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      Beyrouth : face au vide étatique, la reconstruction par le bas

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 20 April, 2023 - 14:34 · 14 minutes

    Pouvoir exsangue, institutions engluées dans des divisions politiques et confessionnelles exacerbées par le conflit syrien, élections remises aux calendes grecques, crise économique parmi les plus violentes de l’Histoire avec une inflation à quatre chiffres : le Liban traverse ses heures les plus sombres depuis la guerre civile (1975-1990). Pourtant, au milieu du chaos souffle un vent d’espoir. Après l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, une mobilisation collective sans précédent, soutenue par la diaspora et les organisations non gouvernementales (ONG), a permis de réparer une grande partie des dégâts causés dans les quartiers les plus impactés. Une reconstruction « par le bas », sans la moindre aide publique, qui a donné des idées au monde intellectuel pour bâtir une société plus juste. Un reportage de Nicolas Guillon .

    C’est leur 11 septembre. Mais un 11 septembre qui serait intervenu dans la foulée d’un 24 octobre 1929 et dans un contexte pandémique. « Le 4 août 2020 a été l’explosion ultime venue clore une série », explique Alexis Abdallah, de l’ONG Live Love Beirut 1 . Comme un Jugement dernier s’abattant sur ce Liban miné par ses sempiternelles luttes confessionnelles et une corruption politique à la limite de l’imaginable qui l’a plongé dans l’une des plus importantes crises économiques que l’on ait vues depuis deux siècles, au point de mettre son existence en péril. Car, comme le rappelle Fadlallah Dagher, le doyen de l’Académie libanaise des beaux-arts (Alba) 2 , « le Liban est une idée plus qu’une réalité ».

    Lorsque ce jeudi noir, à 18h08 heure locale, presque cent ans jour pour jour après le tracé officiel par la puissance mandataire française des frontières de l’Etat du Grand Liban, se produit dans le port de Beyrouth l’une des plus importantes explosions non-nucléaires de l’Histoire 3 , le pays, reconfiné depuis quelques jours suite à une résurgence de cas de Covid-19, traverse une terrible récession. Durant le seul mois de juillet, la livre libanaise a perdu deux tiers de sa valeur et c’est tout un pays qui est en train de basculer dans la pauvreté. Alexis pointe une tour luxueuse en premier rideau du blast : « Tout le monde a été impacté, les plus pauvres comme les plus aisés, car comment voulez-vous réparer des dégâts lorsque votre argent est inaccessible ? »

    En déambulant dans les rues pentues de la colline d’Achrafieh sur laquelle l’onde de choc s’est propagée, le jeune homme raconte l’indescriptible : « la forte chaleur ressentie, le souffle qui vous envoie dans la pièce d’à-côté, la déflagration que vous entendez de façon sourde ». Et puis, en sortant de chez soi, les premières images du désastre : les immeubles sans ouvertures voire sans façade, dont bon nombre menacent de s’effondrer, les habitants qui n’ont plus que leur voiture pour abri, les médecins de l’hôpital Geitaoui qui traitent les blessés dans la rue à la lumière de leur smartphone, les jeunes accourus pour balayer les innombrables débris, les livreurs qui, dans une ville pétrifiée, mettent spontanément leurs deux-roues à la disposition des secours : « Trois cents mobylettes ont sauvé trois cents vies », résume Alexis. À l’écoute de ce récit apocalyptique, le bilan officiel faisant état de 215 morts et 6 500 blessés apparaît presque miraculeux.

    Pourtant, s’il ne persistait quelques stigmates du traumatisme, ici une structure métallique maintenant un édifice debout, là une bâche recouvrant un échafaudage, difficile, trois ans plus tard, de s’imaginer l’ampleur de la catastrophe. En effet, à Mar Mikhael comme à Gemmayzé, secteurs entièrement dévastés par l’explosion, la vie semble avoir repris son cours, même si en soirée le faible nombre de fenêtres éclairées trahit un certain exode. « Welcome to Lebanon ! », lance de sa voix tonitruante Charbel aux clients franchissant le seuil du restaurant Le Chef , une institution de la rue Gouraud, qui a survécu à la guerre civile. Ici s’entassent joyeusement, dans une salle ne dépassant pas les vingt-cinq couverts, familles du quartier, expatriés et touristes en recherche d’authenticité. Comme l’indique le nom du lieu, chez Le Chef on parle français, bien que la devise de la maison s’affiche en anglais au comptoir : « A generous hand in a broken land ». Une formule en parfaite adéquation avec l’esprit et l’énergie qui ont prévalu dans la ville depuis la « nuit du 4 août ».

    Macron et l’espoir déçu

    Certes, faute de puissance publique, la reconstruction du port n’a toujours pas débuté et l’enquête piétine. Présent sur zone dès le 6 août 2020, Emmanuel Macron avait pourtant suscité un grand espoir parmi la population. Mais depuis, rien, si ce n’est un jeu dangereux comme l’écrivait, le 3 avril dernier, Anthony Samrani, dans le quotidien libanais L’Orient-Le Jour : « Emmanuel Macron a mené ici une politique parfois incohérente, souvent illisible. (…) Près de trois ans plus tard, aucune réforme n’a été mise en œuvre, le Liban continue de se déliter et rien ne permet de penser que la situation va s’améliorer à court et moyen terme. » En arrière-plan, une élection présidentielle qui n’en finit pas d’être reportée et pour laquelle Paris soutient la candidature de Sleiman Frangié 4 . « Mais comment Emmanuel Macron, qui appelait encore en décembre dernier les Libanais à « changer de leadership » et à « dégager les responsables politiques qui bloquent les réformes », a pu se retrouver dans la situation de celui qui doit « vendre » le candidat du Hezbollah aux Saoudiens ? », s’interroge l’éditorialiste.

    De fait, Le Liban est aujourd’hui coincé entre deux veto. Mais la nature ayant horreur du vide, la société civile n’a pas tardé à remplir la case laissée vacante par le pouvoir. Engagés depuis octobre 2019 dans un mouvement de manifestation ayant conduit à la chute du gouvernement, les activistes étaient sur le pied de guerre, les ONG déjà à l’œuvre sur le terrain et les universitaires au chevet de leur ville martyrisée ; alors la mobilisation collective fut instantanée pour réparer ce qui pouvait l’être sans nécessiter une intervention d’en haut. « Les gens étaient dépassés par l’ampleur des dégâts, il fallait dans un premier temps répondre aux besoins urgents, explique Bachir Moujaes, architecte, enseignant à l’Alba et alors habitant d’Achrafieh. Il faut bien comprendre que sitôt la sidération passée on est confronté à l’ingérable : il n’y a plus de compteurs d’électricité, de réservoirs d’eau. » À l’initiative de l’Ordre des ingénieurs et architectes de Beyrouth 5 , un état des lieux est immédiatement engagé. La zone impactée est divisée en cinquante-deux super îlots et autant d’équipes sont constituées qui vont œuvrer durant deux mois sur la seule base du volontariat. Considéré comme le « Monsieur Patrimoine » de Beyrouth, Fadlallah Dagher appelle le Service des Antiquités pour offrir les services de son agence, puisqu’il s’avère que la pierre a davantage souffert que le béton. C’est l’acte de naissance de l’association Beirut Heritage Initiative (BHI) 6 , dont le logo apparaît aujourd’hui sur de nombreux panneaux de chantier : « Toutes les bonnes volontés se sont retrouvées et nous nous sommes réparti le travail. Nous avons établi des cartes, un plan d’actions. Ce fut un moment de grâce. »

    Puis très vite vient le temps de travaux. Les ONG parent à la première urgence, remettent compteurs et réservoirs en état de marche : il faut encourager les habitants qui le peuvent à revenir au plus vite chez eux et permettre à ceux qui ont refusé de quitter les lieux de revivre le plus rapidement possible dans des conditions décentes. Les donations affluent : sommes consistantes mais également modestes. À sa création en 2012, Live Love Beirut se limitait à une équipe de quatre personnes ; elles sont désormais plus de cinquante à travailler pour elle. « Suite à l’explosion, nous avons commencé par monter des opérations de l’ordre de 3 000 USD (ndlr, 2 738 EUR), aujourd’hui certaines atteignent 2,5 millions USD (ndlr, 2,28 millions EUR) », annonce fièrement Alexis Abdallah. Les opérations en question s’organisent par cluster, c’est-à-dire par groupe de quatre, cinq, six, voire une dizaine de bâtiments, comme dans celle qu’Alexis nous fait visiter. Concrètement, une fois les dégâts inventoriés, un partenariat est engagé avec les propriétaires, langue est prise avec le gouverneur de la ville, l’ONG sollicitée débloque les fonds et les appels d’offres aux entreprises sont lancés. Là encore, étape après étape, chacun apporte son écot : un cabinet d’avocats se met en disponibilité pour rédiger les contrats, des entreprises acceptent de travailler à marge réduite sans pour autant transiger sur la qualité – une gageure au Liban où l’exception a toujours fait office de règle. Dans la continuité de l’état de grâce, une confiance s’est installée. « Nous avions le budget pour rénover douze bâtiments, finalement nous avons pu en faire vingt-deux », s’étonne encore Fadlallah Dagher. Du côté de Live Love Beirut, le bilan des rénovations dressé en mars dernier est spectaculaire : 385 appartements, 45 immeubles patrimoniaux, 55 magasins pour un total de plus d’un millier de bénéficiaires. On serait tenté de vanter pour la énième fois la résilience du peuple libanais mais celui-ci ne veut plus entendre ce mot qui semble servir de prétexte à toujours alourdir un peu plus son fardeau. La résilience ne saurait être durable.

    « Nous avons surtout le sentiment d’avoir inventé un processus nouveau parce que les grandes opérations de reconstruction sont généralement dirigées par la puissance publique ou déléguées à une société privée d’aménagement, comme cela fut le cas pour le centre-ville de Beyrouth après la guerre civile », précise l’architecte franco-libanais Jad Tabet, président de l’Ordre au moment du recensement des dégâts 7 . Deux modèles bien évidemment inadaptés au Liban tant que la vacance du pouvoir perdurera et qu’un équilibre économique et financier n’aura pas été recouvré. Mais c’est peut-être, paradoxalement, une chance pour Beyrouth qui, en l’absence d’institutions fonctionnant démocratiquement, est parvenue à imaginer un autre mode de faire, non plus top down mais bottom up , c’est-à-dire partant de la base, une méthode, qui correspond finalement assez bien à ce pays si singulier. Un adage libanais ne dit-il pas : « Si tu as compris le Liban c’est qu’on te l’a mal expliqué ».

    Centre-ville fantôme

    Car force est de constater qu’il fait meilleur se promener dans les quartiers bordant le port, même après l’explosion, même sur des trottoirs étroits et défoncés, au milieu de la jungle des voitures et de l’odeur des ordures, que dans les rues gentrifiées du downtown , certaines aujourd’hui barrées de rouleaux de barbelés pour protéger quelque dignitaire n’ayant pas la conscience tranquille. Depuis les manifestations de 2019, il est, en effet, impossible d’accéder à la place de l’Étoile où trône la tour de l’Horloge. Autour, un centre-ville fantôme que la crise a vidé de ses occupants privilégiés. Le grand œuvre de Rafiq Hariri, assassiné en ces lieux-mêmes, ne ressemble plus qu’à un décor de cinéma dont même les enfants de réfugiés ont disparu. Pour une fois qu’un projet ne reste pas au fond d’un tiroir, celui-ci apparaît aujourd’hui totalement anachronique. Ce qui se voulait être un centre du monde, avec ses malls luxueux, est devenu une impasse, illustration d’un libéralisme poussé au bout de sa logique, qui, à force de mensonge et d’immoralité, en vient à nier toute humanité.

    Avec ses cafés tous plus accueillants les uns que les autres, ses souks alimentaires et ses ateliers d’artiste, la vitalité sociale et créative des quartiers de Gemmayzié et Mar Mikhael offre un contraste saisissant, dont les enseignements à tirer dépassent le contexte libanais. En contrepoint des habituelles démarches capitalistes aboutissant bien souvent à la confiscation de la vie par le béton, s’épanouit ici une urbanité organique et inclusive qui commence au seuil de son domicile et s’étend jusqu’à la rue, pour donner la priorité aux liens. Après l’apocalypse, l’arbre a repoussé. Cet « urbanisme du possible », comme l’a joliment défini Bachir Moujaes, apparaît dès lors comme un motif d’espérance dans les cas les plus désespérés. L’architecte mène avec ses étudiants des travaux sur cet urbanisme « tactique » qui s’affranchit de la planification. En parallèle de l’action sur le terrain, cinq des sept écoles d’architecture du pays ont planché sur les grands principes qui pourraient demain présider à la construction d’un écosystème pour une ville plus juste, tant sur le plan spatial que social. Un travail qui a abouti à la publication d’un document référence : la « Déclaration de Beyrouth » 8 . Selon Mona Fawaz, de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) 9 , cette régénération hors portage politique de sa capitale offrirait deux opportunités au Liban : « d’une part l’invention d’un nouveau modèle économique, plus redistributif et moins spéculatif, d’autre part le dépassement des confessions par le vivre-ensemble ».

    Mona Fawaz était de la liste « indépendante, non confessionnelle et paritaire » Beirut Madinati (ndlr, en arabe, Beyrouth est ma ville) qui osa défier les partis traditionnels lors des élections municipales de 2016. Beirut Madinati récolta 30 % des suffrages mais… aucun siège au conseil, la loi attribuant la totalité de la représentation à la liste arrivée en tête du suffrage. Qui plus est, au Liban, on ne vote pas dans son lieu de résidence mais dans la commune de ses racines familiales, ce qui fait qu’à peine 200 000 personnes ont leur mot à dire sur la gestion d’une ville qui compte deux millions d’habitants. « Cette situation traduit bien le divorce qui existe entre le pays légal et le pays réel, développe sa collègue et colistière Mona Harb. Cela fait plus de vingt ans que nous travaillons à la construction d’une ville plus juste, qui rejaillirait bien entendu sur l’ensemble du pays. Nous nous battons contre les projets les plus insensés, nous faisons du bruit. Depuis les relevés post-explosion, nous sommes en possession d’une importante somme de données, nous savons précisément quelle propriété appartient à quel propriétaire (la moitié des immeubles du front de mer au seul clan Hariri). Il serait parfaitement envisageable d’instaurer une taxe sur les plus-values immobilières pour financer un autre projet de société. C’est très frustrant parce que nous sommes prêts et qu’il y a actuellement, de par la faiblesse du pouvoir, une fenêtre pour agir, pour insuffler une dynamique nouvelle. » Fadlallah Dagher mise, lui, sur le fait inéluctable que « les vieux chefs de guerre qui ont installé un esprit tribal au sein de l’Etat finiront par disparaître ».

    Le 13 avril 1986, le poète libanais Antoine Boulad écrivait ces lignes dans L’Orient-Le jour : « Un pays vole en éclats lorsque sa capitale est atteinte. Une capitale se désintègre lorsque son centre est détruit. Ces deux cercles concentriques qui font une nation, les hommes politiques de demain n’auront dansé que sur leurs débris. Ainsi, il n’y aura plus de politique au Liban. J’ai peine à croire qu’il y aura des hommes. » 10 Trente-sept ans plus tard, constatons que l’oracle s’est trompé sur au moins un point.

    Remerciements à Ariella Masboungi, Grand Prix de l’urbanisme 2016, pour son aide précieuse dans la construction de ce reportage.

    Notes :

    1. Live Love Beirut

    2. Alba: Université De Balamand – Académie Libanaise Des Beaux-Arts

    3. Selon des spécialistes de l’Université de Sheffield, au Royaume-Uni, l’explosion du port de Beyrouth aurait atteint 1/10 ème de la puissance de la bombe atomique ayant détruit Hiroshima.

    4. Entre Riyad et Paris, le fossé se creuse , article de Mounir Rabih in L’Orient-Le Jour, 20 mars 2023.

    5. www.oea.org.lb

    6. https ://beirutheritageinitiative.com

    7. Beyrouth, un processus innovant de reconstruction , Jad Tabet et Ariella Masboungi : entretien croisé in revue Urbanisme, novembre 2021.

    8. Déclaration urbaine de Beyrouth – FRAN FINAL.pdf (oea.org.lb)

    9. www.aub.edu.lb

    10. Les franges incendiées du ciel , Antoine Boulad in Le goût du Liban, p. 89-91, texte choisis par Georgia Makhlouf, coll. Le petit mercure, Editions Mercure de France, août 2021.

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      The W Pattern Forex Trading Guide For Beginner

      Alla Traders · Wednesday, 28 December, 2022 - 15:46 edit · 1 minute

    The double bottom or W pattern is the most prevalent chart pattern used in trading. In fact, this pattern is so common that it may be taken as irrefutable evidence by itself that price action is not as totally random as many say. The double bottom pattern is one of the very few that perfectly depicts the market’s direction changing. At the bottom of a downtrend, the double bottom forms itself, offering potential long entries for buyers.

    What Is A Double Bottom (W Pattern)?

    The double bottom pattern is a technical pattern that can be used to identify a likely reversal in the Forex market. The double bottom emerges after an extended move down and can be utilized to discover purchasing opportunities on the way up. Because of the two-touched low and the change in trend direction from downtrend to uptrend, the pattern resembles the letter “W.”

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      Procès du 13-Novembre: Le djihadisme "reste la principale menace, mais elle n'est plus seule"

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 30 June, 2022 - 09:11 · 3 minutes

    Le procureur national antiterroriste, ici en 2019. Le procureur national antiterroriste, ici en 2019.

    JUSTICE - La menace terroriste qui pèse sur la France est moins importante qu’au moment des attentats de novembre 2015 , mais il est néanmoins “extrêmement difficile d’avoir une vision totalement optimiste” quant au risque d’une action d’envergure organisée depuis l’étranger.

    Le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, est revenu ce jeudi 30 juin sur le risque terroriste en France dans un entretien accordé à franceinfo au lendemain de la condamnation de Salah Abdeslam et plusieurs complices des attentats du Paris et Saint-Denis,

    “Des actions projetées” -à l’image des attentats du 13 novembre 2015 ou de l’attaque avortée dans un Thalys, toutes deux coordonnées par l’État islamique depuis la Syrie- “ne sont plus vraiment à l’ordre du jour”. Mais “nous ne pouvons pas écarter totalement” ce risque, estime le magistrat.

    “L’État islamique n’est pas du tout totalement défait. Un certain nombre de groupes continuent à exister dans le Nord-Ouest syrien, et ces gens-là peuvent exporter des activistes [...] pour perpétrer de nouvelles actions. Je ne dis pas que cela va se passer demain, mais il faut garder une vigilance absolument accrue”, insiste Jean-François Ricard.

    La menace de l’ultradroite

    Si le djihadisme “reste la menace numéro 1” en matière de terrorisme en France, “elle n’est plus seule”, développe Jean-François Ricard. “Un certain nombre de groupes d’ultradroite se sont manifestés au cours des dernières années”. Depuis sa création en 2019, le Pnat (parquet national antiterroriste) a ouvert “un peu moins d’une dizaine de dossiers, deux d’entre eux ont déjà été jugés”.

    La mouvance terroriste d’ultradroite “vise de multiples cibles: institutionnelles, de la communauté juive ou d’autres communautés, et elle peut viser aussi des actions de masse et ça fait partie des inquiétudes que nous avons.”

    Près de 40 attentats déjoués

    Treize attentats terroristes ont eu lieu depuis 2017 en France et “on estime que 39 actions ont été déjouées”, souligne Jean-François Ricard. “Il y a encore peu de temps, nous avons réussi à éviter une action terroriste, notamment par des très jeunes, parfois mineurs ou tout juste majeurs”, soupçonnés de vouloir agir “avec des moyens rudimentaires mais totalement acquis à l’idéologie djihadiste”.

    “C’est souvent une action qui commence à être mûrie à partir des réseaux sociaux, poursuit le procureur antiterroriste. C’est l’un des vecteurs les plus importants et les services de renseignement sont très actifs, ils ont développé leurs compétences en la matière pour déjouer ce genre d’actions.”

    Rapatriement des enfants en Syrie

    Interrogé sur le rapatriement des enfants de djihadistes français actuellement détenus dans des camps gérés par des Kurdes de Syrie, Jean-François Ricard souligne qu’environ 200 d’entre eux sont déjà rentrés dans l’Hexagone. “Ils font aujourd’hui, en France, l’objet d’un suivi éducatif dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et d’un suivi pluridisciplinaire qui fonctionne.”

    Pour les quelque 200 mineurs toujours retenus en Syrie, “c’est une situation très compliquée parce qu’il faut que les mères acceptent qu’ils rentrent, ou alors qu’elles rentrent avec eux”, risquant alors des poursuites par la justice française.

    De plus, les camps sont situés dans des zones qui ne sont pas gérées par le pouvoir syrien, avec lequel la France n’a par ailleurs “pas de relations diplomatiques”. “On imagine les problèmes juridiques qui peuvent se poser lorsque les mères ne veulent pas que les enfants rentrent.” Et si la centaine de mères françaises actuellement en Syrie devait être rapatriée, “nous aurons les moyens de les juger”, assure Jean-François Ricard.

    À voir également sur Le HuffPost: Après le verdict du 13 novembre, les parties civiles saluent une “juste peine”

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      Procès du 13-Novembre: Salah Abdeslam reconnu coupable

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 29 June, 2022 - 18:43 · 2 minutes

    Salah Abdeslam, principal accusé dans le procès des attentats du 13 novembre 2015, ici en avril 2022 dans la salle d'audience Salah Abdeslam, principal accusé dans le procès des attentats du 13 novembre 2015, ici en avril 2022 dans la salle d'audience

    JUSTICE - Un verdict pour l’histoire. Dix mois après l’ouverture des débats et au termes de 148 journées d’audience , la cour d’assises spécialement composée, compétente pour les affaires criminelles terroristes, a rendu son verdict, ce mercredi 29 juin, dans le procès des attentats qui ont causé la mort de 130 personnes au Bataclan, sur les terrasses parisiennes et à Saint-Denis le 13 novembre 2015. Le tout dans un document de 120 pages dont le président Jean-Louis Périès a épargné la lecture complète à l’assistance venue extrêmement nombreuse.

    Après plus de deux jours de délibération dans une caserne de la région parisienne, les cinq magistrats professionnels et leurs quatre suppléants ont reconnu coupable de tous les chefs d’accusation, dix-neuf des vingt accusés.

    C’est ainsi que Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie des commandos , a été reconnu comme “co-auteur” des attentats, la cour estimant -comme les avocats généraux- que les attentats pouvaient être pris comme “une scène de crime unique ”. Il est donc reconnu coupable de “participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle” et de “meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste”.

    L’ARTICLE EST MIS À JOUR AU FIL DE L’AUDIENCE

    La peine maximale a été requise

    Dans ses réquisitions , le parquet national antiterroriste (Pnat) avait réclamé à son encontre la peine la plus sévère prévue par le droit français, la réclusion criminelle à perpétuité incompressible , qui rend infime la possibilité d’une libération. Des réquisitions “démesurées” et une “peine de mort sociale”, avait répondu l’avocate de Salah Abdeslam dans sa plaidoirie.

    Au cours du procès, Me Olivia Ronen et l’accusé ont insisté sur le fait que Salah Abdeslam n’avait “pas tué”, mais au contraire “renoncé” au dernier moment, en refusant “par humanité” d’actionner sa ceinture explosive. “La ceinture explosive n’était pas fonctionnelle ce qui remet en question ses déclarations concernant le renoncement”, a estimé le président de la cour d’assises.

    Lundi 27 juin, Salah Abdeslam avait renouvelé ses excuses et reconnu des “erreurs”. “Mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur [...]. Si vous me condamniez pour assassinat, vous commettriez une injustice.”

    À voir également sur Le HuffPost: Au procès du 13 novembre, le dernier mot aux accusés avant le verdict

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      Procès du 13 novembre: on a assisté à la dernière journée d'audience

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 27 June, 2022 - 17:22 · 1 minute

    13 NOVEMBRE - “Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur”. Lundi 27 juin, le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est terminé par les excuses et les dénégations de la plupart des 14 accusés présents dans le box au palais de justice historique de Paris.

    Pour cette dernière audience avant le verdict, qui devrait être rendu mercredi 29 juin, la parole était donnée aux accusés. À l’exception de l’un d’entre eux, tous ont profité de cette dernière chance pour faire pencher la balance en leur faveur et éviter les lourdes peines énoncées lors des réquisitions .

    Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article , notre reporter a assisté à cette étape importante du procès, qui étaient particulièrement attendue par de nombreuses parties civiles, avocats et journalistes. “C’est un exercice très compliqué. On peut se foutre en l’air. Il faut trouver un juste équilibre en la préparation et quelque chose qui vienne du coeur”, explique Xavier Nogueras, avocat de Mohamed Amri.

    Durant une matinée, les accusés ont, pour la plupart, exprimé des excuses et des mots de compassion à l’égard des victimes, tout en niant avoir participé à la préparation des attentats ou avoir eu connaissance du projet à lequel ils ont pu apporté une aide logistique directe ou indirecte.

    Des mots qui touché leur cible? À la sortie de l’audience, les sentiments étaient partagés parmi les parties civiles. “On va de la froideur absolue, celui qui ne parle pas, à celui qui a failli défaillir tellement il était ému”, relate Catherine Orsenne, blessée au Stade de France , pour qui cette audience restera un “temps fort” de ce procès.

    À voir également sur Le HuffPost : “Novembre” à Cannes: les avis divergent sur le timing de ce film sur les attentats du 13-Novembre

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      Au procès du 13-Novembre, le réquisitoire étrille les "versions" et "mensonges" des accusés

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 8 June, 2022 - 21:51 · 1 minute

    JUSTICE - Neuf mois jour pour jour après l’ouverture d’une audience inédite, le parquet national antiterroriste (Pnat) a débuté, ce mercredi 8 juin, ses réquisitions au procès du 13-Novembre en reconstituant pièce par pièce “le puzzle” des attentats, étrillant “versions” et “mensonges” des accusés.

    Ce réquisitoire à trois voix, prévu pour s’étaler sur une quinzaine d’heures et trois jours , s’est ouvert sur un propos liminaire rappelant le fracas “dans la vie de tous les Français” des pires attaques commises sur le territoire, la “sidération” suscitée au-delà des 130 morts à Paris et Saint-Denis.

    Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article , notre reporter a assisté à cette journée d’audience. Il raconte l’ambiance sur place et détaille les premières conclusions des avocats généraux.

    Le ton, solennel dans les premières minutes du réquisitoire, s’est rapidement fait précis, méthodique, parfois aride, pour démontrer les responsabilités dans ces attentats des 20 accusés, dont six sont jugés en leur absence. Et repousser point par point les pions avancés par les accusés et leur défense.

    Pour cette première journée de réquisitions, l’accusation s’est concentrée sur la genèse des attentats projetés depuis la Syrie par l’État islamique et sur les liens unissant “les 33 terroristes identifiés” de la cellule jihadiste qui a également frappé Bruxelles le 22 mars 2016.

    À voir également sur Le HuffPost : Procès 13-Novembre: Ce rescapé du Bataclan revient sur ce premier jour d’audience

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      "Novembre" et "Revoir Paris": Cannes raconte les attentats du 13-Novembre

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Monday, 23 May, 2022 - 12:30 · 4 minutes

    Jean Dujardin en commandant de la sous-direction anti-terroriste dans Jean Dujardin en commandant de la sous-direction anti-terroriste dans "Novembre" de Cédric Jimenez

    FESTIVAL DE CANNES – “Il nous faudra du temps pour dépasser les traumatismes de ces dernières années. Et les cinéastes relatent ces réalités de la vie, ils nous aident à donner un sens au monde”, augurait Forest Whitaker lors de la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes . Si l’acteur évoquait la guerre en Ukraine et la pandémie de Covid, on ne peut s’empêcher d’y voir une autre résonance, alors que plusieurs films présentés ce week-end sur la Croisette racontent le même traumatisme: celui des attentats de 2015 .

    Revoir Paris , à la Quinzaine des réalisateurs, suit le parcours de deux rescapés de l’attaque terroriste d’une brasserie, qui se croisent dans un groupe de parole revenu sur les lieux quelques mois plus tard. Novembre (présenté hors compétition) est une plongée au cœur de l’anti-terrorisme les jours suivant les évènements, avec Jean Dujardin. Plus de six ans après les attentats qui ont fait 130 morts, dont 90 au Bataclan, le cinéma s’attache à raconter ce pan de notre histoire collective. De deux points de vue complètement différents.

    Revoir la vie

    Dans Revoir Paris , la cinéaste Alice Winocour filme le quotidien de Mia (Virginie Efira, d’une justesse incroyable), trois mois après avoir survécu à un attentat dans un bistro. Si ses cicatrices physiques se referment, elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et ne se rappelle de l’évènement que par bribes. Elle décide alors d’enquêter dans sa mémoire aux côtés, notamment, d’autres survivants dont Thomas (Benoît Magimel) qui lui aurait préféré oublier les moindres détails de cette nuit gravée dans sa tête.

    Si Alice Winocour a préféré mettre en scène un “attentat imaginaire” qui n’évite pas des images difficiles de corps qui s’effondrent, elle raconte s’être surtout “nourrie de [ses] rencontres avec des survivants” parmi lesquels son frère, qui était au Bataclan le soir du 13 novembre 2015. Le sujet est lourd, Revoir Paris est un film tendre, sur la reconstruction et le retour de la vie. “J’ai voulu raconter l’histoire de quelqu’un qui ne voulait pas seulement survivre, mais surtout vivre”, soufflait la cinéaste gagnée par l’émotion le soir de la projection du film à Cannes.

    Virginie Efira et Benoît Magimel en survivants d'un attentat dans Virginie Efira et Benoît Magimel en survivants d'un attentat dans "Revoir Paris" d'Alice Winocour

    Novembre vu par les flics

    C’est dans un tout autre registre que Cédric Jimenez déroule lui une histoire qui a le même point de départ. Un an après Bac Nord sur les flics de Marseille, le réalisateur s’immerge cette fois dans la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire pour raconter les premières heures intenses d’une enquête démarrée dans la nuit du 13 au 14 novembre.

    Cinq jours durant, les résultats espérés par la France entière se font attendre: les policiers (menés par Jean Dujardin, avec aussi Anaïs Demoustier et Sami Outalbali) luttent contre des accès de fatigue et de colère et accumulent les fausses pistes. Un témoignage d’une amie de la “logeuse” des islamistes (Lyna Khoudri incroyable) va finalement s’avérer décisif pour les conduire à l’appartement de Saint-Denis où se terraient les terroristes.

    Film policier au rythme effréné entre des scènes de filature haletantes et un assaut final assourdissant, Novembre est précis, froid, presque aseptisé. Une volonté du réalisateur de se placer uniquement du point de vue de l’enquête et de ne surtout pas “montrer les attentats”, assure-t-il. “Beaucoup de sobriété, aucune emphase. On essaie de rester à hauteur, avec sobriété. Que ce soit dans le jeu, dans la mise en scène, dans la musique, dans le montage. De la sobriété et de la droiture.”

    Projetés au Festival de Cannes alors que le procès des attentats du 13-Novembre se poursuit à Paris, Revoir Paris sortira au cinéma le 7 septembre, et Novembre le 4 octobre. D’ici là, on connaîtra le verdict réservé aux vingt accusés - parmi lesquels le seul membre en vie des commandos, Salah Abdeslam - impliqués dans ces attaques ayant fait 130 morts et des centaines de blessés le 13 novembre 2015. Et de tourner une nouvelle page de notre mémoire collective .

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