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      Le cahier de vacances: entre mon avis de maman et de conseillère pédagogique, ce que j'en pense - BLOG

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 21 July, 2022 - 08:32 · 9 minutes

    Au niveau survolage des révisions grâce au cahier-vacances, on est plutôt sur du vol Concorde que sur l’hélico de La Carte au Trésor: le programme est très très vite balayé. Au niveau survolage des révisions grâce au cahier-vacances, on est plutôt sur du vol Concorde que sur l’hélico de La Carte au Trésor: le programme est très très vite balayé.

    PARENTS ET ENFANTS - Il y a des choses indétrônables qui, comme Fort Boyard, reviennent invariablement chaque été:

    • les photos de plage (option musique “Happy” de Pharrel Williams) ou de sorties au marché (ambiance musicale “Le temps est bon”) sur Insta (hashtage FamilyTime)
    • Bison pas-si-fûté-que-ça qui -oh scoop!- voit rouge le premier samedi du mois
    • le débat cocktail du moment (le Spritz, c’est déjà dépassé?)
    • et les cahiers-vacances !

    À l’époque où tout le monde a un avis sur tout (surtout quand on n’est pas concerné directement), les cahiers-vacances font encore débat: pour ou contre? Est-ce que je suis une horrible mère-tigre si j’achète des cahiers-vacances à mes enfants? Est-ce que je suis une mauvaise mère qui se désintéresse de la scolarité de ses enfants si je passe devant les cahiers-vacances aussi vite que devant les saucisses de tofu? Et si (comme tout dans la vie!), ce n’était pas aussi simple que cela? Voici quatre idées reçues sur les cahiers-vacances, que vous avez certainement entendu au détour d’un rayon de supermarché ou d’une terrasse de maison de famille;  et mon avis “double casquette” (maman/professionnelle de l’éducation) sur la question:

    Idée reçue numéro 1: “C’est pour les occuper”

    On ne va pas se mentir, durant l’année scolaire, les devoirs, c’est la galère! Les temps de vacances en famille sont comptés, et on l’a vu lors du confinement, il est très rare de se retrouver tous ensemble sans rien à faire. C’est d’ailleurs le but même des vacances (n’oubliez pas l’étymologie “vaquer”): déconnecter le cerveau, permettre à tout de qui a été accumulé dans l’année de décanter pour mieux être emmagasiné, débrancher. C’est aussi permettre aux enfants de ne plus être des élèves et de redevenir uniquement des enfants. Ils ont d’ailleurs toujours du mal à se positionner lorsque quelqu’un leur demande durant l’été “Tu es en quelle classe?”… Alors, cet été, on va manger des moules frites, on apprend à nager en sirène, on joue au Times Up, on fait des Mojitos les yeux fermés, mais on fout la paix aux gosses avec les devoirs! Les devoirs attendront le 1er septembre…

    Cela dit, il est vrai que certains cahiers de vacances sont bien ficelés, et que pour des enfants au profil plutôt scolaire (= qui vont aimer rester assis 30 minutes avec une gomme et un crayon et prendre plaisir à résoudre des exercices), les exercices des cahiers sont attirants. La plupart fonctionnent par double page articulée autour d’un thème (souvent été ou vacances, mais pas systématiquement) avec un texte à lire. Cela peut faire une palette d’activité parmi d’autres, et un compagnon idéal pendant la sieste des parents (moins bruyant que la télé, moins énergivore que la Switch).

    Idée reçue numéro 2: “C’est pour garder l’habitude de l’école”

    Imaginez-vous un moment ce que vous n’aimez pas du tout dans votre travail; au hasard, le “brainstorming” de début de journée comme on dit (ou disait? En tout cas en “province” et a fortiori dans l’Éducation nationale, on n’utilise toujours pas ce terme…); bref, la réunion inutile qui ne sert qu’à celui qui l’anime, vous visualisez bien? Eh bien, imaginez-vous que pendant vos vacances à l’île de Ré, votre Boss décide d’organiser cette réunion tous les matins en visio “pour garder l’habitude de la réunion”? Ou que votre mari, admettons serrurier de profession, démonte la porte d’entrée du bungalow chaque jour pour “garder l’habitude”?

    Idée reçue numéro 3: “C’est pour réviser”

    Au niveau survolage des révisions grâce au cahier-vacances, on est plutôt sur du vol Concorde que sur l’hélico de La Carte au Trésor : le programme est très très vite balayé. En même temps, 36 semaines en 40 pages, ça ne pouvait pas en être autrement, et c’est plutôt tant mieux. Les exercices sont par contre toujours très bien adaptés au niveau de la classe. Pour l’intensité des révisions, on va dire que l’on est au même niveau que vous qui mettez votre dernière série Netflix en VOST « pour réviser votre anglais ». Ca entretient un peu, mais ça ne vous a pas transformé en Shakespeare.

    Est-ce que je suis une horrible mère-tigre si j’achète des cahiers-vacances à mes enfants? Est-ce que je suis une mauvaise mère qui se désintéresse de la scolarité de ses enfants si je passe devant les cahiers-vacances aussi vite que devant les saucisses de tofu?

    Un enfant qui a des difficultés en classe les a très certainement depuis le début de l’année scolaire. Penser pouvoir combler ces difficultés ou « rattraper » un quelconque retard est illusoire. De nombreux parents, et cela part toujours d’une bonne intention, proposent pour éviter le redoublement de leur enfant de le faire réviser pendant les vacances, or c’est juste impossible… Il peut être salutaire, si vous souhaitez faire une remise à niveau, de vous tourner vers une structure ou de déléguer ces révisions à un autre adulte de votre famille; afin de conserver des moments de plaisir et de repos avec votre enfant.

    Idée reçue numéro 4: “C’est pour s’amuser”

    La plupart des cahiers de vacances proposent des choses très ludiques : si le format ne varie pas (on reste sur du A4 couverture plastifiée), les éditeurs rivalisent d’idées (gommettes, personnages emblématiques, QR code,…) pour être choisi dans la masse des cahiers. Les textes, par leurs difficultés et leurs thèmes, sont adaptés à l’âge préconisé. L’écrit est peu présent pour ne pas trop solliciter, on retrouve beaucoup de mots à relier, de mots croisés, de phrases à trous,… Les enfants prennent beaucoup plaisir à réaliser ces exercices peu couteux où ils sont la plupart du temps en réussite. Cela permet de balayer tous les thèmes et de réactiver certaines connaissances. Encore une fois, ce sont les enfants « scolaires », ceux qui apprécient déjà les règles du jeu de l’école, qui se plieront le plus volontiers aux l’exercices du cahier-vacances.

    Pour s’amuser, et pour apprendre, un enfant a particulièrement besoin de manipuler et de verbaliser avant de pouvoir saisir le concept. Les vacances d’été, déconnectées de la maison qui plus est, sont l’occasion idéale de partager des moments en famille, de vivre des expériences et de les transposer à des situations scolaires (ou pas) : parties de jeux de cartes, match de foot sur la place, préparation du pique-nique, …. Toutes les situations de la vie quotidienne peuvent être l’occasion de réactiver des connaissances et de questionner le monde. Mais pour qu’une expérience soit pleinement saisi par son cerveau, il faut que l’enfant ait vécu la situation, manipulé des matériaux, et que vous ayez échangé avec lui (vous lui avez verbalisé clairement ce qu’il s’est passé, vous l’avez questionné, vous lui avez expliqué, vous en avez reparlé quelques jours plus tard,…).

    Alors on fait quoi pour les occuper, garder l’habitude de l’école, les faire réviser et les amuser, sans cahier vacances?

    Chaque domaine scolaire peut être abordée durant les vacances d’été en famille de façon très ludique et concrète à la fois. Se trouver dans un nouvel environnemment permet déjà d’aborder la découverte du monde (sciences, physique,…) par des questions simples :  Où sommes-nous ? Qui vit ici ? Quel est le climat, la faune et la flore caractéristiques ? Comment sont traités les déchets ? sont autant de questions qui ouvrent la discussion. Les activités physiques sont également plus denses : entre la balade du soir, les raquettes sur la plage, la danse du camping, aucune occasion de bouger son corps n’est laissé de côté.

    Les jeux de société et moments de jeux partagés entre plusieurs générations permettent aux plus jeunes de travailler les liens et les règles de vie de façon ludique. La logistique des repas, recettes de cuisine et préparation de la table, fait travailler la numération : le plus jeune compte les pêches et les melons, tandis que le plus grand révise la proportionnalité en préparant une quiche au thon pour 12 personnes.

    Le temps long des vacances permet aussi de se plonger dans le plaisir de lire : posez votre téléphone, et accompagnez votre enfant dans la lecture en prenant vous même un livre !  Si vous avez prévu le coup, deux ou trois petits romans ou BD (recommandés par le libraire) ont rejoint votre valise. Sinon, vous pouvez choisir avec votre enfant : de nombreuses résidences de vacances proposent des services de bibliothèques. Et pas de pression si ce n’est pas l’année pour lire un pavé : les magazines pour enfants et jeunes se sont bien développés, vous trouverez des titres dans presque tous les thèmes. Et qui sait, votre enfant découvrira un magazine qu’il voudra continuer de lire une fois les vacances finies ! On fait lire tout, tout le temps ; la carte du restaurant, les pannaux sur le marché, le règlement de la piscine. On montre ainsi que lire, c’est accéder à un nouvel univers. Et comme savoir lire ne veut pas dire ne plus être un enfant, on n’abandonne pas trop vite le rituel de lecture de l’histoire du soir !

    Enfin, l’été est le moment idéal pour laisser son esprit vagabonder et s’adonner à la création artistique : roue sur la plage, Land Art dans la forêt, dessins sur la nappe, écriture d’une histoire à plusieurs voix,… tout est bon pour laisser libre court à son imagination. Les nombreux spectacles de rues apportent de l’eau au moulin des enfants, et vous aurez du mal à finir l’été sans un « pesctacle  » produit par les petits cousins S’ils se débrouillent bien, ils vous feront payer l’entrée, mais ce n’est pas grave… ce sera l’occasion de faire des maths !

    Ce témoignage, initialement publié sur Le Blog de Carla , a été reproduit sur Le HuffPost avec l’accord de son autrice.

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