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      La classe moyenne américaine n’a plus d’intérêt à travailler

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 8 February, 2023 - 04:00 · 4 minutes

    En Europe, beaucoup pensent que le « capitalisme pur » règne aux États-Unis et que le pays n’a pas d’État-providence. Or, c’est le contraire qui est vrai. Aujourd’hui, l’État-providence et la redistribution aux États-Unis ont atteint de telles proportions que l’on peut se demander si travailler a encore un sens pour les Américains de la classe moyenne.

    Une analyse des revenus aux États-Unis a montré que, par habitant, le ménage moyen du quintile inférieur (c’est-à-dire les 20 % qui gagnent le moins) reçoit plus de 10 % de plus que le ménage moyen du deuxième quintile et même 3 % de plus que le ménage moyen.

    C’est l’un des résultats choquants des recherches menées par Phil Gramm, Robert Ekelund et John Early pour leur livre The Myth of American Inequality . Le membre d’une famille américaine de la classe moyenne dont les deux parents travaillent n’a finalement pas plus d’argent que le membre d’une famille dont aucun des deux parents ne travaille. Cette affirmation semble improbable mais elle est étayée par les chiffres suivants :

    Même au niveau des ménages, les différences au sein des 60 % de ménages les plus pauvres (c’est-à-dire les trois quintiles inférieurs) aux États-Unis sont faibles : en tenant compte des subventions étatiques aux ménages (appelées paiements de transfert) d’une part et des paiements d’impôts d’autre part, le revenu des 20 % les plus pauvres est de 49 613 dollars par an, dans le deuxième quintile il est de 53 924 dollars et dans le quintile moyen de 65 631 dollars.

    À eux seuls, les paiements de transfert de l’État aux 20 % des ménages américains les plus pauvres s’élèvent à 45 389 dollars, contre seulement 3996 dollars d’impôts payés par ce segment par an. Cela signifie que les paiements de transfert de l’État aux 20 % des ménages américains les plus pauvres sont supérieurs de 41 393 dollars aux paiements d’impôts !

    Dans la classe moyenne, la situation est tout à fait différente : les ménages de la classe moyenne reçoivent, en moyenne, 17 850 dollars de transferts étatique par an, tout en payant 19 314 dollars d’impôts fédéraux, étatiques et locaux. Cela signifie que les ménages de la classe moyenne paient 1464 dollars de plus en impôts que ce qu’ils reçoivent en transferts étatiques.

    Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, un ménage américain du quintile inférieur compte moins de personnes (1,69) qu’un ménage de la classe moyenne (2,51 personnes). En tenant compte de ces différences, une personne appartenant au quintile inférieur reçoit 3 % de plus qu’une personne appartenant à la classe moyenne après transferts et impôts.

    Cela n’a pas grand-chose à voir avec le capitalisme.

    Le principe du mérite est réduit à néant parce qu’il n’est guère payant de travailler. Les Américains de la classe moyenne travaillent beaucoup plus d’heures que ceux des quintiles inférieurs, mais ne voient aucune récompense pour leur dur labeur. L’ensemble du système de redistribution engloutit d’énormes quantités d’argent et ne peut être compris qu’à moitié par les statisticiens.

    Rien qu’aux États-Unis, il existe 100 programmes fédéraux qui distribuent chacun plus de 100 millions de dollars par an, auxquels s’ajoutent d’innombrables programmes au niveau des États et des collectivités locales.

    Comme nous l’avons vu dans les chiffres ci-dessus, le résultat absurde est que le ménage typique de la classe moyenne reçoit presque autant en transferts étatiques qu’il paie d’impôts.

    Bien entendu, la bureaucratie qui gère ce système engloutit des sommes considérables. De nombreux Américains de la classe moyenne sentent que quelque chose ne va pas dans ce système. Il est en grande partie financé par les 20 % des personnes les plus riches dont le revenu moyen par ménage est de 295 904 dollars mais qui paient près de 107 000 dollars d’impôts.

    Cela réfute la croyance populaire selon laquelle les plus hauts revenus américains s’en tirent à bon compte lorsqu’il s’agit de payer des impôts. Non : plus d’un dollar sur trois gagné par ces ménages finit dans les caisses de l’État. Et les 20 % de ménages les mieux rémunérés paient plus de 60 % de l’ensemble des impôts. Si l’on considère uniquement l’impôt fédéral sur le revenu, les 20 % les plus riches paient 83 % de la facture totale de l’impôt sur le revenu !

    Le système escroque donc les hauts revenus et décourage la classe moyenne en supprimant toute incitation financière à travailler. Et l’aspect le plus absurde de tout cela est peut-être qu’il ne contribue en rien à la lutte contre la pauvreté car depuis le début de la guerre contre la pauvreté aux États-Unis au milieu des années 1960, avec des programmes étatiques qui n’ont cessé de croître en taille et en portée, le taux de pauvreté est resté pratiquement le même, avec de légères fluctuations. Au cours des deux décennies qui ont précédé le début de la guerre contre la pauvreté, le taux de pauvreté aux États-Unis n’a cessé de diminuer, passant de 32,1 à 14,7 %.

    Les seules personnes qui profitent du système actuel sont les politiciens qui prennent d’abord de l’argent aux ménages américains et qui promettent ensuite, lors des élections, de le redonner à leur propre clientèle.

    Rainer Zitelmann est historien et sociologue. Son nouveau livre In Defense Of Capitalism sera publié en mars.

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      Bayrou, les riches et la classe moyenne à 4000 euros par mois

      Jean-Philippe Feldman · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 11 February, 2021 - 04:15 · 5 minutes

    François Bayrou

    Par Jean-Philippe Feldman.

    Au-delà de la polémique, volontaire ou involontaire, les déclarations du Haut commissaire au Plan et les réactions qu’elles ont suscitées sont très révélatrices à bien des égards.

    François Bayrou a fait le buzz en prononçant le 7 février la petite phrase du week-end. De son intervention, il a été retenu que « 4000 euros par mois, on est de la classe moyenne ». Mais on en a oublié le contexte dans lequel cette phrase est survenue, et finalement le plus important.

    Pour François Bayrou, est-on de la classe moyenne à 4000 euros par mois ?

    François Hollande nous régalait en 2007 lorsqu’il déclarait que l’on était riche avec 4000 euros par mois. Il semble que la monnaie ait perdu beaucoup de valeur puisque selon François Bayrou, avec ce montant, on n’appartiendrait plus aujourd’hui qu’à la classe moyenne. Et l’on commence à craindre à ce rythme qu’en 2033 un homme politique s’exclame qu’avec une pareille somme on se situe dans la classe pauvre…

    En réalité, ces allégations sont vraies ou fausses selon nos propres références. Que signifie 4000 euros par mois ? Est-ce un montant brut, donc avant les impôts et les cotisations sociales les plus élevés au monde, ou une somme nette ? S’agit-il d’un revenu individuel, par foyer ou encore, comme François Bayrou l’a ultérieurement soutenu, par couple ? S’agit-il des revenus ou du patrimoine ?

    On est toujours riche ou pauvre par rapport à quelqu’un et chacun d’entre nous peut défendre des positions très différentes à cet égard.

    Que signifie « classe moyenne » ? Pour ancienne qu’elle soit, même si l’on parle plutôt des classes moyennes , l’expression n’en est pas plus précise puisqu’elle suppose une ou plusieurs classes pauvres et une ou plusieurs classes riches.

    Les institutions publiques et des centres de recherches privés, les classements nationaux et les classements internationaux en donnent des définitions différentes. Un institut public français a pu diviser la population en quatre de telle manière que soit considéré comme riche celui qui perçoit un minimum de 2500 euros de revenu mensuel…

    Qu’est-ce qu’un riche selon les sondages ?

    En 2015, un sondage posait la question de savoir à partir de quel niveau de revenus on était riche. Sans doute inspirés par François Hollande, 54 % des Français répondaient à moins de 5000 euros net par mois. 21 % de 1000 euros à 3000 euros ! Quant au patrimoine, 8 % des Français répondaient qu’on était riche entre… 1000 et 100 000 euros !

    Autre sondage édifiant : une enquête d’avril 2019 nous apprenait que les Français estimaient en moyenne que les rémunérations des PDG des grandes entreprises devaient diminuer de 40 %… mais que ceux qui exerçaient la même profession qu’eux devaient gagner 20 % de plus que leurs gains actuels !

    Bref, le riche, c’est toujours celui qui gagne plus que vous, par des moyens peu recommandables le plus souvent.

    Imposer encore plus les riches ?

    La déclaration litigieuse de François Bayrou faisait réponse à la question : « Est-ce qu’il faut une contribution des plus riches en période de Covid ? » . Le Haut commissaire au Plan a déclaré : « Tout peut être imaginé de cet ordre-là » , avant d’ajouter « Pourquoi pas ? »

    Des mauvaises langues ont susurré que la sortie du président du Modem s’analysait comme une vengeance après la mise à l’écart par le chef de l’État de l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les prochaines élections législatives. Car François Bayrou sait très bien que la ligne officielle de La République en marche est de s’interdire toute augmentation d’impôt.

    Ce que l’on doit retenir des déclarations de François Bayrou n’est donc pas de savoir qui appartient ou non à la ou aux classes moyennes, mais si l’on doit matraquer davantage les riches compte tenu de la crise sanitaire.

    En ce sens, le Haut commissaire au Plan verse dans la démagogie car il n’ignore pas non plus que la France est déjà championne du monde des prélèvements obligatoires et que par exemple, la concentration de l’impôt sur les revenus est particulièrement élevée dans notre pays.

    Rappelons que la moitié des foyers fiscaux règle environ 3 % de son montant total, tandis que moins de 10 % en payent environ 70 %. Quant au 1,6 % des contribuables les plus riches, il représentait presque 40 % à lui seul.

    La position de François Bayrou est d’ailleurs plutôt incohérente puisque, dans son rétropédalage sur Facebook, il a allégué avec justesse qu’il ne fallait pas « stigmatiser ceux qui, chez nous, ont réussi un peu mieux que les autres » . Mais peut-être faut-il dans son esprit stigmatiser en revanche ceux qui réussissent mieux ou beaucoup mieux que les autres ?

    Et lorsqu’il ajoute que l’on devrait plutôt se demander pourquoi en France les salaires sont aussi bas : parce que l’on ne crée pas assez de richesse et parce que l’État français s’affiche comme le numéro un mondial des cotisations sociales !

    Bayrou et compagnie : démagogie, populisme et bas instincts

    La noblesse de la politique, soyons naïfs, ne consiste pas à flatter les bas instincts égalitaristes et envieux des électeurs, mais à bien gérer l’État. Croire que l’on résoudra des problèmes à plusieurs centaines de milliards d’euros en mettant la tête sous l’eau de certains individus pour quelques milliards d’euros relève de la mauvaise plaisanterie ou du populisme le plus éculé , alors que les solutions consistent essentiellement à diminuer les dépenses publiques et réduire la fiscalité la plus oppressive du monde.

    Dire comme nos gouvernants que la fiscalité ne sera pas augmentée est certes une bonne chose, mais pourtant fort insuffisante. Peut-être est-ce déjà un exploit dans notre beau pays quand tant d’extrémistes de droite comme de gauche, mais pas seulement, prétendent le contraire.

    Jean-Philippe Feldman vient de faire paraître Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron , Odile Jacob, 2020.