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      Trois femmes d’exception : Arendt, Rand, Thatcher

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 8 March, 2023 - 07:53 · 3 minutes

    Présenter trois femmes d’exception à travers trois films est une occasion rare. C’est ce que l’on va s’essayer de faire en citant :

    Hannah Arendt

    Hannah Arendt fuit l’Allemagne nazie à 27 ans pour la France où elle est internée en 1940. Elle s’en évade pour s’installer aux États-Unis où elle deviendra une des plus grandes philosophes politiques du moment, enseignant dans les meilleures universités. Son reportage en 1961 pour le New Yorker sur le procès d’Eichman en Israël est l’occasion pour elle d’illustrer son concept de « banalité du mal » : des hommes ordinaires deviennent acteurs de systèmes totalitaires par absence d’idéologie. Privés de pensée, ils deviennent prisonniers de schémas qui interdisent la réflexion, voire l’analyse critique. Chacun est piégé par ses dogmes. Bien sûr, toute ressemblance avec des personnages actuels… ne serait pas fortuite.

    L’origine de la pensée d’Arendt doit beaucoup à celle du philosophe Martin Heidegger, dont elle fut l’étudiante, la maîtresse, et après guerre, le témoin à décharge dans le procès de Heidegger qui avait publiquement défendu l’idéologie nazie. Ce soutien qu’on lui a évidemment reproché ne doit pas cacher la rupture philosophique de l’élève avec son maître, qu’elle décrit dans the Life of the Mind : le refus de résistance à la domination est d’abord un refus de la volonté. La pensée de Hannah Arendt est donc au premier chef, une valorisation de la liberté responsable, notamment par l’action politique.

    Ayn Rand

    Ayn Rand quant à elle, fuit l’arrivée au pouvoir des bolchéviques en Russie, en Ukraine puis en Crimée pour finalement s’installer aux Etats-Unis où elle devint scénariste, romancière et philosophe universellement connue sauf… en France ! Deux romans ont eu des succès planétaires et ont été adaptés au cinéma: The Fountainhead (1943) ( la source vive ), et Atlas Shrugged (1957), traduit 50 ans plus tard sous le titre La Grève .

    La vertu d’égoïsme décrite par Ayn Rand, est une éthique rationnelle du savoir et de la raison. Sa philosophie inspirée par Nietzsche est fondée sur « le concept de l’homme en tant qu’être héroïque, ayant son propre bonheur pour éthique de vie, son accomplissement productif pour occupation la plus noble, et la raison pour unique absolu. »

    Ayn Rand a dénommé sa philosophie « objectivisme », parce que celle-ci est basée sur la prémisse que la réalité est un objectif de perception absolu pour chacun d’entre nous.

    Un puissant antidote a l’idéologie  judéo chrétienne du partage et sa version moderne dite de « justice sociale « !

    Margaret Thatcher

    Margaret Thatcher est elle mieux connue pour être, selon la doxa de la pensée unique, l’ultra libérale haïe par son peuple, aux méthodes brutales et autoritaires. Renaud lui consacre une chanson ou il la traite de « conne ». Un qualificatif qu’il a sans doute oublié puisqu’il vit aujourd’hui… à Londres.

    C’est oublier également qu’elle a bénéficié  d’un soutien sans faille des Britanniques qui l’ont réélue trois fois de suite et qui a gouverné pendant plus de onze ans.

    Margaret Thatcher accorde une grande importance aux valeurs victoriennes du travail, de l’ordre, de l’effort et de self-help, qu’elle reçut dans son éducation, dénotant un lien puissant avec L’éthique protestante Méthodiste et l’esprit du capitalisme de Weber.

    De façon générale, le « thatchérisme » puisera son inspiration politique et économique dans les théories de l’école monétariste de Chicago, incarnée par Milton Friedman, de l’école de l’offre d’Arthur Laffer et de l’école autrichienne, connue à travers Friedrich Hayek.

    A noter l’influence des think tanks, en particulier le Centre for Policy Studies, think tank libéral fondé en 1974 par Keith Joseph .

    Trois femmes d’exception qui, de façons très différentes, et chacune à sa manière, marqueront durablement la vie politique et philosophique, et méritent d’être ainsi davantage connues à travers le cinéma.

    Article publié initialement le 15 juillet 2013 .

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      El retorno a la simetría política

      juandemariana · ancapism.marevalo.net / IJM Analisis Diarios · Monday, 5 December, 2022 - 11:00 · 2 minutes

    Mi cita favorita de Ayn Rand es aquella en la que afirma que no puede existir una cosa, legal o moral, que esté prohibida al individuo y permitida a la muchedumbre . La desigualdad ante la ley entre los grupos numerosos y los individuos es una asimetría política que nace del desequilibrio de fuerzas entre ambos agentes. El liberalismo intenta corregir esta asimetría por medio de una filosofía moral que aumente el poder del individuo frente al grupo. Se ha tenido un éxito razonable, teniendo en cuenta que se trata de equilibrar un poder físico real con uno moral abstracto, lo que exige instituciones complejas y frágiles, pero queda mucho camino por andar.

    Por otro lado, en Occidente llevamos algunos lustros sufriendo una asimetría menos común: la supremacía de la moralidad de izquierda en el debate público. Esto ha llevado a la inestabilidad social en la que estamos inmersos, la aparición de nuevos grupos políticos heterogéneos cuyo fin es oponerse al statu quo , y la reacción de las élites, que, en su afán de no renunciar a su situación de privilegio, están acelerando su deriva autoritaria.

    En este escenario, con las particularidades sociales españolas, se encuadra la reciente polémica política que se dio en el Congreso de los Diputados. En ella se puede ver diferentes posturas políticas:

    1. El convencimiento de que, si algo le es permitido a un lado del espectro político, por muy soez que sea, su utilización es legítima por parte de todos (VOX)
    2. La crítica a comportamientos inmorales analizándolos de forma aislada al contexto, por simple señalización de virtud (PP o Ciudadanos).
    3. Sobreactuación ante un comportamiento que empleas contra tus contrarios cuando eres la víctima del mismo, con el fin de cohesionar a tu grupo y mantener la ficción de que la ofensa solo es tal si la emplea el contrario (PSOE y Podemos).

    A todos nos puede disgustar el tono grueso en el debate político, pero nuestros gustos no moldean la realidad. A los hechos no les importan tus sentimientos, y eso también incluye nuestra sensibilidad al conflicto.

    Se puede argumentar, no obstante, que no criticar la postura 1 llevaría a una escalada que nos podría perjudicar a todos. Creo que es un razonamiento erróneo, ya que pone el foco en la reacción a un hecho, en vez de a la acción que lo provoca.

    La asimetría política es inestable por naturaleza. Históricamente, sólo se ha podido sostener por medio de la violencia. Y por mucho que haya degenerado nuestras élites, estamos lejos de que estén en posición de hacer uso de la misma para mantener a raya a una reacción que lleva años fraguando y que no se va a detener fácilmente.

    La simetría va a volver, ya sea de la mano de un multimillonario al que le gustan los memes, o de un partido político que quiere devolver los insultos. No va a ser agradable, pero eso no puede ser excusa para ponerse del lado del que desequilibró el tablero en primer lugar. Bastante trabajo vamos a tener con vigilar que en el nuevo equilibrio de poder no seamos todos menos libres.

    La entrada El retorno a la simetría política se publicó primero en Instituto Juan de Mariana .

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      Gloria Alvarez, la passionaria libérale venue d’Amérique latine

      Raphaël Krivine · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 3 March, 2022 - 04:30 · 28 minutes

    Gloria Alvarez, la passionaria libérale, dit tout et c’est dans Contrepoints !

    Elle s’exprime pour la premi ère fois en France.

    Gloria Alvarez est une jeune femme influente. Auteur de trois livres , conférencière très sollicitée en Amérique latine, en Espagne ou aux USA, hyper active sur les médias sociaux avec 377 000 followers sur Twitter et 242 000 sur Instagram, elle est sans doute l’influenceuse libérale féminine numéro un dans le monde ! Elle prône le libéralisme dans tous les domaines. Liberté, frontières, aide internationale, drogues, féminisme, programme pour une présidentielle, élection française, auteurs préférés… Beaucoup de sujets sont abordés dans sa riche et longue interview à distance, réalisée par Raphaël Krivine le 2 février 2022. À titre exceptionnel, l’entretien est disponible en français et en anglais.

    She expresses herself for the first time in France, and it is in Contrepoints.

    Gloria Alvarez is a powerful young woman. Author of 3 books, a much sought-after speaker, in Latin America Spain and the USA, hyper active on social media with 377 000 followers on Twitter and 242 000 on Instagram, she is perhaps the No. 1 female libertarian influencer in the world!  She advocates liberalism in all areas. Freedom, borders, international aid, drugs, feminism, program for a presidential election, French election, favorite authors… Many topics are discussed in her rich and long interview conducted on february 2, 2022 by Raphaël Krivine.

    Contrepoints : Pouvez-vous vous présenter en disant quelques mots sur votre parcours universitaire ?

    Gloria Alvarez : Je suis originaire du Guatemala et j’ai des racines hongroises et cubaines. J’ai fréquenté une université très particulière, l’Université Francisco Marroquin , qui a accueilli l’an dernier, en novembre, la réunion de la Société du Mont Pèlerin , l’une des rencontres les plus prestigieuses entre libéraux classiques, libertariens et capitalistes du monde entier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je n’ai pas choisi cette université en connaissant le libéralisme classique, bien sûr, car en Amérique latine, ces idées n’avaient jamais été populaires.

    Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai compris à quel point cette université était unique, parce que son fondateur, cet ingénieur guatémaltèque, Manuel Ayau, avait beaucoup de contacts avec la Foundation for Economic Education, avec Leonard E. Read , son célèbre essai I, Pencil . Puis il a rencontré Milton Friedman , Ludwig Von Mises et Hayek . Tous ces efforts se sont transformés en un projet à très long terme, à savoir la création d’une université qui vient de fêter ses cinquante ans. Elle a été très utile pour amener des professionnels de différents horizons – ingénierie, médecine, publicité, affaires internationales et sciences politiques dans mon cas – à ces idées et pour relier le Guatemala au mouvement du libéralisme classique dans le monde entier.

    Contrepoints : Can you introduce yourselves with some words about your education?

    Gloria Alvarez : I am originally from Guatemala with Hungarian and Cuban roots. I went to a very unique university called University of Francisco Marroquin, which actually last year in November hosted The Mont Pèlerin Society meeting, which is one of the most prestigious meetings between classical liberals, libertarians, capitalists from all around the world since the end of World War Two until now. I didn’t choose that university knowing anything about classical liberalism, of course, because in Latin America these ideas had never been popular.

    And after I graduated from there, I understood how unique this university was, because this guatemalan engineer, Manuel Ayau, had a lot of contacts with the Foundation for Economic Education, with Leonard E. Read and his famous essay I’ Pencil. Then he got to meet Milton Friedman, Ludwig Von Mises and Hayek.

    All these efforts turned into a very long term project for him, which was creating a university, and little by little, the university just turned 50 years last year. It has been very helpful into bringing up first of all, professionals from different backgrounds, engineering, medicine, advertisement, international affairs, and political science in my case to these ideas of course, economists and business people, and also connecting Guatemala with the movement of classical liberalism all around the world.

    … Et ensuite vous avez découvert l’aide internationale ?

    Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à chercher des bourses d’études. Je voulais travailler dans le développement international. J’avais la vision très utopique que la Banque mondiale, le Fond monétaire international, les Nations unies, Oxfam et toutes ces grandes agences avaient pour mission de mettre fin à la pauvreté, et je voulais y travailler dans ma perspective de marché libre. Mais plus j’étudiais en master en développement international, plus j’apprenais à connaître des gens comme William Easterly et son célèbre livre, The White Man’s Burden, Why the West’s efforts to aid the rest have done so much ill and so little good , ou Dambisa Moyo, l’économiste africaine qui a écrit Dead aid: why aid is not working and how there is a better way for Africa .

    J’ai compris que toutes ces agences d’aide internationale nuisaient en fait à toute possibilité de mettre fin à la pauvreté. J’ai donc fait du travail de terrain à Rome avec des immigrés sénégalais et j’ai pu les interviewer. J’ai compris que le problème du tiers monde est qu’il veut se développer, mais que toutes les routes pour les marchés sont très difficiles.

    Des immigrés sénégalais de 19 ans, qui travaillaient dans de très mauvaises conditions, en vendant des sacs chinois devant l’Opéra de Rome, m’ont dit :

    Vous voyez l’hypocrisie des Européens parce qu’ils ont l’UNICEF et Oxfam et ils envoient de l’argent en Afrique. Mais tout cet argent va à nos dictateurs et ces dictateurs créent la guerre et cette guerre fait qu’il est difficile pour moi de travailler. Alors que si je viens ici et que j’envoie de l’argent à ma famille directement par Western Union, ils me persécutent. Ils ne me donnent pas de visa, alors je ne comprends pas le marché avec les Européens. Ils disent qu’ils veulent développer l’Afrique, mais ils ne veulent pas utiliser le libre-échange et ils ont mis en place un protectionnisme généralisé, de l’agriculture à l’énergie.

    J’ai vu exactement le même problème que les latino-américains rencontrent quand ils vont aux États-Unis. De là est née ma passion pour la défense de la liberté absolue et un rejet complet de faire partie de ce récit de l’aide internationale.

    And then you discovered international aid ?

    After I graduated from that, I started looking for scholarships. I wanted to work in international development. I still have the very utopian vision that the World Bank, the International Monetary Fund, the United Nations, Oxfam and all these big agencies where in the business of ending poverty, and I wanted to work on them from my free market perspective but the more I studied master degrees in international development, I got to know people like William Easterly and his famous book, The White Man’s Burden, Why the West’s efforts to aid the rest have done do much ill and so little good, or Dambisa Moyo, the African economist that wrote Dead aid: why aid is not working and how there is a better way for Africa.

    I understood that all these international aid agencies are actually harming any possibility of poverty ending. So I did some field work in Rome with Senegalese immigrants and from first hand experience interviewing them. I understood that the problem in the Third world is that they want to develop, but all the roads for markets are highly difficult. Senegalese immigrants that were like 19 years old, that were working in really bad situations, selling like Chinese bags outside the Opera of Rome, they said to me. Well, you see the hypocrisy of the Europeans because they have UNICEF and Oxfam and they send money to Africa.

    But all that money goes to our dictators and those dictators create war and that war makes it hard for me to work. Whereas if I come here and I send money back home directly through Western Union to my family, they persecute me. They don’t give me a visa so I don’t understand the deal with Europeans. They say they want to develop Africa, but they don’t want to use free trade and they had protectionism all over the place from agriculture to energy to everything that they have.” When I saw that, I saw the exact same problem that Latin Americans face when they go to the United States and all of those findings created my passion for advocating for absolute freedom and also a complete rejection to being part of that narrative of the international aid.

    Comment avez-vous acquis votre notoriété ?

    Après Rome, je suis retournée au Guatemala et j’ai refait de la radio. J’en faisais à temps partiel quand j’étais à l’université. Et j’ai commencé à transmettre ces idées aux jeunes, indépendamment de ce qui se passait politiquement dans mon pays. Mon message a toujours été de dire : « vous ne pouvez pas contrôler qui est votre président, surtout si vous êtes en Amérique latine » .

    Si vous lisez Atlas Shrugged d’ Ayn Rand , vous verrez que les profiteurs, les pillards et leurs copains sont partout, alors il faut se demander ce que vous pouvez faire dans votre sphère individuelle, quelles que soient les conditions, pour sortir du seuil de pauvreté. Avec ce message, j’ai commencé à acquérir une certaine notoriété dans mon pays.

    Ayn Rand credits Ian (CC BY-NC 2.0)

    Et j’étais assez satisfaite, car même si mon travail ne payait pas beaucoup, je savais au moins que petit à petit, individuellement, j’aidais des jeunes Guatémaltèques à obtenir une bourse d’études ou à investir dans leur propre éducation, indépendamment de qui était au pouvoir. C’est ainsi que quelques années plus tard, grâce à d’autres métiers que j’ai commencé à exercer (dans les médias sociaux, dans une banque et dans une société de téléphonie mobile), j’ai prononcé un discours en Espagne en 2014 qui est devenu viral.

    Depuis, j’ai donné environ 4000 conférences dans toute l’Amérique latine, aux États-Unis et en Europe ! Internet, qui est le pays le plus libre du monde, offre beaucoup d’opportunités à ceux qui promeuvent le libéralisme classique dans le monde et le capitalisme, des concepts que normalement la télévision, la radio et les journaux ne veulent pas couvrir…

    How have you built your notoriety ?

    After Rome, I went back to Guatemala and radio. I used to do radio as my part time job when I was in university. And I started portraying these ideas to young people regardless of what was happening politically in my country. Like my message has always been, you cannot control who’s your President, especially if you are in Latin America.

    If you read Atlas Shrugged from Ayn Rand, it’s like the moochers and looters and their cronies are everywhere So it’s like what can you do in your individual sphere, regardless these conditions to step away from the poverty line. With that message I started getting notoriety back home. And I was quite satisfied because even though my job didn’t pay a lot, at least I knew that little by little, individually, I was helping young Guatemalans for instance getting a scholarship or investing in their own education, regardless of who was in power.

    That is how few years in the role, through other jobs that I start having (in social media, with a bank and a cell phone company), I did a speech in Spain in 2014 and it went viral and since then, I’ve been giving pretty much like 4.000 conferences all over Latin America, the US or Europe.  Internet, which is the freeest country of the mall, is giving a lot of opportunities to people that are pushing classical liberal and capitalist ideas into the world. Because these are ideas that normally the TV on the radio and newspapers didn’t want to cover…

    Vous citez différents économistes qui étudient les pays non développés, vous connaissez forcément l’économiste péruvien Hernando De Soto et sa théorie sur les droits de propriété ?

    Oui, Hernando De Soto livre l’une des leçons les plus importantes sur la propriété privée. Il dit que si vous marchez la nuit dans un endroit sans lumière, même un chien sait par son aboiement où la propriété commence et où elle se termine et il aboie seulement pendant que vous marchez autour de cette propriété. C’est fascinant parce que parfois, le bon sens est le moins commun de tous les sens et des exemples comme celui-ci montrent pourquoi la propriété privée est si fonctionnelle pour la civilisation.

    You are quoting different economists studying undeveloped countries, you certainly know the Peruvian economist Hernando De Soto and his theory about the rights of property ?

    Yes, actually Hernando De Soto delivers one of the most important lessons about private property. He says even a dog, if you’re walking at night into a place that has no light, even a dog knows by its bark where the property starts and where the property ends and he only barks while you were like walking around that property. It is fascinating because sometimes, common sense is the least common of all the senses and examples like that show why private property is so functional to civilization.

    Comme vous avez moins de 40 ans, vous n’avez pas pu vous présenter à l’élection présidentielle au Guatemala. Est-ce que votre objectif est toujours de devenir une femme politique ou avez-vous l’intention de rester du côté intellectuel du libéralisme ?

    Pour les prochaines élections, j’aurai 38 ans et je vais relancer ma campagne présidentielle. Cette fois, je vais inclure des nouveaux thèmes comme l’approche du professeur Onkar Ghate (de l’Institut Ayn Rand) sur la pandémie du point de vue de la liberté, qui est un travail fantastique sur la façon d’aborder une pandémie sans perdre la liberté.

    Je vais inclure les crypto-monnaies. Je parlerai également de la légalisation des drogues, bien au-delà de la cocaïne, de la marijuana et des cartels de la drogue en Amérique latine. Je l’aborderai davantage sous l’angle de la médecine par les plantes et de la manière dont l’université Johns Hopkins, par exemple, avec la MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies), a découvert que des substances comme la psilocybine, la MDMA, la DMT et la CBD peuvent aider à soigner un grand nombre de maladies mentales.

    Comment le Guatemala pourrait-il devenir, grâce à ses ressources naturelles uniques, une sorte de plaque tournante de la psychiatrie au XXIe siècle ? Pourtant ça va être complètement illégal. Ça ne me dérange pas. Le but de ma participation à la campagne est de mettre en contraste le fait que tous les candidats qui se présentent n’ont jamais de projets.

    Parce que moins ils s’engagent et plus leur message est ambigu, plus ils obtiennent de voix. Je veux donc créer un contraste et que les gens puissent s’interroger sur cette différence. Nous ne sommes pas condamnés à avoir des politiciens médiocres sans projets concrets.

    As you are under 40, you couldn’t run for presidential election Guatemala. Is it still an objective to become a politician or do you intend to remain on the intellectual side of liberalism ?


    For next elections I’m going to be 38 and I’m going to relaunch my presidential campaign. This time I’m going to include things like Professor Onkar Ghate (from the Ayn Rand Institute) approach on pandemic from a freedom side, which is a fantastic work about how to approach a pandemic without losing freedom. I’m going to include cryptocurrencies.

    I will also talk about drug legalization, way beyond cocaine, marijuana and like the drug cartels in Latin America. I am going to approach it more to plant medicine and how Johns Hopkins University, for example, with the MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies) that is finding out that substances like Psilocybin, MDMA, DMT, CBD can help with a lot of of psychological illnesses.

    How Guatemala could become because of its unique natural resources a kind of hub for psychological medicine in the in a 21st century? Still it is going to be completely illegal. I don’t mind. Why do I do this? It is more to put into contrast that all the candidates that are running never have plans. Because the less they commit to something and the more ambiguous their message, then more votes they get. So I want to create a contrast and that people can question that difference. We’re not doomed to have mediocre politicians that don’t have concrete plans. There is an option now regardless of the age.

    À propos des drogues, pouvez-vous préciser votre pensée ?

    Tout d’abord, nous devons diviser les drogues entre le côté obscur et le côté lumineux, comme dans La Guerre des Étoiles . Si nous parlons des drogues en général, cela va des substances comme les médicaments à base de plantes à celles que nous fabriquons dans les laboratoires et qui détruisent des vies. Nous devrions les diviser en deux catégories : les substances sombres qui représentent le pire de l’humanité et les substances qui peuvent réellement traiter les maladies mentales.

    Et si nous les gardons illégales, nous n’aurons jamais assez de connaissances et de sagesse sur la façon de diviser ces deux catégories et de créer des marchés qui peuvent être bénéfiques. Toute dépendance qui rend les individus plus violents, plus malheureux, n’est pas due à la substance en elle-même, tout comme le contrôle des armes à feu : ce ne sont pas les armes à feu qui tuent des gens, c’est toujours la main de quelqu’un qui veut tuer.

    C’est la même chose avec les drogues. Pour moi, les substances en elles-mêmes ne sont pas destructrices ou constructives. Tout dépend de leur utilisation. Plus nous avons des substances illégales et interdites, moins nous aurons de chances de les utiliser à bon escient.

    About drugs, can you tell us more about your view ?

    First of all we have to divide drugs into the dark side and the light side, like in Star Wars. If we talk about drugs in general, it goes from substances as plant medicines to the ones that we make in labs that destroy lives.

    We should divide them into the dark substances that potentialize the worst in Humanity versus substances that can actually treat mental illnesses. And if we keep them illegal, we will never have enough knowledge and wisdom on how to divide these two and create markets that can be beneficial. Every addiction that makes people more violent, more miserable, it’s not due to the substance in itself, just as like the gun control: it’s not that guns kill people, it’s always the hand of somebody wanting to kill. It is the same with drugs.

    For me, substances in themselves are not destructive or constructive. It all depends in the use. The more we have something illegal and prohibitate, the less chance we will never have of using those substances for the good.

    Mais vous finirez par atteindre 40 ans… Que se passera-t-il alors ?

    Le problème au Guatemala est que les candidatures indépendantes sont illégales et je refuse de créer un parti politique. Nous avons eu une guerre civile pendant 36 ans. Lorsque celle-ci a pris fin et que la guérilla marxiste a été mise hors d’état de nuire, nous avons connu une vague de violence, d’enlèvements et de corruption.

    Des partis politiques, nous en avons désormais plus de 50. Aucun d’entre eux n’a d’idéologie. Ils travaillent plus ou moins comme des agences de publicité… Ils se reproduisent, se dotent d’un leader, et s’ils n’arrivent pas au pouvoir, ils disparaissent. Donc, créer un parti politique en soi vous oblige à faire partie de ce système obsolète.

    Même à plus de 40 ans, cela ne servirait à rien de me présenter, car il faudrait alors faire de nombreux compromis avant même d’être au pouvoir, et je ne souhaite pas le pouvoir pour le pouvoir. Je veux le pouvoir pour faire les réformes qui pourraient aider le Guatemala. Si vous regardez les pays qui s’en sortent bien en matière de droits individuels, de prospérité, de richesse réelle, ce sont ceux qui sont en tête de l’indice de liberté économique, de liberté humaine. Ce sont donc les politiques qui marchent vraiment. Mais si les gens ne sont pas prêts et veulent continuer à vivre dans cette médiocrité, comme c’est le cas de toute l’Amérique latine, eh bien qu’il en soit ainsi.

    But eventually you will hit 40 ? What will happen then ?

    The main problem in Guatemala is that independent candidacies are illegal and I refuse to create a political party. Whoever studies the politics of Guatemala will see that we had a civil war for 36 years.

    When that was finally over and the Marxist guerilla was out of business, we had a wave of violence and kidnaps and corruption and now political parties. We have more than 50. They all list of them is like 20 years old. None of them have ideology. They work more or less like advertisement agencies that are born. They reproduce, they create a figure, and if they don’t get to power, they disappear. So making a political party in itself forces you to be part of that obsolete system.

    Even if I hit 40, there’s no point in running because then you have to compromise a lot even before you are in power and for me it’s like I don’t want power for the power. I want the power in order to do the reforms that I think could help Guatemala, not because I delusionally think so, but because if you look at the countries who are doing great in individual rights, in prosperity, in real wealth, those are the countries that are on top of the index of economic freedom, of human liberty. So these are the politics that actually work. But if people are not ready for them and they want to continue living in this mediocrity, that it’s like the case of all Latin America, well then so be it.

    À propos de votre présence sur les médias sociaux, on pourrait vous considérer comme une jeune influenceuse montrant vos meilleurs selfies. Est-ce simplement votre façon de vivre ?

    La chance que j’ai eue, c’est que je suis devenue virale à l’âge de 29 ans. J’étais donc déjà une personnalité avec ce que j’ai toujours défendu. Je n’étais plus une adolescente en devenir. J’ai toujours aimé la nature. J’ai une fascination pour les sixties. Pas la dimension socialiste, mais cette période de rébellion qui a apporté de nouvelles libertés et des actions collectives. J’aime la musique.

    Si j’ai commencé à faire de la radio, c’est parce que j’aime la musique. Et puis j’ai toujours beaucoup bougé depuis que je suis enfant, parce que mon père travaillait dans toute l’Amérique centrale et j’ai toujours été habituée aux nouveaux départs. Dire au revoir, garder des amitiés… Quand on déménage beaucoup, qu’est ce qui a une vraie valeur dans la vie ? Ce sont les connexions humaines plus que les choses matérielles. Même si je ne suis pas un super capitaliste, je ne crois pas qu’il faille consommer pour consommer.

    Je ne crois pas que les objets vous rendent heureux. Selon moi, les marchés devraient être libres afin que nous puissions avoir du temps pour les choses qui ont vraiment de la valeur. Je n’ai pas besoin de passer du temps à chercher une bouteille de lait ou un morceau de pain. C’est ce que fait le socialisme. Il vous limite à vous consacrer à sortir de la misère pour que vous n’ayez pas de temps pour autre chose.

    Beaucoup de gens ont remis en question ma démarche sur les médias sociaux en me disant : « ne montre pas cette partie de qui tu es. Ne dis pas que tu es athée. Ne dis pas que tu veux légaliser les drogues, contente-toi de haïr le socialisme… » . Au début, la droite latino-américaine voulait m’utiliser comme leur enfant modèle et ensuite elle n’a pas aimé cette facette non conservatrice de ma personnalité. Donc se battre pour mon identité, c’est quelque chose qui m’est venu naturellement parce que je me suis dit que si je devais aller dans cette voie, je devais préserver qui j’étais.

    About your presence on social media, one might consider you as a young influencer showing your best selfies. Is it just your way of living?

    The blessing that I had is that I went viral when I was 29. So I was already a person with the things that I have always loved. I was not a teenager forming my mind. And I I’ve always loved nature. I have a fascination for the decade of the 60s.

    None of the socialist part of it, but like their rebellion of bringing new liberties and doing action. I love music. The reason why I started on radio was because I love music. I’ve always moved a lot since I was a kid because of my dad’s work all over Central America, so I was always used to new beginnings. Saying goodbye, keeping friendships and when you move a lot, what are the things that are valuable in life? These are human connections more than material stuff.

    Even though I’m not like super capitalist, I don’t believe in consuming for consuming. I don’t believe that stuff makes you happy. I believe that markets should be free so that we can have time for the things that are actually valuable. I don’t have to spend time looking for a gallon of milk or the next piece of bread.  Which is what socialism does. It focuses you on getting out of poverty so you don’t have time for anything else.

    A lot of people questioned it like “don’t show this part of who you are. Don’t talk that you’re atheist. Don’t say that you want to legalize drugs…”. It sticks to hating socialism. Because at first the cronies of the right wing of Latin America wanted to use me as their poster child and then they didn’t like that non conservative part of me. So fighting for my identity, it was something that came natural to me because I thought if I’m going do this, I have to preserve who I am.

    Mais par votre présence sur les médias sociaux, ne cherchez-vous pas à être une influenceuse auprès des jeunes ?

    Certainement. Je veux être une source d’inspiration pour les plus jeunes en leur montrant qu’il n’est pas nécessaire de se perdre dans une carrière de politicien. Je suis convaincue que la raison pour laquelle les gens en Amérique latine sont obsédés par ces messies populistes est qu’ils veulent croire que le politicien est pur, qu’il est parfait, qu’il est une sorte d’ange qui ne fait pas d’erreur et qu’avec sa baguette magique, il va les sortir de la pauvreté.

    Nous devons montrer que, comme les sportifs, les musiciens, les artistes, les architectes, les médecins, les politiciens restent des personnes de chair et de sang avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Au final, cela a été un long chemin qui m’a permis de montrer que l’on peut rester soi-même et avoir des idées très importantes à communiquer.

    Vous ne pouvez satisfaire un public en lui mentant si vous voulez communiquer certains messages et espérer qu’il y ait des gens qui peuvent relier les points et penser comme vous. Et c’est ainsi que je me suis séparée des conservateurs de droite et des socialistes marxistes d’Amérique latine. C’est un peu comme si je créais une nouvelle niche de bannis qui ne sont ni défendus ni soutenus par l’un ou l’autre camp !

    Don’t you try also to be an inspiring person to younger people?

    Sure. I want to be inspiration to younger people that you don’t have to lose yourself in the process of becoming a politician. I am convinced that the reason why people in Latin America are obsessed with this populist messiahs is because they want to believe that the politician is unpollusive, is perfect, is a kind of angel that doesn’t make any mistake and with their magic wand, they’re going to take them out of poverty.

    We have to show that as a sports, people, musicians, artists, architects, doctors, politicians are also people of flesh and blood with their good their bad their ugly, they have good days or bad days. So for me it’s been a journey of showing you can be all these things and still have very important ideas to communicate and also there comes a point where you don’t want to satisfy an audience by lying to them.

    You want to communicate certain messages and hope, that there are people out there that can connect the dots and think similar to you. And this has been the road of separating myself from right wing conservatives and marxist socialists in Latin America. And kind of like creating a new niche of outcast that are not defended nor supported by either or the other side.

    Quel est votre degré de libéralisme classique ?

    Je m’identifie plutôt à Ayn Rand . Je ne suis pas une anarcho-capitaliste. Je crois en un gouvernement minarchiste en charge de la justice et de la sécurité où vous avez une chaîne solide, du moment où un crime est commis ou une escroquerie jusqu’au procès et je mettrais en œuvre la Common Law qui est un concept que nous n’avons pas en Amérique latine.

    Nous utilisons davantage le système positiviste français… Je crois qu’il faut privatiser autant que possible. Les prisons par exemple peuvent être mieux gérées par une libre compétition. Hayek doit rencontrer un anarcho-capitaliste qui me convaincra que l’anarcho-capitalisme fonctionne en temps réel. J’ai toujours dit à mes amis anarcho-capitalistes que je serai la première à soutenir leur approche, mais je suis pour l’ouverture des frontières, pour tout ce que les marchés impliquent, y compris pour les personnes qui travaillent et produisent sur ces marchés.

    Bryan Caplan est un auteur brillant qui explique pourquoi les frontières ouvertes ont tout leur sens dans le monde. La raison pour laquelle j’utiliserais l’armée au Guatemala est que chaque fois que nous avons des catastrophes naturelles comme des tremblements de terre, des tempêtes tropicales, des éruptions volcaniques, les seuls capables d’aider pendant ces catastrophes naturelles sont les militaires.

    What is your degree of classical liberalism?

    I identify more with Ayn Rand. I am not an anarcho capitalist. I do believe in a minarchist government with the roles of justice and security where you have a strong chain from the moment a crime is committed or a scam until you go to trial and I would implement common law which is something that we don’t have in Latin America.

    We use more there the French positivistic system… I do believe that you have to privatize as much as you can. If prisons can be better run by a free competition of who provides the full, the security and all the line of the construction of the jails. Hayek has to meet an anarcho-capitalist that convinces me that anarcho capitalism works in real time.

    I’ve always said to my anarcho capitalist friends, I’m going to be the first one supporting that, but I am about open borders, especially for everything that markets involve, including the people who work and produce in those markets. Bryan Caplan is a brilliant author explaining why open borders make all the sense in the world. The reason why I use the military in Guatemala is because whenever we have natural disasters like earthquakes, tropical storms, volcanoes erupting, the only capable of helping in those moments of natural disasters is the army.

    A suivre

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      Le libertarianisme pour les nuls

      Sabine Lula · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 13 June, 2021 - 02:30 · 15 minutes

    libertarianisme

    Par Sabine Lula.

    Lorsqu’on arrive dans un Institut d’Études Politiques, il est normal de se trouver confronté aux sciences politiques sous toutes leurs formes. Que ce soit par les cours, des rencontres avec des politiciens, des conférences, ou plus simplement par la culture générale ou un engagement militant très actif, on se doit dans un tel milieu d’acquérir une conscience – ou a minima une connaissance – de la vie politique française.

    Or l’on peut observer que pour l’écrasante majorité de la population, la politique se définit presque exclusivement par la sacro-sainte distinction entre la droite et la gauche . Même les personnes qui se disent apolitiques se retrouvent forcément projetées dans l’une ou l’autre de ces catégories. Cela entre dans la suite logique du renforcement des gros partis avec l’avènement de la Cinquième République, autour desquels gravitent une multitude de petits partis, plus ou moins à gauche, plus ou moins à droite, aux idéaux écologistes, aux idéaux presque trotskystes, aux velléités indépendantistes ou aux discours eurosceptiques…

    Il devient alors difficile de s’y retrouver dans cette jungle politicienne, mais l’aventure peut valoir le coup : non seulement notre culture générale en ressortira forcément enrichie, mais en plus, on peut découvrir des pensées très marginales et pourtant déjà relativement construites, diverses et complexes. On se découvre intéressé, en proie à la curiosité, et avant d’avoir eu le temps de réaliser, nous voilà à nous renseigner entre deux insomnies à propos du libertarianisme.

    Libertarianisme ? Mais quelle est donc cette diablerie ?! Il est très probable que ce concept vous soit inconnu au bataillon, idem pour le mot lui-même. La définir précisément devient alors une tâche des plus ardues. Comme tout bon étudiant qui se respecte, le premier réflexe est de regarder sur le Net (ne mentez pas, c’est ce que nous faisons tous). Mais on peut vite déchanter, seul face aux milliers d’informations sur lesquelles on tombe. Résumer une pensée construite sur près de deux cents ans, ça fait peur. On craint de laisser des plumes en étudiant ce drôle d’oiseau politique… mais en mettant du cœur à l’ouvrage, il est possible de faire le tri et de réaliser un portrait, qu’on espère le plus fidèle possible, de cette étonnante philosophie du droit.

    Quelle définition donner au libertarianisme ?

    Tout d’abord, on tombe sur des définitions que nous donnent des dictionnaires en ligne ou des sites scolaires.

    Ainsi, pour Wikipedia le libertarianisme est « une philosophie pour laquelle une société juste est une société dont les institutions respectent et protègent la liberté de chaque individu d’exercer son plein droit de propriété sur lui-même ainsi que les droits de propriété qu’il a légitimement acquis sur des objets extérieurs ».

    Pour Wikibéral il est « une philosophie politique et économique (principalement répandue dans les pays anglo-saxons) qui repose sur la liberté individuelle comme fin et moyen. »

    Pour Larousse, il est « une philosophie tendant à favoriser au maximum la liberté individuelle, que celle-ci soit conçue comme un droit naturel ou comme le résultat du principe de non-agression. De ce fait, ses partisans, les libertariens, s’opposent à l’étatisme en tant que système fondé sur la coercition, au profit d’une coopération libre et volontaire entre individus. »

    Croiser trois définitions différentes peut suffire pour dégager les grandes lignes d’une idée. On pouvait s’y attendre au vu de son nom, la liberté – individuelle – y prend une place capitale, accompagnée d’une notion particulière de droit naturel , autrement dit les droits de libertés et de propriétés légitimes. L’État apparait alors comme un danger planant au-dessus de ces libertés. Il convient de relever également le fait que les définitions précisent bien qu’il s’agit d’une philosophie, presque une éthique, voire un mode de vie, plutôt qu’un véritable mouvement politique comme on l’entend en France. On pourrait alors résumer tout cela par une phrase : « Fais ce que tu veux de ce que tu as avec ceux qui sont d’accord ».

    Une fois cette définition simplifiée posée, nous pouvons nous intéresser aux sites à tendance libertarienne, mais aussi aux sources journalistiques. Nous nous trouvons alors confrontés ou bien à des informations très détaillées (car réservées aux initiés), ou bien à des articles très peu exhaustifs, parfois au point de ne pas fournir le travail d’investigation attendu de la part d’un journaliste formé dans une grande école. Faire un travail de fond devient nécessaire, pour être sûr de saisir tous les tenants et aboutissants de ce drôle d’oiseau idéologique.

    Le libertarianisme, une marotte anglo-saxonne ?

    Comme le précise la définition de Larousse, on remarque que ce schéma de pensée libertarien est particulièrement bien implanté dans les pays du Commonwealth. Et pour cause : l’ utilitarisme et le pragmatisme, si chers à nos amis anglo-saxons, se reflètent en partie dans le libertarianisme. L’Éthique de la Liberté , rédigé par Murray Rothbard , en est un exemple assez parlant. « Œuvre de toute une vie », ce livre de philosophie politique fut l’un des premiers à proposer une étude purement praxéologique de la liberté, avec une démarche se voulant raisonnée et logique. Les questions du droit naturel y sont soulevées, ainsi qu’une théorie de la liberté, et une dénonciation d’une influence trop forte de l’État, qui par définition est un obstacle aux libertés individuelles.

    Outre l’influence de grands intellectuels, parmi lesquels, en plus de Rothbard, nous pouvons citer Charles Murray , Robert Nozick ou encore Ayn Rand , le libertarianisme est également porté dans la sphère anglo-saxonne par la pop culture, l’exemple le plus connu étant la série américaine South Park . Ce Soft Power libertarien se traduit par une vague de plus en plus forte de phobie de l’État global, visible dans la multiplication de fictions dystopiques présentant un gouvernement central comme l’ennemi absolu, mais aussi dans l’influence des Anonymous ou de Wikileaks , ou encore dans la méfiance que le citoyen moyen éprouve vis-à-vis des médias (seulement 6 % des Américains auraient confiance dans les médias, selon un sondage de 2016). D’un point de vue économique, le libertarianisme privilégie l’approche de l’ École autrichienne , avec un rejet de l’État-providence et de l’interventionnisme économique, ce qui une nouvelle fois le rend naturellement compatible avec la mentalité anglo-saxonne. Et pour preuve, un sondage du Cato Institute estime dans une étude de 2017 qu’entre 20 et 22 % de la population américaine se considère comme libertarienne.

    Existe-t-il un libertarianisme made in France ?

    La philosophie libertarienne semble donc particulièrement présente chez l’Oncle Sam. Mais qu’en est-il de son implantation en France ? Force est de constater que les idées libertariennes sont très méconnues dans le pays des droits de l’Homme, et pour cause : la mentalité française est davantage dans la persuasion que dans la conviction. On accorde davantage d’importance aux affects et aux sentiments que nos amis Yankees relaient plutôt au second plan lorsqu’il s’agit de se lancer dans une démarche intellectuelle.

    La factualité et le pragmatisme s’importent mal dans un pays où l’on aime avoir des opinions très tranchées et où on rejette la nuance. L’exemple de La Grève d’Ayn Rand est assez parlant : publié en 1957, ce livre écrit par une Américaine d’origine russe ne fut officiellement traduit en France… qu’en 2011. Et ce alors que selon une étude de la bibliothèque du Congrès américain et du Book of the month club menée dans les années 1990, il s’agirait, après la Bible, du livre le plus influent aux États-Unis.

    À cela s’ajoute la très forte conscience politique en France : il existe un grand amour de l’État , ainsi que de la législation, découlant directement du droit romain dont nous sommes encore aujourd’hui les héritiers. Là où la jurisprudence fait bien plus souvent office de loi dans ces systèmes voisins.

    Si le bilan dressé en France apparaît de prime abord négatif, on réalise que certaines fondations majeures du libertarianisme moderne viennent tout droit de notre beau pays : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 jette les bases de ce que l’on nomme aujourd’hui le droit naturel, et Frédéric Bastiat (1801-1850) bénéficie encore aujourd’hui d’une influence certaine et d’une renommée internationale. Mais ses thèses libérales ont tendances à être mal comprises, et donc rejetées par les économistes français modernes .

    La méconnaissance du libertarianisme en France peut donc s’expliquer par cette véritable fracture de mentalité : elle illustre à quel point la culture intellectuelle saxonne peut être incompatible avec la française. Mais cela n’est pas une surprise. Après tout n’est pas pour rien que nous avons passé 800 ans à faire la guerre à nos voisins anglois.

    D’accord, mais concrètement ? Quelles sont les valeurs libertariennes ?

    Pour le libertarien, l’individu lambda est comme Mélenchon : même s’il n’est pas parlementaire, sa personne n’en demeure pas moins sacrée. La société n’a en aucun cas à lui imposer quelque chose, surtout de façon coercitive, du moins tant qu’il ne contrevient pas lui-même au droit naturel d’autrui. Rappelez-vous : « Fais ce que tu veux de ce que tu as avec ceux qui sont d’accord ».

    Ainsi, il est le seul décisionnaire de ses mœurs ou de ses actions, et la société n’a pas à le considérer comme étant un être à part pour cela. Il est régi par le principe de non-agression , et n’a le droit de faire preuve de violence qu’en cas de légitime défense, c’est-à-dire quand ses libertés ou ses propriétés légitimes sont menacées par quelqu’un d’autre.

    Car oui, le libertarien considère, au même titre que la liberté, le droit de propriété comme étant sacré : les objets extérieurs, c’est-à-dire autres que son propre corps, (de l’argent, une maison, un vélo, des vêtements…) obtenus de façon juste, notamment par la vente, l’échange, le troc ou la donation, sont une véritable partie de son être, et ne doivent en aucun cas faire l’objet de dégradations gratuites ou de spoliations. Le libertarien va donc sur ce point s’opposer au libertaire, son très lointain cousin anarchiste qui, lui, prône le partage égalitaire des richesses et des ressources naturelles, tout comme au liberal (terme utilisé en anglais pour désigner un individu aux valeurs socialistes).

    Hormis ces constantes qui définissent le libertarianisme, il est particulièrement difficile de dresser un « tableau des valeurs moyennes » des individus libertariens. Tout simplement car leur individualité passe avant le groupe dans lequel on les classe.

    Le libertarien apparaît donc dans la majorité des cas un « anti-communautaire », considérant que les particularités d’un individu (sa couleur de peau, son sexe, ses convictions morales et/ou religieuses, etc.) ne doivent en aucun cas ni le priver de ses droits naturels, ni servir de prétexte pour le déresponsabiliser de ses actions, ni à obtenir des privilèges par rapport aux autres. En d’autres termes ? « Le plus grand bonheur de toute minorité : être considérée comme tout le monde, par l’absence d’attention particulière et le plein respect de sa normalité » (Stéphane Geyres).

    L’épisode « L’inqualifiable crime de haine de Cartman » de South Park (saison 4 épisode 2), série réalisée par les libertariens Trey Parker et Matt Stone, démontre dans une séquence l’absurdité des Hate Crime Laws , et en quoi elles limitent la véritable égalité entre les individus.

    Certes, tout ceci reste encore relativement abstrait, surtout pour quelqu’un de non-initié. Mais heureusement, on peut facilement retrouver des documents mis en ligne par les Partis libertariens américains. Celui de la branche californienne a par exemple rendu disponible un schéma qui illustre les valeurs sociétales qu’ils prônent au quotidien.

    Source : https://iepress.net/2019/01/08/le-libertarianisme-pour-les-nuls-une-approche-non-exhaustive-dun-drole-doiseau-politique/?fbclid=IwAR3SHyJqsX1VjIuuzhg0a1jkQBm80o9uL1MlEDReRC_IKyhL238EFgbGt34

    On observe alors rapidement que le libertarianisme serait une fusion (au sens dragonballien du terme) entre des idéaux économiques abusivement classés à droite (économie de libre-échange, absence d’interventionnisme économique…) et des idéaux sociétaux abusivement classés à gauche ( liberté totale d’expression , de culte, liberté sexuelle…).

    On peut donc à tort penser qu’il s’agit là d’un « extrême centre », que résume d’ailleurs assez bien le slogan de campagne de Tim Moen (candidat libertarien aux législatives canadiennes 2014) : « Je veux que les couples mariés gays puissent défendre leurs plants de marijuana avec leurs fusils » (d’où le détournement graphique en bandeau de l’article). Or, ce serait faire abstraction de la volonté très forte, quasi viscérale, de se débarrasser du Big Gov et de l’État. C’est oublier qu’il s’agit, du moins en partie, d’un anarchisme, ayant pour volonté première la liberté individuelle : « Ni Dieu ni Maître, sauf si on veut en choisir un nous-mêmes ».

    Une philosophie anti-étatiste ? Mais alors, pourquoi des partis ?

    Les velléités anarchistes (ou minarchistes ) du mouvement peuvent en effet rendre paradoxale la simple existence de partis libertariens. Cependant, nos anti-étatistes préférés savent la justifier : le but premier n’est pas tant de se réunir en organisation politique pour satisfaire des volontés interventionnistes, mais plutôt de pouvoir se regrouper, obtenir une certaine force du nombre afin de pouvoir revendiquer le respect de ses droits naturels.

    C’est donc en partie sous le principe de « l’Union fait la force » que l’on a vu dès les années 1970 se former des Partis libertariens aux États-Unis, puis en Nouvelle-Zélande et en Pologne dans les années 1990. Il faudra attendre les années 2000-2010 pour que le phénomène s’implante en Europe continentale, avec des partis créés en Suède en 2004, en Allemagne en 2009, en Belgique en 2012 et en Suisse en 2014. La France n’est cependant pas en reste, avec la fondation très récente d’un Parti libertarien français en avril 2017.

    Ces partis singuliers se font principalement connaître sur Internet, par leurs sites officiels, ou encore des sites parallèles dont l’ambition première est de partager le point de vue des libertariens sur l’actualité (comme le Magazine Reason , qui a près de 450 000 abonnés sur sa page Facebook). Comme ils se plaisent à le dire, leur but est moins de contrôler les gens que de réclamer pour eux-mêmes une plus grande liberté, et donc une réduction de l’État centralisé. Il s’agit là de mener un « combat contre l’ennemi » , les étatistes, mais en leur faisant face avec leurs propres armes.

    D’ailleurs, comme tout mouvement, c’est autour de divers symboles que se réunissent les sympathisants libertariens. L’un des plus célèbres d’entre eux, le Gadsden Flag , présente un serpent à sonnette noir sur un fond jaune, les deux couleurs associées aux mouvements libertariens. Ce drapeau très ancien, qui remonte à Benjamin Franklin , porte la mention « Don’t tread on me », que l’on pourrait traduire par « Ne me marche pas dessus », ou encore « Bas les pattes ». Le choix du serpent à sonnette n’est pas anodin : animal inoffensif pour l’homme, il n’initie jamais le combat et se montre agressif uniquement si on l’attaque. Il semble donc bien représenter les valeurs libertariennes de droits naturels et de principe de non-agression.

    D’autres animaux ont été choisis à travers le globe pour représenter les mouvements libertariens : si le serpent a été conservé en Belgique, nos amis Yankees lui ont préféré le hérisson, qui tente comme il peut de faire face à l’âne démocrate et l’éléphant républicain.

    C’est cependant un oiseau qui décore le logo du tout récent Parti libertarien français, ou encore le drapeau officiel du Liberland , micro-Nation autoproclamée entre les frontières serbes et croates. Malgré sa non-reconnaissance par l’ONU, le Liberland, « un État avec le moins d’État possible » fondé le 13 avril 2015, a enregistré plus de 300 000 candidatures à la citoyenneté dès juin 2015. Ce projet ambitieux et farfelu de créer des nations libertariennes ouvertes à tous est également un symbole qui peut rassembler, parfois avec plus de force que les partis eux-mêmes, des libertariens du monde entier.

    Mais s’ils sont déjà aussi nombreux, comment ça se fait qu’on n’en entende pas parler ?

    Il est vrai que ce que l’on pourrait abusivement appeler un Homo Libertarianicus n’est pas une espèce très répandue, du moins dans la sphère publique française. Plusieurs raisons peuvent être soulevées : tout d’abord, et vous vous en êtes sûrement rendu compte à la lecture de cet article laborieux, la philosophie libertarienne est d’une complexité singulière, dont les premiers fondements dateraient de la toute fin du XVIIIe et des Lumières. Or, s’il est très difficile d’appréhender une pensée qui s’est continuellement construite depuis plus de 200 ans, il l’est encore davantage de réussir à bien la vulgariser et à la rendre accessible au citoyen lambda.

    De plus, le libertarien, en accord avec sa philosophie, n’est pas du genre à la partager avec ceux qui ne le souhaitent pas. Il n’est pas constamment à évangéliser comme le feraient d’autres groupes militants, bien qu’il soit tout à fait disposé à expliquer son opinion lorsque c’est nécessaire ou que ça lui est demandé. Cela est d’autant plus vrai en France où le mouvement reste encore marginal, et où la faible diffusion de cette philosophie rend sa compréhension difficile.

    Si l’on veut saisir tous les tenants et les aboutissants de ce schéma de pensée, il devient donc nécessaire d’entreprendre un travail de recherches et de lectures personnels

    Article initialement publié en janvier 2019.

    Sur le web

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      Comment est né le mouvement libertarien ? (1)

      Fabrice Copeau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 15 November, 2020 - 04:25 · 11 minutes

    mouvement libertarien

    Par Fabrice Copeau.

    Durant les années 1960, le mouvement libertarien est marqué par un rejet de l’impérialisme conservateur, la condamnation de la violation des principes libéraux et le refus de la confusion du droit et de la morale religieuse.

    À travers l’héritage des trois traditions anti-étatistes américaines classiques (Old Right, isolationnisme, libéralisme classique), une avant-garde libertarienne, au début coupée de ses partisans, émerge et quitte le Grand Old Party.

    À partir du début des années 1950, les nouveaux conservateurs 1 dotent la droite américaine d’une idéologie englobante qui lui fait défaut. Des revues comme Modern Age et la National Review en sont le fer de lance. La seconde, fondée par William Buckley, est le véritable centre de gravité de ce nouveau traditionalisme.

    La résistance du libertarianisme : une synthèse réactive

    Dans le cadre de la lutte contre le communisme et l’URSS, Buckley distingue clairement entre ce qu’il appelle les « conservateurs de l’endiguement » et les « conservateurs de la libération », pour finalement prendre position en faveur des seconds.

    Une querelle l’oppose ainsi au libertarien Chodorov, pour qui la guerre a créé une dette colossale, entraînant une augmentation continuelle des impôts, la conscription militaire et un accroissement de la bureaucratie. C’est la revue The Freeman qui abrite ces échanges musclés.

    « Pendant la guerre , écrit Chodorov, l’État acquiert toujours du pouvoir au détriment de la liberté » . Schlamm lui répond dans la livraison suivante de la revue que la menace soviétique est telle qu’elle ne saurait être contenue par l’indifférence.

    Ce à quoi Chodorov répond, toujours dans le Freeman , qu’il n’est pas convaincu « de la capacité du gang de Moscou à envahir le monde » . « La suggestion que la dictature américaine serait « temporaire » , ajoute-t-il, rend suspect l’ensemble de l’argument, car aucune dictature ne s’est jamais donné de limite dans la durée de son office » . La guerre, termine-t-il, « quels que soient les résultats militaires, est certaine de rendre notre pays communiste » .

    Une deuxième ligne de rupture est constituée par la politique économique. Au début des années cinquante, la crainte de voir les nouveaux conservateurs sacrifier les dogmes du libéralisme classique à la satisfaction d’un impérialisme messianique catalyse les premières réactions libertariennes.

    C’est du reste à cette occasion que Dean Russell invente le mot même de « libertarien ».

    L’émergence d’un double leadership

    Depuis le début des années 1950, Murray Rothbard trace les contours de la doctrine libertarienne à travers différents articles, en prenant presque systématiquement comme repoussoir les principes conservateurs.

    Toujours dans The Freeman , Schlamm doit en découdre avec Rothbard cette fois, qui avait présenté la célèbre thèse de Mises selon laquelle le communisme s’effondrerait de lui-même et qu’il n’était pas besoin de gaspiller des efforts inutiles pour faire advenir une chute imminente.

    Schlamm s’en prend pour la première fois nommément aux « libertariens », qui, selon lui, « ont raison en tant qu’économistes, mais fatalement tort comme théologiens : ils ne voient pas que le diable est réel et qu’il est toujours là pour satisfaire la soif insatiable des hommes pour le pouvoir » .

    À l’élection présidentielle de 1956, Rothbard soutint le candidat indépendant T.C. Andrews, tout en précisant que parmi les deux principaux candidats, le républicain D. Eisenhower et le démocrate A. Stevenson, le second lui paraissait préférable.

    Pour la première fois, le mouvement libertarien se positionne donc à gauche de l’échiquier politique. Cela a marqué une rupture intellectuelle avec le mouvement conservateur, en attendant la rupture organisationnelle.

    Ayn Rand joue également, durant cette période, un rôle déterminant dans les préparatifs à la constitution du mouvement libertarien. Le cercle de ses adeptes, qui se réunit dans le salon de la romancière, s’agrandit sans cesse, et écoute l’initiatrice lire les épreuves de son nouveau roman, Atlas Shrugged .

    Parmi eux 2 , le futur président de la Fed, Alan Greenspan, est des plus assidus, tout comme Barbara et Nathaniel Branden.

    Comme dans La source vive , son précédent roman, on trouve dans Atlas Shrugged une opposition manichéenne entre des créateurs égoïstes et des parasites étatistes. Parmi les premiers, Dagny Taggart et Hank Rearden sont les principaux protagonistes du roman. Respectivement directrice d’une compagnie ferroviaire et magnat de l’acier, ils s’efforcent l’un et l’autre de résister tant bien que mal aux ingérences du gouvernement et de faire vivre leurs affaires dans le contexte d’une crise sans précédent.

    À mesure que l’État se montre de plus en plus intrusif dans l’économie, les membres du cercle très fermé des créateurs égoïstes disparaissent un à un. On apprend au milieu du roman qu’ils se sont tous réunis dans les montagnes du Colorado, au sein d’une communauté capitaliste utopique, appelée Galt’s Gulch, le « ravin de Galt ». John Galt , dont la recherche de l’identité est martelée tout au long du roman par la question « Who is John Galt ? », est un ingénieur surdoué à l’initiative de la grève.

    Inventeur d’un moteur révolutionnaire alimenté à l’énergie statique, il refuse d’en offrir l’usage à la masse ignorante. « Les victimes sont en grève […] Nous sommes en grève contre ceux qui croient qu’un homme doit exister dans l’intérêt d’un autre. Nous sommes en grève contre la moralité des cannibales, qu’ils pratiquent le corps ou sur l’esprit. »

    Hank Rearden et Dagny Taggart sont tellement attachés à leurs propres commerces qu’ils déclinent toutes les sollicitations de John Galt. Mais la retraite des principaux acteurs de l’économie rend leur situation de plus en plus insupportable. La société américaine traverse des crises de plus en plus préoccupantes, et imputées conjointement aux ingérences des gouvernants et à la forfaiture des créateurs.

    La fin du roman décrit avec emphase une situation apocalyptique. Les hommes d’État, désœuvrés, reprennent tour à tour l’aphorisme éculé de Keynes : « Dans le long terme, nous sommes tous morts. »

    John Galt interrompt soudainement les programmes radiophoniques pour expliquer les causes du déclin. Son discours, comparable à celui de Howard Roark lors de son procès, tient lieu de prolégomènes à la philosophie objectiviste randienne. Galt commence par énumérer les perversions morales sous-tendant l’étatisme ambiant.

    De là le dédain de la masse pour les créateurs égoïstes qui lui apportaient pourtant la plus grande richesse. À la fin, John Galt annonce leur retour à la condition que l’État se retire. Les hommes du gouvernement abdiquent. Ainsi s’achève le roman : « La voie est libre, dit John Galt, nous voici de retour au monde. Il leva la main puis, sur la terre immaculée, traça le signe du dollar. »

    Atlas Shrugged a été désigné comme le deuxième livre le plus influent pour les Américains, juste après la bible, par la Library of Congress en 1991.

    À peine eut-il lu le livre que Murray Rothbard adressa à Ayn Rand une lettre élogieuse dans laquelle il alla jusqu’à reconnaître avoir auprès d’elle une dette intellectuelle majeure.

    Rand accueillit chez elle les membres du Cercle Bastiat, et en particulier Rothbard. Le rapprochement fut cependant de courte durée. Pour soigner sa phobie des voyages, Rothbard fit appel aux services de Nathaniel Branden, qui diagnostiqua qu’il avait fait un « choix irrationnel d’épouse ».

    Rand et Branden invitèrent donc Rothbard à quitter sa femme, et lui offrirent leurs services matrimoniaux pour lui substituer une compagnie plus conforme aux canons randiens.

    Rothbard déclina l’invitation, ce qui mit Rand dans une rage folle ; elle orchestra un procès en excommunication contre Rothbard, ce qui marqua la fin définitive de leur collaboration.

    Les ténors libertariens exclus des instances conservatrices

    Les conservateurs s’employèrent alors à écarter l’avant-garde libertarienne sans toutefois rejeter le mot « libertarien ». Pour faire profiter les militants de ce que la pensée libertarienne était susceptible d’apporter, sans toutefois lui permettre de s’exprimer et de corrompre leurs propres idéaux, les conservateurs ont ainsi œuvré pour priver les principaux leaders libertariens d’expression, en les écartant de la National Review .

    Bien que seul représentant des libertariens parmi les contributeurs de la National Review , Chodorov se désolidarisa rapidement des positions prises par la revue. Dès 1956, celle-ci commença à refuser des articles contestant la légitimité et l’utilité d’une intervention des États-Unis à l’extérieur.

    Rothbard contribua quelques années encore à contribuer à cette revue, mais, comme Justin Raimondo l’explique 3 , les idées économiques exposées par Rothbard étaient purement ornementales, et promettaient de disparaître à la première occasion.

    En 1959, il soumit à la revue conservatrice un article dans lequel il préconisa un désarmement nucléaire mutuel pour mettre un terme à la guerre froide. Le refus, pourtant attendu, de Buckley de publier l’article marqua définitivement la fin de leur impossible collaboration.

    L’exclusion la plus retentissante du mouvement conservateur reste toutefois celle d’Ayn Rand. La condamnation virulente d’ Atlas Shrugged par les éminences du nouveau conservatisme la conduisit à prendre ses distances d’avec le mouvement conservateur en voie d’institutionnalisation.

    Whittaker Chambers va jusqu’à qualifier la perspective de Rand de « totalitaire » en comparant cette dernière au dictateur omniscient du roman de Orwell. Par ailleurs, Rand condamnait sans préavis toute forme de religion. Pour Buckley et les nouveaux conservateurs, un athéisme aussi agressif ne pouvait faire bon ménage avec la composante traditionaliste et religieuse de la coalition en formation.

    Rand présenta même une critique structurée du nouveau conservatisme, en dénonçant ce qu’elle identifiait comme ses trois piliers : la religion, la tradition et la dépravation humaine.

    Comme elle le dit : « Aujourd’hui, il n’y a plus rien à conserver : la philosophie politique établie, l’orthodoxie intellectuelle et le statu quo sont le collectivisme. Ceux qui rejettent toutes les prémisses du collectivisme sont des radicaux. » 4

    À leur corps défendant, les conservateurs se brouillent aussi avec des auteurs qu’ils auraient pourtant aimé conserver dans leur giron. C’est tout particulièrement vrai de Friedrich Hayek. Dans un article célèbre, intitulé « Pourquoi je ne suis pas conservateur » 5 , il regrette que le contexte de l’époque associe les libéraux aux conservateurs.

    Il congédie l’axe gauche-droite qui insinue que le libéralisme se trouverait à mi-chemin entre le conservatisme et le socialisme, et propose de lui substituer une disposition « en triangle, dont les conservateurs occuperaient l’un des angles, les socialistes tireraient vers un deuxième et les libéraux vers un troisième ».

    La « peur du changement », typique de la pensée conservatrice, se traduit chez eux par un refus de laisser se déployer librement les forces d’ajustement spontanées, et par un désir de contrôler l’ensemble du fonctionnement de la société. De là « la complaisance typique du conservateur vis-à-vis de l’action de l’autorité établie » .

    « Comme le socialiste, le conservateur se considère autorisé à imposer aux autres par la force les valeurs auxquelles il adhère. » L’un comme l’autre se révèlent ainsi incapables de croire en des valeurs qu’ils ne projettent pas d’imposer aux autres. « Les conservateurs s’opposent habituellement aux mesures collectivistes et dirigistes ; mais dans le même temps, ils sont en général protectionnistes, et ont fréquemment appuyé des mesures socialistes dans le secteur agricole. »

    Hayek condamne aussi l’impérialisme conservateur, emprunt d’un nationalisme et d’un autoritarisme des plus délétères.

    Enfin, il convient de noter qu’Hayek ne rejette pas le terme « libertarien », comme on le lit souvent. Il lui reproche simplement son irrévérence à l’endroit d’une tradition qu’il entend pourtant perpétuer, mais ne rejette en rien ce qu’il recouvre, et encore moins l’inspiration qui l’a fait naître. Toutes ces ruptures intellectuelles ne font que précéder la rupture partisane, qui ne tarda pas à intervenir.

    Article initialement publié en décembre 2010.

    1. Il convient de distinguer ces nouveaux conservateurs des néoconservateurs. Ces derniers interviendront un peu plus tard, à la fin des années 1960 autour de journaux comme Public Interest et Commentary , et derrière des personnalités comme Daniel Bell, Irving Kristol, Patrick Moynihan et Norman Podhorez. Pour simplifier, on peut décrire les nouveaux conservateurs comme des traditionnalistes anticommunistes, qui se réfèrent à l’histoire et s’autorisent de Burke ; les néoconservateurs comme d’anciens démocrates hostiles à l’évolution progressiste de la gauche, ayant pour code le droit naturel et se réclamant de Tocqueville. Les deux mouvements conservateurs se coalisèrent dans les années 1970 pour préparer la victoire de Reagan en 1980.
    2. Le groupe se baptise ironiquement The Collective.
    3. Justin Raimondo, Reclaiming the American Right , p. 189.
    4. A. Rand, « Conservatism : An Obituary » (1960), in Capitalism : The Unknown Ideal , New York, Signet, 1967, p. 197.
    5. F. A. Hayek, « Pourquoi je ne suis pas conservateur », in La Constitution de la liberté , 1960.