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      Le retour en grâce du contrôle des prix

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Thursday, 1 December, 2022 - 17:13 · 8 minutes

    Le maintien de la stabilité des prix constitue le cœur du mandat des banques centrales. Mais les caractéristiques de l’inflation actuelle, causée par la hausse des prix l’énergie, place les autorités monétaires dans l’inconfort . Celles-ci sont en effet moins bien outillées pour faire face à des chocs d’offre qu’à des chocs de demande. À l’image du bouclier tarifaire français, du Inflation Reduction Act de l’administration Biden et des débats en cours au niveau européen pour plafonner le prix de l’énergie, les incursions des autorités budgétaires dans le domaine réservé des banques centrales se multiplient, jusqu’à réhabiliter une notion que d’aucuns qualifieraient de désuète : le contrôle des prix. Pourtant honni par les modèles micro-économiques classiques et jugé inefficace pour lutter contre l’hyperinflation des années 1970, le contrôle des prix retrouve aujourd’hui ses lettres de noblesse. Un retour qui fait écho à un autre épisode de l’histoire économique : le « Emergency Price Control Act » de 1942, par lequel l’administration Roosevelt a bloqué les prix des produits de première nécessité pour accompagner l’effort de guerre. Article du think-tank Hémisphère Gauche, publié sur Alternatives Economique s.

    Une inflation par l’offre qui alimente le risque de récession

    L’inflation que connaît actuellement la zone euro est tirée par des facteurs d’offre. Contrairement à une inflation par la demande (c’est-à-dire une augmentation des salaires nominaux ou une politique de crédit expansionniste à volume de production égal), l’inflation actuelle a pour origine l’augmentation du coût des intrants, en particulier celui de l’énergie.

    Selon Eurostat, en glissement annuel, l’inflation s’établit à 9,1 % en zone euro en août. Mais sa décomposition reflète des différences importantes entre items : l’augmentation de l’indice des prix atteint 38,3 % pour l’énergie contre seulement 3,8 % pour les services. L’affaiblissement de l’euro face au dollar à un point bas historique renforce cette dynamique : les biens importés en dollar, dont l’énergie, voient leurs prix augmenter.

    Source : Eurostat

    Malgré l’augmentation des salaires nominaux, ceux-ci peinent à suivre l’inflation. Ainsi, les revenus réels s’effondrent en zone euro, laissant présager une chute de la demande adressée aux entreprises. La survenance d’une récession paraît dorénavant inévitable : l’agence de notation Fitch Ratings prévoit une diminution de 0,1 % du PIB de la zone euro en 2023.

    Dans l’UE, conformément à l’article 127 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’objectif principal de la Banque centrale européenne (BCE) est de maintenir la stabilité des prix. C’est seulement sans préjudice de cet objectif que la BCE peut également apporter son soutien aux politiques économiques générales de l’Union, dont le « plein emploi » (article 3 du TUE).

    L’inflation que connaît actuellement la zone euro et qui perdure depuis le début de la guerre en Ukraine incite la BCE à agir. L’objectif de 2 % contenu dans sa stratégie de politique monétaire doit rester le point d’ancrage des anticipations d’inflation. Or, il existerait un risque de désencrage, y compris parmi les « financially litterate people ». Selon Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE , cela oblige l’autorité monétaire à prendre ses responsabilités, au risque sinon d’être discréditée dans son objectif de stabilité des prix et d’enclencher un cycle d’inflation auto-entretenu. C’est en ce sens que la BCE a relevé ses taux directeurs de 0,75 point le 27 octobre, puis à nouveau de 0,75 point le 2 novembre ; des niveaux inédits depuis 2008.

    Des banques centrales en zugzwang

    En renchérissant le loyer de la monnaie, la banque centrale retire un soutien important à l’économie européenne alors qu’une récession approche probablement. D’où l’expression de « zugzwang » employée par l’économiste Daniela Gabor dans une tribune dans le Financial Times , qui se rapporte à une situation aux échecs, où un joueur est obligé de jouer un coup qui le fera nécessairement perdre ou dégradera sa position.

    C’est finalement la situation peu enviable dans laquelle se trouve la BCE, obligée d’augmenter les taux pour répondre à son mandat, au risque de provoquer ou d’aggraver la récession. Se pose alors la question du contrôle des prix, en particulier des biens de première nécessité, pour lutter contre l’inflation tout en préservant l’activité économique. Une manière pour les gouvernements de venir en appui à la banque centrale, en s’attribuant un objectif de stabilité des prix sans assécher l’accès au crédit.

    Le contrôle des prix : une mesure hasardeuse ?

    Pour quiconque dispose de notions basiques de microéconomie, le contrôle des prix inspire peu confiance. En fixant un prix au-dessous du prix du marché, le contrôle des prix éloigne des producteurs du marché. Cela se traduit au global par une perte sèche pour l’économie, malgré un effet redistributif a priori favorable aux consommateurs, qui affecte les producteurs (moins de ventes signifie moins de revenus pour les offreurs), mais également les consommateurs (une partie de la demande, à savoir les consommateurs prêts à accepter un prix supérieur au prix fixé, devient non-satisfaite).

    Courbes d’offre (S) et de demande (D) sur un marché avec une demande inélastique et une offre contrainte.

    Outre l’approche théorique, des expériences historiques tendent à discréditer le recours au contrôle des prix. C’est le cas du gel du prix de l’essence instauré aux États-Unis sous l’administration Nixon en 1971, lors de l’abandon des accords de Bretton-Woods. Cette mesure est vue comme un échec , tant elle est associée à des pénuries et de multiples déboires bureaucratiques. En France, le contrôle des prix défendu par Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle 2022, et aujourd’hui par la NUPES, est parfois décrit comme une proposition irréaliste, une sorte de fantasme d’extrême-gauche inapplicable en réalité.

    Il apparaît cependant que le marché des biens de première nécessité présente des caractéristiques particulières, qui justifie dans certaines circonstances de recourir au contrôle des prix. Comme le montre l’économiste Sam Levey , dans le cas du marché de l’énergie, la demande (D) est plus pentue que sur un marché classique. L’énergie constitue en effet le bien de consommation inélastique par excellence : une forte variation du prix n’a qu’un impact négligeable sur la variation de la consommation d’énergie, car celle-ci répond à des besoins de première nécessité. Côté offre (S), la quantité produite n’augmente pas fonction du prix, car la production est techniquement contrainte à court terme. Les hausses de prix reflètent en revanche la position de rente des producteurs, si bien que le blocage des prix peut conduire à une redistribution du surplus très largement favorable aux consommateurs, pour une perte sèche globale limitée.

    Les conditions d’un contrôle des prix réussi

    Face au dilemme des banques centrales, des économistes et chercheurs de renom se sont interrogés publiquement sur le recours au contrôle des prix. La guerre en Ukraine, et ses effets sur le prix du gaz en Europe, a rebattu profondément les cartes d’un débat qui jusque-là donnait très peu de crédit aux partisans d’une intervention directe sur les prix.

    Ainsi même Paul Krugman (prix Nobel d’économie 2008, ndlr), au départ très critique, se montre dorénavant plus ouvert à l’idée d’un contrôle des prix dans le contexte européen. Laisser les forces du marché opérer l’ajustement par les quantités lui paraît « grotesquement inéquitable », au sens où, pendant ce temps, les profits colossaux engrangés par les producteurs d’énergie se font sur le dos des familles et des entreprises. Si reverser des chèques ciblés aux ménages paraît tentant sur le papier, Krugman souligne qu’à revenu égal, des ménages peuvent avoir des besoins énergétiques diamétralement différents – rendant cette solution complexe à mettre en œuvre. D’où le recours nécessaire des démocraties au contrôle des prix en temps de guerre.

    Isabella M. Weber et Meg Jacobs ont quant à elles publié une tribune dans le Washington Post en août 2022 explicitement favorable au contrôle des prix. Elles reviennent sur l’expérience du « Emergency Price Control Act » de l’administration Roosevelt pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour les auteures, l’efficacité du contrôle des prix dépend d’une mobilisation entière de l’économie autour d’un discours politique clair et cohérent. Ceci expliquerait la réussite de la méthode Roosevelt dans la lutte contre l’inflation, à rebours du contrôle des prix opportuniste à la Nixon qui n’y aurait eu recours qu’à des fins électorales. Or le choc inflationniste actuel provoquerait selon elles un momentum rooseveltinen susceptible de coaliser des groupes sociaux hétérogènes – les ménages modestes et les entreprises puissantes fondées sur un modèle low-cost – autour de la lutte contre l’inflation.

    L’argumentation dans cet éditorial paraît pour le moins légère : difficile de croire que l’échec ou la réussite d’un contrôle des prix ne tienne qu’à des considérations d’économie politique ou à la personnalité des décideurs. En ce sens, le texte ne rend pas hommage à la profondeur du travail mené par Isabella M. Weber sur le modèle de développement chinois, qui a reposé sur une ouverture lente et progressive de ses marchés, à l’opposé de la « thérapie de choc » appliquée dans les pays d’ex-URSS.

    Cette contribution a néanmoins le mérite de mettre en lumière un épisode méconnu de l’histoire américaine – le contrôle des prix de Roosevelt – qui nous invite à comparer les bénéfices et coûts engendrés par les outils classiquement recommandés face à l’inflation comme la hausse des taux directeurs et la baisse de la dépense publique, par rapport à des mesures alternatives mais plus efficaces dans certaines circonstances.

    Une ode à l’ouverture intellectuelle, en somme : le débat académique doit toujours montrer aux citoyens et décideurs politiques l’étendue des choix possibles.

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      Comment le respect du prix du marché maximise les échanges

      Hadrien Gournay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 5 November, 2022 - 03:30 · 11 minutes

    Face aux velléités de contrôle des prix dans les pays développés et devant leurs résultats désastreux dans certains pays en développement, les libéraux ont une attitude constante : rappeler que fixer les prix à un niveau inférieur à celui du marché conduit inéluctablement à rendre les biens disponibles en moins grande quantité pour le consommateur.

    Cette vérité ne fait cependant pas percevoir avec suffisamment de clarté la raison pour laquelle le prix du marché serait par nature préférable au prix que l’autorité serait tentée de lui substituer. Cette critique des prix administrés énonce que les produits seront rendus plus disponibles à mesure qu’ils s’approcheront du prix du marché. En revanche, elle ne permet pas de comprendre pourquoi la hausse des prix n’aurait plus cet effet au-delà de ce niveau. Un interventionniste malin pourrait demander ironiquement ce qui fait qu’on s’arrête en si bon chemin…

    Pour résoudre ce problème, nous rappellerons pourquoi laisser les prix se former librement par le jeu de l’offre et de la demande contribue à rendre le plus grand nombre d’échanges entre protagonistes du marché possible, notion très proche de celle de « meilleur prix ».

    Après avoir développé le raisonnement qui permet d’arriver à ce principe général, nous tenterons d’en évaluer les implications politiques, en étudiant les cas où il s’applique manifestement et en réfléchissant aux exceptions possibles.

    Prix du marché et nombre d’échange optimal

    Le prix du marché est celui où les échanges sont les plus abondants parce que 1°) le prix où l’offre et la demande s’équilibrent est celui où les échanges réalisés sont les plus abondants et 2°) que le prix du marché est celui où l’offre et la demande s’équilibrent.

    1- Le prix où l’offre et la demande s’équilibrent est celui où les échanges réalisés sont les plus abondants.

    Intentions de vente et d’achat correspondent au fait de manifester la volonté de vendre ou d’acheter un produit à un prix donné. À mesure que le prix augmente, les offres de vente augmentent et les offres d’achat diminuent. Le prix d’équilibre est celui où les courbes se croisent et où les vendeurs sont aussi nombreux que les acheteurs.

    Comme il faut être deux pour conclure un contrat, le nombre de contrats réellement finalisés à raison d’un prix donné correspond toujours à celui de la catégorie d’offre la plus faible pour ce prix, qu’il s’agisse des offres de vente ou des offres d’achat.

    Or, le prix d’équilibre est, par rapport aux autres prix, celui dans lequel la catégorie la plus faible est la plus élevée. En effet, si le prix était plus haut, le nombre d’acheteurs diminuerait nécessairement et inversement le nombre de vendeurs si le prix était plus bas.

    Le prix d’équilibre est celui où la catégorie la plus faible est la plus élevée, et c’est le niveau de la catégorie d’offre la plus faible qui détermine le nombre de contrats conclus.

    C’est donc au prix d’équilibre que le nombre de contrats conclus sera le plus grand.

    Comment des graphiques permettent-ils de visualiser ces raisonnements.

    Ce premier graphique montre pour un produit quelconque les intentions de vente et d’achat d’un produit donné en fonction du prix.

    Intentions de vente et d

    Ce second graphique présente le nombre de contrats effectivement conclus en fonction des données du précédent graphique :

    Nombre de transactions en fonction du prix

    2 – Lorsque les prix sont formés librement dans les conditions du marché, offre et demande s’équilibrent.

    Si pour un prix donné il y a plus de producteurs que d’acheteurs, les producteurs baisseront leurs prix (où iront vers d’autres productions s’ils ne peuvent être rentables). Les consommateurs seront plus nombreux, jusqu’à ce qu’offre et demande s’équilibrent.

    S’il y a plus de consommateurs que d’acheteurs, les producteurs peuvent augmenter leur prix et/ou leur production. Les consommateurs seront moins nombreux, jusqu’à ce qu’offre et demande s’équilibrent.

    Le prix du marché est celui qui permet aux parties, vendeurs comme acheteurs de conclure un contrat le plus facilement.

    Cela nous permet de répondre à la question que nous avions soulevée en introduction concernant les consommateurs, et de préciser la raison pour laquelle il est inutile d’augmenter le prix au-delà du marché. Tant que le prix d’équilibre n’est pas atteint, l’augmentation du prix est intéressante pour les consommateurs car elle augmente les biens disponibles et le nombre de contrats conclus, ce qui fait plus que compenser l’inconvénient que l’augmentation du prix présente par elle-même. En revanche, à partir du prix d’équilibre, attirer plus de producteurs n’est pas intéressant à partir du moment où ceux-ci deviennent plus nombreux que les acheteurs. La pénurie ayant déjà disparu, l’augmentation des prix n’a plus les effets positifs qu’elle avait à cet égard et seuls ses défauts demeurent. Tant que les prix sont inférieurs au prix du marché, les consommateurs sont intéressés par des produits qui ne sont pas disponibles, au-delà, la disponibilité des produits augmente mais les consommateurs ne sont plus intéressés par cette disponibilité accrue.

    Nous pourrions faire des commentaires identiques si nous prenions en compte l’intérêt des producteurs.

    3 – Correctifs

    Ensuite, il faut faire deux correctifs aux explications précédentes (et notamment aux graphiques) pour les approcher des situations réelles.

    Dans la réalité, il n’y a pas réellement un prix du marché mais autant de prix que de producteurs en raison de leurs contraintes spécifiques ; et l’autorité fixe le plus souvent un prix maximum ou minimum. Dans ce cas, le nombre de contrats conclus avec ces prix minimum ou maximum sera toujours inférieur au nombre de contrats qui auraient été conclus en dessous ou au dessus de ce prix.

    Ensuite, le graphique des intentions de vente et d’achat montre une symétrie entre vendeurs et acheteurs qui n’est pas présente dans la réalité pour la raison que les vendeurs anticipent le retrait des consommateurs lorsque le prix est trop élevé, ce qui fait que les intentions de vente devraient chuter au-delà du prix d’équilibre. Les consommateurs n’ont pas le même comportement quand les prix sont bas et restent en tout cas potentiellement intéressés. Pour justifier l’évolution de la courbe des intentions de vente lorsque le prix dépasse le prix d’équilibre il faudrait préciser que c’est pour le cas virtuel où dans l’esprit des producteurs cela ne modifierait pas les intentions d’achat par rapport au prix d’équilibre.

    Implications politiques

    Le principe connait de très larges applications dont les implications en termes de politiques publiques sont considérables. Il s’applique même au-delà de la question du prix à l’ensemble des obligations réciproques qui constituent l’équilibre d’un contrat. Chaque fois que le législateur où la puissance publique tentent de « rééquilibrer » un contrat en faveur d’une partie jugée « faible », il est presque certain de nuire aux intérêts de celle-ci.

    Les exemples les plus notables sont certainement ceux du marché de l’emploi, du logement ou des produits de première nécessité. Le contrôle des loyers réduit l’offre de logement, la législation du travail et les difficultés à licencier découragent l’embauche, le salaire minimum empêche l’emploi des moins qualifiés, la baisse des prix de produits de première nécessité est synonyme de pénurie.

    Voici une liste d’articles parus sur Contrepoints concernant ces questions :

    Marché du logement :

    Marché de l’emploi

    Produits de première nécessité

    Les limites et exceptions au principe

    Le principe selon lequel tenter de rééquilibrer par la loi un contrat est voué à l’échec est-il pour autant sans limite ?

    Il est possible que dans un secteur donné les prix permettent une rentabilité moyenne très élevée. Dans ce cas, même si leur bénéfice diminue un peu, poursuivre l’activité en question reste avantageux pour les producteurs. L’effet d’une baisse règlementaire de prix sur le volume des transactions ne serait-il pas supprimé ?

    En premier lieu, même si le profit moyen d’un secteur est très élevé, ce n’est pas nécessairement le cas de tous les acteurs de ce secteur. Il y aura bien un effet immédiat assez faible sur le volume des transactions.

    Ensuite et surtout, si un secteur offre des profits considérables et nettement supérieurs à ceux qui ont cours dans le reste de l’économie, de nombreux investisseurs tenteront de pénétrer le secteur. Si l’intervention publique réduit préalablement la rémunération du secteur par des prix imposés, ils seront dissuadés de le faire et de contribuer indirectement à modérer prix et profits. Au final, l’intervention publique aura bien réduit l’offre dans le secteur considéré par rapport à son potentiel, même si elle est quasiment restée stable dans le temps. C’est l’inverse pour les prix. Ceux-ci ont diminué dans le temps mais à terme leur niveau sera comparable à celui qui aurait été atteint sans intervention.

    Par ailleurs, le cas où la masse d’une catégorie de parties à un contrat donné (par exemple les consommateurs) n’est pas suffisamment consciente des termes du contrat dans lequel elle s’engage mérite d’être étudié. Cela peut-être le cas d’un contrat d’assurance dont la longueur des conditions générales dissuade un trop grand nombre de personnes d’en prendre sérieusement connaissance.

    A priori, le marché peut répondre à un trop grand avantage d’une catégorie à un contrat de deux manières : par la concurrence entre les acteurs déjà présents sur le marché en question, par la concurrence liée à l’introduction de nouveaux acteurs.

    Ces mécanismes risquent d’être grippés lorsque la comparaison des contrats nécessite un travail minutieux et que l’application de la clause en question crée un préjudice important mais trop rare pour inciter le consommateur moyen à faire jouer pleinement la concurrence.

    Du même coup, les entreprises ne seront guère incitées à conquérir des parts de marché en présentant un produit meilleur que leurs concurrents pour ce type de clauses : tant qu’il ne sera pas décidé à vérifier sérieusement l’information par lui-même, la communication sur la qualité du produit ne permettra guère au consommateur de savoir si celle-ci est réelle ou ne relève au contraire que de la communication.

    La concurrence liée à l’introduction de nouveaux accords peut alors avoir des effets bénéfiques. D’ailleurs, si le marché confère ainsi un tel avantage aux entreprises qui y sont présentes, il est à prévoir que de nouvelles entreprises seront attirées vers lui. Alors, si les acteurs du marché restent réticents à faire disparaitre ce type de clause, il est à prévoir que la concurrence diminuera leurs avantages sur d’autres aspects (par exemple, les prix). Tout est-il alors rentré dans l’ordre ? Non, car cet équilibre moyen n’est guère satisfaisant pour le consommateur pour qui la sécurité est un aspect très important.

    Il y aurait donc davantage d’arguments en faveur de l’intervention du législateur face à ce type de clause.

    La discussion peut être prolongée sous l’angle de la morale : le consommateur n’est-il pas responsable de s’informer des qualités des produits et services qu’il achète ? Et cela a des implications sur les effets d’une telle politique. Ces interventions ne risquent-elles pas de donner aux consommateurs le sentiment d’une protection destinée en réalité à rester trop incomplète pour n’être pas illusoire ? Mais les sociétés qui incluent de telles clauses dans les contrats qu’elles proposent ne comptent-elles pas sur l’ignorance de leurs clients sur ce qu’ils achètent réellement pour faire fructifier leurs affaires ? Une sanction n’est-elle pas aussi légitime qu’utile ?

    Un article publié initialement le 23 décembre 2014.