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      La plateforme financière Target 2, par laquelle passe la majorité des virements, ferme pendant quatre jours, à cause des jours fériés

      Mathias Poujol-Rost ✅ · Wednesday, 27 March - 11:41 edit

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      CRISE BANCAIRE : LES NOUVEAUX VISAGES DE LA FINANCE – DOMINIQUE PLIHON, LAURENCE SCIALOM

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 30 June, 2023 - 00:01 · 1 minute

    La hausse des taux d’intérêt a fragilisé le secteur bancaire. En une semaine seulement, trois banques ont fermé début mars aux États-Unis, dont la seizième plus importante du pays : la Silicon Valley Bank. Cette chute de dominos a créé une véritable panique qui s’est propagée en Europe. Face à ces risques majeurs, les banques centrales et les autorités ont déployé des moyens colossaux pour éviter de nouvelles faillites retentissantes : des réponses qui créent les conditions d’une future crise de plus grande ampleur encore… De plus, l’équilibre entre les objectifs de la politique monétaire et ceux de la stabilité financière semble de plus en plus instable, fragilisant ainsi la crédibilité des banques centrales… Pour analyser la situation et parler de ces questions, Le Vent Se Lève et l’Institut La Boétie ont reçu Dominique Plihon, professeur émérite d’économie à l’Université Paris Nord, co-auteur de la note de l’Institut La Boétie sur la crise bancaire, et Laurence Scialom, professeure d’économie à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense et membre du Conseil d’Administration de l’Observatoire de l’Éthique Publique. La conférence était animée par Alessandro Ferrante, rédacteur au Vent Se Lève.

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      Silicon Valley Bank, Silvergate, Signature bank : du rififi chez les bancaires

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 13 March, 2023 - 12:00 · 6 minutes

    Voilà, on y est : les premiers effets du resserrement de la politique monétaire de la Federal Reserve se font sentir avec la faillite de la Silicon Valley Bank…

    La nouvelle n’a pas eu le temps de faire beaucoup de bruit de ce côté-ci de l’Atlantique, mais on peut raisonnablement estimer que cette faillite pourrait faire parler d’elle dans les prochains jours, notamment si l’on tient compte des ramifications possibles de cette déroute financière.

    Dans l’immédiat, la banque californienne spécialisée dans la bancarisation des startups de la Silicon Valley et qui représentait tout de même la 16ème banque aux États-Unis par la taille de ses actifs, a vu ses cours de bourse s’effondrer.

    Cet effondrement n’a rien d’étonnant : après une journée de jeudi (8 mars) où la plupart de ses clients se sont rués pour retirer leurs fonds, la banque s’est retrouvée sans liquidités et a été fermée vendredi par l’autorité de régulation bancaire de l’État de Californie qui va maintenant tenter de régler cette situation qu’on imagine complexe pour les millions de clients (particuliers et entreprises) concernés.

    Pour résumer, suite à une tentative échouée de levée de fonds lancée par la banque, les investisseurs et les déposants ont réagi à cet échec en commençant à retirer jusqu’à 42 milliards de dollars des dépôts de la banque jeudi dernier, ce qui a provoqué un « bank run » ou panique bancaire .

    Silicon Valley Bank (SVB) était en effet très dépendante des taux d’intérêts appliqués par la Fed : spécialisée dans les startups, ses clients étaient généralement d’autant mieux capitalisés que les politiques monétaires accommodantes leur assuraient un flux important d’argent frais. Ces montants étaient investis par SVB dans des titres et obligations de l’État américain (notamment pour des obligations légales), dont la valeur a progressivement diminué à mesure que la politique monétaire s’est faite moins souple et que l’inflation grimpait. D’un côté, les clients de SVB voyaient leurs entrées se tarir et de l’autre, la valorisation des obligations garantissant les dépôts diminuait ce qui a rapidement conduit la banque à devoir se recapitaliser.

    Malheureusement, cette opération a été mal menée : le 8 mars, SVB vend pour 21 milliards d’investissements afin de dégager des liquidités. C’est un échec et la banque se trouve obligée à devoir emprunter 15 milliards et vendre des actions. Ce n’est pas a priori la débâcle mais la communication vers la clientèle , purement financière et technique, se résume un peu trop vite à « on n’a plus de liquidités » qui sera rapidement interprété de la pire façon possible.

    S’ajoute à cette communication défaillante l’abaissement (pourtant logique, prévisible et mécanique) de la note attribuée à SVB par Moody’s . Là encore, ce n’est pas en soi une catastrophe mais ajoute au tableau peu reluisant.

    Enfin, quelques fonds majeurs, dont celui de Peter Thiel, sentant que les choses pourraient tourner au vinaigre, conseillent dans la foulée à leurs clients de retirer leurs fonds de SVB.

    L’information, surtout dans la Silicon Valley, voyage vite : ce qui était encore un mouvement peut-être maîtrisable se transforme en panique et malheureusement, beaucoup des clients de la banque sont des entreprises avec de forts volumes en avoirs (en millions de dollars). Rapidement, les montants sortis sont énormes et bientôt, ils sont effectivement au-dessus des capacités de la banque : suite à cette panique et à la fermeture des bureaux le même jour, la banque se retrouvait vendredi avec un solde de trésorerie négatif d’environ 958 millions de dollars.

    Au passage, faut-il s’étonner de constater que certains des dirigeants de la banque ont eu la bonne idée de vendre leurs actions avant la débâcle ?

    Les jours qui viennent seront maintenant déterminants pour les clients de la SVB : peu pourront espérer récupérer la totalité de leurs fonds. Parmi eux, quelques personnes connues pourraient avoir des difficultés sensibles provoquées par cette faillite rapide.

    Les impacts de cette faillite seront de toute façon nombreux : en effet, cette banque n’était pas seulement une banque pour les startups, c’était aussi une banque retail , c’est-à-dire avec une clientèle variée de particuliers avec leurs emprunts, leurs comptes courants qui vont donc se retrouver dans des difficultés importantes à partir de lundi (et même avant si l’on en croit certaines vidéos vues sur twitter).

    Les comptes clients (particuliers et entreprises) étant fermés, certains salariés ne seront pas payés cette semaine et des pertes d’emploi sont donc à prévoir .

    De façon intéressante, le monde de la cryptomonnaie est lui aussi touché par cette faillite puisque SVB conservait une partie des avoirs nécessaires à valoriser le stable-coin USDC (une cryptomonnaie visant la parité avec le dollar). Ainsi, la compagnie cryptomonétaire Circle (cryptomonnaies) est très exposée à cette faillite à hauteur de plus de trois milliards de dollars…

    Or, dans le monde des cryptomonnaies, la faillite de SVB s’ajoute aux difficultés récentes de Silvergate, une autre banque (traditionnelle) américaine directement en faillite suite à la déroute de FTX évoquée précédemment dans ces colonnes .

    Du reste, si on ajoute les récentes difficultés de Signature Bank , elle aussi impliquée dans la sécurisation des avoirs de Tether et de USDC, on commence à se douter que l’apurement des délires de FTX ne fait que commencer dans le monde des cryptos.

    Bref, on le comprend : à mesure que la Fed relève ses taux, le stress sur les banques locales et régionales se fait de plus en plus fort et les effets de bord parfois spectaculaires commencent à se voir. La mer de financements se retire et on commence à voir qui est à poil.

    Quelques questions se posent à présent.

    D’une part, l’une des principales causes de la crise financière de 2008 fut l’utilisation de facteurs sociaux pour accorder des prêts (à l’époque, il s’agissait de favoriser l’accession à la propriété). Les leçons de 2008 n’ayant pas été tirées, l’histoire se répète. Au-delà de l’impact évident majeur du relèvement des taux dans les déboires de SVB, on peut aussi se demander dans quelle mesure l’utilisation des critères ESG dans leur gestion des fonds n’a pas joué, par exemple lors de la fixation des prix de ses prêts. Il y a un an, en tout cas, SVB s’engageait à fond(s) (pour 5 milliards de dollars) dans les opérations carbone-neutre et autres grigris écolo-bienséants…

    D’autre part, alors que les faillites et autres difficultés bancaires s’accumulent à présent de façon visible, quelle va être la position de la Fed ? Persistera-t-elle dans cet assèchement de l’argent facile en conservant des taux élevés pour combattre l’inflation, déclenchant inévitablement d’autres faillites, ou choisira-t-elle le chemin d’un nouvel assouplissement, signant probablement une mise à mort du dollar par noyade à plus ou moins long terme ?

    Aucune de ces deux options n’est politiquement aisée mais les deux garantissent clairement des difficultés à venir.

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      Le Portugal au bord du « capitaclysme »

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 28 October, 2022 - 18:00 · 16 minutes

    Il y a la carte postale et l’envers du décor. D’un côté, un pays vu de l’étranger comme le nouvel Eldorado . De l’autre, une population qui, avec de petits revenus, ne s’en sort plus face à une inflation galopante et à un marché du logement de plus en plus inaccessible. Selon les dernières données publiées[1], près d’un Portugais sur cinq vivrait sous le seuil de pauvreté, dont nombre de personnes âgées, qui doivent survivre avec un minimum vieillesse de 268 euros. l’Instituto Nacional de Estatistica (INE) a calculé qu’en 1974, au sortir des années noires du salazarisme, celui-ci était de 260 euros… Une décennie après le plan de sauvetage de la Troïka , le Portugal a certes retrouvé une capacité d’investissement mais la réalité du quotidien le situerait plutôt au bord du capitaclysme – pour reprendre un néologisme localement à la mode. Un reportage de Nicolas Guillon.

    C’est leur nouvelle route des Indes. Le Portugal a annoncé fin septembre la construction d’ici à 2031 d’une ligne de TGV reliant Lisbonne à Porto en 1h15. Au-delà de l’utilité d’un chantier aussi gigantesque pour relier deux villes distantes d’à peine 300 kilomètres et reliables en 2h30, une question se pose : qui montera dans ce train de la « modernité » ? Antonio Costa, le premier ministre portugais, a donné une partie de la réponse : « C’est un projet stratégique qui favorisera la compétitivité », en cohérence avec la volonté portugaise d’attirer des entrepreneurs et des investisseurs étrangers. All right , répond l’écho qui commence à parler la langue du business. « Qui montera dans ce TGV ? Des touristes riches car désormais le Portugal veut des touristes riches », complète Joao [2], en position d’observation en retrait de l’emblématique pont Dom-Luis, qui enjambe le Douro. Son Portugal à lui ne prend le jour que par des soupiraux mais sa longue vue offre néanmoins une belle visibilité.

    Les alentours immédiats peuvent en témoigner : le Portugal s’est amouraché des riches étrangers. Sur cette rive Sud du fleuve, qui jouit d’une vue imprenable sur la vieille ville de Porto, Vila Nova de Gaia, siège des plus grandes maisons de vin de Porto, s’est semble-t-il découvert un goût immodéré pour les projets immobiliers tape-à-l’oeil. Le plus spectaculaire d’entre eux, comme son acronyme l’annonce : le WoW, pour World of Wine. Impossible de passer à côté : dès l’aéroport, c’est dans cette direction que le voyageur est invité à s’engager. Inauguré en 2020, le WoW se présente comme le nouveau quartier culturel de la ville mais il serait plus juste de parler de parc d’attractions lié à la culture de la ville.

    Sachant que le seuil de pauvreté s’établit à 554 euros de ressources mensuelles – on notera que le salaire minimum net s’en rapproche dangereusement – ce sont aujourd’hui 1,9 million de Portugais qui doivent vivre avec moins, soit 18,4 % de la population

    Le projet a été imaginé par le propriétaire des marques Taylor’s et Croft, Adrian Bridge. Le magnat anglais a investi 106 millions d’euros pour transformer 35 000 m 2 d’entrepôts et de chais en un vaste espace de loisirs comprenant six musées, neuf restaurants, une école du vin, une galerie d’expositions, des lieux événementiels, des bars, des boutiques et un hôtel Relais & Châteaux avec son indispensable spa. Si les travaux de réhabilitation sont indéniablement de belle facture, l’ostentation du lieu (des carrés Hermès aux murs des couloirs et des escaliers) confine, de la part d’un lord, à la faute de goût dans une société qui cultive la simplicité. Inutile de préciser que tout est cher, et même très cher à l’échelle du niveau de vie portugais. Le manant peut néanmoins profiter gratuitement de la vue panoramique sur la ville.

    Mais le WoW « en jette » et c’est précisément l’image filtrée que le Portugal veut aujourd’hui donner de lui-même : un pays qui a définitivement tourné le dos à la misère pour entrer avec ses plus beaux habits dans la salle de bal. Le futur TGV procède de cette même stratégie de développement mais Antonio Costa a beau en appeler au « consensus national » dans cette bataille du rail, le client des chemins de fer portugais, qui doit actuellement débourser une soixantaine d’euros pour un aller-retour en 2 e classe Porto-Lisbonne, a d’autres préoccupations que celle de filer comme l’éclair du Nord au Sud. Car depuis qu’en 2011 la troïka (Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne) est passée par là, les Portugais ont de très faibles revenus. Selon l’Instituto Nacional de Estatistica (INE), l’équivalent portugais de l’INSEE, la rémunération brute mensuelle moyenne était de 1 439 euros au 2 e trimestre 2022, le salaire minimum s’élevant à 822,50 euros[3].

    Toujours selon l’INE, la pension moyenne en 2021 s’élevait à 487 euros par mois. Au Portugal, le minimum vieillesse n’est que 268 euros. L’INE a calculé qu’en 1974, au sortir des années noires du salazarisme, celui-ci était de 260 euros. Sachant que le seuil de pauvreté (60% du revenu médian selon le mode de calcul de l’Observatoire des inégalités) s’établit à 554 euros de ressources mensuelles – on notera que le salaire minimum net s’en rapproche dangereusement – ce sont aujourd’hui 1,9 million de Portugais qui doivent vivre avec moins, soit 18,4 % de la population, sur la base des dernières données sur le niveau de vie divulguées par l’INE, largement commentées par les media portugais cet automne.

    Et encore ! Les aides sociales retouchent le tableau : sans elles, ce sont quelque 4,4 millions de citoyens qui ne franchiraient pas la barre[4]. Au Portugal, travailleur pauvre est presque devenu un statut. Déjà effrayants dans le contexte européen, ces chiffres de la misère explosent si l’on prend en considération la privation matérielle, l’éloignement du monde du travail et l’exclusion sociale : près d’un quart du pays connaîtrait une ou plusieurs de ces situations. Les enfants ne sont, malheureusement, pas épargnés : 10,7 % d’entre eux souffraient, l’an passé, de manque matériel et de coupure sociale (source : INE).

    On ne se rend sans doute pas compte à Bruxelles de ce qu’on a demandé au Portugal, de s’humilier, et aux Portugais, de se sacrifier. Les dégâts commis ne sautent, c’est vrai, pas immédiatement aux yeux. Depuis la dictature, les gens d’ici ont une capacité à encaisser assez phénoménale, comme si leur principal trait de caractère était de subir. Et vous ne les entendrez jamais se plaindre. Livreur pour des multinationales de l’ameublement, Sergio confie « passer 15 heures par jour sur la route, six jours sur sept ». Et depuis deux ans, on lui a retiré son binôme pour l’aider à porter les colis. Il continue pourtant de faire sa tournée avec le sourire. Il s’estime bien loti avec un travail et 1 100 euros net mensuels. Ici, c’est une serveuse dans un bar de centre-ville dont le salaire pour 40 heures par semaine et des horaires difficiles peine à dépasser les 600 euros ; là, une institutrice qui, au terme d’une carrière complète, va devoir se contenter d’une retraite de 500 euros. Tout ça fait d’excellents Portugais.

    « Il entre au Portugal beaucoup trop de capitaux étrangers au regard du nombre d’opportunités. » Ce n’est pas un altermondialiste qui parle mais Francisco Sottomayor, le PDG de Norfin, une des principales sociétés de gestion immobilière portugaises

    Les « bons élèves de l’Europe » ont, en effet, souvent été cités en exemple. En remerciement des efforts colossaux consentis durant la récession, ils voient aujourd’hui le robinet des crédits communautaires couler à gros débit. Les travaux du premier tronçon de la future ligne TGV, à hauteur de 2,9 milliards d’euros, seront financés au tiers par des fonds européens. « Le pays réunit aujourd’hui les conditions financières pour pouvoir réaliser ce type de projet », se félicite Antonio Costa, de la famille des socialistes convertis au modèle néolibéral. Le nouvel Eldorado a peut-être des finances saines mais en attendant, le citoyen doit faire face à l’inflation bondissante : 9,3% à l’amorce du dernier trimestre, 22,2% pour l’énergie et 16,9% pour l’alimentation (source : Trading Economics). L’Association portugaise des entreprises de la distribution (APED) a constaté depuis septembre une recrudescence des vols de produits alimentaires de base : morue congelée, boîtes de thon, bouteilles d’huile d’olive et briques de lait. Retraité de l’industrie pharmaceutique depuis dix ans, Rui sait qu’il compte parmi les privilégiés. Dans la ferme qu’il a rénovée à une heure de Porto, il coule une vie paisible entre son jardin et ses animaux. Tout en conservant une louable lucidité : « Après toutes ces années d’austérité, nous commencions à retrouver un peu de souffle, à voir le bout du tunnel. Et puis la pandémie est arrivée. Et maintenant c’est la guerre en Ukraine et l’inflation. Quand le week-end je reçois mes filles encore étudiantes, entre les courses et le plein d’essence j’en ai pour 300 euros. Combien de Portugais peuvent se le permettre ? Et je ne vous parle pas de la facture de chauffage. »

    Se chauffer a toujours été un problème au Portugal et pas seulement pour les plus modestes. Héritage d’une autarcie qui dura un demi-siècle – « mieux vaut la pauvreté que la dépendance », avait l’habitude de dire Salazar -, peu de logements sont bien isolés et équipés. Et c’est une idée reçue de croire qu’il fait toujours beau et chaud en Lusitanie. Mais la crise de 2009, encore elle, n’a rien arrangé. En retour des 78 milliards d’aides reçus, le Portugal a dû privatiser des pans entiers de son économie, dont le secteur de l’énergie. Le groupe chinois China Three Gorges a ainsi repris en 2011 les 21% détenus par l’Etat portugais dans EDP (principale entreprise de production d’électricité du pays). Après ça, allez exercer le moindre contrôle sur les prix.

    Bons princes, les Chinois se sont également portés acquéreurs d’une partie de la dette portugaise. Le Portugal et l’Empire du Milieu entretiennent depuis 1557 une relation étroite par le biais de l’administration de Macao, rétrocédée en 1999. Energie, banque, assurance : l’investissement chinois au Portugal est estimé à environ 3% du PIB.

    L’immobilier n’échappe pas, bien sûr, à cet afflux de fonds étrangers, en provenance de Chine mais aussi des Pays-Bas, d’Espagne, du Royaume-Uni ou du Luxembourg. Dans certains quartiers de Lisbonne ce sont des rues entières qui sont rachetées, ce qui pose évidemment un problème : l’envolée des loyers, qui ont augmenté de 42,4 % en moins de cinq ans, un chiffre affiché en une, fin septembre, par le journal Publico et confirmé dans la foulée par l’INE. A Lisbonne et Porto, l’augmentation atteint même 50 %, voire 60 % dans certaines communes périphériques de la capitale, dont Vila Nova de Gaia – l’effet WoW sans doute. Le loyer moyen portugais s’élève désormais à 6,25 euros par mètre carré (9,29 euros dans la zone métropolitaine de Lisbonne). A Braga, Joaquim gère un portefeuille de locations modestes, issu d’un legs familial : « Nous avons beaucoup de locataires très anciens et si nous suivions le marché, ces gens ne pourraient plus payer leur loyer ni se reloger. Nous essayons donc d’entretenir nos logements sans engager de trop gros travaux afin de maintenir le statu quo et de préserver ces personnes que nous connaissons de longue date et qui ont toujours honoré les échéances. » Pour leur salut, les Portugais ont conservé cette fibre de l’entraide qui naguère était leur seul canal de survie.

    « Je déteste dire que le Portugal est un petit marché mais on ne peut pas dire non plus que c’est un très grand marché, et le fait est qu’il entre beaucoup trop de capitaux étrangers au regard du nombre d’opportunités. » Ce n’est pas un altermondialiste qui parle mais Francisco Sottomayor, le PDG de Norfin, une des principales sociétés de gestion immobilière portugaises. Résultat : pour ceux qui en ont encore les moyens, acheter un bien au Portugal coûte en 2022 50 % plus cher qu’en 2016.

    Il y a dix ans, le maire de Lisbonne était un certain Antonio Costa, qui, à l’époque, se battait pour maintenir les autochtones dans la place, en passant, par exemple, des accords avec les promoteurs : un terrain en échange de logements sociaux. Mais il semblerait que la lame de fond de la spéculation soit en train de tout emporter, avec la multiplication sur le marché de biens de luxe, comme, par exemple, un penthouse de 200 m 2 à Cascais, station balnéaire du grand Lisbonne, mis en vente au prix de 6 millions d’euros.

    Albert Alain Bourdon et Yves Léonard nous remémorent les circonstances de l’accession au pouvoir d’Antonio de Oliveira Salazar : « Une inflation galopante avait multiplié les prix par 25. (…) Et Salazar, magicien des finances , réussit à équilibrer le budget. » Le cauchemar qui s’ensuivit dura 45 ans

    Alors dans les quartiers, la résistance s’organise, comme, à Bonfim, à Porto. L’ adega Fontoura annonce sur une affichette la tenue d’un « événement convivial de contestation contre l’intimidation immobilière et les expropriations illégales ». Les bars ont toujours été les réseaux sociaux du Portugal : on y regarde le football mais pas seulement, on vient y boire son café pour 70 centimes, prendre des nouvelles des amis, parler politique et parfois, fomenter la rébellion. Coincé entre l’hyper centre et Das Antas, où l’appel d’air provoqué il y a dix-huit ans par la construction du nouveau stade du FC Porto a été épuisé, « Bonfim est le dernier terrain de jeu des investisseurs et la pression qui y est exercée sur les habitants est énorme », explique Antonio, le patron. Philippe, un Français qui vient une fois par mois pour son travail (la recherche de terrains pour l’industrie), est convaincu que « la bulle va exploser » Plus qu’une information, un oracle déjà ancien. Dans l’attente de la déflagration, bonne nouvelle : la mairie de Porto a suspendu pour une période renouvelable de 6 mois les agréments de logement touristique (Alojamento Local) dans le centre et à Bonfim. Mais 940 requêtes de propriétaire sont déjà parvenues sur ses bureaux.

    Car les investisseurs font feu de tout bois en rachetant, par exemple, des quintas , anciens domaines agricoles ou viticoles, qu’ils transforment en lieux événementiels. Une quinta dans la région de Porto peut se louer 25 000 euros la journée pour un mariage. Et prière d’avoir effacé toute trace de la fête au petit matin car une autre famille attend son tour. Les Portugais s’endettent pour offrir à leur enfants ces noces dignes d’une série Netflix, avec feu d’artifice et pool de photographes et vidéastes pour immortaliser la story d’une vie. C’est tout le paradoxe d’un pays pauvre qui n’a jamais autant consommé, notamment dans ces centres commerciaux à l’américaine dont les villes sont désormais truffées. Longtemps, le Portugal fut privé de tout alors, plutôt que de commander un plat du jour à 6 euros au restaurant du coin, on préfère s’attabler à la terrasse d’une enseigne de la malbouffe dans un food court , ce qui peut s’apparenter à une forme de liberté.

    « Non à la mine, oui à la vie. » A Montalegre, dans la région de Tras-o-Montes (littéralement : au-delà des montagnes), à l’extrême Nord-Est du pays, les habitants ont un autre souci : leur terre est classée au patrimoine agricole mondial des Nations Unies mais pour son malheur regorge en sous-sol de lithium, or blanc des fabricants de batteries de téléphone et autres véhicules électriques. Le Portugal serait assis sur un trésor de 60 000 tonnes qui n’a pas échappé aux industriels. Au nom de la transition énergétique et avec l’espoir de donner naissance à toute une filière, le gouvernement a donc donné son feu vert pour l’exploitation dans six endroits du pays, dont Covas do Barroso, à une trentaine de kilomètres au Sud de Montalegre, à proximité immédiate des parcs nationaux de Peneda-Geres et du Haut-Douro. La concession a été accordée à l’entreprise britannique Savannah Resources. Dormez tranquilles, notre projet est durable et conforme aux techniques les plus vertueuses, jure la société. Mais les locaux, qui vivent ici depuis toujours en harmonie avec la nature, n’ont que faire de la communication de Londres. « Nous ne sommes pas contre le lithium mais vaut-il vraiment l’éventration de cette montagne ? s’indigne Aida, l’une des voix de la contestation, en contemplant ce paysage de rêve où ruminent paisiblement de magnifiques vaches à longues cornes dont la race est réputée et où il n’est pas rare de croiser des hordes de chevaux sauvages. Cette nature est notre seule richesse, notre mère nourricière. Ici, pas de magasins mais nous ne manquons de rien. Et nous savons très bien ce qui va se passer avec la mine : nous allons devoir partir pour rejoindre la ville où l’on vit moins bien avec 1 500 euros qu’ici avec 500 euros. » Les agriculteurs des régions concernées affirment, en effet, que l’extraction va interférer avec l’irrigation des terres, ce qui à terme condamnera la production.

    Dans ce contexte explosif, l’extrême-droite n’a pas manqué de faire sa réapparition dans le débat politique pour la première fois depuis la Révolution des œillets et la chute de l’Etat nouveau en 1974. Fondé en 2019, le parti Chega est arrivé en troisième position des élections législatives en janvier dernier, avec plus de 7 % des suffrages : un véritable choc dans le pays, dont chaque enfant a dans les yeux une image en gris de la dictature. Quelle que soit leur génération, les émigrants qui reviennent chaque été au village perpétrer la tradition, n’ont rien oublié, même si une certaine pudeur les rend discrets sur ce sujet ô combien douloureux. Dans Histoire du Portugal (Ed. Chandeigne, 2020), Albert Alain Bourdon et Yves Léonard nous remémorent les circonstances de l’accession au pouvoir d’Antonio de Oliveira Salazar : « Une inflation galopante avait multiplié les prix par 25. (…) Et Salazar, magicien des finances , réussit à équilibrer le budget. » Le cauchemar qui s’ensuivit dura 45 ans.

    Notes :

    [1] www.ine.pt

    [2] Certains prénoms ont été modifiés.

    [3] ec.europa.eu/eurostat

    [4] www.pordata.pt

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      Bitcoin, cryptomonnaies : quel est le prix de votre liberté ?

      Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:35 · 8 minutes

    bitcoin

    Par Rémi Pagès 1 .

    Ce n’est pas gratuit mais c’est utile…

    L’adoption d’internet (le web 1.0), puis des réseaux sociaux (le web 2.0) a permis la mise en relation des hommes depuis n’importe quel endroit de la Terre. Les hommes ont adopté les technologies car elles leur sont utiles : échanges épistolaires, échanges d’informations, discussions en direct, chats vidéos, commerce etc.

    Cela s’est développé parce que c’était également gratuit. Mais rien n’est gratuit. Vous payez votre fournisseur d’accès pour accéder au réseau car ce dernier vous fournit la box ainsi que l’entretien du réseau pour vos communications. Vous pouvez chatter sur un réseau social gratuitement. Mais pour cela vous avez signé un « contrat de licence utilisateur final » qui n’est autre qu’un contrat entre vous et l’entreprise. Cette dernière n’aurait aucun intérêt à investir dans d’énormes serveurs ou en développement si elle ne gagnait pas d’argent. Elle monétise donc vos habitudes de surf pour les revendre ensuite a des entreprises de marketing digital pour ensuite cibler les publicités.

    Cela n’a rien d’immoral.

    Ce qui choque l’utilisateur c’est la revente de données personnelles : il doit faire un choix entre utilité et vie privée.

    Utilité ou vie privée ?

    Une étude récente parue dans PLOS ONE , montre qu’en moyenne (sur un petit échantillon d’utilisateurs), les utilisateurs proposeraient de se déconnecter de Facebook pendant un an contre 1000 dollars. Bien qu’anecdotique, cette étude a au moins le mérite de mettre en exergue la notion de valeur.

    Dans le chapitre V d’ Harmonies économiques , Bastiat écrit :

    « … il faut que je fasse comprendre deux choses, savoir :

    1° Que l’utilité tend à devenir de plus en plus gratuite, commune, en sortant progressivement du domaine de l’appropriation individuelle.

    2° Que la valeur, au contraire, seule appropriable, seule constituant la propriété de droit et de fait, tend à diminuer de plus en plus relativement à l’utilité à laquelle elle est attachée. »

    Il faut aussi se rappeler le concept d’antifragilité développé par Nassim Taleb :

    « Est fragile tout ce qui ne résiste pas à l’épreuve.
    Est solide tout ce qui résiste à un grand nombre d’épreuves.
    Est antifragile tout ce qui se bonifie avec les épreuves. »

    Or au cours de la courte histoire humaine, le seul qui ait prouvé son anti-fragilité est l’Homme lui même.

    Nous sommes donc dans une période de basculement ou l’Homme a deux chemins possibles :

    • soit il poursuit dans la voie de la fragilité en continuant de déprécier sa vie privée contre de l’utilité jusqu’à ne plus s’appartenir,
    • soit il choisit la voie de l’antifragilité : il choisit de ne dévoiler que ce qu’il désire de sa vie privée, en échange de monnaie dont la valeur est reconnue par l’ensemble des utilisateurs du réseau.

    Échanger de la valeur sans qu’elle soit dépréciée, et de façon privée

    En 1993 Éric Huges écrit dans Le Manifeste Cypherpunk :

    « La vie privée est nécessaire pour une société ouverte dans l’ère électronique. La vie privée n’est pas un secret. Une affaire privée est ce qu’un individu ne veut pas que le monde entier sache, mais une affaire secrète est ce qu’un individu ne veut pas que quiconque sache. La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. »

    Pour cela la monnaie est la pierre angulaire du changement : quelle est la meilleure façon d’échanger de la valeur dans un réseau, sans que cette valeur soit dépréciée ? Le bitcoin est une monnaie qui, sur une courte échelle (10 ans), et contrairement aux monnaies fiat a montré son anti fragilité.

    Ces notions ont été développées par Satoshi Nakamoto dans son White Paper que l’on peut rapidement résumer ainsi :

    • Il faut que les échanges soient structurellement pseudo-anonymes . On entend par pseudo anonymes le fait que les porte-monnaies sont anonymes et cryptés (ne sont pas liés à une identité définie, comme le cash, et ne sont pas dérobables sauf si on vous vole votre clef privée que vous seul détenez, comme si on vous volait votre porte-monnaie), mais également que les échanges entre ces porte-monnaies soient tous traçables de façon à ce que l’ensemble des utilisateurs du réseau puisse vérifier qu’il n’y ait pas de triche.
    • Il faut également éviter que d’autres entités puissent s’emparer de la valeur en « imprimant de l’argent » et en développant un système de dette qu’ils contrôlent au détriment des utilisateurs du réseau. Pour cela, il existe un nombre prédéfini de bitcoins minables soit 21 millions, la monnaie n’est pas inflationniste c’est-à-dire qu’elle est de quantité limitée tout comme l’or. Par ailleurs les échanges monétaires ne sont pas possibles en dehors de la chaine bitcoin. Quand on commence à parler de chaîne parallèle ( side chain ), on peut craindre qu’une entité tierce essaie de prendre en otage les échanges.

    Ce qui la différencie de l’or c’est justement son côté pratique (on peut facilement faire des échanges en millième de bitcoin donc une mise à l’échelle est possible pour l’ensemble du réseau).

    • Ensuite la preuve de travail qui est réalisée par les fameux mineurs qui investissent de l’argent et se font la compétition en résolvant une équation mathématique dont la complexité est variable, pour valider l’ensemble des transactions. Le mineur qui a le plus de puissance de calcul, donc qui a le plus investi, a plus de chance de valider les transactions.

    L’ensemble des transactions depuis le début du bitcoin est contenu dans un sytème d’horodatage des transactions qui est distribué aux différents nœuds du système (la fameuse blockchain , distribuée en peer to peer à la facon de bittorent par exemple). On pourrait comparer la blockchain à un livre de comptes. Le mineur qui a la plus grande puissance de calcul sera celui qui validera ce qu’on appelle un block (en fait il rajoute une page validée et vérifiée au livre de comptes). Une page, ou block , de ce livre de comptes est ajoutée toutes les 10 minutes.

    La cupidité qui ferait qu’un pirate ou qu’un mineur essaie de modifier les transactions pour son compte et vole ainsi les utilisateurs n’est pas rentable car il faudrait modifier toutes les pages précédentes des transactions de celle qu’on veut modifier pour truquer les comptes, ce qui demanderait une puissance énorme de calcul donc un investissement non rentable pour le tricheur.

    • La peur de la centralisation du minage est une peur véhiculée même par les meilleurs défenseurs du bitcoin. C’est un glissement conceptuel entre la centralisation des échanges qui existe actuellement avec les gros nœuds internet des GAFA et la centralisation des échanges monétaires par les banques centrales. Le mineur ne maitrise pas la monnaie et il a seulement le même intérêt que vous que sa valeur soit reconnue. Il ne vous vole pas, il a ses intérêts, vous les vôtres. Si des mineurs s’associaient en corporation pour changer les paramètres de la chaine, la confiance serait alors perdue et la monnaie serait dévaluée, mais comme le sytème bitcoin est adaptable, une nouvelle fork apparaitrait.

    Qui « risque sa peau » ?

    Il existe de nombreuses cryptomonnaies : certaines sont de réelles arnaques.
    D’autres se veulent complètement anonymes, mais n’ont pas réalisé qu’en effaçant des transactions dans le registre pour en anonymiser complètement certaines, on trompe inéluctablement les autres utilisateurs qui ne peuvent plus les vérifier : la confiance chute et la valeur de ces monnaies chutera probablement.

    D’autres essaient de socialiser le concept comme Ethereum qui a créé le proof of stake (la preuve d’enjeu) : ce ne sont plus ceux qui risquent leur peau en investissant dans le minage quitte à tout perdre, mais ceux qui ont le plus de monnaie qui valident les transactions. Ils s’approprient la valeur morale de l’échange. C’est une vision keynésienne des cryptos. Avec les risques inhérents au keynésianisme (crises, guerres, perte de cette fameuse propriété privée tant désirée).

    Où se situe la France ?

    Où se situe la France ? Pionnière dans la bulle blockchain qui n’est finalement qu’une base de registre ou dans l’économie mondiale ?

    • Taxation de l’échange cryptommonaie vers le fiat à 30 % minimum. Sachant que la TVA est a 20 %, un commerçant n’a pas intérêt à échanger ses produits en cryptomonnaies.
    • Validation des fameux organismes de sécurité boursière pour l’échange entre cryptomonnaies, ce dont tous les fervents défenseurs des crypto monnaies s’enorgueillissent : ils y voient une étape supplémentaire vers l’adoption de ces cryptomonnaies. Or cela aboutira inexorablement à la désanonymisation des transactions et donc au vol par la taxation.

    Le système Bitcoin retire aux autorités centrales monétaires le pouvoir de régulation, mais n’empêche en rien l’existence d’un État, de lois ou de voleurs.

    Le système Bitcoin ne juge pas moralement l’échange entre deux individus, il est fungible . Il redonne juste à l’Homme la possibilité de reprendre le pouvoir sur sa propriété privée tout en choisissant de monnayer une partie de celle-ci contre de l’utilité s’il l’estime nécessaire.

    Vous avez le choix , bienvenue sur le web 3.0…

    Article initialement publié en janvier 2019.

    1. Rémi Pagès, entrepreneur, est passionné par les cryptomonnaies depuis 2011.