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      Bruno Le Maire enterre les finances françaises

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 3 February, 2023 - 04:30 · 7 minutes

    L’endettement des administrations publiques doit aujourd’hui atteindre les 3000 milliards d’euros , soit 44 280 euros par Français. Le déficit du budget de l’État s’est élevé à 156 milliards d’euro en 2022. Plus de la moitié de la production de valeur, soit 59,2% du PIB, est consacré aux dépenses publiques, auquel il faudrait ajouter les chiffres des diverses entreprises (EDF, Engie, ADP, Airbus, Renault…) dont l’État est actionnaire à hauteur estimée de 125 milliards d’euros, valeur purement théorique vu que ces entreprises cumulent un endettement estimé à 124 milliards d’euros.

    Utilisez les qualificatifs que vous voulez, mais cette situation financière est totalement hors sol et ne tient que par la valeur de la monnaie qui permet encore à l’État d’émettre de la dette.

    Le précédent de la crise covid

    Le principal problème de cette situation est qu’à force de faire n’importe quoi et de ne jamais devoir en subir le retour de bâton, s’est développée une culture du laxisme budgétaire tous azimuts, dont la prime toute catégorie revient sans conteste au ministre des Finances actuel, Bruno Le Maire.

    Le terme de « quoi qu’il en coûte » est assez explicite.

    Tout comme sa récente déclaration visant à « serrer la vis » afin de « privilégier les dépenses d’avenir » et tout particulièrement « l’industrie verte », proclamation remplie d’espoir et de vision qui signifie en vérité creuser encore plus la dette et la mainmise de l’État sur l’activité économique du pays, le tout dans un but purement clientéliste.

    Ce qui est proprement hallucinant, c’est que l’on puisse ainsi passer en quelques semaines de la pluie de chèques dispersée par hélicoptère au comptage minutieux des fournitures de bureau et aux histoires bucoliques sans se poser une seule fois la question que tout Français se pose : mais où peut bien aller tout cet argent ?

    D’où il vient, tout le monde le sait. L’État prélève une bonne grosse moitié des salaires, une bonne grosse moitié du prix de l’essence, picore de la TVA partout et se baffre accessoirement sur plein d’autres niches fiscales : frais de notaires, jeux à gratter et à perdre, frais de succession, etc.

    Mais où il va… Cela reste un grand mystère !

    Un pognon de dingue

    Alors bien sûr, il y a la grosse blague que chacun raconte pour montrer qu’il est un bon élève et qu’il a bien écouté la séance d’endoctrinement du parfait contribuable docile. Tout cet argent va dans l’école, les hôpitaux, la santé, les retraites etc. C’est grâce à tout cet argent que nous pouvons être fier d’avoir le meilleur système social que le monde entier nous envie

    C’est grâce aux efforts et au génie de l’État français que personne ne mange aux Restos du cœur, qu’il n’y aucun retraité pauvre, pas de sans-abris, que le salaire minimum constaté est largement supérieur à celui de nos voisins, que personne ne meurt sur un brancard dans les couloirs des urgences, que nos enfants écrasent tous les compteurs à l’école, que chaque Français peut vivre dignement de son travail, qu’il n’y a pas de chômage, blablabla…

    Non, l’argent va à l’État, qui en contrepartie promet la providence et qui se voit bien obligé de tenir un minimum ses promesses, même si s’occuper des petits bébés et des petits bobos, c’est très loin d’être ce que sait faire une organisation criminelle légale qui dispose du monopole de la violence.

    Ce qui se passe au sein de l’État et pourquoi tant d’argent se transforme en si peu de choses : c’est ça le grand mystère.

    Le libéralisme à toutes les sauces

    Une fois la grosse rigolade passée, on tombe généralement dans la chasse aux sorcières, dans le pointage du bouc émissaire et dans la confusion mentale. Si tout ce socialisme ne marche pas (socialisme au sens social + isme), c’est parce que ce n’est pas du vrai socialisme : c’est du libéralisme !

    Ça tombe bien, (presque) personne ne comprend ce que signifie libéralisme , donc on peut se défouler comme on veut.

    Juste pour rigoler, au cas où quelques afficionados du libéral-bashing liraient ces lignes, on pourrait citer quelques pistes de réflexions libérales, et pas des plus radicales, comme de soumettre chaque budget de l’État, des collectivités locales, etc. à un référendum auquel bien évidemment, aucun fonctionnaire ni aucun élu ne pourrait participer (on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre)… D’expérience, la simple énumération de quelques réflexions de ce genre déclenche quasiment immédiatement un court-circuit neuronal dans le cerveau du libéral-basher .

    Ne perdons pas espoir : une marée de doutes et d’interrogations arrive avec la crise et l’inflation et il ne faut pas compter sur la déconnexion chronique et l’autosuffisance compulsive du gouvernement actuel pour endiguer le tsunami qui est en train de se créer. Qui aurait pensé il y a quelques mois que l’on verrait un ministre se prendre en pleine figure un résumé de La Grève en direct à la télé et que le libéralisme (le vrai) est en train mine de rien de s’inviter au débat vu le raffut que l’on fait en son nom ?

    Il faudrait se réveiller avant qu’il ne soit trop tard

    Olivier Véran a dû se demander pourquoi ce n’était pas Bruno Le Maire qui était assis à sa place à se prendre des tomates. Il est en droit de se poser la question, même s’il a accepté le poste de porte-parole et donc d’être la cible des tomates destinées au gouvernement.

    Le gouvernement aurait bien plus besoin ces temps-ci d’un tend-l’oreille que d’un porte-parole.

    L’analyse des chiffres des participations aux manifestations contre le projet gouvernemental sur les retraites semble bien indiquer que les provinces sont à nouveau en train de s’enflammer.

    Personne au gouvernement ne se demande pourquoi les Français ne veulent plus travailler ? Personne n’a posé la question ? Personne n’a envisagé que travailler pour payer un État qui distribue des billets au moindre signe de grogne au lieu de, ne serait-ce qu’essayer de régler les problèmes, ça commence à énerver de plus en plus de monde ?

    Plutôt que de raconter des belles histoires sur le monde merveilleux des moulins à vent et des boites à compost, Bruno Le Maire ferait mieux de se réveiller et de réaliser le gigantesque bourbier dans lequel une énorme partie de la population se trouve et de s’intéresser à la question avant que tout cela ne lui explose à la figure.

    Quelques extraits du Traité du Gouvernement Civil de John Locke en guise de réflexion :

    « Quoique le pouvoir législatif (soit qu’on l’ait remis à une seule personne ou à plusieurs, pour toujours, ou seulement pour un temps et par intervalles) soit le suprême pouvoir d’un État ; cependant, il n’est premièrement, et ne peut être absolument arbitraire sur la vie et les biens du peuple. Car, ce pouvoir n’étant autre chose que le pouvoir de chaque membre de la société, remis à cette personne ou à cette assemblée, qui est le législateur, ne saurait être plus grand que celui que toutes ces différentes personnes avaient dans l’état de nature, avant qu’ils entrassent en société, et eussent remis leur pouvoir à la communauté qu’ils formèrent ensuite . » – Chapitre XI – De l’étendue du Pouvoir législatif

    « La suprême puissance n’a point le droit de se saisir d’aucune partie des biens propres d’un particulier, sans son consentement. Car, la conservation de ce qui appartient en propre à chacun étant la fin du gouvernement, et ce qui engage à entrer en société ; ceci suppose nécessairement que les biens propres du peuple doivent être sacrés et inviolables » – Chapitre XI – De l’étendue du Pouvoir législatif

    « Il y a […] une voie par laquelle le gouvernement, que nous avons posé, peut se dissoudre ; c’est celle qui paraît manifestement, lorsque celui qui a le pouvoir suprême et exécutif néglige ou abandonne son emploi, en sorte que les lois déjà faites ne puissent plus être mises en exécution : c’est visiblement réduire tout à l’anarchie et dissoudre le gouvernement . » – Chapitre XIX – De la dissolution des Gouvernements

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      Un budget 2021 périlleux et fallacieux

      Jean-Philippe Delsol · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 19 October, 2020 - 03:35 · 5 minutes

    budget

    Par Jean-Philippe Delsol.
    Un article de l’Iref-Europe

    Les clignotants budgétaires sont tous au rouge. La dette publique, qui était déjà proche de 100 % du PIB en 2019, passera à 117,5 % en 2020 et restera à 116,2 % en 2021.

    Les dépenses publiques ont augmenté de 54 % du PIB en 2019 à 62,8 % en 2020 et seront encore à 58,5 % en 2021. Les dépenses augmentent donc énormément et sont financées à crédit.

    Le déficit de l’État s’élèvera à 152,8 milliards d’euros l’an prochain après avoir été de 195 milliards cette année ! En 2021, le déficit public serait encore de 6,7 % du PIB après avoir été de 10,2 % du PIB en 2020.

    On fera payer les générations futures, c’est-à-dire qu’on les appauvrira sans scrupules. Pour autant, les prélèvements obligatoires restent toujours au sommet, les plus élevés de l’OCDE sans doute encore cette année.

    Et pourtant, les prévisions sont moins que prudentes. La prévision de croissance de l’activité retenue pour établir le budget 2021 est de moins 2,7 % par rapport à 2019, alors que les prévisions sont en recul de 4,3 % selon l’OCDE, de 3,8 % selon la Commission européenne, de 6,1% selon le FMI.

    Les baisses annoncées de prélèvements obligatoires sont trompeuses

    Selon le projet de loi de finances, le taux des prélèvements obligatoires (impôts et charges sociales) diminuerait pour atteindre 43,8 % du PIB (hors crédits d’impôts) en 2021 après une augmentation mécanique de ce ratio en 2020 (44,8 %, hors crédits d’impôts) en raison d’une diminution importante de l’activité, plus marquée que la baisse des prélèvements obligatoires.

    Le gouvernement se vante qu’avec les baisses d’impôts prévues pour 2021 (10 milliards au titre des impôts de production, 2,4 milliards pour la première tranche de réduction de taxe d’habitation pour les 20 % de Français qui la payent encore, poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés pour 3,7 milliards), les prélèvements obligatoires auront diminué de 45 milliards depuis 2018.

    Mais le taux de prélèvements obligatoires est de 44,8 % en 2020 et est estimé, de manière optimiste, à 43,8 % en 2021 contre 44,8 % en 2018. Il n’y a donc pas eu de baisse en 2020, et au mieux il y aura une baisse de l’ordre de 1 point de PIB en 2021, soit une diminution espérée de 25 milliards au plus et non de 45 milliards.

    Le gouvernement explique que le taux de prélèvements obligatoires a augmenté du fait de la baisse d’activité, et donc du PIB, mais l’inverse devrait être vrai dans un pays comme la France où la quasi-totalité des impôts et taxes sont au mieux proportionnelles aux revenus ou chiffre d’affaires et au pire progressives.

    Observons d’ailleurs que les recettes nettes de l’État sont prévues à 296,1 milliards en 2021 contre 309 milliards en 2017 et 2018, soit une baise de 13 milliards.

    Hors recettes non fiscales les ressources de l’État étaient de 395 milliards en 2017 comme en 2018 et devraient être de 271 milliards en 2021, soit une baisse de 24 milliards et non de 45 milliards. En euros constants, les prélèvements obligatoires ont été de 1037 milliardsen 2017, 1058 milliards en 2018, et devraient être de 1054 milliards en 2021.

    Ce qui ne fait pas 45 milliards de moins, même si on tient compte de l’inflation qui a été très modeste dans cette période.

    Une Sécurité sociale à vau-l’eau

    Hors prise en compte, en 2020 comme en 2021, de l’impact de la crise sanitaire en matière de surcoûts pour l’assurance maladie, l’ONDAM (l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie) 2021 progresse de +6 % pour atteindre un montant de 220,3 milliards d’euros.

    Le budget de la Sécurité sociale sera en déficit de 44,4 milliards en 2020 et le budget pour 2021 prévoit encore 27,1 milliards de déficit (19 milliards pour la maladie et 7 milliards pour la retraite), proche du pire déficit atteint en 2010. Il n’est pas prévu de le résorber à court terme puisque l’excès de dépenses sur les recettes serait encore de 22 milliards dans quatre ans !

    Pourtant tous les subterfuges ont été utilisés pour minimiser la casse : 136 milliards de dettes ont été transférés subrepticement, par une loi promulguée le 7 août 2020, à la caisse d’amortissement CADES dont la durée de vie a été allongée de dix ans, un prélèvement de 1,5 milliard sera opéré sur les caisses d’assurance complémentaire, des transferts sont prévus à raison de 5 milliards de la Caisse de retraite des industries électriques et gazières au profit de la Caisse de retraite de la Sécu.

    En 2021, les recettes non fiscales s’établiraient à 24,9 milliards soit une hausse de 8,7 milliards par rapport à 2020, dont 10 milliards au titre de la première partie du financement du plan de relance par l’Union européenne qu’il faudra rembourser…

    Des réductions au détriment de la démocratie locale

    Au passage, le gouvernement en profite pour réduire l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales. La réduction des impôts de production , soit 10 milliards qui pèsent sur les entreprises, sera opérée pour l’essentiel par suppression de la part de CVAE (issue de l’ex-taxe professionnelle) revenant aux régions et le transfert à leur profit d’une part de TVA.

    Mais une partie non négligeable, soit 3,3 milliards, viendra en réduction des recettes de taxe foncière et CET (autre partie de l’ex-taxe professionnelle) payées par les entreprises au profit des communes et intercommunalités, une perte qui sera compensée par l’État, mais sans revalorisation annuelle liée à l’évolution possible des taux.

    Ce sera donc autant de marge de manœuvre en moins pour elles. On renforce l’État et la subsidiarité reste un vain mot .

    Pendant ce temps, au lieu de faire des économies, la politique multiplie les gadgets inutiles et parfois dangereux. Par exemple le budget de MaPrimeRénov’ qui est augmenté de 2 milliards sur 2021-2022 ; ou encore l’allongement du congé paternité dont le coût, très cher, est estimé à 520 millions par an (260 millions d’euros la première année compte tenu de la date d’entrée en vigueur au 1er juillet 2021) ; ou ce crédit d’impôt de 50 euros que chacun peut percevoir pour s’abonner à un journal, ou cette autre aide de l’État de 50 euros pour faire réparer son vélo…

    Tout va à vau-l’eau.

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