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      Puce gravée en 7 nm : entre fantasmes et réalités, de quoi la Chine est vraiment capable ?

      news.movim.eu / Numerama · Saturday, 9 September, 2023 - 14:20

    Avec sa puce chinoise, Huawei a-t-il vraiment réalisé l'exploit du siècle, comme certains l'affirment ? Cet article revient sur des années de recherche chinoise, pour mieux comprendre ce qu'il se passe dans le monde des micro-conducteurs. [Lire la suite]

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      La Chine proche d’un exploit technologique : Huawei a fabriqué sa propre puce 7 nm

      news.movim.eu / Numerama · Monday, 4 September, 2023 - 10:01

    Inscrit sur liste noire commerciale par les États-Unis de Donald Trump, Huawei a coulé entre 2019 et 2023, n'étant plus en mesure de fabriquer des appareils dernier cri. Son dernier smartphone, le Mate 60, semble embarquer la première puce chinoise susceptible de rivaliser avec celles des Américains et des Taïwanais. [Lire la suite]

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      Pourquoi les salaires montent ? Pas grâce au SMIC

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 9 February, 2023 - 04:15 · 8 minutes

    Par Jack Elbaum.

    En 2023, plus de la moitié des États augmenteront leur salaire minimum .

    Bien que cela puisse ressembler à une recette pour un désastre, des rapports récents ont démontré que cela ne devrait pas avoir un impact significatif sur l’emploi ou les salaires. La raison en est simple : les salaires des emplois peu qualifiés ont augmenté ces derniers mois dans un contexte de forte demande de main-d’œuvre , ce qui a provoqué une pénurie de cette dernière. Ainsi, le salaire d’équilibre pour les emplois peu qualifiés – précisément les emplois qui seraient régulièrement touchés par une hausse du salaire minimum – est déjà supérieur au plancher salarial qui sera déplacé dans de nombreux cas.

    Une analyse par le Wall Street Journal reposant sur de données compilées par Nathan Wilmers, professeur au MIT, a révélé que « jusqu’en septembre, les 10 % de travailleurs les plus pauvres en termes de revenus dans chaque État gagnaient des salaires horaires qui étaient en moyenne un tiers plus élevés que le salaire minimum de leur État ». Cette « marge d’un tiers était la plus élevée depuis au moins une décennie », note le journal.

    Dans certains États, la différence est encore plus prononcée.

    Au Minnesota, par exemple, le journal a constaté que les 10 % de salariés les moins bien rémunérés gagnent environ 40 % de plus par heure que le salaire minimum de l’État. En outre, un journal local du Michigan explique que même si le salaire minimum doit passer à 10,10 dollars de l’heure cette année, la plupart des propriétaires d’entreprises paient déjà de 1 à 4 dollars de plus pour les emplois peu qualifiés. À peine 1 % des travailleurs du Michigan gagnent le salaire minimum aujourd’hui, alors qu’ils étaient 10 % de moins il y a dix ans.

    Pourquoi les salaires augmentent-ils ?

    Il convient de noter que si ces gains devraient normalement être un motif de réjouissance, l’inflation récente a dépassé la croissance des salaires. Cela signifie qu’en termes réels, les salaires n’ont pas nécessairement augmenté. Il s’agit toutefois d’une question distincte qui mérite une analyse à part entière.

    Ce qui est pertinent pour notre discussion, c’est que le phénomène expliqué ci-dessus démontre que les salaires ne sont pas poussés à la hausse par les augmentations du salaire minimum mais plutôt par les forces du marché, notamment l’investissement et la concurrence.

    Nous pouvons voir comment cela fonctionne en considérant un scénario simplifié.

    L’entreprise A est prospère et réalise des bénéfices, ce qui signifie qu’elle a gagné plus de revenus que nécessaire pour couvrir ses coûts actuels. Par conséquent, afin de développer davantage son activité, elle investira une partie de ses bénéfices dans des activités telles que la formation des travailleurs à de nouvelles compétences ou la mise en œuvre de nouvelles technologies. Ces investissements rendront probablement les travailleurs existants plus productifs, ce qui leur permettra de générer davantage de revenus pour l’entreprise qu’auparavant. La concurrence des autres entreprises pour cette main-d’œuvre de plus en plus productive crée une pression à la hausse sur les salaires.

    Il ne s’agit pas d’une sorte de fantasme du marché libre mais d’une réalité empirique. Récemment, cette concurrence pour la main-d’œuvre a entraîné des augmentations de salaire pour des centaines de milliers de travailleurs dans des entreprises allant de Walmart à Costco en passant par Amazon.

    Les salaires ont encore augmenté en raison de la pénurie de main-d’œuvre car de nombreuses entreprises tentent de surenchérir pour un nombre limité de travailleurs. Mais les employeurs ne sont pas seulement en concurrence les uns avec les autres ; ils sont également en concurrence avec ce qui empêche d’entrer sur le marché du travail, comme les allocations de chômage. Les entreprises doivent convaincre les travailleurs qu’elles leur apportent plus de valeur que toutes les autres solutions.

    De cette façon, nous pouvons voir que les salaires augmentent pour deux raisons qui sont souvent, mais pas toujours, liées entre elles : l’investissement qui augmente la productivité et la concurrence.

    Dans la plupart des cas, ce qu’un salaire minimum tente de faire, c’est d’augmenter les salaires sans changer la dynamique sous-jacente du marché. Bien que cela puisse augmenter artificiellement les salaires pour certains – mais pas sans contreparties importantes sous la forme de pertes d’emplois – cela ne reflète pas les conditions réelles du marché.

    Deux types de salaires minimum

    Un cynique pourrait affirmer que le fait que certaines hausses du salaire minimum soient sans conséquence prouve que « l’augmentation du salaire minimum ne provoque pas de chômage ».

    Mais ce serait une erreur. Le bon sens veut que les personnes ou les entreprises achètent moins d’un bien lorsque celui-ci devient plus cher. Cela est vrai qu’il s’agisse d’acheter des parts de pizza ou d’engager des employés. Ce que cette histoire démontre plutôt c’est la différence entre les salaires minimum contraignants et non contraignants.

    Lorsque l’on parle de salaire minimum en politique, on parle presque toujours de salaire minimum contraignant. Cela signifie simplement que le salaire minimum proposé est plus élevé que le salaire d’équilibre, obligeant ainsi les employeurs à payer plus que ce qu’ils auraient payé autrement. Cela conduit les entreprises à embaucher moins de salariés, toutes choses égales par ailleurs.

    Cependant, dans certains cas, le salaire minimum proposé est inférieur au salaire d’équilibre, ce qui signifie que l’entreprise allait déjà payer davantage les employés potentiels   que ce que le salaire minimum imposerait. On parle alors de salaire minimum non contraignant, car le nouveau plancher salarial n’aurait aucun impact sur les incitations ou le comportement de l’employeur. Il n’aurait pas non plus d’impact sur le salaire de l’employé.

    Bon nombre des augmentations du salaire minimum qui entreront en vigueur en 2023 semblent être non contraignantes : le salaire d’équilibre est déjà plus élevé que le nouveau salaire minimum. Par conséquent, nous ne verrons pas d’impact important sur l’emploi. Il est essentiel de comprendre la distinction entre les salaires minimum contraignants et non contraignants pour rester lucide à la lecture des gros titres qui expliquent que les nouvelles hausses du salaire minimum auront peu ou pas d’effet sur les principales variables économiques.

    Malgré tout, ce ne sera probablement pas le cas partout. Nous savons que le coût de la vie et les salaires d’équilibre varient considérablement d’un endroit à l’autre. C’est la raison pour laquelle, comme l’a démontré une analyse de FEE l’année dernière, « un salaire minimum de 15 dollars/heure à Porto Rico est [équivalent] à un salaire horaire minimum de 68 dollars à DC. »

    Nous devons garder à l’esprit qu’il n’existe pas deux juridictions identiques.

    Les planchers salariaux ne sont pas un outil de lutte contre la pauvreté

    Un mythe répandu veut que ce soit les hausses du salaire minimum, et non l’évolution de l’offre et de la demande, qui entraînent une hausse des salaires. Ceux qui avancent cet argument suggèrent implicitement que le salaire minimum est en fait un outil de lutte contre la pauvreté.

    Mais ce raisonnement est gravement erroné.

    Le regretté économiste et professeur Walter Williams a écrit à ce sujet dans The Freeman en 2007.

    Cette affirmation [que le salaire minimum est un outil de lutte contre la pauvreté] ne passe même pas le test de l’odeur. Il y a des gens misérablement pauvres au Soudan, au Bangladesh, en Éthiopie et dans de nombreux autres endroits du monde. L’un de ces économistes proposerait-il que la solution à la pauvreté mondiale soit un salaire minimum suffisamment élevé ? Que ce soit en Éthiopie ou aux États-Unis, la pauvreté n’est pas tant le résultat d’une sous-production que d’une sous-productivité.

    C’est tout à fait vrai. Selon la logique des défenseurs du salaire minimum, il n’y a aucune raison pour laquelle nous ne devrions pas, et ne pourrions pas, simplement porter le salaire minimum à 100 dollars de l’heure. Le problème, bien sûr, est que le comportement d’une entreprise est largement déterminé par l’offre, la demande et la productivité, et non par des notions abstraites de ce que les gens « méritent ».

    Si nous voulons sortir les gens de la pauvreté – un objectif louable -, nous devons nous concentrer sur les moyens de les équiper pour qu’ils deviennent plus productifs et apportent donc plus de valeur à un employeur. Cela se fait principalement par l’éducation, la formation professionnelle et l’investissement dans le capital.

    Les partisans et les adversaires du salaire minimum ne sont pas nécessairement en désaccord sur ce qu’est un bon résultat : moins de personnes en situation de pauvreté. Le désaccord porte sur la question de savoir si cet objectif peut être atteint par des systèmes artificiels ou s’il doit l’être par des investissements organiques et l’amélioration des compétences par l’éducation (y compris l’autoformation), tout en sachant que les salaires sont déterminés par la dynamique réelle du marché.

    La seconde solution a été démontrée tant sur le plan théorique qu’empirique, mais la première est malheureusement beaucoup plus en vogue parmi les élites politiques. C’est à nous de faire en sorte que cela change.

    Sur le web

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      2023 : flop 10 de ce qui a changé au 1er janvier

      Jonathan Frickert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 5 January, 2023 - 04:30 · 5 minutes

    On y est ! 2022 aura été marquée par les élections françaises, le contexte géopolitique et l’ inflation . Une année dont la longueur n’aura eu d’égal que le discours présidentiel du 31 décembre. Un record détenu jusqu’en 2019 par le général de Gaulle et ses vœux de 1961 consacrés à la question algérienne, battu une première fois par Emmanuel Macron lors d’une allocution portant cette fois sur la réforme des retraites qui sera mise au placard durant 3 ans.

    Une fois minuit passée, et comme tous les 6 mois, le gouvernement nous a concocté sa petite liste d’évolutions et, souvent, de régressions.

    Une liste qui en dit beaucoup sur le modèle de société de ceux qui nous gouvernent en cette première année sans élection au suffrage direct depuis 1980.

    Au milieu de la fin des emballages jetables dans les fast foods, du broyage des poussins, du démarchage à partir de numéros de téléphones portables, des préservatifs gratuits pour les moins de 26 ans ou encore de l’élargissement du dépistage néonatal, la fournée du 1er janvier s’est révélée particulièrement riche en inventivité bureaucratique.

    Petit classement non exhaustif des mesures, du meilleur au pire.

    Les agriculteur incités à l’assurance et une justice (un peu) moins laxiste

    La première mesure de ce flop est sans doute ce qui constitue la – ou au moins une des – meilleures, puisqu’elle permet d’inciter à privilégier l’assurance aux mécanismes étatiques pour les agriculteurs.

    L’État a en effet décidé d’inciter nos paysans à s’assurer auprès d’entreprises privées en modifiant les conditions d’indemnisation des récoltes.

    En neuvième position se place la fin des réduction de peines automatiques, mais ces mesures sont bien seules dans le magma de changements moins réjouissants.

    Une épargne qui fond toujours

    A la huitième place du classement se trouve la hausse du taux de rendement du PEL si ce dernier est ouvert à compter du 1er janvier. Alors que l’inflation a dépassé les 6 % en novembre, le taux du plan épargne logement a, lui, fondu à vue d’oeil en trente ans, passant de 4,75 % en 1985 à 1 % en 2016.

    Après avoir été augmenté en août, le livret A, de son côté, devra encore attendre quelques semaines pour espérer dépasser les 2 %.

    La trappe à SMIC renforcée

    Après le capital, le travail est lui aussi concerné par les hausses du 1er janvier. Les traitements des agents publics les moins bien lotis ont été augmentés de 1,8 % lorsque le SMIC est passé à 1353 euros nets, soit la même augmentation, après deux augmentations successives entre 2 et 2,65 % en mai et août.

    De quoi renforcer un peu plus la trappe à SMIC dénoncée depuis plusieurs années enfermant les salariés dans les rémunérations les plus basses.

    Toujours plus de dépenses

    De la sixième à la troisième place se trouvent le habituelles hausses de dépenses publiques.

    La prestation compensatoire de handicap est élargie pendant que le bonus écologique est passé à 7 000 euros pour les ménages les plus modestes.

    Cyniquement, l’État a décidé de mettre fin à la prise en charge de 10 centimes par litre de carburant au profit d’une somme de 100 euros pour les 10 millions de ménages ayant un revenu fiscal annuel inférieur à 14 700 euros. Plutôt que de réduire le prix d’une denrée largement taxée, l’État privilégie la distribution d’argent public.

    Cette logique est également à l’œuvre dans la prime de 100 euros attribuée aux Français faisant régulièrement du covoiturage sur des longs trajets.

    La fin des passoires thermiques

    Toujours dans cette logique écologiste, la deuxième place de notre classement porte sur l’interdiction de la location des logements mal isolés, aussi appelés « passoires thermiques ». Une mesure déjà dénoncée dans nos colonnes en septembre dernier et qui risque fort d’exacerber la tension déjà conséquente sur le marché locatif.

    La fin du timbre rouge

    Le grand gagnant de notre classement n’est pas une affaire de dépense ou de taxe mais relève d’une logique bureaucratique bien plus profonde dont notre superstructure a le secret.

    La Poste est depuis 2010 une société anonyme mais son capital est resté entièrement public puisque détenu pour 1/3 par l’État et les 2/3 restants par la Caisse des dépôts et consignation, personne morale de droit public gérant notamment votre livret A. Ce modèle, qui inspirera la fausse privatisation de la SNCF en 2020, ne le vaccine donc pas contre les idées saugrenues.

    Concrètement, la Poste arrête purement et simplement de vendre les timbres rouges destinés aux envois urgents. Toujours dans une logique écologiste, la mesure est remplacée par un imbroglio typiquement français, puisque les personnes souhaitant envoyer un courrier prioritaire devront désormais taper leur courrier sur internet ou le scanner et l’envoyer sous format PDF.

    En face, le bureau de poste le plus proche de votre domicile imprimera votre courrier et le mettra sous pli. Vos chèques ou feuilles de soins ne seront plus susceptibles d’être envoyées par ce biais.

    Plus cher, moins efficace

    Pourquoi l’avoir mise en première position ? Outre la question de logique évoquée, la mesure exclut les 8 millions de Français toujours privés d’équipement informatique et le tiers de l’ensemble de la population encore dépourvue des connaissances de base dans l’usage d’Internet.

    A cette exclusion s’ajoute un problème de secret de la correspondance et ce en particulier dans un contexte de cyberattaques frappant les grandes entreprises françaises dont La Poste elle-même.

    Enfin, la fin du timbre rouge rendra l’envoi deux fois moins rapide pour un service plus cher. Deux fois moins rapide puisque l’envoi prendra 3 jours. Plus cher car le service passe de 1,43 à 1,49 euros. Pour la même qualité de service, il faudra dépenser encore davantage, puisque la Poste propose un service appelé « La Lettre service Plus », ou timbre turquoise, pour un montant de 2,95 euros, soit deux fois plus cher que le même service avant le 31 décembre. On ne saurait voir cela autrement que comme une nouvelle manifestation de l’écologie punitive.

    Des changements parlants

    La fin du timbre rouge illustre bien le ton général des mesures du 1er janvier et y compris de celles que nous n’avons pas évoqué ici : plus de dépenses et d’exclusion, moins d’efficacité et de libertés, le tout sur l’autel des impératifs écologiques et sociaux dont les résultats se révéleront sans doute totalement contreproductifs.

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      Comment le SMIC crée de l’inflation et du chômage

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 5 January, 2023 - 03:30 · 14 minutes

    Certes, la vaccination et la sécurité font les Unes de la campagne électorale . Mais le pouvoir d’achat est également objet de débats, de programmes et de promesses des candidats déclarés ou putatifs. L’idée d’une hausse des salaires généralisée imposée à tous les employeurs est désormais banale, une hausse du SMIC ou un niveau de salaire garanti à toute personne active (2000 euros par exemple), l’accroissement substantiel des traitements des enseignants et soignants, la participation obligatoire des salariés aux profits ou au capital des entreprises et enfin (sans doute mesure la plus originale) le chèque inflation .

    Des arguments bien connus

    Cette belle unanimité au sein de la classe politique, majorité et opposition confondues, mais aussi dans le monde des partenaires sociaux (syndical et patronal) repose sur des arguments bien connus.

    Je rappelle ceux qui sont avancés le plus fréquemment.

    Relance économique

    C’est l’ argument keynésien classique consistant à augmenter le pouvoir d’achat afin de garnir les carnets de commandes des entreprises, donc favoriser l’investissement et l’emploi. Le niveau d’activité d’une économie nationale dépend du dynamisme de la demande globale.

    Réduction des inégalités

    Trop de salariés vivent en dessous du seuil de pauvreté, certaines personnes sont discriminées, comme les femmes, les étudiants, les seniors.

    Tiers système

    Entre capitalisme et socialisme, chercher à désamorcer la lutte des classes en associant capital et travail à travers la participation aux profits, au capital, à la décision.

    Certes, mon propos n’est pas de nier l’opportunité d’accroître les salaires ni la nécessité de remettre en marche l’ascenseur social, ni l’intérêt de la participation. Mais je conteste qu’il doive s’agir de mesures globales et imposées par l’État. Je soutiens, comme de nombreux économistes du monde entier, qu’une hausse globale des salaires et des revenus conduit inévitablement à l’inflation et au chômage.

    Je pourrais sans doute m’en tenir au raisonnement très classique des monétaristes : une émission inconsidérée de la masse monétaire n’a aucun effet réel sur la production, elle ne fait qu’augmenter le niveau général des prix.

    Je pourrais aussi faire référence à la célèbre courbe de Phillips dont les glissements démontrent la corrélation statistique entre taux d’inflation et taux de chômage : accepter et a fortiori provoquer l’inflation c’est créer plus de chômage.

    Mais je préfère rappeler la logique qui mène du décret public à la catastrophe. Le décret c’est la décision politique de financer une hausse des salaires et des revenus dans l’espoir d’augmenter le pouvoir d’achat et de créer des emplois. La catastrophe inévitable c’est le chômage massif et la perte du pouvoir d’achat, surtout pour les plus démunis.

    Il s’agit bien d’un rappel, je n’invente rien, je m’en remets aux idées et aux travaux d’économistes célèbres, par exemple Jacques Rueff, Hayek et Becker.

    Jacques Rueff : distribution de faux droits

    Dans la logique de l’échange, chaque personne reçoit en contrepartie de ce qu’elle donne.

    Augmenter les salaires est légitime quand le travail effectué a déjà apporté ou va apporter une contrepartie réelle, quand il a ajouté une valeur au produit. Cette valeur est marchande : c’est le prix pratiqué sur le marché en fonction de la demande des clients qui la mesurent. Jacques Rueff l’appelle « prix d’équilibre ». Le salarié est payé par l’employeur, qui est payé par le client. Le salaire est donc la rémunération du service rendu par celui qui a apporté son travail.

    Il est possible d’anticiper une valeur future : la contrepartie n’existe pas encore mais le marché s’annonce favorable, donc on peut imaginer un crédit et verser immédiatement un supplément de salaire qui sera compensé ex post par un supplément de recettes pour l’employeur.

    Mais qu’en est-il quand la hausse des salaires est décrétée par décision publique, et a fortiori quand l’État s’engage à financer cette hausse et à l’inscrire dans les finances publiques ? La politique de relance fait abstraction du marché car elle ignore si les clients accepteront le coût des produits proposés, compte tenu de leurs besoins et de leurs moyens.

    La monnaie est un instrument précieux des échanges, elle permet d’éviter les difficultés du troc, échange instantané de deux produits, précaire dans le temps et dans l’espace. Avoir de la monnaie c’est détenir un droit sur toutes les personnes qui composent la communauté de paiement.

    C’est, dirait-on aujourd’hui, un « passe économique ». S’il est délivré à des gens qui n’ont rien produit, ce passe est un faux droit : totalement ou partiellement il n’a pas été compensé par un apport productif antérieur et il ne le sera jamais. Le lien entre l’apport productif et sa rémunération est rompu.

    Très vite le mérite, l’ardeur au travail et l’apport productif disparaissent dans le pays, la croissance ne sera plus au rendez-vous et si dans un premier temps l’impression est celle d’un pouvoir d’achat accru puisque la manne étatique (versée directement  ou imposée par décret aux employeurs) est largement distribuée il s’ensuit très vite un déséquilibre entre droits distribués et contreparties réelles. Les biens et services que l’on peut se procurer avec les faux droits se font rares, les prix sur le marché libre grimpent rapidement, amputant lourdement le pouvoir d’achat dont disposaient les personnes aidées par la distribution de faux droits.

    Distribuer des chèques inflation pour compenser l’inflation c’est évidemment proposer une monnaie de singe, c’est le type même de faux droit. Ceux qui disposent de revenus indexés ou de patrimoines solides peuvent maintenir leur pouvoir d’achat, ceux qui veulent spéculer sur l’accélération de l’inflation réaliseront des profits. Ceux qui sont dans la pauvreté n’auront aucune défense.

    Hayek : mal-investissement, gaspillage de l’épargne

    La politique de relance par la dépense publique, elle-même financée par le déficit budgétaire et la dette croissante, fait de l’État le « stratège » de la croissance. On prête aux gouvernants la capacité de prévoir l’avenir et d’anticiper les besoins de la communauté nationale à long terme, tandis que le marché serait myope, ne prenant en compte que l’offre et la demande à court terme. « Gouverner c’est prévoir » (Mendès France).

    Cette idée est à la fois utopique et fallacieuse.

    Utopique car la visée principale de la plupart des politiciens est la prochaine échéance électorale, il faut y figurer avec des promesses qui ne seront jamais tenues.

    Fallacieuse car la planification globale, sous sa forme soviétique ou dans sa version « indicative », a toujours et partout échoué. Fallacieuse aussi parce que le marché prend en compte les anticipations des entrepreneurs dont le succès dépend essentiellement d’innovations qui reposent sur leur capacité d’anticiper la façon de mieux satisfaire les besoins de la communauté. L’art d’entreprendre ( entrepreneurship ) est de repérer avant tout autre les besoins du futur, il est stimulé par la concurrence et rémunéré par le profit.

    Hayek a expliqué les crises économiques par les erreurs d’investissement commises par l’intervention de l’État. Les signaux du marché , prix et profits, sont faussés ou occultés : par sa politique l’État fixe ou influence les coûts de production, y compris les taux d’intérêt. Deviennent artificiellement rentables des projets sans avenir tandis que les financements manquent aux entreprises innovantes.

    L’épargne disponible et les crédits bancaires sont gaspillés. Le mal-investissement dénoncé par Hayek a pris en France une importance spectaculaire et aggravée depuis au moins une décennie. Alors que l’on croyait être libéré du Commissariat au Plan depuis sa suppression en 2006, on l’a ressuscité sous forme de France Stratégie en 2013 et finalement François Bayrou est devenu Haut-Commissaire en 2020.

    Mais le plus important est incontestablement le sort réservé à l’épargne populaire, puisque tous les sommes accumulées sur les livrets A sont versées à la Caisse des Dépôts et Consignations , la plus forte puissance financière de France.

    La Caisse a ses filiales chargées notamment de l’équipement du territoire et du logement social, mais en 2012 a été créée la Banque Publique d’Investissement dont le capital est partagé entre la Caisse et l’État et dont la mission est de financer les PME présentées par les régions et qui ont un label « France relance » qui n’a pas seulement pour vocation de créer des start-ups mais aussi de sauver des entreprises jugées « stratégiques » en détresse. Comme si cet arsenal de mal-investissement n’existait pas notre ministre de l’Économie Bruno Le Maire a exhorté les Français à mieux utiliser leur argent et à favoriser la sortie de crise.

    Faute d’investissements pour satisfaire les vrais besoins de la communauté, les produits nécessaires sont soit absents, ce qui provoque la hausse de tous les prix (dont le contrôle est illusoire et qui accentue la pénurie), soit achetés à l’étranger, ce qui détruit la production nationale et supprime des emplois (et la propagande pour le « patriotisme économique » est inefficace même avec des mesures protectionnistes).

    La thèse du mal-investissement s’intègre tout naturellement dans l’effondrement social que produit l’inflation. L’histoire est sans appel : toutes les sociétés ont péri dans l’inflation, qu’il s’agisse entre autres de l’Empire romain, de l’Ancien Régime, de l’Allemagne des années 1930. La raison en est que l’inflation est mensonge, spéculation, corruption : la confiance disparaît, le contrat n’a plus de valeur, tout est permis, tout se dégrade. On peut se demander comment de telles évidences n’apparaissent pas à ceux qui prônent l’inflation, destructrice de vérité et de responsabilité.

    Gary Becker : gaspillage du capital

    Gary Becker est à juste titre considéré comme l’un des théoriciens du capital humain.

    L’expression n’est pas très heureuse car beaucoup d’intellectuels anticapitalistes, par exemple Bourdieu, lui reproche de faire de l’Homme une marchandise. On investit dans l’Homme comme dans une machine. Becker a dit tout autre chose et sans doute l’inverse : ce sont les qualités personnelles qui permettent à l’être humain de progresser sans cesse et ces qualités ne sont pas décidées par l’employeur ni par l’État, elles sont le fruit d’une démarche elle aussi personnelle pouvant être facilitée par l’éducation, le savoir et l’expérience, et qui peut se poursuivre tout au long de la vie.

    En quoi la hausse artificielle des salaires ou des revenus peut-elle agir sur le capital humain ? Gary Becker a étudié la question à propos du SMIC , dont il était un adversaire résolu. Le SMIC a pour effet d’amener les salariés à stopper leur propre investissement en capital humain, jusqu’à refuser ce que les employeurs leur proposent en ce sens. C’est qu’íls ne voient qu’un avantage financier mineur et qu’ils considéraient le SMIC comme un droit social qui devrait leur être garanti sans effort de leur part. En revanche la perspective de changer d’emploi, de travailler autrement, ne leur est pas souvent agréable.

    Le point de vue de Becker doit aussi être compris à la lumière de ce qu’il pensait de l’élément à son sens le plus important du capital humain : la famille, qui a été un autre aspect de son œuvre scientifique.

    C’est au sein de la famille que l’éducation se forme, et le désir d’épanouissement personnel naît de l’exemple des parents et des proches, et va durablement marquer l’être humain : faire mieux, vivre mieux, développer ses capacités, avoir l’esprit de service, l’esprit d’équipe. Sans doute l’école a-t-elle aussi un rôle décisif, et il est certain qu’il y a une corrélation entre le nombre d’années de scolarisation et le niveau de salaires.

    Mais on se rappelle la formule de Jules Ferry : « l’école instruit des enfants éduqués par leurs parents ». Ainsi le capital humain est-il affaire personnelle, incluant le milieu familial et l’expérience vécue, bien plus qu’un droit social. Or, le SMIC dans la plupart des pays apparaît surtout comme un droit social, il devient une affaire collective, syndicale et politique, plutôt qu’une culture des capacités et un épanouissement de la personnalité.

    Le résultat de cette erreur est la sous-qualification de très nombreux salariés et elle est d’autant plus accentuée que le niveau de SMIC est très élevé. De nombreux pays n’ont jamais connu le SMIC, et leur population, comme celle de la Suisse , n’en veut pas. D’autres pays ont un SMIC tout à fait symbolique (la plupart des États américains). D’autres y sont venus très tardivement, et à l’initiative de la classe politique : c’est le cas de l’Allemagne.

    D’autres enfin le remettent en cause : c’est le cas de l’Italie. Mais en France l’histoire du SMIC s’est inscrite dans le schéma syndical et politique au point que parmi les pays de l’OCDE le niveau de SMIC est le plus proche de celui du salaire médian. Gary Becker avait fait un article expliquant le niveau de chômage élevé dans certains pays européens comme le résultat du SMIC, débouchant sur la sous-qualification du personnel.

    L’une des conséquences de la sous-qualification est la perte de compétitivité des entreprises. Une autre est la recherche de la robotisation.

    Mais voici la plus grave : ce sont les salariés les moins qualifiés qui sont les premiers candidats au chômage en cas de réduction des effectifs, en cas de recherche de nouvel emploi. Ainsi le surcroît de droits sociaux signifie moins de protection pour une masse de salariés. D’ailleurs ouvrir de nouveaux droits sociaux ou accroître leur niveau actuel c’est ramener la dignité d’un être humain à son niveau de rémunération plutôt qu’à ses qualités, son mérite, son comportement. C’est un volet de l’économisme marxiste. À ce jeu un pays très politisé et très syndicalisé les rémunérations peuvent être totalement artificielles, nées de privilèges voire de corruptions (« le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument » Lord Acton ).

    Ainsi, contrairement à ce que professe la pensée unique le « progrès social » ne consiste pas à augmenter sans cesse et globalement et par décret le niveau des salaires ou des revenus, et en particulier le niveau minimum.

    La cohérence du système libéral, par opposition au système collectiviste, c’est que les trois questions systémiques sont résolues par le « plébiscite quotidien du marché » pour reprendre Hayek :

    • que produire ? (révélation des préférences)
    • comment produire ? (choix et organisation des facteurs de production)
    • pour qui produire ? (répartition des revenus)

    Il s’agit donc d’un système décentralisé, fondé sur des décisions individuelles coordonnées par l’échange libre. Par opposition le système collectiviste repose sur le plan impératif qui confie la réponse aux trois questions à une autorité politique centrale (« la démocratie politique garantit la démocratie économique » disait Georges Marchais). Il va de soi qu’il n’y a pas de tiers système contrairement à ce que la classe politique croit dans beaucoup de pays, dont la France marquée par l’étatisme jacobin.

    L’élite française se croit autorisée à décréter ce qui est bon pour le peuple, qui en conçoit finalement rejet de la classe politique. Les Français seraient-ils condamnés à choisir entre le virus du despotisme et le virus du populisme ? Nous le saurons bientôt, mais un vaccin libéral serait le bienvenu.

    Un article publié initialement le 1 décembre 2021 .

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      CPU : l’impressionnante montée en puissance du premier fondeur chinois

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Wednesday, 31 August, 2022 - 15:30

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    Avec ses puces gravées en 7nm, Semiconductor Manufacturing International Corp (SMIC) joue désormais dans la cour des grands.

    CPU : l’impressionnante montée en puissance du premier fondeur chinois

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      Du fait de l'inflation, le Smic va être revalorisé en août

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 13 July, 2022 - 07:10

    Face à une inflation qui continue de progresser, le Smic va être automatiquement revalorisé au 1er août, d'un peu plus de 2% (phot d'illustration prise en Thaïlande). Face à une inflation qui continue de progresser, le Smic va être automatiquement revalorisé au 1er août, d'un peu plus de 2% (phot d'illustration prise en Thaïlande).

    POUVOIR D’ACHAT - L’inflation a encore accéléré à 5,8% sur un an en juin , a indiqué l’Insee ce mercredi 13 juillet, confirmant sa première estimation publiée fin juin. Cela signifie qu’elle entraînera une nouvelle revalorisation automatique du Smic de 2,01% au 1er août.

    La hausse des prix (hors tabac) entre mars et juin pour les 20% de ménages les plus modestes atteint en effet 2,01%, cet indicateur servant de base au déclenchement des revalorisations automatiques du Smic, a précisé l’Institut national de la statistique à l’AFP.

    Plus d’information à suivre...

    À voir également sur le HuffPost : Des manchots refusent qu’on baisse la qualité de leur poisson

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      La prime d'activité bientôt relevée de 4%

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 16 June, 2022 - 22:49 · 1 minute

    Le gouvernement s'apprête, pour cet été, à relever la prime d'activité. (photo d'illustration) Le gouvernement s'apprête, pour cet été, à relever la prime d'activité. (photo d'illustration)

    EMPLOI - La prime d’activité, versée aux travailleurs modestes, devrait être revalorisée de 4% cet été, a-t-on appris ce jeudi 16 juin de source gouvernementale, confirmant une information des Échos .

    Selon le quotidien économique , cette prime, qui s’adresse aux salariés du public ou du privé, aux indépendants et aux agriculteurs, sera revalorisée par anticipation, à hauteur de l’inflation projetée sur 2022, soit 4%, tout comme les pensions et les minima sociaux. Cette hausse devrait intervenir “cet été avec effet rétroactif au 1er juillet”.

    La prime d’activité, qui a pour objectif d’inciter les travailleurs les plus précaires à reprendre une activité professionnelle et dont le montant varie en fonction des revenus et de la composition familiale, a déjà augmenté de 1,8% au 1er avril, le montant forfaitaire pour une personne seule atteignant 563,68 euros par mois.

    Le quotidien rappelle que, la prime étant calculée en référence au Smic , déjà revalorisé deux fois cette année et qui a franchi les 1300 euros net le 1er mai, le nombre de ses bénéficiaires devrait augmenter en raison d’un plus grand nombre de personnes éligibles. En mars, elle concernait 4,6 millions de foyers, pour un budget proche de 10 milliards d’euros.

    À voir également sur Le HuffPost : Handicap: ces AESH épuisées d’être “maintenues dans la précarité”

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      Pouvoir d’achat : pourquoi les primes sont une arnaque

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 10 June, 2022 - 07:57 · 12 minutes

    Chèque inflation, prime carburant, « prime Macron »… Face à la diminution du pouvoir d’achat, les primes en tout genre se multiplient. Si un coup de pouce financier ponctuel est évidemment un bon moyen d’aider les plus démunis à court terme, l’inefficacité des petits chèques est désormais manifeste. Mais si les gouvernements successifs les apprécient tant, c’est d’abord car les primes ne constituent pas un salaire. Dès lors, bien que de plus en plus courantes, elles n’augmentent pas les revenus de manière pérenne et surtout ne comportent pas de cotisations sociales. Une focalisation excessive sur le pouvoir d’achat conduit ainsi souvent à nier l’importance du salaire comme vecteur de progrès social.

    Alors que l’inflation atteint des niveaux non observés depuis des décennies et que les salaires stagnent, les Français s’inquiètent de plus en plus pour leur pouvoir d’achat. A l’approche des élections législatives, et alors que l’alliance de gauche promet de porter immédiatemment le SMIC à 1500 euros nets, le gouvernement évoque une future « loi pouvoir d’achat » afin d’attirer les suffrages. Si le texte n’est pas encore abouti, les mesures phares devraient être le versement d’un chèque alimentaire par l’Etat pouvant atteindre 60€ pour les foyers très modestes, la prolongation de la remise de 18 centimes par litre de carburant ou encore le triplement de la « prime Macron », défiscalisée et exonérée de cotisations patronales .

    Ce type d’outils n’est pas nouveau : depuis le début des années 2000, les primes dont la vocation première est de lutter contre la diminution du pouvoir d’achat se sont multipliées. La première est créée sous le gouvernement de Lionel Jospin, en mai 2001 : la prime pour l’emploi. L’article unique de cette loi disposait ainsi : « Afin d’inciter au retour à l’emploi ou au maintien de l’activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé prime pour l’emploi ». Bien qu’issue d’un gouvernement de gauche, cette mesure pose plusieurs questions : d’abord, en excluant les chômeurs, le dispositif est conçu comme un moyen de creuser l’écart entre les prestations sociales et les revenus du travail. Ensuite, si ces derniers sont augmentés, cela se fait sans toucher au salaire minimum [2]. Enfin, la prime est originellement pensée comme étant un crédit d’impôt, et non un versement monétaire direct [3].

    L’acharnement dans une voie inefficace

    D’emblée, la mesure séduit jusque dans les rangs des plus libéraux ; Alain Madelin, par exemple, y est grandement favorable. Les gouvernements successifs de Jean-Pierre Raffarin (2003) puis de Dominique de Villepin (2006), décident tour à tour d’augmenter le montant de cette prime [4]. Pourtant, face à son efficacité toute relative, le dispositif fusionne finalement avec le RSA activité en 2015 pour donner naissance à la prime d’activité, encore en vigueur aujourd’hui.

    De manière assez prévisible, Emmanuel Macron et le gouvernement d’Edouard Philippe ont prolongé cette série de primes pour le pouvoir d’achat au moment du soulèvement des Gilets Jaunes, dans l’espoir de calmer la colère. A l’automne dernier, face à l’augmentation forte des prix du carburant, c’est à nouveau une prime, de 100 euros, que le gouvernement a décidé d’instaurer . La future « loi pouvoir d’achat » n’invente donc rien.

    La seule multiplication de toutes ces primes devrait faire figure de preuve par l’exemple qu’elles ne sont pas assez efficaces.

    La seule multiplication et succession de toutes ces primes devraient a minima interpeller ou, mieux, faire figure de preuve par l’exemple qu’elles ne sont pas assez efficaces. Il ne semble en être rien dans les rangs de la droite. Pourtant, ces dispositifs présentent des défauts criants, à-mêmes de les disqualifier pour de bon.

    Les primes contre le salaire

    En premier lieu, ces primes sont pensées comme étant ponctuelles, alors même que l’aspect multifactoriel de l’inflation et de la pauvreté, dont elles aspirent à juguler les conséquences, tend à rappeler que le problème n’est pas uniquement conjoncturel. Des mesures simples et pérennes, comme la simple augmentation du SMIC, seraient ainsi autrement plus efficaces. C’est par exemple le point de vue de Noé Gauchard , qui affronte Elisabeth Borne pour la députation dans la sixième circonscription du Calvados, sous les couleurs de la NUPES. Pour lui, le constat est sans appel : « Toutes ces mesures sont évidemment nécessaires dans l’urgence, mais elles sont utilisées par l’exécutif actuel pour faire diversion. En refusant de porter le SMIC à 1500€, l’actuel gouvernement se rend coupable de ne pas permettre durablement à tous les travailleurs de remplir dignement leur frigo ».

    Des mesures simples et pérennes, comme l’augmentation du SMIC, seraient autrement plus efficaces.

    Par ailleurs, le caractère temporaire de ces primes maintient en permanence ses bénéficiaires dans l’insécurité. Gauchard estime ainsi que « l’imprévisibilité de tous ces dispositifs successifs et illisibles empêche les bénéficiaires de se projeter durablement et sereinement ». L’exemple de la prime Covid des personnels soignants est à ce titre éloquent : nombre de travailleuses et travailleurs ne savaient pas, jusqu’au dernier moment, s’ils toucheraient cette fameuse prime. La déception fut grande pour bon nombre d’entre elles et eux, en atteste le documentaire Debout les femmes .

    Ensuite, ces dispositifs sont non seulement illisibles, mais également complexes – et donc coûteux – à mettre en œuvre. Les nombreux critères à prendre en compte, très stricts et techniques, génèrent une activité compliquée à gérer pour les administrations, alors qu’une simple augmentation du salaire minimum ne présenterait pas cet inconvénient.

    En outre, ces primes, exclusivement orientées pour répondre au thème du pouvoir d’achat, sont orientées. Si la première prime pour l’emploi consistait en un crédit d’impôt, ses plus récentes déclinaisons sont bien des versements, mais le plus souvent sous forme de chèques à un usage pré-affecté. En effet, comme le rappelle le sociologue Denis Colombi , auteur de Où va l’argent des pauvres (Payot, 2020), le regard de la société sur la façon dont les plus modestes gèrent leur argent est souvent très moralisateur. Dans cette vision, les pauvres seraient avant tout des personnes incapables de bien gérer leur budget, comme l’illustrent les polémiques annuelles autour de l’allocation de rentrée scolaire . Ainsi, les aides financières apportées aux plus démunis ont de plus en plus tendance à être fléchées vers un poste de consommation.

    Surtout, les primes, en plus de n’être que ponctuelles, sont aussi isolées et déconnectées de tout autre droit. Le salaire, au contraire, en tant que fruit d’une importante lutte syndicale, est le socle de beaucoup d’autres droits. La focalisation des discours libéraux sur le pouvoir d’achat tend ainsi à éclipser un constat autrement plus lourd de sens et de conséquences : le seul travail ne paie plus. Un constat corroboré par les chiffres de l’INSEE : en 2019, avant même les conséquences néfastes de la pandémie, dont on peine encore à mesurer toute la portée, 6,8% des salariés étaient pauvres, de même que 17,6% des travailleurs indépendants, c’est-à-dire plus que la moyenne de la population générale (14,6%).

    C’est pourtant là le nœud de bien des problèmes sociaux : ces primes, temporaires et complexes à mettre en œuvre, ne peuvent prétendre les prendre à bras-le-corps dès lors qu’elles se focalisent sur le seul besoin traduit par le pouvoir d’achat et n’épousent pas une vision globale et sociale plus émancipatrice, tournée sur les salaires. Au-delà du pouvoir d’achat, la question qui se pose en creux est celle du pouvoir sur le travail.

    Le salaire brut, foyer de droits impensés

    Mais quand il est question de salaire, nombreux sont ceux à opposer salaire net et salaire brut. Le discours dominant se satisfait de la vision selon laquelle la part de salaire brut, à laquelle il faut soustraire les cotisations sociales ( qui ne sont pas des impôts ) pour obtenir le net, représente un coût – celui du travail, paraît-il. Toutefois le travail n’est un coût que pour celui qui l’exploite et partant, cette vision s’avère d’emblée biaisée et insusceptible d’apporter une réponse pertinente car ratant l’essentiel. D’Eric Zemmour à François Hollande en passant par Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, les promesses d’augmentation du niveau de vie se fondant sur le rapprochement du salaire net vers le salaire brut, une obsession au moins relie tous ceux à qui le mot socialisation fait peur : la lutte contre les cotisations sociales.

    Augmenter le salaire net en diminuant le brut est un cadeau empoisonné.

    C’est pourtant ce salaire brut qui permet de financer le régime général de Sécurité sociale, c’est-à-dire de financer les allocations chômage et famille, les APL, les pensions de retraites ou l’hôpital public et d’alimenter nos cartes vitales. Bien peu lucide serait donc quiconque refuserait de voir le lien évident entre politique de baisse des cotisations d’un côté et destruction du système hospitalier aboutissant à la fermeture de toujours plus de maternités ou de lits d’hôpitaux de l’autre. En réalité, le salaire brut est le vecteur privilégié d’au moins deux éléments décisifs pour l’amélioration des conditions de vie et la rémunération du travail.

    D’une part, le salaire brut fait partie intégrante du salaire. Au moment de payer avec la carte Vitale, c’est bien grâce au salaire socialisé par la cotisation au régime général que chacun de nous est solvabilisé en tant qu’usager du système de soins conventionnés. En supprimant ou allégeant les cotisations (c’est-à-dire en faisant triompher le net sur le brut), peut-être le salaire net s’en trouverait augmenté. Il n’en demeure pas moins qu’à chaque rendez-vous chez le médecin ou passage à la pharmacie, le coût en serait automatiquement renchéri. Dans ce sens, toute augmentation du salaire net serait mécaniquement contre-productive, car la mutuelle à laquelle il faudrait souscrire représenterait un coût plus important que la part de brut. Le programme défendu par les candidats de la NUPES s’inscrit ainsi à rebours de cette logique de destruction du système de protection sociale, en proposant au contraire d’instaurer un système de prise en charge intégrale des soins prescrits, en intégrant donc dans la Sécurité sociale les complémentaires santé qui renchérissent le coût des prestations, aujourd’hui non remboursées.

    Augmenter le salaire net en diminuant le brut est un cadeau empoisonné et aurait pour première conséquence de supprimer ce qui fait l’hôpital public et ce qui le finance.

    D’autre part, s’il ressort donc que le salaire brut est bien du salaire qui nous permet à chacune et chacun d’avoir accès à des prestations autrement souvent inaccessibles, le salaire brut permet surtout de générer du travail. C’est le cas du système hospitalier qui, financé par les cotisations, ne fonctionne que grâce à l’avance monétaire permise par le subventionnement des caisses du régime général à partir des années 1950-1960 . Augmenter le salaire net en diminuant le brut est un cadeau empoisonné et aurait pour première conséquence de supprimer ce qui fait l’hôpital public et ce qui le finance. Si cette position constitue une proposition ultra-libérale, il est nécessaire d’insister sur un enchaînement qui ne peut être aisément démenti : défendre la diminution des cotisations en même temps que l’amélioration de l’hôpital public est un non-sens.

    Travail contre capital : l’histoire de rémunérations rivales

    Les défendeurs des projets libéraux se drapent souvent des meilleures intentions pour défendre ce qui relèverait d’une hypothétique « valeur travail ». Souvent partisans d’un dialogue « apaisé » et « raisonné », ils aspirent à contenter à la fois le syndicat patronal et les syndicats des salariés. C’est, là encore, commettre une erreur rédhibitoire relativement à la rémunération du travail.

    L’augmentation pure et simple du salaire n’est pas la redistribution d’un impôt collecté, mais impose au contraire une nouvelle répartition primaire de la valeur dans l’entreprise.

    En vérité, la valeur ajoutée produite par toute entreprise [5] est répartie entre les différentes parties prenantes. Ainsi, au-delà de l’autofinancement ou des taxes, la valeur ajoutée est notamment répartie entre les salaires à verser et les dividendes à distribuer. Les premiers rémunèrent le travail, les seconds le capital. Dès lors, il s’agit d’un jeu à somme nulle : défendre une meilleure rémunération du travail sans remettre en cause celle du capital est tout simplement impossible.

    Finalement, l’augmentation du salaire minimum (et de tous les salaires en conséquence) permet donc de mieux rémunérer le travail, durablement, sans se contenter de primes subordonnées à la volonté imprévisible d’un exécutif par ailleurs réticent à accéder aux demandes du camp du travail. Surtout, les primes dites de pouvoir d’achat et versées par l’Etat présentent enfin le fâcheux inconvénient d’être financées par les contribuables eux-mêmes ! Au contraire, l’augmentation pure et simple du salaire, en plus de permettre l’augmentation de la cotisation donc l’amélioration de la protection sociale, n’est pas la redistribution d’un impôt collecté, mais impose une nouvelle répartition primaire de la valeur dans l’entreprise. C’est là un tout autre projet, véritablement social et émancipateur.

    Notes :

    [1] Le seuil de pauvreté correspond à 60% du niveau de vie médian.

    [2] Se trouve ici illustré le mythe selon lequel les bénéficiaires des minimas sociaux, confortablement installés avec leurs quelques centaines d’euros mensuelles, préféreraient cette situation à celle de l’emploi.

    [3] Toutefois, le IV de l’article unique de la loi du 31 mai 2000 prévoit que « si l’impôt sur le revenu n’est pas dû ou si son montant est inférieur à celui de la prime, la différence est versée aux intéressés ».

    [4] Voir « Prime contre salaire. Histoire et sous-entendu d’une lutte menée au nom du pouvoir d’achat », article paru dans La vie des idées , mars 2022.

    [5] Etant néanmoins entendu ici que l’entreprise lucrative n’est pas la seule entité productive où le travail est et doit être rémunéré. Ne doivent ainsi pas être oubliées les associations, les coopératives ou encore la fonction publique.