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      CRISE BANCAIRE : LES NOUVEAUX VISAGES DE LA FINANCE – DOMINIQUE PLIHON, LAURENCE SCIALOM

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 30 June, 2023 - 00:01 · 1 minute

    La hausse des taux d’intérêt a fragilisé le secteur bancaire. En une semaine seulement, trois banques ont fermé début mars aux États-Unis, dont la seizième plus importante du pays : la Silicon Valley Bank. Cette chute de dominos a créé une véritable panique qui s’est propagée en Europe. Face à ces risques majeurs, les banques centrales et les autorités ont déployé des moyens colossaux pour éviter de nouvelles faillites retentissantes : des réponses qui créent les conditions d’une future crise de plus grande ampleur encore… De plus, l’équilibre entre les objectifs de la politique monétaire et ceux de la stabilité financière semble de plus en plus instable, fragilisant ainsi la crédibilité des banques centrales… Pour analyser la situation et parler de ces questions, Le Vent Se Lève et l’Institut La Boétie ont reçu Dominique Plihon, professeur émérite d’économie à l’Université Paris Nord, co-auteur de la note de l’Institut La Boétie sur la crise bancaire, et Laurence Scialom, professeure d’économie à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense et membre du Conseil d’Administration de l’Observatoire de l’Éthique Publique. La conférence était animée par Alessandro Ferrante, rédacteur au Vent Se Lève.

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      Le rebond de l’euro ne convainc pas les créanciers européens

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 22 April, 2023 - 03:15 · 5 minutes

    Le rebond de l’euro par rapport au dollar semble rassurer sur les politiques des dirigeants, mais les créanciers semblent retenir leur enthousiasme pour les obligations européennes.

    Le graphique ci-dessous montre la valeur du dollar contre l’euro.

    Après un engouffrement des capitaux vers le dollar au début de l’année 2022, la situation retourne vers une norme, avec l’euro au-dessus de la parité. Le rapport du dollar à l’euro revient autour des niveaux de 2019.

    La directrice de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, intervient sur les plateaux de télé américains cette semaine :

    « Tout d’abord, il y a bien une reprise. C’est ce qui est clair, je pense, à présent, alors que ça ne l’était pas encore il y a 6 mois, quand nous pensions tous que nous allions vers une récession, même de l’ordre technique. Si vous regardez les différentes prévisions, elles sont toutes positives. »

    La force de l’euro fait partie des points positifs pour les élus.

    Les Échos donne des chiffres sur la remontée de l’euro :

    « Au plus haut depuis douze mois, l’euro, au-dessus de 1,10 dollar, s’approche du niveau qu’il avait au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. Une monnaie forte aide la Banque centrale européenne à lutter contre l’inflation, supérieure de deux points dans la zone euro à celle des États-Unis. »

    Le journal continue :

    « Le rebond de l’euro offre une aide bienvenue à la BCE dans son combat contre l’inflation. L’euro gagne 4,5 % par rapport au yen, 2,5 % contre le yuan et perd moins de 1 % face au franc suisse et à la livre sterling. Le taux de change global de la monnaie européenne est en hausse de 2 % en 2023. »

    Les hausses de taux attirent des fonds vers des placements en euros, en particulier les obligations des sociétés et gouvernements.

    Les investissements dans les titres en euros reviennent à une demande pour la devise, et ainsi une hausse du niveau de change.

    Les Échos :

    « La hausse des taux dans la zone euro va accentuer les achats de dette européenne par les investisseurs étrangers cette année. En 2022, les banques centrales avaient entamé un retour massif vers les obligations d’Etat de la zone euro. »

    Comme l’explique Bloomberg , des taux d’intérêts plus élevés ont déclenché un engouement pour les obligations au début de l’année 2023 :

    « Les investisseurs ont tenté de placer 530 milliards d’euros sur les trois premières semaines de l’année, pour des émissions de créances de seulement 168 milliards d’euros sur le marché primaire, d’après les données de Bloomberg. »

    Cependant, le marché des obligations en Europe baisse en volume depuis le début de l’année.

    Méfiance des marchés sur les obligations européennes

    En janvier, les entreprises et gouvernements ont émis 229 milliards d’euros d’obligations. En février, ils ont émis 113 milliards, puis environ 50 milliards en mars, selon Bloomberg.

    En somme, la manne des taux d’intérêts plus élevés pour attirer les investisseurs dans les actifs en euros a peut-être atteint ses limites.

    Par contre, les émissions de dette aux États-Unis vont de l’avant. Vous verrez ci-dessous que les émissions de dette, uniquement de la part des entreprises, atteignent 150 milliards de dollars par mois en janvier et février et dépassent toujours les 100 milliards en mars.

    L’attrait pour les obligations américaines, au-dessus de la dette européenne, indique peut-être un retour vers la parité pour l’euro.

    Une méfiance vis-à-vis des émissions de dette en euros signale peut-être aussi de l’inquiétude sur l’état des banques et autres groupes, comme les assurances ( ma co-rédactrice Simone Wapler a montré leur point de faiblesse par rapport aux hausses de taux ).

    Déformations de marché au profit des gouvernements

    Le système vient d’absorber une chute d’envergure dans la valeur des actifs en portefeuille. Je vous ai montré la semaine dernière le graphique ci-dessous, d’un indice de la valeur des obligations d’entreprises en euros.

    Déjà, la presse demande davantage de régulations autour des banques au nom de la sécurité des dépôts.

    Une tribune de Boursorama , pour la rubrique Le Cercle des Économistes , proclame :

    « Pour éviter le risque macro-économique de la hausse des taux d’intérêt sur le secteur bancaire, la garantie des dépôts (à hauteur d’une limite de 250 000 dollars) a été étendue à tous les dépôts quel que soit leur montant. C’est ainsi que, de crise en crise, le système bancaire est devenu peu ou prou un service extérieur de l’État […] Pour éviter ce gâchis, il convient de reconnaître que la garantie des dépôts, qui représente une subvention implicite aux actionnaires, encourage l’endettement et la prise de risque. Par conséquent, la régulation bancaire doit concerner tous les établissements financiers ayant des dépôts car ils présentent tous directement ou indirectement un risque systémique, quelle que soit leur taille. »

    Les sauvetages des banques stimulent en effet davantage de prise de risque.

    Ils éliminent aussi les vertus de la concurrence puisque le contribuable protège les dépôts dans tous les cas.

    La régulation ne résout pas le problème. Elle met les décisions entre les mains des élus à l’origine du problème.

    Vous aurez vu la nouvelle : la France approche des 3000 milliards d’euros de dette . Les dirigeants ne veulent pas de crise ni de panique. Ils souhaitent un maximum d’épargnes dans les banques, ou politiques d’assurance-vie ou livrets A, et ainsi un maximum d’acheteurs pour les émissions de dette de la part des gouvernements.

    Ni l’endettement des gouvernements ni la création d’argent pour les sauvetages et mesures de relance ne vont prendre fin dans l’immédiat. Sans la demande de la part des investisseurs pour les obligations européennes, la monnaie pourrait repartir à la baisse.

    Retrouvez un nouveau site web sur lequel vous pouvez suivre gratuitement les écrits de l’auteur et vous abonner à la quotidienne.

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      Le Portugal au bord du « capitaclysme »

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 28 October, 2022 - 18:00 · 16 minutes

    Il y a la carte postale et l’envers du décor. D’un côté, un pays vu de l’étranger comme le nouvel Eldorado . De l’autre, une population qui, avec de petits revenus, ne s’en sort plus face à une inflation galopante et à un marché du logement de plus en plus inaccessible. Selon les dernières données publiées[1], près d’un Portugais sur cinq vivrait sous le seuil de pauvreté, dont nombre de personnes âgées, qui doivent survivre avec un minimum vieillesse de 268 euros. l’Instituto Nacional de Estatistica (INE) a calculé qu’en 1974, au sortir des années noires du salazarisme, celui-ci était de 260 euros… Une décennie après le plan de sauvetage de la Troïka , le Portugal a certes retrouvé une capacité d’investissement mais la réalité du quotidien le situerait plutôt au bord du capitaclysme – pour reprendre un néologisme localement à la mode. Un reportage de Nicolas Guillon.

    C’est leur nouvelle route des Indes. Le Portugal a annoncé fin septembre la construction d’ici à 2031 d’une ligne de TGV reliant Lisbonne à Porto en 1h15. Au-delà de l’utilité d’un chantier aussi gigantesque pour relier deux villes distantes d’à peine 300 kilomètres et reliables en 2h30, une question se pose : qui montera dans ce train de la « modernité » ? Antonio Costa, le premier ministre portugais, a donné une partie de la réponse : « C’est un projet stratégique qui favorisera la compétitivité », en cohérence avec la volonté portugaise d’attirer des entrepreneurs et des investisseurs étrangers. All right , répond l’écho qui commence à parler la langue du business. « Qui montera dans ce TGV ? Des touristes riches car désormais le Portugal veut des touristes riches », complète Joao [2], en position d’observation en retrait de l’emblématique pont Dom-Luis, qui enjambe le Douro. Son Portugal à lui ne prend le jour que par des soupiraux mais sa longue vue offre néanmoins une belle visibilité.

    Les alentours immédiats peuvent en témoigner : le Portugal s’est amouraché des riches étrangers. Sur cette rive Sud du fleuve, qui jouit d’une vue imprenable sur la vieille ville de Porto, Vila Nova de Gaia, siège des plus grandes maisons de vin de Porto, s’est semble-t-il découvert un goût immodéré pour les projets immobiliers tape-à-l’oeil. Le plus spectaculaire d’entre eux, comme son acronyme l’annonce : le WoW, pour World of Wine. Impossible de passer à côté : dès l’aéroport, c’est dans cette direction que le voyageur est invité à s’engager. Inauguré en 2020, le WoW se présente comme le nouveau quartier culturel de la ville mais il serait plus juste de parler de parc d’attractions lié à la culture de la ville.

    Sachant que le seuil de pauvreté s’établit à 554 euros de ressources mensuelles – on notera que le salaire minimum net s’en rapproche dangereusement – ce sont aujourd’hui 1,9 million de Portugais qui doivent vivre avec moins, soit 18,4 % de la population

    Le projet a été imaginé par le propriétaire des marques Taylor’s et Croft, Adrian Bridge. Le magnat anglais a investi 106 millions d’euros pour transformer 35 000 m 2 d’entrepôts et de chais en un vaste espace de loisirs comprenant six musées, neuf restaurants, une école du vin, une galerie d’expositions, des lieux événementiels, des bars, des boutiques et un hôtel Relais & Châteaux avec son indispensable spa. Si les travaux de réhabilitation sont indéniablement de belle facture, l’ostentation du lieu (des carrés Hermès aux murs des couloirs et des escaliers) confine, de la part d’un lord, à la faute de goût dans une société qui cultive la simplicité. Inutile de préciser que tout est cher, et même très cher à l’échelle du niveau de vie portugais. Le manant peut néanmoins profiter gratuitement de la vue panoramique sur la ville.

    Mais le WoW « en jette » et c’est précisément l’image filtrée que le Portugal veut aujourd’hui donner de lui-même : un pays qui a définitivement tourné le dos à la misère pour entrer avec ses plus beaux habits dans la salle de bal. Le futur TGV procède de cette même stratégie de développement mais Antonio Costa a beau en appeler au « consensus national » dans cette bataille du rail, le client des chemins de fer portugais, qui doit actuellement débourser une soixantaine d’euros pour un aller-retour en 2 e classe Porto-Lisbonne, a d’autres préoccupations que celle de filer comme l’éclair du Nord au Sud. Car depuis qu’en 2011 la troïka (Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne) est passée par là, les Portugais ont de très faibles revenus. Selon l’Instituto Nacional de Estatistica (INE), l’équivalent portugais de l’INSEE, la rémunération brute mensuelle moyenne était de 1 439 euros au 2 e trimestre 2022, le salaire minimum s’élevant à 822,50 euros[3].

    Toujours selon l’INE, la pension moyenne en 2021 s’élevait à 487 euros par mois. Au Portugal, le minimum vieillesse n’est que 268 euros. L’INE a calculé qu’en 1974, au sortir des années noires du salazarisme, celui-ci était de 260 euros. Sachant que le seuil de pauvreté (60% du revenu médian selon le mode de calcul de l’Observatoire des inégalités) s’établit à 554 euros de ressources mensuelles – on notera que le salaire minimum net s’en rapproche dangereusement – ce sont aujourd’hui 1,9 million de Portugais qui doivent vivre avec moins, soit 18,4 % de la population, sur la base des dernières données sur le niveau de vie divulguées par l’INE, largement commentées par les media portugais cet automne.

    Et encore ! Les aides sociales retouchent le tableau : sans elles, ce sont quelque 4,4 millions de citoyens qui ne franchiraient pas la barre[4]. Au Portugal, travailleur pauvre est presque devenu un statut. Déjà effrayants dans le contexte européen, ces chiffres de la misère explosent si l’on prend en considération la privation matérielle, l’éloignement du monde du travail et l’exclusion sociale : près d’un quart du pays connaîtrait une ou plusieurs de ces situations. Les enfants ne sont, malheureusement, pas épargnés : 10,7 % d’entre eux souffraient, l’an passé, de manque matériel et de coupure sociale (source : INE).

    On ne se rend sans doute pas compte à Bruxelles de ce qu’on a demandé au Portugal, de s’humilier, et aux Portugais, de se sacrifier. Les dégâts commis ne sautent, c’est vrai, pas immédiatement aux yeux. Depuis la dictature, les gens d’ici ont une capacité à encaisser assez phénoménale, comme si leur principal trait de caractère était de subir. Et vous ne les entendrez jamais se plaindre. Livreur pour des multinationales de l’ameublement, Sergio confie « passer 15 heures par jour sur la route, six jours sur sept ». Et depuis deux ans, on lui a retiré son binôme pour l’aider à porter les colis. Il continue pourtant de faire sa tournée avec le sourire. Il s’estime bien loti avec un travail et 1 100 euros net mensuels. Ici, c’est une serveuse dans un bar de centre-ville dont le salaire pour 40 heures par semaine et des horaires difficiles peine à dépasser les 600 euros ; là, une institutrice qui, au terme d’une carrière complète, va devoir se contenter d’une retraite de 500 euros. Tout ça fait d’excellents Portugais.

    « Il entre au Portugal beaucoup trop de capitaux étrangers au regard du nombre d’opportunités. » Ce n’est pas un altermondialiste qui parle mais Francisco Sottomayor, le PDG de Norfin, une des principales sociétés de gestion immobilière portugaises

    Les « bons élèves de l’Europe » ont, en effet, souvent été cités en exemple. En remerciement des efforts colossaux consentis durant la récession, ils voient aujourd’hui le robinet des crédits communautaires couler à gros débit. Les travaux du premier tronçon de la future ligne TGV, à hauteur de 2,9 milliards d’euros, seront financés au tiers par des fonds européens. « Le pays réunit aujourd’hui les conditions financières pour pouvoir réaliser ce type de projet », se félicite Antonio Costa, de la famille des socialistes convertis au modèle néolibéral. Le nouvel Eldorado a peut-être des finances saines mais en attendant, le citoyen doit faire face à l’inflation bondissante : 9,3% à l’amorce du dernier trimestre, 22,2% pour l’énergie et 16,9% pour l’alimentation (source : Trading Economics). L’Association portugaise des entreprises de la distribution (APED) a constaté depuis septembre une recrudescence des vols de produits alimentaires de base : morue congelée, boîtes de thon, bouteilles d’huile d’olive et briques de lait. Retraité de l’industrie pharmaceutique depuis dix ans, Rui sait qu’il compte parmi les privilégiés. Dans la ferme qu’il a rénovée à une heure de Porto, il coule une vie paisible entre son jardin et ses animaux. Tout en conservant une louable lucidité : « Après toutes ces années d’austérité, nous commencions à retrouver un peu de souffle, à voir le bout du tunnel. Et puis la pandémie est arrivée. Et maintenant c’est la guerre en Ukraine et l’inflation. Quand le week-end je reçois mes filles encore étudiantes, entre les courses et le plein d’essence j’en ai pour 300 euros. Combien de Portugais peuvent se le permettre ? Et je ne vous parle pas de la facture de chauffage. »

    Se chauffer a toujours été un problème au Portugal et pas seulement pour les plus modestes. Héritage d’une autarcie qui dura un demi-siècle – « mieux vaut la pauvreté que la dépendance », avait l’habitude de dire Salazar -, peu de logements sont bien isolés et équipés. Et c’est une idée reçue de croire qu’il fait toujours beau et chaud en Lusitanie. Mais la crise de 2009, encore elle, n’a rien arrangé. En retour des 78 milliards d’aides reçus, le Portugal a dû privatiser des pans entiers de son économie, dont le secteur de l’énergie. Le groupe chinois China Three Gorges a ainsi repris en 2011 les 21% détenus par l’Etat portugais dans EDP (principale entreprise de production d’électricité du pays). Après ça, allez exercer le moindre contrôle sur les prix.

    Bons princes, les Chinois se sont également portés acquéreurs d’une partie de la dette portugaise. Le Portugal et l’Empire du Milieu entretiennent depuis 1557 une relation étroite par le biais de l’administration de Macao, rétrocédée en 1999. Energie, banque, assurance : l’investissement chinois au Portugal est estimé à environ 3% du PIB.

    L’immobilier n’échappe pas, bien sûr, à cet afflux de fonds étrangers, en provenance de Chine mais aussi des Pays-Bas, d’Espagne, du Royaume-Uni ou du Luxembourg. Dans certains quartiers de Lisbonne ce sont des rues entières qui sont rachetées, ce qui pose évidemment un problème : l’envolée des loyers, qui ont augmenté de 42,4 % en moins de cinq ans, un chiffre affiché en une, fin septembre, par le journal Publico et confirmé dans la foulée par l’INE. A Lisbonne et Porto, l’augmentation atteint même 50 %, voire 60 % dans certaines communes périphériques de la capitale, dont Vila Nova de Gaia – l’effet WoW sans doute. Le loyer moyen portugais s’élève désormais à 6,25 euros par mètre carré (9,29 euros dans la zone métropolitaine de Lisbonne). A Braga, Joaquim gère un portefeuille de locations modestes, issu d’un legs familial : « Nous avons beaucoup de locataires très anciens et si nous suivions le marché, ces gens ne pourraient plus payer leur loyer ni se reloger. Nous essayons donc d’entretenir nos logements sans engager de trop gros travaux afin de maintenir le statu quo et de préserver ces personnes que nous connaissons de longue date et qui ont toujours honoré les échéances. » Pour leur salut, les Portugais ont conservé cette fibre de l’entraide qui naguère était leur seul canal de survie.

    « Je déteste dire que le Portugal est un petit marché mais on ne peut pas dire non plus que c’est un très grand marché, et le fait est qu’il entre beaucoup trop de capitaux étrangers au regard du nombre d’opportunités. » Ce n’est pas un altermondialiste qui parle mais Francisco Sottomayor, le PDG de Norfin, une des principales sociétés de gestion immobilière portugaises. Résultat : pour ceux qui en ont encore les moyens, acheter un bien au Portugal coûte en 2022 50 % plus cher qu’en 2016.

    Il y a dix ans, le maire de Lisbonne était un certain Antonio Costa, qui, à l’époque, se battait pour maintenir les autochtones dans la place, en passant, par exemple, des accords avec les promoteurs : un terrain en échange de logements sociaux. Mais il semblerait que la lame de fond de la spéculation soit en train de tout emporter, avec la multiplication sur le marché de biens de luxe, comme, par exemple, un penthouse de 200 m 2 à Cascais, station balnéaire du grand Lisbonne, mis en vente au prix de 6 millions d’euros.

    Albert Alain Bourdon et Yves Léonard nous remémorent les circonstances de l’accession au pouvoir d’Antonio de Oliveira Salazar : « Une inflation galopante avait multiplié les prix par 25. (…) Et Salazar, magicien des finances , réussit à équilibrer le budget. » Le cauchemar qui s’ensuivit dura 45 ans

    Alors dans les quartiers, la résistance s’organise, comme, à Bonfim, à Porto. L’ adega Fontoura annonce sur une affichette la tenue d’un « événement convivial de contestation contre l’intimidation immobilière et les expropriations illégales ». Les bars ont toujours été les réseaux sociaux du Portugal : on y regarde le football mais pas seulement, on vient y boire son café pour 70 centimes, prendre des nouvelles des amis, parler politique et parfois, fomenter la rébellion. Coincé entre l’hyper centre et Das Antas, où l’appel d’air provoqué il y a dix-huit ans par la construction du nouveau stade du FC Porto a été épuisé, « Bonfim est le dernier terrain de jeu des investisseurs et la pression qui y est exercée sur les habitants est énorme », explique Antonio, le patron. Philippe, un Français qui vient une fois par mois pour son travail (la recherche de terrains pour l’industrie), est convaincu que « la bulle va exploser » Plus qu’une information, un oracle déjà ancien. Dans l’attente de la déflagration, bonne nouvelle : la mairie de Porto a suspendu pour une période renouvelable de 6 mois les agréments de logement touristique (Alojamento Local) dans le centre et à Bonfim. Mais 940 requêtes de propriétaire sont déjà parvenues sur ses bureaux.

    Car les investisseurs font feu de tout bois en rachetant, par exemple, des quintas , anciens domaines agricoles ou viticoles, qu’ils transforment en lieux événementiels. Une quinta dans la région de Porto peut se louer 25 000 euros la journée pour un mariage. Et prière d’avoir effacé toute trace de la fête au petit matin car une autre famille attend son tour. Les Portugais s’endettent pour offrir à leur enfants ces noces dignes d’une série Netflix, avec feu d’artifice et pool de photographes et vidéastes pour immortaliser la story d’une vie. C’est tout le paradoxe d’un pays pauvre qui n’a jamais autant consommé, notamment dans ces centres commerciaux à l’américaine dont les villes sont désormais truffées. Longtemps, le Portugal fut privé de tout alors, plutôt que de commander un plat du jour à 6 euros au restaurant du coin, on préfère s’attabler à la terrasse d’une enseigne de la malbouffe dans un food court , ce qui peut s’apparenter à une forme de liberté.

    « Non à la mine, oui à la vie. » A Montalegre, dans la région de Tras-o-Montes (littéralement : au-delà des montagnes), à l’extrême Nord-Est du pays, les habitants ont un autre souci : leur terre est classée au patrimoine agricole mondial des Nations Unies mais pour son malheur regorge en sous-sol de lithium, or blanc des fabricants de batteries de téléphone et autres véhicules électriques. Le Portugal serait assis sur un trésor de 60 000 tonnes qui n’a pas échappé aux industriels. Au nom de la transition énergétique et avec l’espoir de donner naissance à toute une filière, le gouvernement a donc donné son feu vert pour l’exploitation dans six endroits du pays, dont Covas do Barroso, à une trentaine de kilomètres au Sud de Montalegre, à proximité immédiate des parcs nationaux de Peneda-Geres et du Haut-Douro. La concession a été accordée à l’entreprise britannique Savannah Resources. Dormez tranquilles, notre projet est durable et conforme aux techniques les plus vertueuses, jure la société. Mais les locaux, qui vivent ici depuis toujours en harmonie avec la nature, n’ont que faire de la communication de Londres. « Nous ne sommes pas contre le lithium mais vaut-il vraiment l’éventration de cette montagne ? s’indigne Aida, l’une des voix de la contestation, en contemplant ce paysage de rêve où ruminent paisiblement de magnifiques vaches à longues cornes dont la race est réputée et où il n’est pas rare de croiser des hordes de chevaux sauvages. Cette nature est notre seule richesse, notre mère nourricière. Ici, pas de magasins mais nous ne manquons de rien. Et nous savons très bien ce qui va se passer avec la mine : nous allons devoir partir pour rejoindre la ville où l’on vit moins bien avec 1 500 euros qu’ici avec 500 euros. » Les agriculteurs des régions concernées affirment, en effet, que l’extraction va interférer avec l’irrigation des terres, ce qui à terme condamnera la production.

    Dans ce contexte explosif, l’extrême-droite n’a pas manqué de faire sa réapparition dans le débat politique pour la première fois depuis la Révolution des œillets et la chute de l’Etat nouveau en 1974. Fondé en 2019, le parti Chega est arrivé en troisième position des élections législatives en janvier dernier, avec plus de 7 % des suffrages : un véritable choc dans le pays, dont chaque enfant a dans les yeux une image en gris de la dictature. Quelle que soit leur génération, les émigrants qui reviennent chaque été au village perpétrer la tradition, n’ont rien oublié, même si une certaine pudeur les rend discrets sur ce sujet ô combien douloureux. Dans Histoire du Portugal (Ed. Chandeigne, 2020), Albert Alain Bourdon et Yves Léonard nous remémorent les circonstances de l’accession au pouvoir d’Antonio de Oliveira Salazar : « Une inflation galopante avait multiplié les prix par 25. (…) Et Salazar, magicien des finances , réussit à équilibrer le budget. » Le cauchemar qui s’ensuivit dura 45 ans.

    Notes :

    [1] www.ine.pt

    [2] Certains prénoms ont été modifiés.

    [3] ec.europa.eu/eurostat

    [4] www.pordata.pt

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      Covid-19 : l’Union européenne au bord de la catastrophe

      Philipp Bagus · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 2 May, 2020 - 03:45 · 5 minutes

    Par Philip Bagus.
    Un article du Mises Institute

    La zone Euro est une gigantesque machine à redistribuer de la monnaie. Plusieurs États indépendants peuvent financer leurs dépenses par des déficits monétisés directement ou indirectement par une seule planche à billets.

    Plus précisément, la Banque centrale européenne (BCE) peut acheter des obligations d’États directement sur le marché ou bien les accepter en garantie dans ses opérations de prêts, ce qui a pour effet d’augmenter la masse monétaire.

    Avec cette monétisation, un État peut partiellement externaliser les coûts de son déficit au détriment des citoyens des autres pays de la zone Euro sous la forme d’un affaiblissement du pouvoir d’achat de l’euro.

    Cette configuration ressemble à une tragédie des biens communs . La ressource possédée en commun est le pouvoir d’achat de l’euro qui est exploité par plusieurs utilisateurs. Ces derniers sont les administrations de la zone Euro. Ils émettent de la dette, ce qui augmente la création monétaire. En faisant des déficits comparativement plus importants que leurs pairs, les États de la zone Euro peuvent tenter de vivre aux dépens des étrangers.

    Il n’est pas surprenant que la plupart des administrations aient ignoré le nouveau traité institué à l’aube de la crise de la dette européenne pour réduire les dettes et les déficits. Au cours des dernières années, avec une croissance économique modérée et des taux d’intérêt pratiquement à zéro, des États fortement endettés n’ont pas profité de la situation pour réduire leur dette. Ils ont plutôt profité de la hausse de la collecte de l’impôt et des faibles taux d’intérêt pour accélérer les dépenses publiques dans d’autres domaines.

    Les États pensent qu’ils peuvent s’en tirer à bon compte. La logique de ce comportement irresponsable est simple : à la prochaine crise ces États se contenteront d’émettre encore plus d’obligations d’État, de les faire acheter par leurs banques et de faire payer les autres sous la forme d’une baisse de pouvoir d’achat de l’euro.

    Ces États croient que personne ne mettra fin à la monétisation car stopper ce mécanisme provoquerait un défaut sur la dette souveraine, ce qui causerait des dégâts aux autres États de la zone Euro.

    Les banques européennes, et en particulier la BCE, sont gavées d’obligations d’États de la zone Euro. Le défaut d’un État provoquerait des pertes non seulement dans le pays en défaut, mais pour toutes les banques de la zone. Cela conduirait à des faillites en cascade, une immense crise bancaire, une immense crise de dette souveraine et une immense crise économique. La confiance dans l’euro pourrait être sévèrement affectée par le risque d’(hyper-)inflation.

    Bien que les États du sud comme l’Italie, la France et l’Espagne, n’aient pas profité de ces dernières années pour réduire leurs déficits, l’Allemagne et d’autres pays du nord comme les Pays-Bas ont réduit leurs dettes, ce qui, ironiquement, augmente le risque que les États du sud aient besoin du soutien financier de l’Allemagne et du nord.

    Durant la panique de la pandémie Covid-19 et les confinements qui en ont résulté, l’Italie , l’Espagne et la France ont vigoureusement réclamé la « solidarité » de l’Allemagne, en faisant mine de menacer de quitter l’UE si leurs exigences n’étaient pas satisfaites. Malgré leur incapacité à réduire les dépenses publiques et les déficits dans les périodes fastes, ces pays croient qu’ils ont droit à une aide financière.

    Leurs déficits excessifs passés peuvent s’expliquer par la perspective d’une mutualisation européenne des dettes. De fait, plusieurs schémas d’aide financière ont été institués pendant la panique du coronavirus. La BCE a annoncé qu’elle achèterait pour 750 milliards d’euros d’obligations et l’Union européenne a approuvé un volet d’aide financière de 540 milliards.

    Malheureusement, l’aléa moral qui est la conséquence de la mise en place de l’euro a non seulement influencé l’excès de dépenses publiques mais encore il influence très probablement la réaction des États à l’épidémie.

    Les coûts des confinements et des aides financières apportées aux citoyens et aux entreprises sont énormes. Les États doivent examiner avec prudence la décision qui consiste à imposer un confinement coûteux. Mais que se passe-t-il si un État peut faire porter une partie des coûts du confinement sur les autres avec de la dette supplémentaire ou des aides ?

    Si cette possibilité existe, comme c’est le cas dans la zone Euro, il devient plus probable qu’un État décrète le confinement et le poursuive plus longtemps. Au lieu de lever les restrictions aussi vite que possible, les États du sud les prolongent car ils comptent sur une aide financière et un soutien de ceux dont les finances sont en meilleure posture. En ruinant leurs propres économies les États du sud font de fait monter la pression pour la mise en place de circuits de redistribution et au final d’un super-État européen.

    Le raisonnement, illustré par le tristement célèbre ex-ministre grec des Finances Yanis Varoufakis est le suivant : si vous ne venez pas à notre secours nous ferons défaut, ce qui conduira à une crise bancaire européenne, de lourdes pertes pour la BCE et une forte récession. Vous feriez mieux de nous aider.

    Ainsi, la mise en place de l’euro pourrait être responsable dans certains pays de la zone Euro de confinements suicidaires qui dureront plus longtemps qu’ailleurs avec toutes les conséquences néfastes d’un point de vue social, politique, sanitaire et économique. Et il se peut que cette crise aboutisse à une décision radicale concernant l’avenir de l’euro et ouvre la voie à un super-État européen.

    Traduction pour Contrepoints de The Covid-19 Crisis Is Driving the EU to the Brink .