• Co chevron_right

      Politique restrictive de la BCE : la justification fragile

      Philippe Aurain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 28 November, 2022 - 04:30 · 3 minutes

    Madame Lagarde, s’exprimant au nom de la BCE, a indiqué , en évoquant l’hypothèse d’un ralentissement économique : « Nous ne croyons pas que cette récession sera suffisante pour dompter l’inflation ». Fabio Panetta ajoute « Lors du calibrage » des décisions, « nous devons faire très attention à ne pas amplifier le risque d’une récession prolongée ou de provoquer une dislocation du marché ».

    La BCE considère donc, d’une part, qu’un durcissement monétaire est nécessaire pour réduire l’ inflation au-delà de l’effet du ralentissement de l’inflation induit par le signal-prix mais que, d’autre part, ce durcissement fait porter des risques économiques et financiers majeurs et doit donc être « calibré ».

    Jusqu’où devrait aller la BCE ?

    L’arbitrage étant posé, jusqu’où devrait aller la BCE dans son biais restrictif ? Partons de la définition d’une politique monétaire restrictive.

    Pour résumer, la banque centrale dispose de deux outils principaux, les taux directeurs et sa capacité de créer de la liquidité via la variation de taille de son bilan. Concernant le niveau des taux, le « juge de paix » d’une politique restrictive est le seuil de « taux neutre » qui est ce niveau de taux permettant une croissance au potentiel et non inflationniste. En Europe, on peut l’estimer proche de 1,75 % en nominal (cf. cette étude de La Banque Postale du 7 novembre : « Tout l’intérêt du taux neutre à l’heure du changement de cap monétaire »).

    Concernant le bilan, il y a débat sur le caractère restrictif : dépend-il du flux (retrait de monnaie par réduction du bilan) ou du stock final (réduction de la quantité de monnaie, c’est-à-dire de la taille du bilan en deçà d’un niveau dépendant de l’activité économique) ? Pour simplifier retenons que, a minima , une politique monétaire restrictive ne doit pas être quantitativement expansionniste (pas d’accroissement du bilan). Sous ces critères, nous serions donc déjà entrés dans une période restrictive depuis la fixation à 2 % du taux de refinancement. Par définition, cela signifie que la politique monétaire ajoute un choc de taux sur un choc de prix sur l’économie.

    Pourquoi la banque centrale choisit-elle de peser sur l’activité alors que l’économie ralentit déjà ? Parce qu’elle considère que l’inflation, bien que reconnaissant son origine non domestique (choc d’offre sur les matières premières et de demande sur les biens, essentiellement aux État-Unis sur ce dernier point), pourrait diffuser dans l’inflation « locale » et sous-jacente et « s’autoentretenir » via la fameuse boucle prix-salaire.

    Elle veut de plus éviter le « désancrage » des anticipations.

    Elle craint également une corrélation « mondiale » de l’inflation.

    Or, qu’observe-t-on sur ces différents thèmes ? L’inflation sous-jacente augmente, mais la part due aux salaires reste limitée (d’après nos calculs, de l’ordre de 57 %). Les études internes de la BCE confirment le faible risque de boucle prix-salaire ( ECB Economic Bulletin, Issue 5/2022 ).

    L’inflation est aujourd’hui ancrée à 2,4 % (SPF à long terme). Contrairement aux Etats-Unis, l’inflation domestique ne vient pas d’un excès de demande pour les biens (qui est inférieure à son niveau 2019 sur la moyenne des 3 pays France, Allemagne, Italie et 7 % sous le niveau 2019 pour les biens durables). Concernant la corrélation mondiale de l’inflation, elle est effectivement patente mais, comme elle baisse aux Etats-Unis, le facteur pourrait plutôt rassurer.

    Par ailleurs, en France par exemple, les marges (EBE/PIB) des entreprises sont en forte baisse si l’on exclut les secteurs Énergie et Transport, à un point très proche de celui le plus bas de l’histoire post choc pétrolier de 1980. Cela signifie, d’une part, qu’elles ne passent pas les prix aux consommateurs, et d’autre part qu’elles sont proches du point de rupture économique.

    Enfin, le ralentissement économique est en cours, les contraintes d’approvisionnement se réduisent et des premiers effets sur la baisse des prix à la production sont visibles.

    En conclusion, le contexte d’inflation justifie le retour à une politique monétaire neutre, un biais accommodant ne faisant qu’amplifier la hausse de prix. En revanche, le passage en mode restrictif fait porter un risque considérable sur l’économie sans être aujourd’hui justifié par les fondamentaux. Il paraîtrait donc raisonnable que la BCE décide d’une « pause » quitte à maintenir une vigilance élevée pour renforcer le resserrement si nécessaire en 2023.

    • chevron_right

      Élisabeth Borne dédie sa nomination aux "petite filles", un hommage incontournable

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 17 May, 2022 - 16:19 · 4 minutes

    EGALITE - Lors de la passation de pouvoir avec Jean Castex, ce lundi 16 mai, la Première ministre Élisabeth Borne a dédié sa nomination à toutes les petites filles”, les encourageant à “aller au bout de (leurs) rêves” . “Rien ne doit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société”, a ajouté celle qui est seulement la deuxième femme à occuper ce poste après Edith Cresson entre mai 1991 et avril 1992.

    Un hommage fort et émouvant aux générations qui suivront qui est également devenu depuis plusieurs années presque un incontournable des discours de femmes nommées à des postes de pouvoir.

    L’idée de vouloir inspirer ou encourager celles qui suivront et in fine d’incarner une forme de “rôle-modèle” pour les “petites filles” a souvent été une formule utilisée dans les domaines du sport ou de la culture. En plus évidemment d’être aussi au coeur des mouvements féministe. Mais elle ne s’y cantonne plus.

    Si Elisabeth Borne est certainement la première femme politique française à l’exprimer aussi clairement, elle suit les traces de femmes de pouvoir des pays anglo-saxons. Sans surprise puisque la notion de “role model” ou “rôle modèle” a été définie par le sociologue américian Robert K. Merton.

    Ainsi, en 2016, quand Theresa May succède à David Cameron au 10 Downing Street à Londres, elle reçoit la visite de la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon. L’occasion pour les deux femmes de poser en photo. Un cliché qui sera ensuite partagé par l’Ecossaise sur sur Twitter avec cette légense: “Politique mise à part - J’espère que les filles du monde entier regardent cette photo et pensent que rien ne devrait leur être interdit”.

    Passage de témoin entre Clinton et Harris

    Autre message peut-être plus connu et allant en ce sens, celui d’Hillary Clinton, au lendemain de sa défaite face à Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2016. Elle rappelait alors: “A toutes les petites filles qui regardent... Ne doutez jamais que vous êtes précieuses et puissantes et que vous méritez toutes les chances et opportunités du monde”.

    Quatre ans plus tard, quand Kamala Harris devient la première femme noire vice-présidente, elle emprunte à son tour quelques-uns des mots d’Hillary Clinton en promettant: “Je suis peut-être la première femme dans ce bureau, je ne serai pas la dernière, car chaque petite fille qui regarde ce soir voit que c’est un pays de possibilités”.

    Autant de formules similaires également utilisées par Lori Lighfoot, première maire noire et lesbienne élue à la tête de Chicago en 2019, ou Nan Whaley première femme démocrate à candidater au poste de gouverneure dans l’Ohio en 2022.

    Incarnation incantatoire

    Si la formule a pris du poids c’est parce qu’elle permet à la fois d’incarner en soi une forme de changement et de prendre à témoin les générations futures pour les exhorter d’en faire autant. “Les modèles d’identification sont importants pour tout le monde, enfant ou adulte, car notre personnalité se construit en partie par rapport à nos interactions avec notre environnement social (famille, amis), professionnel, mais aussi, culturel”, expliquait par ailleurs récemment, Véronique Barfety, psychologue clinicienne au CHU Lille, sur Le HuffPost.

    Un concept d’incarnation qui a pris du poids au fur et à mesure des années. En 2011 , quand Christine Lagarde devient la première femme à diriger le FMI, le concept du ”rôle-modèle” prend doucement. “Je sais que certaines personnes me regardent comme un rôle modèle, que certaines jeunes femmes me regardent et s’inspirent. Personnellement, je n’ai pas envie de me gargariser avec cette idée. Mais c’est cette vieille idée de Sartre, que nous ne sommes nous qu’aux yeux des autres. C’est une responsabilité”, disait-elle à l’époque tout en poussant pour toujours plus d’égalité. Plus de dix ans plus tard, celle qui est désormais à la tête de la BCE n’a plus aucun mal à assumer ce “rôle modèle”.

    Au moment de la nomination de Christine Lagarde, Angela Merkel est à la tête du gouvernement allemand depuis déjà cinq ans. La chancelière considérée comme la femme la plus puissante du monde a pourtant régulièrement minimisé la portée de sa carrière en tant que femme . Une forme de cécité symbolique qui lui sera d’ailleurs également reprochée.

    En reconnaissant la portée de sa nomination ce lundi Elisabeth Borne a, elle, marqué le coup, mais de quoi s’épargner les prochains. “C’est un événement parce que la France est ce qu’elle est, que la classe politique est ce qu’elle est, a rappelé Edith Cresson avant d’ajouter: C’est une fonction difficile où l’on est sans cesse critiqué, pas seulement par les adversaires politiques, mais aussi par la presse, je suis sûre qu’elle saura faire face aux difficultés qu’elle risque de rencontrer”.

    A voir également sur Le HuffPost: Les 3 questions que soulève la nomination d’Élisabeth Borne à Matignon