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      Après les méga-feux à Hawaï, le spectre de la stratégie du choc

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 8 September, 2023 - 10:06 · 11 minutes

    Cet été, l’archipel d’Hawaï a été frappé par des méga-feux. Alors que les habitants tentent de reconstruire peu à peu leur vie, les appétits capitalistes s’aiguisent. A Lahaina, sur l’île de Maui, très touchée par les incendies, les braises étaient à peine retombées quand les survivants ont reçu des appels de spéculateurs fonciers espérant racheter leurs propriétés à prix cassé. Un nouvel exemple de la « théorie du choc » conceptualisée par l’essayiste altermondialiste Naomi Klein. Article de notre partenaire Jacobin , traduit par Camil Mokaddem.

    A partir du 8 août 2023, des feux d’une violence extrême ont décimé la ville de Lahaina, provoquant la mort de 115 personnes, et forçant des milliers d’habitants à quitter l’ancienne capitale du royaume d’Hawaï, réduite en cendres. Aussitôt, les spéculateurs fonciers, dont la catastrophe a aiguisé l’appétit, ont alors braqué les yeux sur l’île de Maui.

    Quelques jours après le début des feux, des rescapés rapportaient de nombreux coups de téléphone d’investisseurs extérieurs à l’archipel, espérant racheter les propriétés hawaïennes pour une bouchée de pain. Dans un long fil publié sur Facebook, plusieurs agents immobiliers de Maui ont expliqué avoir reçu des appels similaires. L’un d’entre eux a rapporté avoir reçu un appel le 9 août, un jour seulement après le déclenchement des feux.

    Les agents immobiliers de Maui, tout comme le reste de cette communauté soudée, ont été révoltés par un tel degré d’opportunisme : « Ces appels viennent de charognards qui nous demandent quels types de terrains sont disponibles », explique-t-il. « Ce n’est pas le moment, c’est incompréhensible de se renseigner de cette manière alors que les gens font face à la mort, mais il faut croire que c’est ça l’Amérique. »

    La spéculation foncière suite à une catastrophe naturelle est loin d’être un phénomène strictement nouveau. En 2018, peu après le passage de l’ouragan Michael dans le Panhandle, une région au Nord-Ouest de la Floride, les ventes immobilières ont grimpé de 15 % dans le comté le plus touché. En 2017, l’incendie de Santa Rosa en Californie a donné suite à une augmentation des ventes de 17 % . Chaque fois qu’une ville est détruite, ce réflexe d’achat à bas coût ressurgit.

    Le « capitalisme du désastre »

    Dans son livre La stratégie du choc , paru en 2007, l’essayiste altermondialiste Naomi Klein décrivait le phénomène de « capitalisme du désastre », un terme qui décrit la façon dont le secteur privé mobilise ses ressources dans des régions dévastées par une catastrophe naturelle ou économique afin d’accaparer des terres ou différents pans des services publics. En parallèle, les élus facilitent cette captation en profitant de l’inattention de l’opinion pour faire adopter des réformes néolibérales impopulaires. Selon Naomi Klein, le « capitalisme du désastre » est un phénomène cyclique, car la consolidation de l’influence du secteur privé à la suite d’une catastrophe affaiblit les infrastructures publiques et contribue au changement climatique, augmentant dès lors le risque de voir survenir d’autres désastres.

    L’exemple typique de ce phénomène est celui de la Nouvelle-Orléans (Louisiane), après le passage de l’ouragan Katrina en 2005. Peu de temps après le passage de l’ouragan, un certain Milton Friedman, alors âgé de 93 ans, publie un éditorial dans le Wall Street Journal et déclare que la catastrophe constitue « l’occasion de réformer radicalement le système éducatif ». La ville suit alors la vision du pape libertarien et engage une campagne agressive de promotion des écoles privées et à charter schools (écoles privées indépendantes financées sur fonds publics, ndlr) à travers la mise en place de vouchers , des bons distribués aux parents pour placer leurs enfants dans l’enseignement privé. Rapidement, le comté devient celui avec la grande proportion d’élèves dans le privé de tout le pays et une grande vague de licenciement s’abat sur les enseignants syndiqués.

    D’autres entrepreneurs profitent, eux, de la privatisation des logements sociaux et les remplacent par des condos (immeubles luxueux, ndlr) et des hôtels particuliers. Les prix du logement explosent et les habitants historiques, généralement afro-américains, sont contraints de partir. Dans les années qui suivent, les intérêts privés et le gouvernement de la Louisiane multiplient des mesures et les projets toujours plus favorables au privé, transformant une Nouvelle-Orléans meurtrie en une utopie néolibérale.

    À Maui, les capitalistes du désastre se sont attiré les foudres quasi unanimes des habitants de l’île. Le think tank conservateur et libertarien American Institute for Economic Research est toutefois venu voler à la rescousse des entrepreneurs à travers un éditorial intitulé « Maui a besoin des spéculateurs ». Mais si la cupidité de ces investisseurs est massivement dénoncée, leurs pratiques n’ont rien d’illégales. Dans le cas d’Hawaï, elles s’inscrivent même dans une longue histoire d’exploitation et d’oppression des populations indigènes et de la classe ouvrière, qui s’est largement faite dans le respect de la loi. C’est là l’essence même du capitalisme : il tisse des relations économiques et des pratiques parfaitement légales, bien qu’allant à l’encontre des lois de la nature.

    Les semences du désastre

    Les feux de Lahaina sont les plus mortels jamais enregistrés en Amérique depuis plus d’un siècle, et les responsabilités sont nombreuses. Premièrement, une sirène qui aurait pu alerter les habitants et sauver de nombreuses vies est restée désactivée, sans aucune explication. Ensuite, le feu aurait été déclenché par une étincelle venant d’une ligne électrique endommagée de la compagnie Hawaiian Electric , principal fournisseur d’électricité de l’archipel. La compagnie n’avait pas rénové ses équipements, ce qui aurait pu éviter le danger. De plus, le réseau d’eau, lui aussi en mauvais état, n’a pas pu répondre à la demande des pompiers et plusieurs bouches d’incendie cruciales se sont taries alors que les soldats du feu étaient en pleine intervention. Enfin, des incendies d’une telle ampleur n’auraient pu avoir lieu sans le changement climatique .

    Toutefois, la plus grande part de responsabilité revient sans doute aux propriétaires des plantations, qui ont largement dominé l’économie, l’administration et l’écologie des îles d’Hawaï depuis l’arrivée de colons américains. Des décennies durant, des plantations comme celle de la Pioneer Mill Company , à Lahaina, ont exploité l’environnement naturel et la main-d’œuvre locale, laissant derrière eux une terre aride favorisant la propagation des flammes.

    Carte de l’île de Maui. © Librairy of Congress

    Quand la culture de la canne à sucre et de l’ananas a émergé au milieu du 19 e siècle, son fonctionnement ressemblait à s’y méprendre à celui d’une plantation esclavagiste. Les travailleurs autochtones et ou immigrés avaient des contrats de 3 ou 5 ans, et pouvaient être incarcérés en cas de « désertion ». Les employeurs de la plantation contrôlaient l’heure du coucher des travailleurs, les conduisaient dans les plantations avec des chiens, leurs imposaient des amendes en cas de retard et leur versaient un salaire dérisoire en comparaison à celui des travailleurs des autres pays. Ces barons des plantations incarnaient le capitalisme du désastre d’alors, achetant des terres à bas prix dans le sillage de la colonisation, compressant le coût du travail par tous les moyens légaux et amassant ainsi d’immenses fortunes. Leur pouvoir croissant leur permit de renverser le royaume d’Hawaï en 1893. Les Etats-Unis annexent l’île quelques années plus tard, avec le soutien de cette oligarchie.

    Cherchant à jouer sur la division entre les travailleurs de différentes origines, les propriétaires des plantations faisaient en sorte de maintenir les différents groupes ethniques séparés les uns des autres. Cela n’empêcha cependant pas ces derniers de serrer les coudes et de développer un cadre multiculturel. Héritage de cette période, la mosaïque culinaire de l’archipel est largement issue des plats que partageaient les travailleurs chinois, japonais, philippins, portoricains, portugais et hawaïens. Les travailleurs finirent par former des syndicats, d’abord divisés par groupe ethnique puis rassemblant les ouvriers sous la bannière de l ’International Longshore and Warehouse Union , un collectif puissant capable de transformer radicalement leurs conditions de travail .

    Des décennies plus tard, alors que la production sucrière fut délocalisée aux Philippines et en Indonésie, où la main-d’œuvre était moins chère, les plantations comme celle de la Pioneer Mill Company commencèrent à fermer. Ce changement provoqua un déséquilibre dans l’économie locale et les emplois bénéficiant des protections sociales conquises par les syndicats furent remplacés par des emplois dérégulés dans le secteur touristique. Tandis que ce dernier prospérait, les plus grandes fortunes commencèrent à investir à Hawaï, excluant les locaux du marché foncier.

    Ces transformations économiques ont eu des conséquences très visibles sur les terres. La régulation très laxiste des systèmes d’irrigation des plantations a fini par transformer des régions comme Lahaina, autrefois humides, en zones arides. Certaines plantations ont été transformées pour construire des centres touristiques, mais beaucoup ont été laissées à l’abandon, laissant la végétation envahir les champs. C’est cette végétation sèche qui a amplifié le brasier qui a fini par consumer Lahaina. Le mépris flagrant du capitalisme pour l’intérêt général a donc ravagé l’économie de l’archipel et conduit son milieu naturel au bord de l’effondrement. Le professeur d’études hawaïennes à la University of Hawaii Maui College , Kaleikoa Ka’eo, a résumé la situation lors d’un entretien pour Democracy Now! : « C’est le pillage de la terre est l’étincelle. »

    Investir contre les catastrophes

    Alors que Lahaina s’attelle désormais à sa reconstruction, le contexte politique local apparaît bien différent de celui qu’a connu La Nouvelle-Orléans en 2005. Les pires aspects de la frénésie libérale post-Katrina pourraient être bloqués.

    En effet, les pratiques de spoliation foncières par les États-Unis sont gravées dans les consciences à Hawaï. Les habitants ont donc à cœur de protéger les terres de leurs familles et ont donc organisé des réseaux de solidarité afin de protéger les survivants de la spéculation.

    Le gouverneur Josh Green a annoncé qu’il prendrait plusieurs mesures positives, telles que le rachat par l’Etat de certains terrains incendiés pour en faire un usage public, ou encore un moratoire temporaire sur les ventes des propriétés frappées par les feux.

    La vigilance reste toutefois de mise : le gouverneur Green a également suspendu temporairement les règles en vigueur en matière de distribution de l’eau , ce qui pourrait bénéficier au secteur touristique, au détriment des autres usages. Les mesures promises doivent être scrutées de près, en parallèle de la reconstruction. Les ressources publiques dont disposait Lahaina, comme les logements abordables gérés par l’État, les écoles publiques, les plages, les écoles, le Department of Hawaiian Home Lands properties (chargé d’administrer les terrains publics, les terres natales hawaïennes et qui offre des baux à 1 $ par mois aux natifs Hawaïens) ou encore les précieux droits sur l’eau doivent être protégés.

    Si protéger la ville de la spéculation est une nécessité, le statu quo n’est pas non plus une solution. La protection contre les catastrophes naturelles nécessite des changements de grande ampleur, qui n’ont que trop tardé. La région ouest de Maui d’où sont partis les feux était connue comme une zone propice aux incendies. Mais Hawaï alloue beaucoup moins de ressources par habitant à la prévention des incendies que les autres États vulnérables aux feux. Avec des investissements dans des solutions simples, comme le désherbage régulier, la construction de pare-feux et la création de système d’alerte plus précis, de nombreuses vies auraient pu être sauvées.

    Du reste, les incendies ne sont pas le seul danger qui menace les îles d’Hawaï. Tout comme le reste des États-Unis, l’archipel souffre d’un double problème : d’une part, l’aggravation du changement climatique, d’autre part le vieillissement des infrastructures essentielles pour la population. Des ponts et des barrages défaillants, laissés à l’abandon par les politiques d’austérité menées par les élus, pourraient par exemple être à l’origine du prochain désastre mortel.

    La rénovation de ces infrastructures et la préparation pour les prochaines crises climatiques nécessitent un investissement massif dans les services publics, un afflux qui devra être financé par les grandes fortunes qui achètent des milliers d’hectares de terre à Hawaï, et non les travailleurs de l’archipel. Les événements récents l’ont montré : Hawaï regorge de milliardaires, à commencer par Jeff Bezos qui s’est engagé à donner 100 millions de dollars pour la reconstruction. Mais la charité soudaine et très médiatisée après une catastrophe n’est pas une solution. Les super-riches qui accaparent les meilleures terrains de l’archipel doivent être mis à contribution. Après le capitalisme du désastre, il est temps de passer à des politiques d’intérêt général.

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      Les États-Unis ont besoin de plus de capitalisme

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 March, 2023 - 04:30 · 4 minutes

    Partout dans le monde, les États-Unis sont considérés comme le cœur du capitalisme. Mais cela n’était vrai qu’à une époque.

    Le dernier classement de l’indice de liberté économique révèle que les États-Unis sont les plus mal notés depuis la création de l’indice en 1995 selon lequel pas moins de 16 pays européens ont une économie de marché plus libre que celle des États-Unis. Même les pays scandinaves sont économiquement plus libres, c’est-à-dire plus capitalistes, que les États-Unis. La Suède se situe à la 10 e place sur l’« échelle du capitalisme », alors que les États-Unis n’arrivent qu’à la 25 e .

    En Europe , la plupart des gens pensent que les États-Unis sont un pays sans État-providence , et quiconque commence à leur parler de l’État-providence tentaculaire des États-Unis est accueilli par des regards incrédules. Mais le fait est qu’il existe aujourd’hui au moins une centaine de programmes fédéraux qui dépensent chacun plus de 100 millions de dollars par an en paiements de transfert aux ménages, ainsi qu’un nombre incalculable de programmes plus modestes. Les États-Unis consacrent 30 % de leur PIB aux paiements de transfert, soit plus que tout autre pays de l’OCDE, à l’exception de la France, qui en consacre 31,7 %.

    Cette évolution a une longue histoire que William Voegeli a critiquée dans son livre Never Enough : America’s Limitless Welfare State dès 2010.

    Il y souligne qu’aux États-Unis, les dépenses en prestations sociales sont passées de 3,57 milliards de dollars en 1940 à 292 milliards de dollars en 1980, et alors que les dépenses sociales dans le budget américain s’élevaient à 66,7 milliards de dollars en 1970, elles avaient presque quadruplé pour atteindre 247,6 milliards de dollars à la fin de la décennie. Même corrigées de l’inflation et de la croissance démographique, c’est-à-dire calculées comme des dépenses par habitant corrigées de l’inflation, les prestations sociales aux États-Unis ont doublé entre 1970 et 1980. Du milieu à la fin des années 1960, pendant le mandat de Lyndon B. Johnson, les dépenses d’aide sociale ont augmenté de 12,6 % par an. À partir de ce niveau déjà très élevé, elles ont encore augmenté de 8,3 % par an sous les présidents Richard Nixon et Gerald Ford (1969 à 1977). Pendant les quatre années de l’administration de Jimmy Carter, elles ont continué à augmenter au rythme de 3,2 % par an.

    Qu’en est-il aujourd’hui ?

    Comme l’expliquent Phil Gramm, Robert Ekelund et John Early dans leur livre The Myth of American Inequality , les 20 % d’Américains les plus pauvres reçoivent 45 389 dollars de transferts sociaux par an.

    Pour la classe moyenne, il est de moins en moins logique de travailler :

    « Les ménages moyens du deuxième quintile et du quintile moyen ont travaillé davantage et gagné plus que ceux du quintile inférieur et pourtant, chose extraordinaire, les 60 % de ménages américains les plus pauvres ont tous reçu essentiellement le même revenu lorsque l’on compte tous les paiements de transfert reçus et les impôts payés et que l’on ajuste ce revenu en fonction de la taille du ménage. »

    En Amérique, le principe capitaliste des incitations liées à la performance ne s’applique plus : par habitant, le ménage moyen du quintile inférieur reçoit plus de 10 % de plus que le ménage moyen du deuxième quintile et même 3 % de plus que le ménage moyen à revenu intermédiaire.

    Aux États-Unis, ces transferts sont financés par les hauts revenus. Alors que la propagande anticapitaliste prétend que les riches ne paient pratiquement pas d’impôts aux États-Unis, la réalité est tout autre : les 0,1 % les plus riches paient plus de quatre dollars d’impôts sur dix dollars gagnés. Aujourd’hui, les 20 % de personnes les mieux rémunérées paient 83 % de l’impôt sur le revenu et 38 % de la taxe sur les ventes.

    Il est également absurde d’affirmer qu’il n’y a pratiquement pas de réglementation aux États-Unis.

    Les anticapitalistes prétendent que la crise financière de 2008 est le résultat d’une déréglementation excessive. En réalité, il y a eu 28 mesures différentes pour réglementer ou déréglementer l’industrie financière entre 1980 et 2009, années au cours desquelles l’industrie financière américaine était censée avoir été déréglementée sans restriction. Sur ces 28 mesures, seules cinq ont réduit la bureaucratie ; les 23 autres ont ajouté des réglementations.

    En fait, les marchés financiers n’avaient rien d’un capitalisme de laissez-faire. Juste avant la crise financière, 12 190 personnes travaillaient à plein temps à la réglementation du marché financier rien qu’à Washington, D.C., soit cinq fois plus qu’en 1960. En outre, les dépenses annuelles des États-Unis pour les agences fédérales chargées de réglementer le marché financier sont passées de 725 millions de dollars à 2,3 milliards de dollars corrigés de l’inflation depuis les années 1980, date à laquelle la phase de laissez-faire aurait commencé.

    La surréglementation touche tous les aspects de la vie aux États-Unis et est souvent le fait de groupes de pression : l’État de New York a récemment ajouté une nouvelle exigence selon laquelle les assistants shampouineurs débutants dans les instituts de beauté et les salons de coiffure doivent suivre une formation de 500 heures pour un coût moyen de 13 240 dollars avant de pouvoir exercer cet art complexe que la plupart d’entre nous pratiquent quotidiennement sans accident.

    L’Amérique est loin d’être un pays de « capitalisme débridé ». Il y a beaucoup trop de réglementation, trop de dette publique pour financer les programmes de redistribution de l’État et trop d’impôts. L’Amérique a besoin de plus de capitalisme, pas de moins.

    Rainer Zitelmann est l’auteur du livre In Defence of Capitalism

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      Les pays n’ont pas prospéré grâce aux impôts élevés sur les riches

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 23 February, 2023 - 04:10 · 5 minutes

    Les partisans de l’augmentation des impôts font valoir que le taux d’imposition maximal aux États-Unis et dans d’autres pays était beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui (en 1961 aux États-Unis il était de 91 % !) et que l’économie s’en portait pourtant bien.

    Quelle est la part de vérité dans cet argument ?

    Les politiciens de gauche qui réclament des impôts plus élevés pour les riches font valoir que dans le passé, les États-Unis et d’autres pays ont prospéré lorsque les taux d’imposition étaient très élevés, ce qui prouve que les impôts élevés ne nuisent pas à l’économie. Et c’est vrai : dans les années 1950 et au début des années 1960, le taux maximal de l’impôt fédéral sur le revenu des personnes physiques aux États-Unis atteignait le chiffre effroyable de 91 %, avant d’être ramené à 70 %. Sous Ronald Reagan, il a ensuite été successivement réduit à 28 % en 1988 (avant d’être relevé à plusieurs reprises, puis à nouveau abaissé sous Trump).

    Cependant, comme le montrent Phil Gramm, Robert Ekelund et John Early dans leur livre The Myth of American Inequality :

    « L’impôt sur le revenu le plus élevé en 1962 était de 91 %. Après déductions et crédits, seuls 447 déclarants sur 71 millions payaient des impôts au taux le plus élevé. Le 1 % de personnes gagnant le plus d’argent payaient en moyenne 16,1 % de leurs revenus en impôts fédéraux et en charges sociales, tandis que les 10 % les plus riches payaient 14,4 % et les 50 % les plus pauvres 7 %. »

    Même lorsque le taux d’imposition maximal a été ramené à 70 %, les choses n’ont pas beaucoup changé.

    Seuls 3626 des 75 millions de contribuables ont effectivement payé des impôts à hauteur de 70 %. Il est intéressant de noter que le pourcentage réel payé par les 1 % de ménages gagnant le plus aux États-Unis n’était que de 16,1 % en 1962 lorsque le taux marginal supérieur était de 91 %. Toutefois, en 1988, alors que le taux maximal n’était que de 28 %, le pourcentage payé par le 1 % de personnes gagnant le plus était passé à 21,5 % ! Alors que le taux d’imposition maximal a diminué de deux tiers, le pourcentage de leur revenu que le 1 % de déclarants les plus riches ont payé en impôts fédéraux sur le revenu et en charges sociales a augmenté d’un tiers.

    Cela semble paradoxal mais c’est logique : ce n’est pas seulement le taux d’imposition qui est déterminant mais le montant du revenu qui est effectivement imposable. Dans l’ère pré-Reagan, il existait de nombreuses exemptions, failles et dispositifs d’économie d’impôt que les hauts revenus pouvaient utiliser pour réduire leur revenu imposable. Reagan a supprimé un grand nombre de ces possibilités, augmentant ainsi la proportion des revenus soumis à l’impôt.

    Les réductions d’impôts de l’ère Reagan ont stimulé les taux de croissance économique.

    Pendant les années Reagan, la croissance économique a été en moyenne de 3,2 % par an contre 2,8 % pendant les années Carter-Ford et 2,1 % pendant les années Bush-Clinton. Le taux de croissance des années Reagan inclut la récession du début des années 1980, un effet secondaire du renversement de la politique de forte inflation de Carter. De 1983 à 1989, le PIB a augmenté de 3,8 % par an et à la fin du second mandat de Reagan, l’économie américaine était presque un tiers plus importante que lors de son entrée en fonction. Cette croissance était une conséquence directe des politiques de déréglementation et de réforme fiscale de Reagan, conjuguées à la chute des prix du pétrole. Le taux de croissance des années 1980 était plus élevé que celui des années 1950 et 1970, bien que sensiblement inférieur au taux de croissance de 5 % qui avait suivi la réduction de 30 % des taux d’imposition décidée par John F. Kennedy en 1964.

    Cette croissance, ainsi que l’élimination de nombreuses déductions et exemptions, ont entraîné une forte augmentation des recettes fiscales. Ce que Reagan avait prédit s’est réalisé :

    Lors d’une conférence de presse en octobre 1981, il cita le philosophe musulman du XIV e siècle Ibn Khaldūn qui annonçait la théorie de la courbe de Laffer , comme on appelle cet effet dans le jargon économique :

    « Au début de la dynastie, de grandes recettes fiscales étaient obtenues à partir de petites évaluations. À la fin de la dynastie, de petites recettes fiscales ont été obtenues à partir de grosses cotisations. »

    Reagan a ajouté : « Et nous essayons de revenir aux petites cotisations et aux grandes recettes. »

    Dans d’autres pays aussi, les taux d’imposition supérieurs étaient autrefois plus élevés.

    En Allemagne, le taux d’imposition marginal était de 56 % jusqu’en 1989. Mais ici aussi, presque personne ne payait réellement le taux d’imposition maximal à l’époque. Dans les années 1970, 1980 et 1990, de nombreuses personnes fortunées ont eu recours à des dispositifs d’économie d’impôt, tels que les fonds immobiliers fermés, les fonds d’investissement dans le secteur maritime, les fonds de médias, etc.

    Je me souviens encore d’un séminaire sur la fiscalité au cours duquel un conseiller fiscal avait déclaré : « La base d’évaluation de votre taux d’imposition est votre stupidité personnelle », ce par quoi il voulait dire que chacun était libre de réduire sa charge fiscale à volonté grâce à des systèmes d’imputation des pertes. Lorsque le taux d’imposition maximal a été abaissé en Allemagne, presque tous les dispositifs d’économie d’impôt ont été supprimés – tout comme aux États-Unis – de sorte qu’aujourd’hui, en Allemagne, les hauts revenus paient souvent plus d’impôts, et non moins, malgré des taux d’imposition marginaux plus bas.

    Le mythe selon lequel des pays comme les États-Unis et l’Allemagne ont connu une forte croissance économique lorsque le taux marginal supérieur d’imposition était élevé est donc faux. En fait, le taux marginal d’imposition le plus élevé n’était que nominalement élevé en raison du grand nombre d’exemptions, de lacunes et de déductions.

    Rainer Zitelmann est historien et sociologue et auteur du nouveau livre In Defence of Capitalism .

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      La haine de la richesse et la haine du riche

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 21 February, 2023 - 04:15 · 11 minutes

    Nous ne manquons pas actuellement de prédicateurs de haine. Ils sont excellents, leurs discours sont diffusés et écoutés.

    La réforme des retraites et le retour à l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ont stimulé la classe politique : madame Tondelier œuvre pour une « France sans milliardaire » ; monsieur Martinez veut leur couper l’électricité ; monsieur Mélenchon nous régale d’homélies vengeresses, les riches sont responsables du malheur des pauvres ; madame la ministre de la Culture plaide pour la disparition des chaînes télévisées possédées par le milliardaire Bolloré, cible aujourd’hui idéale .

    En réalité la haine de la richesse est un thème permanent dans l’histoire de la pensée et de la littérature, et un thème particulièrement choyé dans l’histoire de la France.

    Mais aujourd’hui il est plus populaire que jamais parce qu’il prend très facilement l’apparence de la justice sociale : critiquer les riches par envie et par jalousie n’est pas bien considéré, ces sentiments sont immoraux, ce sont même des péchés capitaux, alors que dénoncer l’injustice est dans le sens du progrès social. Le progrès social ne consiste-t-il pas à éliminer la pauvreté, donc à éliminer les riches qui fabriquent de la pauvreté ? Je pense qu’il est inutile de rappeler que la critique la plus acerbe du capitalisme et du libéralisme est celle du renard libre dans le poulailler libre . Or cette critique est aujourd’hui enrichie de statistiques conçues à cet effet : Thomas Piketty aurait « démontré » que l’écart ne cesse de se creuser entre riches patrons et pauvres salariés. Hayek avait déjà tordu le cou à cette fable dans « Le capitalisme et les historiens » et de nos jours plusieurs ouvrages dénoncent les truquages mensongers du puissant économiste français.

    Je ne désire pas reprendre à mon compte les analyses les plus récentes sur la haine des riches. D’abord parce que je ne partage pas certaines d’entre elles, en particulier celles qui mettent en avant la religion catholique qui serait si présente dans l’histoire de France. Je crois que la vraie religion est celle de l’étatisme et que la « fille aînée de l’Église » n’a cessé de s’opposer au Vatican ; d’ailleurs la déchristianisation de ce pays est actuellement consommée. Ensuite parce que défendre les milliardaires en disant qu’ils créent des emplois, qu’ils font honneur à la France, qu’ils font du mécénat, ne me semble pas suffire à expliquer pourquoi tant de haine et tant de crédulité chez ceux qui écoutent de si incroyables mensonges sur les riches.

    De mon point de vue il faut aller jusqu’à la racine de la haine, et comme bien d’autres économistes, historiens et philosophes, je la trouve dans la pensée socialiste qui ignore deux évidences :

    1. La richesse n’est pas acquise par la rente.
    2. Les riches doivent leur richesse à leur capital humain.

    De la valeur travail à la rente capitaliste

    La richesse naîtrait de la valeur créée par le travail.

    Comme les historiens de la pensée économique le savent, l’erreur sur l’origine de la richesse naît avec Adam Smith , tenu pour fondateur de la science économique. En avançant le concept de la valeur travail, Adam Smith a conclu que la valeur d’un produit naît de ce que désirent ceux qui ont passé contrat entre eux. C’est donc l’échange qui crée la valeur et non pas la quantité de travail contenue dans les produits échangés.

    Malheureusement cette idée de la valeur travail se répand au moment même où les physiocrates proposent leur explication de la richesse. Ils voient l’origine de la richesse dans l’exploitation de la terre : seule la nature est source de « produit net » (à la différence du commerce, de la finance, de la firme, qui accompagnent la révolution industrielle en Angleterre).

    Là-dessus vient David Ricardo . Admiré pour ses réussites financières cet économiste va tirer de la théorie des physiocrates l’idée que les propriétaires terriens sont également propriétaires de la richesse nationale et retirent une rente de leur position, la rente signifiant un revenu sans travail. Au Parlement Ricardo mène campagne contre les landlords du parti tory qui ont créé la loi sur les grains (Corn law) et bloquent les importations de blé en Angleterre, renchérissant ainsi le niveau des salaires et compromettant la compétitivité des industriels britanniques. Les propriétaires fonciers tirent donc leur richesse de la nature, qui est un bien donné à toute l’humanité et qu’on ne peut exploiter au détriment de la communauté, exploitation d’autant plus injuste qu’elle dépend aussi de la fertilité des terres, puisque le prix du marché se fixera en fonction de ces terres moins fertiles, terres marginales en quelque sorte. S’enrichir sans travail : voilà l’origine de la rente.

    Mais le problème s’aggrave lorsque le concept de rente va être utilisé par Marx et Engels pour critiquer non plus les propriétaires de capital foncier, mais les propriétaires du capital technique utilisé dans l’industrie : ce ne sont plus les landlords mais les entrepreneurs industriels qui exploitent le reste de la population. La richesse ne vient plus de la terre mais du travail des salariés de l’industrie et elle est confisquée par les employeurs qui versent aux employés un salaire juste suffisant pour leur permettre de survivre et de procréer.

    Cette hérésie se traduit en termes politiques par la lutte des classes : la classe des bourgeois rentiers a une position de force avec le soutien de l’État, de la famille et de la religion. Il faut donc supprimer ces « infrastructures » de la société. Le manifeste communiste en appelle à la Révolution, quitte à admettre à titre transitoire une « dictature du prolétariat ».

    Je crois qu’une large majorité de Français ignore totalement le poids de ces concepts de rente, d’exploitation, de profit, d’autant plus qu’ils sont repris de façon innocente ou stratégique (je ne sais pas) par de nombreux partis et hommes politiques qui se réfèrent toujours à la lutte des classes pour la mener d’une autre manière (le socialisme, le corporatisme, le fascisme) ou pour la neutraliser (le gaullisme, la sociale-démocratie).

    Du capital humain à la richesse

    Si le capitalisme était source de pauvreté et d’injustice sociale on ne pourrait comprendre l’évolution des indices de bien-être depuis deux siècles : hausse de l’espérance de vie ; hausse du niveau de connaissances ; accroissement de la productivité traduit en hausses des revenus, en diminution du temps de travail et de sa pénibilité ; amélioration de l’habitat et des loisirs… et tant d’autres changements réels. Sans doute la réalité n’est-elle pas perçue de la même manière par tout le monde : on en veut toujours plus et on croit en avoir moins que les autres.

    L’ égalitarisme a envahi la plupart des esprits, notamment en France. Il naît de plusieurs confusions :

    • d’une part l’égalité en dignité et l’ égalité en droit qui toutes deux sont conformes au droit naturel et sont inscrites dans les déclarations de droits individuels, et d’autre part l’égalité en richesse ;
    • d’une part l’égalité en revenus et l’égalité en patrimoine, c’est-à-dire la prise en compte ou au contraire l’ignorance de l’épargne constituée et de sa transmission intergénérationnelle ;
    • d’une part ce qui relève du mérite personnel et ce qui n’est dû qu’à des privilèges artificiels.

    Cette dernière confusion est sans doute la plus grave et la plus courante dans le monde contemporain où règne l’ État providence .

    Rappelons-nous ce qu’en disait Bastiat :

    « Je ne crois pas que le monde ait tort d’honorer le riche. Son tort est d’honorer indifféremment le riche honnête et le riche fripon. »

    Or, avec l’État providence, il y a beaucoup de riches fripons, c’est-à-dire de personnes qui ne s’enrichissent que par les privilèges accordés par l’État. Ces privilèges prennent des formes différentes : salaires plus élevés, retraites avantageuses, allocations et subventions, logements sociaux, etc.

    Ils ont rarement un rapport direct avec le travail effectué et comme disait un président de la République (qui n’était pas de gauche) on doit « gagner plus en travaillant moins ». Nombreux sont ceux qui gagnent bien leur vie sans travailler du tout. S’engage ensuite une course aux privilèges : on va regarder ce qu’obtiennent les autres et il faut au moins égaler leurs performances, sachant que les performances des uns signifient que les autres vont les payer.

    Frédéric Bastiat avait au contraire insisté sur le lien direct qui doit s’établir entre l’activité productive et la propriété privée, que précisément les collectivistes veulent supprimer :

    « L’homme naît propriétaire […] Les facultés ne sont que le prolongement de la personnalité, la propriété n’est que le prolongement des facultés. Séparer l’Homme de ses facultés c’est le faire mourir ; séparer l’Homme des produits de ses facultés c’est encore le faire mourir ».

    Donc, par comparaison, le riche honnête ne doit sa position qu’à ses mérites personnels. Il connaît et veut accroître ses « capacités personnelles ». Depuis Gary Becker on a l’habitude de parler de « capital humain » à propos de ces capacités. Elles sont le fruit de l’éducation (et la famille est ici déterminante), mais aussi des efforts individuels pour découvrir et améliorer ses performances.

    Il est maintenant avéré que la différence entre les niveaux personnels de revenus proviennent à coup sûr du niveau de capital humain accumulé par les études, les expériences, les formations. Dans les entreprises les plus performantes on mise principalement sur la qualité du personnel, son désir de faire mieux, sa créativité, son adhésion au projet commun. Voilà ce que pourrait être le « progrès social » : il n’a rien de social puisqu’il repose sur les performances personnelles. Reste à savoir si l’environnement social est favorable ou pas à l’épanouissement personnel : où en sont l’école, la famille, la formation professionnelle, la promotion et la stimulation ?

    Par contraste, quand la valeur personnelle n’est ni encouragée, ni même reconnue, quand une masse dispose de revenus importants sans faire le moindre effort, quand les subventions et les privilèges se sont multipliés, la masse de capital humain s’effondre. Il y a beaucoup de « riches fripons ». La friponnerie peut aller jusqu’à la corruption.

    On peut expliquer ainsi pourquoi la France a été la patrie des fripons. C’est qu’elle a toujours été le pays le plus politique, avec l’État le plus présent, le plus dirigiste, le plus jacobin . On peut parler d’exception française. Par conséquent la société est bloquée car tout changement majeur remet en cause les privilèges acquis. C’est la tyrannie du statu quo qui s’installe. Cela a été vrai dans l’Ancien Régime aussi bien qu’après la Révolution, car les Constituants entendaient mettre fin aux privilèges du clergé et de la noblesse, mais la Révolution s’est terminée par l’expulsion des propriétaires (nobles et clercs) et la prise des terres par les métayers : une spoliation légale. Et les privilèges très nombreux sont réapparus tout au long du XIX e siècle, pour atteindre un sommet avec les Quatrième et Cinquième Républiques.

    Voici d’ailleurs ce qui explique la haine de la richesse : c’est que la richesse a été au fil des siècles de plus en plus imposée ou confisquée de sorte que personne n’avait intérêt à la montrer. Il y a donc en France une tendance à cacher la richesse et la meilleure manière de le faire est de crier après les riches (les autres riches). Harpagon ne veut pas qu’il soit dit qu’il a un trésor enfoui.

    Dans un pays libre, comme c’était encore récemment le cas pour les États-Unis, il éait fréquent d’échanger très vite sur le montant de ses revenus et de son patrimoine. Mais le rêve américain, lui aussi, est sur le point de se dissiper. L’État fédéral s’est chargé de multiplier les déficits et la dette, les voix peuvent ainsi s’acheter facilement.

    Subventionner, redistribuer, fiscaliser, les milliardaires iront sans doute ailleurs. Je ne crois pas que ce soit en France : il n’y a pas de « rêve français » pour l’instant. On devrait y penser davantage : le libéralisme n’est pas la lutte de tous contre tous pour arracher le ballon du manège État, ce n’est pas la haine, c’est au contraire le retour au capital humain et à l’honnêteté, source d’harmonie sociale.

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      Les riches ne contrôlent pas tout aux États-Unis

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 10 February, 2023 - 04:00 · 4 minutes

    Chaque jour, les médias publient des articles et des reportages sur les puissants groupes de pression qui influencent la politique, voire dictent aux gouvernements les lois qu’ils doivent adopter. La lutte entre des francs-tireurs (les bons), qui découvrent de sinistres conspirations initiées par de puissantes sociétés (les méchants), qui sont souvent les marionnettistes capitalistes de politiciens corrompus, est un trope hollywoodien courant.

    Dans les campagnes électorales américaines, il est largement admis que si vous voulez devenir président, vous n’y parviendrez que si vous pouvez collecter des milliards de dollars de dons – auprès de Wall Street, des puissantes sociétés pharmaceutiques et de défense, du lobby des armes, des très grands syndicats et d’autres groupes d’intérêts particuliers.

    Et ce n’est pas tout : Les détracteurs de l' » inégalité sociale » affirment que le problème s’aggrave, qu’avec l’augmentation des inégalités, l’influence exercée par les riches sur la politique s’accroît. Noam Chomsky écrit que « la véritable concentration du pouvoir se trouve dans une fraction de 1 % » de la population : « Ils obtiennent exactement ce qu’ils veulent, parce qu’en gros, ils dirigent tout. »

    Mais si l’argent seul achetait le pouvoir politique, Donald Trump ne serait jamais devenu le candidat républicain à la présidence des États-Unis en 2016. Cet honneur serait plus probablement revenu à Jeb Bush, qui a pu récolter beaucoup plus de dons politiques. Même Benjamin I. Page et Martin Gilens, politologues et deux des plus éminents partisans de la thèse selon laquelle la politique américaine est déterminée par les riches, concèdent que la plupart des gros contributeurs – et la plupart des penseurs et titulaires de fonctions républicaines – ont soutenu d’autres candidats. Et : « Les positions de Trump allaient directement à l’encontre des opinions des riches donateurs et des Américains aisés en général. »

    En outre, si l’argent déterminait les résultats politiques, Trump n’aurait pas remporté l’élection de 2016. Clinton et ses alliés, y compris ses comités conjoints avec le Parti démocrate et les super PAC qui l’ont soutenue, ont collecté plus de 1,2 milliard de dollars pour l’ensemble du cycle, selon la Commission électorale fédérale. Trump et ses alliés ont collecté environ 600 millions de dollars. Pas un seul PDG du Fortune 100 n’a fait de don à la campagne électorale de Trump en septembre 2016.

    Si l’argent seul pouvait acheter le pouvoir politique, alors Joe Biden ne serait pas non plus devenu président. La Maison-Blanche serait peut-être revenue à Michael Bloomberg, qui, au moment de sa candidature démocrate, était le huitième homme le plus riche du monde, avec une valeur de 61,9 milliards de dollars selon Forbes. Selon toute vraisemblance, Bloomberg a dépensé plus de son propre argent (et l’a dépensé plus rapidement) pour sa campagne électorale que tout autre candidat de l’histoire, à savoir 1 milliard de dollars en un peu plus de trois mois. Bloomberg a financé lui-même sa campagne et n’a accepté aucun don.

    Bloomberg est loin d’être le seul candidat dont la richesse ne l’a pas aidé à réaliser ses ambitions politiques. En 2020, le gestionnaire de fonds spéculatifs milliardaire Tom Steyer a dépensé 200 millions de dollars de sa propre fortune et n’a pas obtenu un seul délégué. Lors des primaires du parti républicain de 2008, Mitt Romney a dépensé plus de deux fois plus que John McCain – dont une grande partie était constituée de son propre argent – mais il s’est retiré de la course en février et McCain a obtenu la nomination républicaine.

    Les frères Koch ont toujours été dépeints par les détracteurs du capitalisme comme les pro-capitalistes les plus dangereux de la planète, mais David Koch a appris à quel point il est difficile de transformer l’argent en pouvoir politique en 1980, lorsqu’il était l’un des principaux soutiens du parti libertarien et qu’il s’est présenté comme candidat à la vice-présidence : il n’a obtenu que 1 % des voix.

    Dans son livre intitulé Unequal Democracy, Larry M. Bartels critique l’inégalité et l’influence des riches aux États-Unis. Il a examiné l’effet estimé de l’inégalité des dépenses de campagne dans 16 élections présidentielles américaines entre 1952 et 2012, et a conclu que les candidats républicains ont dépensé plus que leurs adversaires démocrates dans 13 de ces élections. Mais dans deux élections seulement, à savoir celle de Richard Nixon en 1968 et celle de George W. Bush en 2000, Bartels conclut que les candidats républicains ont remporté des élections serrées qu’ils auraient très probablement perdues s’ils n’avaient pas pu dépenser plus que leurs adversaires démocrates.

    De nombreuses recherches ont été menées sur la relation entre la richesse des membres du Congrès américain et leur comportement électoral. Martin Gilens, qui critique généralement l’influence des riches sur la politique américaine, concède sur cette question qu’il n’existe aucune preuve d’un lien entre leur richesse et les décisions politiques prises par les membres du Congrès ou de la Chambre des représentants : « …les différences substantielles existantes en matière de statut économique parmi les membres du Congrès ne sont pas liées aux grandes tendances de vote sur la politique économique. »

    Le sociologue et historien Rainer Zitelmann est l’auteur de « In Defense of Capitalism « , qui sera publié en mars.

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      Le capitalisme aux États-Unis n’est pas du à l’esclavage

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 30 January, 2023 - 03:50 · 4 minutes

    Il y a trois ans et demi, le New York Times Magazine publiait « The 1619 Project ».

    Il y était affirmé que 1619, l’année où le premier navire négrier serait arrivé dans ce qui est aujourd’hui les États-Unis, était aussi fondamentale pour l’Amérique que l’année 1776, et que l’héritage de l’esclavage façonne toujours notre société. La créatrice du projet 1619, Nikole Hannah-Jones, a donné une interview au New York Times le 16 janvier , dans laquelle elle déclarait que « le capitalisme aux États-Unis a été largement façonné par l’esclavage ».

    Mais le capitalisme américain est-il vraiment fondé sur l’esclavage ?

    Après tout, l’esclavage est bien plus ancien que le capitalisme. Pendant 5000 ans, il a été un élément essentiel des systèmes économiques du monde entier. L’esclavage était particulièrement répandu dans la Grèce et la Rome antiques, mais il existait également en Inde, en Chine, en Corée et dans d’autres pays. En Chine, par exemple, l’esclavage existait déjà en 1800 avant Jésus-Christ .

    L’économiste Thomas Sowell écrit que « 14 millions d’esclaves africains ont été emmenés à travers le désert du Sahara ou expédiés par le golfe Persique et d’autres voies navigables vers les nations d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient », contre quelque 11 millions d’Africains expédiés par l’Atlantique. La traite des esclaves existait principalement en Afrique : les Africains chassaient d’autres Africains et ce sont les Arabes qui organisaient la traite des esclaves.

    Sur les quelque 11 millions d’esclaves emmenés vers le Nouveau Monde entre le XV e et le XIX e siècle 5,53 millions ont été expédiés au Brésil . 1,2 million d’Africains ont été vendus à la Jamaïque, 911 000 à Saint-Dominique (aujourd’hui Haïti), 890 000 à Cuba et 608 000 à la Barbade.

    Un nombre bien moins important d’Africains ont été transportés aux États-Unis comme esclaves – environ 472 000. Beaucoup travaillaient dans les plantations de tabac et de riz.

    Même l’anticapitaliste de gauche Ulrike Hermann concède dans son livre La fin du capitalisme :

    « Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’exploitation ne vous rend pas riche. Telle a été l’expérience de toutes les colonies qui ont compté sur le travail des esclaves. Le Brésil est resté aussi arriéré que la Jamaïque ou l’État américain du Mississippi. Certains propriétaires de plantations sont devenus très riches, mais l’économie nationale dans son ensemble n’a pas progressé […] Ce n’est pas une coïncidence si seul le nord des États-Unis s’est industrialisé, là où il n’y avait pratiquement pas d’esclaves. »

    Elle ajoute :

    « La traite des esclaves était donc plutôt un phénomène économique marginal, aussi cynique que cela puisse paraître, et ne peut expliquer l’émergence du capitalisme. »

    Benjamin Franklin , l’un des pères fondateurs des États-Unis, qui a participé à la rédaction de la Déclaration d’indépendance et en a été l’un des premiers signataires, a écrit que l’importation d’esclaves étrangers ne pouvait qu’affaiblir un État et son économie. David Hume et Adam Smith sont arrivés à des conclusions similaires dans leurs ouvrages majeurs. Les maîtres d’œuvre du capitalisme avaient critiqué l’esclavage non seulement avec des arguments moraux mais aussi économiques.

    Adam Smith s’est opposé à l’esclavage dans son œuvre majeure, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations , publiée en 1776. Ses attaques contre l’esclavage sont formulées en termes économiques et non moraux. Il estimait qu’il serait extrêmement difficile pour les esclavagistes d’éprouver un jour de la sympathie pour leurs esclaves car cela les obligerait à reconnaître leur propre méchanceté. Au lieu de cela, il s’est attaché à démontrer que l’esclavage était un système économiquement irréalisable, bien plus coûteux que l’utilisation d’une main-d’œuvre libre. Bien que le travail des esclaves semble être la forme de travail la moins chère parce qu’elle n’implique que l’entretien de base de l’existence physique de l’esclave, elle est en fait la forme de production la plus coûteuse, a soutenu Smith, probablement le plus connu des défenseurs du capitalisme. Car l’esclave doit nécessairement chercher à manger le plus possible et à travailler le moins possible. Les travailleurs libres qui reçoivent un salaire sont en fait beaucoup plus productifs que les esclaves.

    Une autre thèse populaire parmi les anticapitalistes d’aujourd’hui est que le capitalisme est principalement enraciné dans le colonialisme. Les guerres coloniales sont imputées au capitalisme, alors que c’est précisément dans les pays les moins actifs en termes d’expansion coloniale que le capitalisme a connu le plus de succès. Pour reprendre le langage des critiques anticapitalistes du colonialisme, l’Amérique du Nord ou les États-Unis n’étaient pas des « coupables », ils étaient eux-mêmes initialement parmi les victimes du colonialisme. Leurs propres activités coloniales ont joué un rôle tout à fait subordonné pour les États-Unis et leur développement économique.

    Le capitalisme et le succès des États-Unis ne trouvent donc pas leurs racines dans l’esclavage. C’est plutôt le contraire qui est vrai : l’esclavage, qui existait depuis 5000 ans, a pris fin avec l’émergence du capitalisme il y a environ 200 ans. Le succès du capitalisme aux États-Unis ne repose pas sur l’esclavage mais sur son abolition.

    Rainer Zitelmann est historien et auteur de l’ouvrage In Defense of Capitalism

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      Le mythe de l’augmentation des inégalités aux États-Unis est erroné

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 29 January, 2023 - 04:00 · 4 minutes

    Pratiquement aucune affirmation n’a été répétée aussi souvent dans les médias que celle selon laquelle l’inégalité entre les pauvres et les riches a augmenté massivement d’année en année – partout dans le monde et surtout aux États-Unis .

    Pour mon livre In defence of Capitalism , j’ai commandé une enquête sur les perceptions du capitalisme dans 33 pays : nous avons présenté aux personnes interrogées dans les 33 pays une liste de 18 affirmations sur le capitalisme – positives et négatives. L’idée que le capitalisme conduit à une inégalité croissante figure parmi les cinq affirmations les plus fréquemment sélectionnées dans 30 de ces 33 pays.

    Les chercheurs ont maintenant confirmé qu’aux États-Unis , cette thèse est fondée sur des statistiques qui ne tiennent pas compte des deux tiers des paiements de transfert que l’État verse aux personnes à faible revenu. Dans le même temps, les impôts fédéraux, étatiques et locaux, dont 82 % sont payés par les 40 % des Américains les mieux rémunérés, ne sont pas pris en compte dans les statistiques officielles sur les inégalités.

    « Le résultat net est qu’au total, le Census Bureau choisit de ne pas compter l’impact de plus de 40 % de tous les revenus qui sont gagnés en paiements de transfert ou en impôts », écrivent Phil Gram, Robert Ekelund et John Early dans leur excellent livre The Myth of American Inequality .

    Ils montrent :

    « Il existe maintenant au moins une centaine de programmes fédéraux qui dépensent chacun plus de 100 millions de dollars par an pour fournir des paiements de transfert aux ménages, ainsi qu’un nombre incalculable de programmes plus modestes. Sur ce nombre total, le recensement n’en compte que huit dans sa mesure des revenus et choisit de ne pas compter les autres comme des revenus pour les bénéficiaires. »

    Cela n’aurait peut-être pas été un problème lorsque cette méthode statistique a été introduite il y a 75 ans et que ces paiements ne jouaient qu’un rôle mineur. Si les impôts élevés payés par les hauts revenus ne sont pas pris en compte dans les statistiques et que les importants paiements de transfert reçus par les bas revenus sont également largement ignorés, cela conduit logiquement à ce que les données sur l’inégalité croissante soient fausses. Si les impôts et les transferts sont pris en compte, le rapport entre le revenu des Américains les plus modestes et celui des 20 % les plus riches est de 4,0 pour un, et non de 16,7 pour un comme le montrent les données officielles du recensement.

    L’inégalité croissante soutenu par des économistes

    L’économiste français de gauche Thomas Piketty est l’un des principaux partisans de la thèse de l’inégalité croissante.

    Il affirme que les inégalités ont fortement augmenté dans de nombreux pays depuis 1990. Selon les données que Piketty et les économistes Emmanuel Saez et Gabriel Zucman présentent dans la base de données sur les inégalités mondiales, la part du revenu américain détenue par les 1 % d’Américains les plus riches est passée de 10 % à 15,6 % entre 1960 et 2015. Avant même Gramm, Ekelund et Early, d’autres scientifiques avaient signalé que ces données étaient erronées. Les économistes américains Gerald Auten et David Splinter ont montré qu’elles sont faussées vers le haut et qu’en fait, la part du revenu américain détenue par les 1 % les plus riches a augmenté plus modérément, passant de 7,9 % à 8,5 % entre 1960 et 2015.

    Il en va de même pour la part de la richesse américaine détenue par les 1 % les plus riches, qui, selon Piketty et ses collègues, est passée de 22,5 % à 38,6 % entre 1980 et 2014. Or, selon les calculs de Smith, Zidar et Zwick, elle est en réalité passée de 21,2 à 28,7 % au cours de cette période. Pour en savoir plus sur ces études et d’autres, cliquez ici.

    Cela ne tient même pas compte du fait que les données sur la richesse excluent la valeur actuelle des régimes de retraite à prestations définies et des programmes de sécurité sociale, qui faussent la comparaison au détriment des sections les plus pauvres de la population. Lors du calcul de la valeur des actifs, il est également important de se rappeler qu’elle dépend avant tout de l’augmentation des prix des logements par rapport aux prix des actions. Lorsque le prix des actions augmente beaucoup plus vite que celui des maisons, les personnes aisées en profitent davantage, car elles possèdent une part plus importante de titres que les personnes moins fortunées.

    Un autre problème est que de nombreuses études sur la richesse sont faibles sur le plan méthodologique, car il leur manque l' »élément dynamique » : le mouvement entre les cohortes de revenu ou de richesse au fil du temps, également appelé mobilité sociale. Il est très important – d’un point de vue économique, éthique et moral – de savoir si les 10 % les plus pauvres de la population en termes de répartition des revenus dans le pays X au cours de la première décennie sont toujours les mêmes personnes au cours de la deuxième décennie, ou si ce « décile » de la deuxième décennie est désormais composé de personnes complètement différentes. Le problème est que de nombreuses personnes qui ont des opinions tranchées sur l’inégalité n’ont que peu ou pas de connaissances en statistiques. Cela conduit à des chiffres grossièrement inexacts, encore et encore.

    Rainer Zitelmann est l’auteur du livre In Defence of Capitalism . Démystifier les mythes

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      S’inspirer de Jean Jaurès pour sauver le système de retraites

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 28 January, 2023 - 03:30 · 2 minutes

    Une chronique de Cécile Philippe.
    Un article de l’ Institut économique Molinari .

    Jean_Jaurès,_1904 S’inspirer de Jean Jaurès pour sauver le système de retraites ?

    Oui car le sujet de la retraite a été trop souvent traité sous un angle purement politicien, ce qui contribue à entretenir un statu quo intenable.

    Relire Jaurès nous montre qu’on peut être à gauche et défendre la capitalisation.

    Il suffit de se replonger dans L’Humanité de 1909. Jaurès y expose comment la capitalisation « en soi est parfaitement acceptable » et peut constituer « un gage plus certain, une base plus solide » pour l’assurance retraite. Pour le cofondateur du Parti socialiste français (1902) et de L’Humanité (1904), la capitalisation « peut même, bien maniée par un prolétariat organisé et clairvoyant, servir très substantiellement la classe ouvrière » .

    En effet, en rendant la classe ouvrière « à la fois capitaliste et salariée », elle lui permettrait de recevoir « tout le produit social qui résulte de la mise en œuvre de ce capital par le travail ouvrier ». En permettant au salarié de devenir épargnant, elle lui donnerait les moyens de préparer ses vieux jours tout en s’appropriant une partie du rendement du capital.

    D’où l’idée – qui n’est pas neuve – d’introduire une dose de capitalisation dans le système de retraites actuel… Reste à respecter j’imagine certaines conditions pour que ça marche…

    Il s’agit de faire du neuf avec de l’ancien et de cesser de matraquer l’épargne. Depuis plusieurs années les pouvoirs publics ont taxé les produits dédiés à la retraite. On se souvient tous du forfait social, prélèvement de 2 % instauré sous Fillon et porté à 20 % sous Ayrault.

    Ensuite, cessons de faire des différences. Il n’y a pas de raison d’attaquer les mécanismes d’épargne du privé, tandis qu’on oblige par ailleurs le public à capitaliser, avec l’ERAFP , un fonds de pension qui ne dit pas son nom.

    Mais donc le système par répartition n’est absolument pas pérenne tel qu’il existe aujourd’hui ?

    Non. Nous avons fait preuve d’une imprévoyance collective majeure. Tous les experts savent que les régimes de retraite par répartition constituent des bombes à retardement. Avec de moins en moins d’actifs et de plus en plus en plus de retraités, la répartition est condamnée à distribuer des retraites de plus en plus maigres. Les réformes initiées en France depuis la fin des années 1980 limitent l’essor des dépenses, avec à la clef des économies représentant aujourd’hui de l’ordre de 2 % du PIB. Pour autant elles ne permettent toujours pas d’équilibrer les comptes et de résorber la dette implicite liée aux retraites par répartition, estimée à 3,6 années de revenu.

    D’ici 50 ans, ces réformes devraient nous permettre d’économiser de l’ordre de 8 % du PIB par an, en contenant les dépenses de retraite à un niveau proche d’aujourd’hui. Cela se fera par une réduction massive des pensions. En bonne logique, il faudrait que cette baisse des retraites par répartition soit compensée par une épargne retraite. Il faudrait que les pouvoirs publics – de droite comme de gauche – incitent massivement les Français à épargner, ce qui est loin d’être le cas.


    Chronique de Cécile Philippe, directrice de l’ Institut économique Molinari , diffusée sur les ondes de Radio classique le 17 juin 2014.

    Article publié initialement le 3 juillet 2014.

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      Oxfam contre les riches

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 19 January, 2023 - 04:00 · 5 minutes

    Cela faisait longtemps que l’on n’avait plus entendu parler d’Oxfam.

    L’ONG britannique sort à peine d’une série de scandales qui ont grandement entamé sa crédibilité mais la prochaine mobilisation sur la réforme des retraites présentait une trop belle occasion pour qu’elle tente à nouveau de faire parler d’elle. Et comme d’habitude, Oxfam aura mis les pieds dans le plat en prétendant que « taxer la fortune des milliardaires français à hauteur d’à peine 2 % permettrait de financer le déficit prétendument hors de contrôle des retraites »

    Oxfam ne pouvait pas rater une telle occasion de sortir une énorme bêtise.

    Parce que bien évidement, sa solution ne mène à rien et est basée sur des calculs erronés et une totale incompréhension des mécanismes économiques.

    La fortune des « milliardaires » : cette formule n’a pas plus de sens que la notion même de milliardaire. Si on compte uniquement l’argent en banque sur un compte courant et les billets et pièces dans les poches, il n’y a pas de milliardaire. Personne n’a plus d’un milliard d’euros sur son compte en banque. Au mieux, certaines personnes peuvent posséder des parts de sociétés qui elles peuvent avoir une telle somme disponible en liquidité.

    La richesse pour les anticapitalistes

    Pour assouvir la soif de jalousie et habiller leur homme de paille, Oxfam et avec elle tout une bande de prétendus « économistes » ont donc construit leur propre calcul.

    En ligne de mire, le fameux « capital » défini depuis Karl Marx selon la formule alambiquée suivante :  le capital est la somme d’argent utilisée pour acquérir les équipements, les biens et services nécessaires à la production (matières premières, biens de production, énergie, etc.), additionnée de la somme d’argent servant à payer les salariés, en attendant que la production de ces derniers soit vendue et engendre des rentrées d’argent.

    Mais comme cette définition du capital est bien trop compliquée et conduit à un montant bien trop faible (vu qu’il ne s’agit en fait que du volume du fonds de roulement nécessaire pour faire tourner une activité économique en payant fournisseurs et salariés) les « économistes » ont tout simplement étendu la notion de capital à celle de propriété.

    Alors que la définition de Marx comparait deux flux différents : celui alimenté par les ventes et celui alimenté par le salaire, les « économistes » se sont mis à comparer des bananes et des navets. À moins que ce soient des carottes et des navets ? Ou alors des bananes et des carottes ? Personne ne sait vraiment et si vous faites bien attention, on parle toujours d’estimation de fortune quand on essaie de décrire la richesse des « milliardaires ».

    Estimation, parce que en regardant de plus près, cela n’a absolument aucun sens. De quoi est composée la « fortune » de Bernard Arnault , de Bill Gates ou d’Elon Musk ? Essentiellement de portefeuilles d’actions dont la valeur est estimée en multipliant le nombre par la valeur unitaire.

    On peut comparer cette richesse à celle du vase de Chine de votre arrière-grand-mère que vous avez mis en vente 1000 euros sur un site de vente en ligne depuis trois ans et qui n’a jamais trouvé acheteur. Si on suit la logique d’Oxfam, il faudrait vous taxer de 2 % sur cette somme de 1000 euros que vous n’avez pas.

    Notez que si on reprend la définition de Marx, ça n’a pas de sens non plus. Taxer le capital revient à aller prélever de l’argent dans le fonds de roulement servant à payer les fournisseurs et les salariés. On comprend donc immédiatement ce qui se passe : une diminution de l’activité et du chômage parce qu’il n’y a alors plus assez d’argent pour faire tourner l’activité. C’est d’ailleurs pour cette raison même que Marx pensait que le capitalisme ne pouvait tomber que par une révolution et que les tentatives de régulation du système n’aboutiraient qu’à accroître la misère des prolétaires. C’est un des très rares points sur lequel on peut être d’accord avec lui.

    L’immoralité élevée en valeur

    Passons sur l’absurdité économique, les points les plus graves dans la diffusion d’idées telles que celles véhiculées par Oxfam sont moraux. Ce genre d’affirmation génère la haine sociale et encourage le crime.

    Utiliser la force pour allez se servir chez son voisin, ça s’appelle du vol ou du pillage. Que la force employée soit légale, démocratique ou soi-disant justifiée n’y change absolument rien.

    Penser que les riches ce sont les autres est à la fois totalement immoral mais également totalement faux. On est toujours le riche de quelqu’un d’autre. Au passage, c’est d’ailleurs une pensée profondément essentialiste dans le sens le plus répugnant, celui de l’essentialisme suprémaciste, vu sous l’angle d’infériorité.

    À long terme, ce genre de tolérance finit toujours par se révéler être un très mauvais calcul. Dès lors que l’on ferme les yeux sur la nuisance que l’on fait subir aux autres, que ce soit à son profit ou non d’ailleurs, il arrive toujours un moment où l’on se fait prendre à son propre jeu.

    Il arrive toujours un moment où l’on se trouve de l’autre coté du manche. La règle d’or morale (ne fait pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse) n’est pas juste un dogme illusoire inventé pour vous faire courber l’échine. C’est une règle à la fois empirique et logique.

    Dès lors que l’on invalide une justice morale au nom d’une autre justice morale, dans le cas présent, prendre de force de l’argent aux uns pour en donner aux autres, on invalide par là même toute la logique du raisonnement : rien ne permet plus alors de juger objectivement que l’opération soit juste ou non dans son ensemble.

    En d’autres termes : si vous admettez que l’on puisse commettre des actions immorales, vous devenez alors totalement illégitime pour juger, votre capacité de jugement n’a plus aucune valeur. Un juge ne peut pas être un criminel quand ça l’arrange.

    Rien ne permet de transformer par magie une chose injuste en une chose juste. La fin ne justifie jamais les moyens. Jamais.