront, il aura une raison d’être.

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      CNT 31 · Sunday, 27 September, 2020 - 14:37

    https://upload.movim.eu/files/7b4a27eed4cd52381dd25ae94920402e838b41d3/dWxIqDiWwAqjHcxSsGI88PzryY5j1l31ZDCqdigS/SurMadridViolenciaEstado.jpg

    Communiqué #CNT #Madrid Comarca Sur : La violence de l’État n’étouffera pas nos voix

    En castillan : https://www.cnt.es/noticias/la-violencia-del-estado-no-acallara-nuestra-voz/

    La police du gouvernement #PSOE - #Podemos a chargé une manifestation d’habitant-e-s des quartiers populaires du sud de Madrid. Les habitant-e-s vont subir un confinement ségrégationniste de leurs quartiers, alors que les quartiers bourgeois restent dé-confinés. Ce confinement de classe a été décidé localement par la droite, cette même droite, qui avec ses politiques d’austérités, a ravagé ces dernières années les services publiques, notamment de santé. Les manifestant-e-s exigent un investissement massif et immédiat dans les services publiques pour faire face à la deuxième vague de la pandémie. #Solidarité inconditionnelle avec les camarades arrêté-e-s et/ou blessé-e-s.

    Rappelons que les conspirationnistes et l’ #extrême-droite post-franquiste et pro-patronal du partie #Vox, ont pu, eux manifester tranquillement à plusieurs reprises, souvent ensemble d’ailleurs. (Pas plus tard que le 12 septembre dernier).

    Nos vies pas leur profit. Vive l’auto-organisation de classe.

    #internationalisme #politique #actu #actualité #covid #société #crise #santé #pandémie #lutte #social #Espagne #España #Política