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      Les deux mots les plus importants de « Jurassic World Dominion »

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 25 February, 2023 - 03:30 · 8 minutes

    Par Jon Miltimore.

    Lors d’un récent voyage en avion, j’ai pu voir le dernier volet de la franchise Jurassic Park : Jurassic World Dominion.

    Le film écrit par Emily Carmichael, Colin Trevorrow et Derek Connolly a été bien accueilli par le public – il a obtenu un score de 77 % sur Rotten Tomatoes et a rapporté 376 millions de dollars au box office – mais a été largement critiqué après sa sortie en juin 2022.

    Adam Nayman, de The Ringer , l’a trouvé « trop long et sans âme », rejoignant ainsi le sentiment de Kyle Smith, du Wall Street Journal, qui l’a qualifié « d’extravagance d’effets à 165 millions de dollars […] construite sur un scénario digne d’un jeu de société ».

    Peut-être suis-je juste une personne sensible à un film d’action décent mettant en scène des dinosaures, mais j’ai trouvé le film plutôt bon et pas seulement parce que le dernier volet rassemble tous nos personnages préférés de la franchise. Comme dans les films précédents, Sam Neill, Jeff Goldblum et Laura Dern reprennent leurs rôles d’Alan Grant, Ian Malcom et Ellie Sattler. Mais cette fois, ils sont tous dans le même film et rejoints par les sympathiques nouveaux venus Owen Gracy (Chris Pratt) et Claire Dearing (Bryce Dallas Howard).

    Cela fait beaucoup de vedettes pour un seul long métrage, mais Trevorrow (qui a également réalisé le film) fait un travail d’orfèvre en tissant les intrigues dans une intrigue captivante et pertinente pour le monde actuel.

    Un méchant familier

    Comme toute bonne science-fiction, Dominion nous oblige à réfléchir sérieusement aux questions éthiques entourant la science, le choix, le pouvoir, et la responsabilité individuelle.

    Au tout début du film, nous voyons que le rêve de John Hammond d’exploiter le pouvoir de la génétique pour ramener au présent les créatures de l’ère jurassique ne s’est pas déroulé comme prévu (comme c’est le cas pour tant de plans).

    Le monde que nous voyons ressemble vaguement à celui que l’on voit dans les films d’apocalypse zombie, sauf que les humains doivent affronter des dinosaures, pas des zombies. Les gouvernements et les mégacorporations continuent d’essayer de répondre aux nouvelles menaces que l’humanité a créées par son orgueil, un peu comme le Dr Frankenstein et son monstre, mais sans grand succès.

    Le film suit l’histoire d’une puissante société, Biosyn, qui a le monopole de la création de l’ADN des dinosaures. Son PDG est le Dr Lewis Dodgson, qui utilise son monopole non seulement pour créer de nouvelles espèces de dinosaures, mais aussi pour créer une catégorie de super sauterelles transgéniques bizarres qui dévorent les cultures de sociétés agricoles rivales.

    Si le nom de Dodgson vous semble familier, c’est normal. Dodgson était en fait le méchant du premier Jurassic Park , du moins d’une certaine manière. Dans l’une des scènes les plus mémorables du film, il rencontre secrètement le programmeur informatique mécontent de Jurassic Park, Dennis Nedry (joué par Wayne Knight, célèbre dans la série Seinfeld ), afin d’acheter illégalement les embryons viables que Nedry a l’intention de voler à Hammond.

    L’éthique de deux petits mots

    Des décennies plus tard, Dodgson (Campbell Scott) a grandi. Il a délaissé sa casquette d’agent secret et ses lunettes de soleil pour une chemise noire et un pull gris. Avec ses cheveux argentés et ses lunettes rectangulaires cerclées de métal, il dégage une aura d’assurance et de pouvoir. Il est conforme à ce qu’on pourrait imaginer d’un PDG maléfique si on mélangeait l’ADN de Bill Gates et de Steve Jobs.

    Grâce à son pouvoir sans partage, Dodgson a fait de Biosyn une entreprise suffisamment puissante pour contrôler l’approvisionnement alimentaire mondial et, lorsque les choses tournent mal, de risquer l’extinction du genre humain.

    Heureusement, les gentils ne vont pas laisser cela se produire.

    Après avoir reçu un tuyau de son vieil ami Ian Malcom, qui conseille Biosyn, Ellie Sattler décide de rendre visite à Alan Grant, un autre ami à qui elle demande de l’aide afin d’obtenir des preuves ADN du complot fomenté par Dodgson. Une visite des installations est organisée. Sur place, ils entrent en contact avec Owen et Claire, dont la fille adoptive Maisie Lockwood – la fille de la généticienne décédée Charlotte Lockwood – a été enlevée par Biosyn parce que son ADN détient la clé pour empêcher la catastrophe mondiale.

    C’est le résumé vite fait de Dominion . Bien sûr, il y a beaucoup de scènes d’action, de poursuites de dinosaures et d’évasions rocambolesques dont certaines sont bien filmées et super effrayantes. C’est assez amusant et ressemble beaucoup à un mélange de Mission Impossible , Indiana Jones et World War Z avec des créatures préhistoriques.

    Pour moi, la scène la plus importante se situe vers la fin, lorsque le Dr Henry Wu, un scientifique de Biosyn, surgit pour demander l’aide de Maisie. Les sauterelles ne peuvent être arrêtées qu’à condition qu’il puisse étudier ses gènes pour découvrir comment la mère de Maisie a séquencé ses cellules pour réparer son ADN. (Charlotte, l’une des plus grandes généticiennes de son temps, a corrigé l’ADN de sa fille pour lui permettre une vie épanouie et saine).

    Nous connaissons déjà Wu. Il est le généticien qui a littéralement donné vie aux dinosaures dans le premier film, mais il n’est plus le jeune scientifique arrogant qui a exprimé son mépris lorsque Ian Malcom a suggéré que « la nature trouverait un moyen » de créer spontanément la vie à Jurassic Park, même si les dinosaures étaient tous conçus pour être des femelles.

    Wu est maintenant un homme brisé. Il est vieux et débraillé et semble à moitié fou. Mais il semble vouloir sincèrement aider. La façon dont il veut « étudier » l’ADN de Massie n’est pas claire, et après avoir été kidnappée et retenue captive par Biosyn, elle n’a aucune raison de lui faire confiance.

    Massie résout pourtant le dilemme moral de savoir si Biosyn peut effectuer des tests sur elle pour sauver le monde, et elle le fait avec deux mots simples : « C’est OK. »

    Elle poursuit en expliquant que permettre à Wu de l’étudier est ce que sa mère aurait voulu.

    C’est peut-être la scène la plus importante du film, mais il ne s’agit pas d’une question de génétique ou même de science, mais d’une question morale. Massie donne son accord pour être étudiée par Wu afin qu’il tente de corriger le désordre qu’il a créé. (son ADN lui indiquera comment ramener les Super Locustes à la normale).

    L’éthique du consentement

    Tout au long de Dominion , les spectateurs assistent à beaucoup de scènes de violence, et ce ne sont pas seulement des dinosaures qui déchirent les humains. Ceux-ci s’agressent, s’intimident et se massacrent les uns les autres. Nous voyons des vols et des enlèvements. Comme dans le monde des dinosaures, ce sont généralement les puissants qui s’en prennent aux plus faibles.

    Ce n’est pas comme ça que c’est supposé être. L’une des choses qui nous séparent en tant qu’humains du règne animal (en théorie du moins), c’est que la puissance ne nous définit pas. Dans le cadre fondamental du contrat social, les humains peuvent commercer et donner les uns aux autres mais ne doivent pas s’agresser mutuellement.

    Pour reprendre une expression populaire : nous ne pouvons pas blesser les gens ou prendre leurs biens, du moins pas moralement.

    En d’autres termes, il s’agit d’un système fondé sur le consentement mutuel. C’est le fondement du capitalisme et d’une société morale, expliquait le fondateur de FEE, Leonard Read, dans son livre Deeper Than You Think , publié en 1967.

    « Aucune personne, ni aucun groupe de personnes, quel que soit leur nombre, ni aucune société qu’elles pourraient créer […] n’a de droit de contrôle sur une autre personne qui n’existe pas ou qui n’est pas inhérent à chaque individu en tant que droit moral. Le seul droit moral de contrôle d’un individu sur un ou plusieurs autres est un droit défensif, c’est-à-dire le droit de repousser des actions agressives ou destructrices. Par conséquent, les gouvernements ne devraient pas aller plus loin dans le contrôle des individus que ce qu’ils organisent et délimitent moralement eux-mêmes […] En bref, il faut limiter le pouvoir gouvernemental à ce qui est conforme à la défense de la vie et des moyens de subsistance, à la protection de tous les citoyens de manière égale. »

    Notez que Read ne dit pas ici que le choix et le consentement disparaissent si les politiciens décident que quelque chose est dans votre meilleur intérêt, ou qu’une action particulière sert un plus grand bien.

    S’il suffisait de servir un intérêt supérieur pour invalider le consentement, Dodgson serait légitime à kidnapper Massie pour que Wu étudie ses gènes afin de sauver potentiellement la vie de milliards de personnes.

    En disant simplement « C’est OK », Massie résout ce conflit moral. Et sa décision nous rappelle qu’une société morale protège le droit des individus à choisir et ne viole pas leurs droits par la contrainte, collective ou autre.

    Au lendemain d’un effort mondial inhumain pour faire exactement cela – tout cela pour le plus grand bien, évidemment – c’est une éthique dont nous ferions bien de nous souvenir.

    Traduction Contrepoints

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      Mathias Poujol-Rost ✅ · Monday, 6 December, 2021 - 21:38 edit

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    «Lorsqu'elles disent “non”, les femmes pensent “oui”»: le déni du consentement, une tradition bien ancrée
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      Abus sexuels sur les enfants : un tournant bienvenu

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 26 January, 2021 - 04:00 · 6 minutes

    abus sexuels

    Par Patrick Aulnas.

    Des livres récents ont mis en lumière la fréquence des abus sexuels sur les enfants ou adolescents. Leur nombre est très incertain puisqu’ils sont en général non judiciarisés mais il ne fait aucun doute que ces abus sont à plus de 90 % le fait des hommes.

    Deux livres récents défrayent l’actualité parce qu’ils concernent des personnalités connues. Le livre de Vanessa Springora, Le consentement , met en lumière l’insuffisance du régime juridique actuel du consentement lorsqu’une jeune adolescente de 14 ans se trouve confrontée à un homme beaucoup plus âgé. Quant au livre de Camille Kouchner, La Familia grande , il aborde le problème de l’ inceste sur un adolescent de treize ans.

    Ce bref article cherche à placer la problématique dans un cadre historique. D’où vient-on ? Vers quoi doit-on se diriger ?

    Depuis que le monde est monde

    Il est bien difficile, voire impossible, de savoir si les abus sexuels sur les enfants étaient fréquents durant les siècles passés chez le bourgeois ou le paysan. Mais en ce qui concerne les souverains, certaines pratiques sont connues. Les puissants ont toujours profité de leur puissance pour s’affranchir de la loi commune. Et lorsque leurs tendances les portaient vers la jeunesse, ils n’hésitaient pas.

    L’empereur romain Auguste (63 av. J.-C. -14 ap. J.-C.) faisait défiler devant lui de très jeunes filles et faisait son choix. Il n’était évidemment pas question de discuter. Louis XV (1710-1774) avait un véritable harem dans un quartier de Versailles dénommé Parc-aux-Cerfs. Les élues étaient en général très jeunes. Un tableau célèbre de l’une d’elle, L’Odalisque blonde , a même été peint par François Boucher.

    Louis XV ne s’intéressait pas aux enfants mais pouvait être séduit par une très jeune fille. Le contexte de l’époque était évidemment à des années-lumière du nôtre. Le droit canonique fixait l’âge du mariage à 12 ans pour les filles. Les femmes avaient, à peu de chose près, un statut juridique de mineures à vie.

    Les riches bourgeois des siècles passés n’hésitaient pas à choisir une « soubrette » attirante dans leur domesticité et son jeune âge n’était pas un obstacle. Elle devait se soumettre ou se démettre. Mais quitter un emploi sans recommandation présentait un risque pour en trouver un autre.

    Quant à l’inceste, il a toujours existé mais la morale commune voulait qu’on le taise. D’abord, il fallait laver son linge sale en famille. Et la sexualité faisait éminemment partie du linge sale puisque le christianisme la considérait comme le mal initial ayant entrainé la chute de l’Homme. Au sein même de la famille, personne n’aurait osé aborder verbalement le sujet.

    L’inceste étant un interdit fondamental lié à la pérennité de l’espèce humaine ; braver cet interdit constituait une monstruosité provoquant la sidération et le silence.

    Révolution sexuelle et limites du possible

    Dans la seconde moitié du XXe siècle, des changements fondamentaux se sont produits en Occident. La vieille éthique chrétienne s’effondre. Elle considérait la sexualité humaine comme un danger qu’il fallait canaliser par le mariage à vie d’un homme et d’une femme.

    La « libération  sexuelle » écarte cette morale et prône la jouissance sans entrave, devenue possible avec les progrès de la contraception. Procréation et sexualité sont désormais dissociées.

    À partir de la fin des années 1960, certaines personnes ont cherché les limites de cette liberté nouvelle. Tout était-il possible ? Restait-il des interdits ? Y avait-il une frontière à ne pas franchir ? Le climat général dans l’ intelligentsia poussait à l’expérimentation. Livres, articles, pétitions encourageaient parfois les relations sexuelles entre adultes et enfants.

    Elles étaient analysées comme un domaine à explorer, un interdit à transgresser. Elles sont évidemment restées le fait de petites minorités pour une raison toute simple : la plupart des adultes n’éprouve aucune attirance sexuelle envers un enfant.

    Il n’empêche qu’à cette époque (années 1970-80) certains voyages organisés vers la Thaïlande avaient de facto pour but le tourisme sexuel. La prostitution des enfants était courante dans les grandes villes de ce pays et de nombreux pédophiles effectuaient le voyage. Tout cela se savait mais était largement admis et même sujet de plaisanteries.

    La psychologie restait à cette époque ambiguë sur la sexualité adulte-enfant. Il n’y avait pas unanimité comme aujourd’hui pour réprouver ce type de relations. Depuis cette époque, les dégâts irréparables causés à l’enfant ou au jeune adolescent abusé par un adulte ont été analysés. Mais disons-le sans ambages, ce n’était pas du tout le cas il y a cinquante ans. Les limites du possible n’avaient pas été vraiment fixées.

    Et maintenant ?

    Il est heureux que ces limites fassent aujourd’hui l’objet de réflexions juridiques. Mais si cette étape peut advenir, c’est d’abord parce que les questions portant sur l’inceste et la sexualité enfant-adulte ont pu être posées de façon rationnelle.

    La libération sexuelle et ses débordements ont-ils constitué une étape préalable à une réflexion sereine ? Ce n’est pas impossible.

    Nous savons désormais que ces relations sont abusives et résultent de l’emprise psychologique d’un adulte sur un enfant ou un adolescent. Nous savons également qu’elles provoquent des traumatismes psychologiques irréversibles.

    Le premier problème a trait à la notion de consentement. Ce concept est très ancien en droit et parfaitement étayé dans le domaine contractuel. Il existe des vices du consentement : l’erreur, le dol, la violence. Mais cela est très insuffisant lorsqu’un adulte utilise son expérience pour faire naître une emprise psychologique.

    Pour un jeune enfant (pré-pubère), il va de soi qu’il y a toujours absence de consentement puisque la compréhension de ce qui lui est proposé ne peut exister. Pour un adolescent, le problème est extrêmement délicat et renvoie à la fixation d’un âge du consentement. 13 ans, 15 ans ? Les débats sont en cours. Il ne faudrait pas évidemment qu’un jeune homme de 18 ans soit pénalement sanctionné parce qu’il a eu des relations avec sa petite amie de 15 ans. Une réflexion approfondie entre spécialistes du sujet (juristes, psychologues, médecins etc.) est donc nécessaire.

    Le second problème concerne l’inceste qui n’est pas aujourd’hui une infraction spécifique dans le Code pénal français mais seulement une circonstance aggravante en cas d’abus sexuel. Il est probable que l’on s’orientera vers la création d’un crime d’inceste. Il reste à le définir juridiquement et à prévoir les sanctions encourues.

    Nous sommes donc sur la bonne voie. Il ne s’agit plus de se limiter à des préceptes éthico-religieux comme par le passé, ni de faire n’importe quoi sous couvert de liberté comme à la fin du XXe siècle.

    Nous devons désormais protéger l’intégrité des enfants et adolescents contre les abus de certains adultes. Car la jeunesse est fragile et manipulable. Rien n’est plus méprisable que d’abuser de la confiance dont elle nous honore.