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      Réforme des retraites : le référendum d’initiative partagée toujours incertain

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 20 April, 2023 - 03:00 · 6 minutes

    Après avoir invalidé, vendredi 14 avril dernier, une première demande de référendum d’initiative partagée déposée par 252 parlementaires, les Sages de la rue de Montpensier devront se prononcer sur une seconde demande le 3 mai prochain.

    L’intersyndicale et les oppositions espéraient qu’en cas de validation de la réforme des retraites, le Conseil constitutionnel donnerait le feu vert à la demande de Référendum d’initiative partagée (RIP). Mais en se basant sur les règles de droit, les Sages n’ont pas pu valider cette « proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. »

    À gauche, les communistes ont regretté que le Conseil constitutionnel fasse « obstacle à une sortie de crise par le haut » en refusant la proposition de RIP et ont appelé l’institution à se saisir « de l’opportunité du deuxième RIP pour rendre la parole au peuple. »

    La secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier a confié à l’AFP être choquée par ce rejet. Pour la députée EELV Sandra Regol, sur Twitter : « Malgré la décision du Conseil constitutionnel, cette loi reste toujours aussi injuste. Le combat continue avec une nouvelle demande de RIP déposée ».

    Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure , voit même plus loin. Il a proposé en conférence de presse, peu après la décision connue :

    « Même s’il n’y avait pas de RIP, nous pouvons lancer une vaste pétition avec l’intersyndicale pour que les Français expriment, hors de toute procédure, leur volonté de référendum. Plusieurs millions de personnes demandent à ce qu’on leur rende la parole. »

    De son côté le député LFI François Ruffin écrit sur Twitter :

    « En démocratie, et pourtant : le peuple ignoré, mis de côté. Demain, Macron et tous ses amis seront vaincus, dans les urnes ou dans la rue. La retraite à 64 ans sera abolie. Le Référendum d’initiative citoyenne s’imposera pour ne plus laisser les pleins pouvoirs à un nouveau roi. »

    Pourquoi l’invalidation du texte du RIP par le Conseil constitutionnel

    Le Conseil reproche au texte de ne pas représenter une réforme selon l’article 11 de la Constitution qui prévoit un champ restreint du référendum dans ses matières.

    Deux questions se sont donc posées aux Sages.

    D’une part, une proposition de loi référendaire dont le seul objet est de plafonner à sa valeur actuelle l’âge de liquidation des droits à la retraite peut-elle être considérée comme portant sur une « réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent » ?

    D’autre part, une mesure empêchant une réforme est-elle encore une réforme ? Or, le terme réforme implique que le texte vienne modifier l’état du droit existant. On ne réforme pas en proposant un texte ne faisant que rappeler l’état du droit.

    Le Conseil constitutionnel adopte ici fort justement une position plus réaliste que pour le précédent de l’Aéroport de Paris de 2019. En effet, à sa date d’enregistrement la proposition de loi affirmant que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ne modifie pas l’état du droit.

    Le cas de validation du second RIP et loi sur la réforme sur les retraites promulguée

    Les opposants au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans estiment que la réforme devrait être suspendue durant les neuf mois de collecte des signatures.

    Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui a « lu un certain nombre d’analyses », affirme quant à lui que « même si le Conseil constitutionnel validait la demande de référendum, cela n’empêche pas la mise en œuvre du texte tel qu’il a été adopté ». En effet, le RIP n’est pas suspensif.

    Mettre sur pause, le chef de l’État « en a le droit et il est même souhaitable qu’il le fasse pour éviter tout conflit avec la procédure référendaire et apaiser la colère citoyenne », a défendu le constitutionnaliste Dominique Rousseau, dans une tribune publiée le 13 mars dans Le Monde .

    Concernant Aéroport de Paris , le gouvernement avait choisi de suspendre l’application de la loi. Il peut éventuellement ne pas prendre les décrets d’application comme ce fut le cas à l’époque du CPE. Reste que même en cas de validation du RIP par le Conseil constitutionnel, puis de succès dans la collecte des signatures, il est peu probable qu’Emmanuel Macron se décide à organiser un référendum qui enterrerait sa propre réforme. Il suffirait en effet que le Parlement se saisisse de la proposition de loi dans les six mois suivant le recueil des signatures pour éviter de demander l’avis des Français.

    Les probabilités de validation du nouveau RIP

    « C’est le même texte que la première demande, complété par un deuxième article qui crée un élément de réforme : une recette fiscale liée aux ressources du capital pour sécuriser le financement de la retraite par répartition », souligne Patrick Kanner (PS).

    Le contenu de la première décision ne rend guère optimiste l’opposition. « Ce sera pareil, rejeté… » a lâché à l’AFP la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier.

    De même, le porte-parole des députés PS, Arthur Delaporte, admet dans Le Parisien : « Le deuxième RIP ressemblant beaucoup au premier, les motivations données par le Conseil ne sont pas très encourageantes pour qu’il soit validé ».

    De fait, le deuxième article créant une recette fiscale pour les retraites ne changera pas forcément la donne : dans sa décision du 25 octobre 2022, le Conseil avait rejeté une autre proposition de RIP car « il avait jugé que ne présentait pas ce caractère [de réforme] une proposition qui visait uniquement à abonder le budget de l’État en augmentant le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés ».

    L’opposition évoquait dès vendredi soir le dépôt éventuel d’un troisième RIP amendant le deuxième afin de tenir compte des remarques du Conseil. Mais le calendrier pourrait aussi poser problème : la loi est désormais promulguée et une proposition de RIP « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ». La deuxième demande de RIP a certes été déposée juste avant (jeudi), mais l’éventuelle validation ne pourra survenir qu’après. Ce sera au Conseil constitutionnel de décider.

    En effet, le Constituant de 2008 qui a introduit le RIP dans la Constitution avait plus que tout peur que ce dernier serve à remettre en cause la légitimité et l’autorité du Parlement. Aussi, il a prévu qu’aucun RIP ne pourrait avoir lieu sur un texte promulgué depuis moins d’un an.

    Le Conseil constitutionnel poursuit donc une interprétation stricte du champ d’application du RIP de l’article 11 alinéa 3 de la Constitution.

    SOURCE : Décision n° 2023-4 RIP du 14 avril 2023 | Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr)

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      Conseil constitutionnel français : un hybride entre politique et justice ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 19 April, 2023 - 03:15 · 7 minutes

    Après voir accusé le gouvernement de brutalité à l’égard de la Constitution par l’utilisation de l’article 49 alinéa 3, les syndicats et les oppositions laissent maintenant entendre que les Sages du Conseil constitutionnel ne serait pas indépendants. Ainsi, le combat contre la réforme Macron doit continuer par tous les moyens, y compris les plus illégaux.

    Dans une démocratie, la critique est libre. Mais gare aux dérives populistes qui consistent à entamer la confiance des citoyens dans les institutions.

    Comment sont nommés les membres du Conseil constitutionnel ?

    Les neuf membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.

    Il revient ainsi au président de la République mais aussi au président de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat de proposer trois membres chacun. Les candidats sont ensuite soumis à l’avis de la commission des Lois – celle de l’Assemblée nationale pour le président du Palais Bourbon, celle du Sénat pour le président de la Chambre haute et les deux commissions réunies lorsqu’il s’agit du chef de l’État. Dans ce dernier scénario, seule l’addition des votes négatifs de chaque commission, si elle atteint trois cinquièmes des suffrages exprimés, peut invalider la proposition.

    Le renouvellement se fait ensuite par tiers tous les trois ans, pour des mandats de neuf ans non renouvelables.

    Les présidents de la République sont également membres de droit, à vie, mais les derniers chefs d’État que sont Nicolas Sarkozy et François Hollande ont refusé ce statut.

    Au sein de ce cénacle, le président du Conseil n’a pas de voix prépondérante. Encore moins la capacité d’imposer sa décision aux autres membres.

    Une nomination essentiellement issue de choix politiques

    À ce jour, on retrouve parmi les membres du Conseil constitutionnel des personnalités nommées par des figures de presque tous les horizons politiques : François Hollande (un membre), Emmanuel Macron (deux membres), le président du Sénat Gérard Larcher (LR, trois membres), les anciens présidents de l’Assemblée nationale Claude Bartolone (PS, un membre) et Richard Ferrand (LREM, deux membres).

    Le Conseil comprend notamment deux ex-ministres de l’actuel chef de l’État (Jacqueline Gourault et Jacques Mézard) et deux anciens Premiers ministres (Laurent Fabius et Alain Juppé). Le président du Sénat Gérard Larcher a nommé son ex-directeur de cabinet, François Seners. S’il n’y a pas de système parfait de nomination, le recrutement des juges constitutionnels par des autorités politiques est un standard européen.

    Les neuf Sages sont bien issus de choix politiques, ce qui est prévu par le texte même de la Constitution qui n’a pas institué une Cour constitutionnelle mais un simple Conseil, lequel n’est pas à proprement parler une juridiction.

    Un devoir d’impartialité

    Les membres sont soumis à la prestation d’un serment dans lequel ils jurent de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions » et surtout de « les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, ainsi que de garder le secret des délibérations et des votes ».

    Dans les faits, le système de nomination tend à diversifier partiellement les horizons politiques dont sont issus les Sages. Si le devoir d’impartialité est un élément capital de leur prestation de serment qui les oblige devant la loi, il reste que la France apparaît comme une exception avec la présence massive d’hommes politiques au sein de l’institution. Dans les autres démocraties, les juges constitutionnels peuvent certes avoir une coloration politique mais d’abord et avant tout ils sont tous des professionnels du droit.

    Si la question du manque d’indépendance du Conseil constitutionnel, loin d’être originale, est finalement un serpent de mer qui revient épisodiquement depuis les origines de l’institution de la rue de Montpensier en 1958, ce n’est pas pour autant qu’aucune question se pose.

    Aux origines du Conseil constitutionnel…

    Créée en 1958 lors de l’instauration de la Cinquième République pour « rationaliser » le parlementarisme, surnommé à l’époque le « chien de garde du gouvernement » par ses détracteurs, le rôle du Conseil constitutionnel a profondément évolué. Cependant il demeure que cette institution n’est pas une Cour constitutionnelle.

    Les États-Unis ont leur Cour suprême, les Allemands leur tribunal constitutionnel de Karlsruhe, la France doit se suffire d’un simple Conseil, faisant à cet égard exception parmi les grandes démocraties. L’institution de la rue de Montpensier ne figure d’ailleurs pas parmi les articles du titre VIII de la Constitution consacré à l’autorité judiciaire. Elle n’est donc pas la juridiction suprême en France. Organe mi-politique, mi-juridictionnel ad hoc, elle dispose de son propre titre, le VII.

    Concrètement, comment se prend une décision au sein du Conseil

    Après avoir auditionné plusieurs élus ayant déposé les recours, les neuf membres du Conseil constitutionnel se réunissent avec le secrétaire général.

    Chaque membre prend la parole, l’objectif étant d’avoir une décision la plus commune possible sur les problèmes soulevés. Les débats font partie des plus grands secrets de la République. Ils ne sont rendus publics qu’après 25 ans. On ne saura donc pas s’il y a eu consensus ou non.

    Autre particularité française : aucune opinion dissidente ne sera partagée publiquement, comme cela se fait dans d’autres pays, notamment aux États-Unis.

    Qui siège actuellement au Conseil ?

    – Laurent Fabius, 76 ans, président, nommé en février 2016 par le président Hollande.

    Membre du Parti socialiste, il a été ministre du Budget, de l’Industrie, puis Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand. Il est ensuite devenu ministre des Affaires étrangères sous la présidence de François Hollande avant de quitter ses fonctions pour rejoindre le Conseil constitutionnel.

    – Michel Pinault, 75 ans, nommé en février 2016 par Gérard Larcher, président du Sénat.

    Juriste et Conseiller d’État, il a exercé des responsabilités dans le monde de l’assurance puis a été président de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, et président du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

    – Corinne Luquiens, 70 ans, nommée en février 2016 par Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale.

    Haute fonctionnaire française, elle a été secrétaire générale de l’Assemblée nationale et de sa présidence de 2010 à 2016.

    – Jacques Mézard, 75 ans, nommé en février 2019 par le président Macron.

    Avocat de profession, il devient sénateur dans le Cantal en 2008 (et jusqu’en 2019). Il a appartenu au Parti radical de gauche (PRG) puis au Mouvement radical (MR) et a officié dans les gouvernements d’Édouard Philippe en tant que ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, puis en tant que ministre de la Cohésion des territoires.

    – François Pillet, 72 ans, nommé en février 2019 par Gérard Larcher, président du Sénat.

    Avocat de profession, il a été maire de Mehun-sur-Yèvre (dans le Cher), puis sénateur, rattaché à l’UMP puis à LR entre 2007 et 2019. Il a également été membre et vice-président de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat, ainsi que vice-président du comité de déontologie du Sénat.

    – Alain Juppé, 77 ans, nommé en février 2019 par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.

    Il a été maire de Bordeaux, président de la métropole de Bordeaux, députés français (RPR et UMP) ministre à de multiples reprises, et Premier ministre lors du premier mandat de Jacques Chirac, entre 1995 et 1997.

    – Jacqueline Gourault, 72 ans, nommée en mars 2022 par le président Macron.

    D’abord professeure d’histoire-géographie, elle devient ensuite sénatrice (UDF), puis vice-présidente du Sénat. Elle est nommée ministre auprès du ministre de l’Intérieur lors du premier mandat d’Emmanuel Macron, avant de devenir ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les Collectivités territoriales.

    – François Seners, 65 ans, nommé en février 2022 par Gérard Larcher, président du Sénat.

    Haut fonctionnaire français, diplômé de Sciences Po Strasbourg et de l’ENA, il a été le secrétaire général du Conseil d’Etat, puis le directeur du cabinet du président du Sénat.

    – Véronique Malbec, 64 ans, nommée en février 2022 par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.

    Magistrate française, elle a été procureure générale de la Cour d’appel de Rennes et de celle de Versailles, puis secrétaire générale du ministère de la Justice et directrice de cabinet du ministre de la Justice.

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      Décisions du Conseil constitutionnel : beaucoup de bruit pour rien ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 18 April, 2023 - 03:15 · 8 minutes

    En ce 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel vient de rendre deux décisions très attendues.

    La première concerne le projet de loi de finances rectificatif de sécurité sociale (ci-après PLFRSS). La seconde concernait la proposition de référendum d’initiative populaire (ci-après RIP).

    Le commentaire proposé sera fait à chaud. D’autres commentaires plus construits, seront par la suite proposés. Il conviendra de voir dans un premier temps, la décision RIP (décision n°2023-4 RIP) puis, dans un second temps la décision relative au PLFRSS (décision n°2023-849 DC).

    Enfin, dans un troisième et dernier temps, il s’agira d’évoquer les répercussions possibles de ces deux décisions sur la vie parlementaire comme sur la suite du conflit social.

    Une décision RIP confirmant la nécessité de proposer une véritable réforme

    La décision de non-conformité concernant le RIP, était assez prévisible.

    C’est d’ailleurs pour cette raison que d’autres parlementaires ont décidé de déposer une seconde proposition RIP. La proposition contrôlée prévoyait notamment que l’âge de départ à la retraite ne pouvait être fixé au-delà de 62 ans. Or, l’âge de 62 ans correspond à l’état du droit actuel.

    Le Conseil constitutionnel rappelle notamment :

    « À la date à laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi de cette proposition de loi, l’article L. 161-17-2 du Code de la sécurité sociale prévoit que l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à soixante-deux ans ».

    Pourtant, l’article 11 de la Constitution fait référence aux « réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale ». Au regard de sa jurisprudence antérieure (décision 2019-RIP 1 du 9 mai 2019), le Conseil se doit de vérifier que la proposition est bien une « réforme », laquelle réforme suppose un changement dans le droit et non la confirmation ou la sanctification de ce qui existe déjà (cons.8).

    Le Conseil fait une application littérale de la disposition de l’article 11 en dégageant la norme selon laquelle, « ni la circonstance que ses dispositions seraient adoptées par voie de référendum ni le fait qu’elles fixeraient un plafond contraignant pour le législateur, ne permettent davantage de considérer que cette proposition de loi apporte un changement de l’état du droit » (cons.9).

    On peut contester cette interprétation de l’article 11 en ce sens qu’on peut tout aussi légitimement soutenir que l’introduction d’un plafond constitue un changement dans l’état du droit, donc une réforme. Le Conseil fait preuve d’un certain textualisme qui ne facilite pas la mise en œuvre d’une procédure déjà complexe.

    Si une nouvelle proposition va être déposée, prévoyant notamment une taxe pour en assurer le financement, on peut aussi légitimement s’interroger sur la conformité d’une telle proposition au regard de la jurisprudence récente du Conseil (décision n°2022-3 RIP du 25 octobre 2022). On peut aussi se demander si l’introduction d’une nouvelle taxe pour financer les retraites serait une réforme au sens de l’article 11.

    Au fond, le RIP devient très difficile à déclencher en raison du filtre très serré opéré par le Conseil constitutionnel lors de ce contrôle préventif. Dans tous les cas, un mois vient d’être perdu par les parlementaires.

    Une décision de non-conformité partielle validant une interprétation gouvernementaliste de la Constitution

    Il convient de rappeler brièvement quelques éléments de contentieux constitutionnel.

    En premier lieu, le contrôle de constitutionnalité ne porte jamais sur des actes mais sur des normes (à savoir la signification prescriptive d’un énoncé). À cet égard, ce n’est jamais la loi-acte qui est contrôlée par rapport à la Constitution-acte, mais c’est la signification de la loi (une norme) qui est contrôlée par rapport à la signification de la Constitution. Le contrôle de constitutionnalité est donc une pure opération intellectuelle qui porte sur des normes. Les dispositions, autrement dit, les textes ou les parties du texte (Vezio Crisafulli), peuvent contenir plusieurs significations, donc plusieurs normes.

    Les possibilités d’interprétations sont alors multiples (Chaim Perelman). Cependant, l’étendue de l’interprétation est délimitée par un complexe pré-juridique de normes (Max Ernst Mayer) qui limite l’interprétation a deux pôles : la liberté et la fidélité au texte.

    Ceci explique alors les possibilités de solution du juge constitutionnel : il peut soit déclarer conforme le texte ou le déclarer non-conforme. Mais face à cette binarité, le juge constitutionnel a développé des options intermédiaires comme les décisions interprétatives ou les décisions de non-conformité partielle.

    En l’espèce, c’est la seconde option qui fut choisie par le Conseil. Les décisions d’inconstitutionnalité partielle permettent au Conseil constitutionnel de ne pas déclarer l’inconstitutionnalité totale de la loi mais simplement de déclarer l’inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi ou même de certains parties de phrases, voire de certains de ses mots seulement. Cette technique décisionnelle se traduit alors par une élimination partielle du texte de la loi afin de le rendre conforme à la Constitution. Pour utiliser une image médicale, on peut dire que le juge constitutionnel pratique alors une chirurgie au scalpel de la loi, puisqu’il va lui ôter ce qui la rend inconstitutionnelle en tranchant dans le vif textuel (Thierry Di Manno).

    En l’espèce, dans la présente décision (décision n°2023-849 DC du 14 avril 2023), le Conseil constitutionnel censure deux dispositions : l’article 2 de la loi (index senior) et l’article 3 (contrat emploi senior) au titre des cavaliers sociaux. Dans un précédent article en date du 24 janvier , ces deux dispositions avaient fait l’objet d’un doute sérieux sur leur constitutionnalité.

    Cela fut donc confirmé par la présente décision en raison d’un « effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ».

    Concernant la procédure suivie par le gouvernement, le Conseil constitutionnel ne trouve aucun élément d’inconstitutionnalité. Sur le véhicule législatif choisi, l’article 47-1 de la Constitution, le précédent article publié sur Contrepoints avait noté la pluralité d’interprétations pouvant être tirées de cet article. L’ article LO 111-3 du Code de la sécurité sociale qualifie les PLFSSR de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). En s’appuyant aussi sur l’ article LO 111-7 du même Code, on peut donc estimer que le PLFSSR tombe sous le coup de l’ article 47-1 de la Constitution et de ses délais.

    Mais l’inverse peut aussi être soutenu si l’on s’en tient à une interprétation téléologique des dispositions de cet article. On peut en effet soutenir que ni l’article 47-1 ni l’article LO.111-7 ne font référence aux PLFSSR. On peut aussi soutenir que les délais de l’article 47-1 se comprennent au regard de la nature particulière des PLFSS mais ne s’appliquent pas au PLFSSR qui par principe, vient modifier les prévisions du PLFSS.

    On avait pu dire que, « tout dépendra in fine de la manière dont le Conseil constitutionnel interprétera l’article 47-1. » Si le Conseil constitutionnel rappelle les conditions du contrôle en présence d’un PLFRSS (cons. 7 à 10), il note que le choix du véhicule législatif relève de l’appréciation et de législateur. Dès lors, le Conseil marque sa traditionnelle réserve en affirmant qu’il « n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur » mais il doit simplement vérifier que les mesures relèvent du domaine des PLFSS (article L.O 111-3-12 du Code de la sécurité sociale). Sur les délais de l’article 47-1, le Conseil estime qu’ils sont aussi applicables aux PLFRSS et que donc, le gouvernement n’a pas commis d’erreur et ce malgré le parcours difficile du texte (cons.18).

    La décision du Conseil constitutionnel donne une lecture « gouvernementaliste » de la Constitution, renforçant la domination du gouvernement sur le Parlement. Une lecture « parlementariste » était tout aussi possible et aurait été bienvenue dans le cadre d’une majorité relative.

    Le Conseil constitutionnel acte en quelque sorte une mutation informelle de la Constitution. Cela peut se voir de différentes manières. Le Conseil ne trouve rien à redire sur l’engagement de la responsabilité du Gouvernement (cons.23) ni sur l’utilisation cumulative des dispositions des règlements parlementaires (cons.70) ni sur le recours au vote bloqué (cons.39), ni sur la procédure de clôture des débats (cons.43).

    Une décision aux effets incertains

    La décision censure les mesures proposées par les députés et sénateurs LR.

    En soi, cela constitue une « victoire » pour le camp macroniste car le cœur de la réforme n’est pas touché. Sur le conflit social, la décision va certainement pacifier les relations entre les partis politiques.

    La difficulté concernera les relations avec les syndicats et avec le peuple. La décision ne risque-t-elle pas d’entraîner une radicalisation du mouvement et conduire à une séparation toujours plus grande entre légalité et légitimité ?

    Enfin, la décision sur le PLFRSS ne conduit-elle pas à une mutation informelle de la Constitution en assurant de jure , la domination du gouvernement ? Le Conseil, qui juge en opportunité, aurait pu privilégier une « idéologie dynamique de l’interprétation » en faisant primer la satisfaction de la société. Il en a décidé autrement, mais pour quelles conséquences ?

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      Après les législatives, 91 recours déposés dont un par Blanquer

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 1 July, 2022 - 10:17 · 2 minutes

    Caroline Mecary de la NUPES a déposé un recours après sa défaite contre Clement Beaune, ministre délégué de l'Europe, à Paris. Caroline Mecary de la NUPES a déposé un recours après sa défaite contre Clement Beaune, ministre délégué de l'Europe, à Paris.

    POLITIQUE - Le Conseil constitutionnel a enregistré 91 recours à la suite des élections législatives de juin dont il va examiner la recevabilité “dans un très bref délai” afin de statuer ensuite sur d’éventuelles irrégularités, a-t-il indiqué ce vendredi 1er juillet dans un communiqué.

    Au terme du délai de dix jours dont disposaient les candidats et les électeurs pour déposer un recours, le Conseil va examiner “dans un très bref délai leur recevabilité (…), de manière à écarter dès les semaines à venir ceux qui seraient manifestement irrecevables”.

    “Les autres recours seront jugés dans les meilleurs délais, après une procédure contradictoire qui pourra prendre en considération les décisions à venir de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques concernant les comptes de campagne des élus”, a précisé le Conseil constitutionnel.

    Le nombre de recours déposés cette année est nettement inférieur aux plus de 200 enregistrés il y a cinq ans.

    NUPES contre Ensemble

    Sans surprise, les élections qui se sont jouées à quelques voix près ont donné lieu à des recours, à l’image de la 6e circonscription de Haute-Garonne, remportée par 4 voix de différence par la candidate de la majorité présidentielle Monique Iborra sur celui de la NUPES Fabien Jouve. Même cas de figure dans la 8e de Seine-et-Marne où le NUPES Arnaud Bonnet a déposé un recours après avoir été battu de quatre voix par Hadrien Ghomi, de la majorité présidentielle.

    À Paris, la NUPES Caroline Mecary a également déposé un recours après sa défaite par 658 voix d’écart face au ministre chargé de l’Europe Clément Beaune . Éliminé au premier tour dans la 4e circonscription du Loiret, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a déposé un recours comme il l’avait annoncé.

    À noter que Francis Lalanne, le chanteur éliminé dès le premier tour dans la 3e circonscription de Charente où il a recueilli 2,1% des voix, a également saisi le Conseil.

    Retrouvez les résultats du second tour des législatives dans notre carte ci-dessous.

    Après examen des dossiers, le Conseil constitutionnel peut soit rejeter la contestation et valider l’élection, soit prononcer l’annulation de l’élection, soit réformer les résultats et proclamer élu un autre candidat (ce qu’il n’a jamais fait à ce jour). Il n’a aucun délai pour prendre sa décision.

    Un recours n’est pas suspensif et les députés dont l’élection est contestée peuvent siéger à l’Assemblée jusqu’à la décision du Conseil.

    À voir également sur Le HuffPost:

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      À quoi bon la Constitution aujourd’hui ?

      Gérard-Michel Thermeau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 25 January, 2021 - 04:45 · 3 minutes

    constitution

    Par Gérard-Michel Thermeau.

    À quoi sert la Constitution ? La question mérite d’être posée en nos temps covidiens.

    Autrefois, la Constitution servait à limiter le pouvoir arbitraire des Princes . Depuis quelque temps, elle était au service des Princes pour mieux étendre leur périmètre d’intervention. Aujourd’hui, la Constitution n’est plus qu’un chiffon de papier.

    En effet, en dépit de tous les changements apportés au texte par des Congrès successifs tenus à Versailles, la charte constitutionnelle apporte trop d’entraves à l’action sans frein des gouvernements. Même le fameux article 16, qui faisait tant peur autrefois par ses pleins pouvoirs exceptionnels, imposait la réunion du Parlement de plein droit et limitait à 30 jours d’exercice la situation d’exception .

    Cela impose trop de contraintes visiblement pour l’exécutif à l’heure actuelle.

    Aussi, vivons-nous, depuis le premier confinement, sous le régime de l’arbitraire. Le Parlement s’est dépossédé de toutes ses prérogatives au profit de l’exécutif qui agit à sa guise. Dès lors à quoi bon maintenir la fiction constitutionnelle ?

    Comme malgré tout, les apparences sont primordiales, je propose de remplacer le texte actuel, devenu de plus en plus verbeux au fil du temps, par une nouvelle mouture. On pourrait l’appeler la Constitution de l’an I de l’État d’exception permanent. Je l’offre gratuitement au gouvernement.

    Il y a, comme chacun sait, dans chaque Français un constitutionaliste qui sommeille. Ma Constitution offre cependant un avantage sur tant d’autres textes : elle est déjà en partie appliquée.

    Art 1 : La France est une république démocratique, sociale, solidaire et écologiste. Tous les citoyens sans distinction de genre, d’ethnie, de religion sont égaux en charges, devoirs et obligations.

    Art 2 : Les droits humains étant incompatibles avec les droits de la Nature sont irrévocablement abolis.

    Art 3 : L’état d’exception devient la norme de la République pour répondre aux défis environnementaux, sanitaires et terroristes.

    Art 4 : Le président de la République sera élu tous les cinq ans au suffrage universel direct.

    Art 5 : Pour bénéficier du droit de vote, les Français devront être munis d’un passeport sanitaire, d’un bilan carbone répondant aux normes en vigueur et d’un certificat de civisme établis par le préfet de leur lieu de résidence.

    Art 6 : La société française ayant cessé d’être une société d’individus libres mais une société solidaire, toutes les autres élections sont abolies.

    Art 7 : Le président de la République nommera à sa discrétion un Premier ministre et des ministres pour la gestion des affaires courantes. Il pourra les renvoyer à sa guise.

    Art 8 : Le président de la République nommera un Conseil de défense qui sera chargé de prendre les mesures nécessaires à la protection et à la santé des Français.

    Art 9 : Chaque année, un Comité citoyen sera tiré au sort sur des listes établis par les Comités de surveillance écologique, responsable, solidaire et sanitaire. Ces listes devront refléter fidèlement les différentes catégories représentatives de la société. Ce comité, après après pris connaissance des avis des experts gouvernementaux, votera le budget tel qu’il est présenté.

    Art 10 : Chaque année, le président pourra faire désigner un Comité Citoyen, selon les modalités précisés à l’article 8, pour se prononcer sur le sujet de son choix. Ce Comité approuvera les propositions préparées par les experts gouvernementaux.

    Art 11 : Dans le cas où le Comité citoyen refuserait d’approuver les textes gouvernementaux, ceux-ci seraient transmis à la Commission des libertés de l’Union européenne pour les faire approuver par le Comité citoyen européen.

    Art 12 : La gestion des affaires locales sera confiée à des Comités de citoyens tirés au sort sur les listes établis par les Comités de surveillance écologique, responsable, solidaire et sanitaire. Ces Comités locaux seront soumis à l’étroite tutelle des préfets.