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      Les français n’ont plus les moyens d’acheter des jeux vidéo

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Tuesday, 28 March, 2023 - 12:00

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    Malgré des ventes plutôt satisfaisante, l'industrie du jeu vidéo avance à reculons dans l'Hexagone face au contexte économique actuel.

    Les français n’ont plus les moyens d’acheter des jeux vidéo

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      Qu’est-ce qui se passe quand le progrès humain s’interrompt ?

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 18 February, 2023 - 04:00 · 9 minutes

    Par Joakim Book.

    La vie sur Terre s’améliore progressivement , sous toutes ses formes. Les périodes sombres, comme celle que nous vivons actuellement, sont la principale raison pour laquelle c’est difficile à vendre pour la plupart des gens ; les crises énergétiques, l’inflation, les guerres, les déficits et les pandémies semblent suggérer que tout va mal. Lorsque certains (tel votre serviteur) répètent que factuellement la vie humaine s’améliore progressivement, ces déclarations tombent souvent dans l’oreille d’un sourd. Il semble au contraire que les choses n’ont pas l’air de s’améliorer. Il faut parfois prendre du recul pour voir le progrès, avancer de quelques décennies pour l’apprécier et accepter des compromis temporaires dans certains domaines.

    Certaines souffrent alors que d’autres ne souffrent pas ; certains groupes humains, certaines régions et certaines industries sont frappés par des chocs qui les déciment pour des générations. Certains pays sont passés de l’agriculture de subsistance à l’industrie lourde, puis à des centres de services financiers de premier ordre en l’espace d’une génération, et ont vu nombre de leurs tropes culturels anciens et précieux remplacés en un clin d’œil.

    L’être humain s’épanouit lorsque le prix des produits de première nécessité est bas. Aujourd’hui, les prix sont généralement élevés, comme le savent tous ceux qui font leurs courses ou qui sont confrontés à des factures d’électricité astronomiques. Dans un article plutôt sombre sur l’Amérique latine, The Economist a récemment noté que « ces neuf dernières années, la région n’a connu aucune croissance du PIB par personne. Les investissements ont chuté, la productivité stagne et la pauvreté a de nouveau augmenté ». Professer haut et fort un monde en constante amélioration semble irréaliste pendant une décennie de croissance stagnante.

    Depuis 2020, l’Europe est confrontée à un scénario quelque peu similaire (ou depuis 2012, si vous êtes en Italie ou en Grèce) : des prix des matières premières élevés et en hausse, des déficits et des excès gouvernementaux effrénés, une confiance des établissements qui n’a jamais été aussi basse, une accélération de l’endettement privé et des revenus (réels) qui stagnent ou diminuent. Aux États-Unis, les revenus réels n’ont pas bougé depuis trois ans, vacillant dans l’ivresse des paniques, des politiques gouvernementales en matière de revenus, de l’inflation et des pénuries qui ont suivi. La confiance dans les institutions est déjà terriblement faible, mais plus important encore, elle continue de diminuer.

    L’indice de liberté économique , publié chaque année par l’Heritage Foundation, a montré une forte baisse mondiale entre 2021 et 2022. Les économies du monde sont sensiblement moins libres que ces dernières années. La « bonne » nouvelle est que cela ne nous ramène qu’aux niveaux observés il y a une dizaine d’années. Pour certains pays, comme la Suède et l’Allemagne, la tendance à la hausse depuis les années 1990 reste intacte ; ces deux pays ont enregistré leur meilleur score en 2022. Pour les États-Unis et le Royaume-Uni, l’année 2022 a vu des scores inférieurs à ceux que ces pays avaient jamais connus.

    L’indice de liberté humaine , une mesure concurrente de l’Institut Fraser du Canada, est encore moins optimiste quant à l’évolution des libertés civiles dans le monde :

    « La liberté humaine s’est gravement détériorée à la suite de la pandémie de coronavirus. La plupart des domaines de liberté ont reculé, notamment l’État de droit, la liberté de mouvement, d’expression, d’association et de réunion, et la liberté de commerce. »

    Pessimisme perpétué et stagnation consolidée

    Qu’arrive-t-il à l’optimisme, à la raison, à la société, voire à la vie elle-même, lorsque le progrès humain s’arrête soudainement ? Le navire occidental a-t-il fait demi-tour ? « Le rêve est-il mort ? », se demandent les déclinistes depuis des temps immémoriaux.

    Pas nécessairement. Comme l’a récemment observé l’excellent analyste macroéconomique Lyn Alden :

    « Nous connaissons occasionnellement des périodes de repli et de désorganisation, et donc une baisse du niveau de vie, en raison d’un sous-investissement ou d’un mal-investissement ou de chocs externes. Les chaînes d’approvisionnement sont perturbées. Les produits de base connaissent des pénuries d’approvisionnement. Des guerres se déroulent. Parfois, les cultures se dégradent et réduisent leur taux d’innovation, ou dans un certain domaine la technologie atteint des limites inhérentes pendant un certain temps jusqu’à ce qu’une percée dans un autre secteur offre une autre opportunité d’amélioration. »

    L’entrepreneur américain et fervent partisan du bitcoin, Michael Saylor, a également parlé de manière assez passionnée, dans le podcast de Lex Friedman , des grandes réalisations de l’humanité :

    « Notre capacité à traverser l’océan, à faire pousser de la nourriture, notre capacité à vivre – c’est la technologie qui permet à la race humaine de passer, vous savez, d’une vie brutale où l’espérance de vie est de 30 à une vie où l’espérance de vie est de 80. »

    Peut-être n’avons-nous pas atteint la fin du progrès toujours plus grand que les économistes, les médecins et les chercheurs ont cartographié et décrit depuis des décennies.

    La réponse la plus équilibrée et la plus convaincante à l’accusation portée contre le progrès est que le jury n’a pas encore délibéré, même si un acquittement semble probable. Parfois, le progrès s’interrompt, même pendant de longues périodes, et jusqu’à présent, il est difficile de voir pourquoi la régression de l’époque actuelle devrait être considérée différemment.

    Considérez la destruction du capital et des ressources entre 1938 et 1945, sans parler des souffrances humaines causées par les bombardements, la pénurie et les camps de la mort. Le sommet que la civilisation avait atteint en 1913, en termes de culture, de richesse, d’art et de prospérité, a mis des décennies à être retrouvé après la première rencontre de l’humanité avec la guerre totale mondiale et les idéologies totalitaires au service d’un grand gouvernement.

    Même ainsi, les mouvements en faveur de l’égalité des sexes et des droits civiques n’ont pas sérieusement commencé avant un demi-siècle ; la plupart des améliorations mondiales en matière de santé, de richesse, de revenus et d’espérance de vie ont eu lieu après que les Européens et leurs alliés ont cessé de s’entre-détruire dans ce que l’historienne de l’économie Deirdre McCloskey appelle parfois la « guerre civile européenne, 1914-1989 ».

    Si vous étiez Chinois, les années 1950 ont été la décennie la plus désastreuse de votre vie, même si les termes utilisés pour décrire le Grand Bond en avant de Mao Zedong étaient synonymes de progrès et de réussite. Si l’on fait abstraction des nombreuses infractions actuelles de la Chine à l’encontre des droits de l’Homme, ce pays est aujourd’hui l’exemple le plus réussi de croissance et d’éradication de la pauvreté de l’histoire moderne.

    Si vous étiez Ukrainien pendant les purges de Joseph Staline dans les années 1930 (ou celles de Vladimir Poutine plus récemment), vous ne connaîtriez que le progrès de la mort, de la destruction et de la famine. Pendant environ une décennie dans les années 2000, l’Ukraine a été un miracle de croissance , se rapprochant rapidement des normes de vie européennes. Si nous endurons , la vie finit par s’améliorer – même cette fois-ci.

    Si vous êtes un Américain blanc, la hausse du taux de mortalité et la baisse subséquente de l’espérance de vie que le reste du monde a connues pendant la pandémie ont été votre réalité pendant près d’une décennie. Le chômage, la sous-éducation et les opioïdes sont généralement cités pour expliquer les morts de désespoir de l’Amérique blanche.

    Si vous êtes jeune en Grande-Bretagne et que nous prenons en compte les prix de l’immobilier, vous avez eu un revenu réel de ménage négatif pendant la majeure partie de votre vie professionnelle. Matériellement parlant, vous êtes à la traîne. Les appareils électroniques bon marché et l’effondrement du risque de mortalité infantile sont formidables mais ils ne sont pas d’un grand réconfort lorsque vous ne pouvez pas construire une vie qui s’approche de celle de vos parents .

    Tout ne va pas bien, et surtout, les flèches ne pointent plus dans la bonne direction. Quelque chose s’est brisé – que ce soit de notre propre main, par hasard, par technologie ou par un leadership incompétent. Ce que plus de deux siècles d’enrichissement mondial nous disent, c’est que parfois le progrès fait une pause. Parfois, les choses empirent – sérieusement – pendant un certain temps.

    Combattre le pessimisme est une tâche sans fin pour nous, les modernes. Même John Maynard Keynes a écrit en 1930 que « nous souffrons actuellement d’une mauvaise attaque de pessimisme économique ». Et Keynes et ses collègues théoriciens de l’économie avaient encore une décennie et demie de chaos, d’appauvrissement et de destruction à attendre, grâce à la Grande Dépression et à la Seconde Guerre mondiale.

    Puis la vie s’est améliorée. Beaucoup mieux.

    Personne, aujourd’hui ou lors de notre récent pic civilisationnel à la fin des années 2010, n’échangerait le confort matériel et les normes économiques d’aujourd’hui contre ce qui était considéré comme le nec plus ultra en 1930. « Sur mon lit de mort », déclare l’astrophysicien Neil DeGrasse Tyson dans son nouveau livre populaire intitulé Starry Messenger , « je serais triste de manquer les inventions et les découvertes ingénieuses qui découlent de notre ingéniosité humaine collective, en supposant que les systèmes qui favorisent ces avancées restent intacts ».

    L’accusation selon laquelle nous avons en quelque sorte brisé la force mystique qui a propulsé le progrès humain pendant des siècles est, au mieux, prématurée. Il se peut que nous en sortions plus forts, de l’autre côté du déclin actuel, si nous parvenons à en supporter les terrifiantes difficultés.

    Sur le web

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      La faillite de l’étatisme

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 2 January, 2023 - 04:30 · 9 minutes

    Les collapsologues ont tout à fait raison : nous vivons bien une période d’Apocalypse, à la nuance près que ce n’est pas la planète qui s’effondre, c’est l’État qui part en totale déconfiture.

    En quarante ans de « néolibéralisme » (entendez par là en quarante ans de soviétisation menée par des fils à papa parisiens pourris gâtés) la France s’est propulsée avec vigueur et confiance dans une trajectoire menant tout droit dans le mur.

    Le prétendument meilleur système de santé au monde est en fait un dispensaire qui ne tient que par miracle et par l’abnégation de plus en plus rare de soignants au bord de l’effondrement.

    Le pays des Lumières s’enfonce dans les classements sur l’éducation. L’illettrisme a doublé en un siècle et est passé de 3 % en 1914 à 7 % selon les derniers chiffres officiels .

    L’agriculture, fondement du pays des 54 appellations de fromage, des grands vins et des restaurants étoilés est mourante . Le nombre d’agriculteurs a été divisé par deux, le nombre d’exploitations par quatre.

    L’ industrie a été divisée par deux , enregistrant le plus fort recul de la zone euro.

    Et on pourrait ainsi continuer la liste : la dégradation de l’état des routes , les délais indignes des procédures judiciaires

    Mais depuis deux ans, les choses ne font que s’accélérer. À ces problèmes lancinants se dégradant inexorablement mais suffisamment lentement pour que l’on puisse s’y adapter ou trouver des excuses, sont venues se superposer des crises de plus en plus violentes ayant toutes la même origine : l’incurie de l’administration et du gouvernement censés avoir la charge de les régler.

    L’État inflationniste

    La crise de l’énergie et l’inflation nous font presque regretter le folklore de la comédie covid. Le pire étant sans aucun doute que l’État n’a toujours pas compris qu’il en est responsable et qu’il continue avec vigueur et ardeur à aggraver chaque jour la crise.

    Dernière bêtise en date : le chèque bois énergie .

    Jusqu’à aujourd’hui, la France était le premier pays en Europe à utiliser le bois comme source d’énergie. N’en doutons pas, maintenant que l’État a porté son attention sur le secteur et fourré ses petits doigts boudinés dans l’affaire, le secteur ne va pas tarder à péricliter.

    Le bois de chauffage est un sous-produit de l’exploitation forestière. Pour l’instant. Le marché s’est régulé tout seul, que ce soit le marché des granulés ou des bûches, sans avoir d’impact sur l’exploitation forestière qui reste largement dominée par les plantations à long terme en vue de valoriser les grumes utilisées principalement en construction et dans les diverses industries.

    Le gouvernement précédent avait déjà commencé à s’intéresser au secteur. Résultat : une augmentation de 14 % du prix du bois de coupe en un an. Le prix du bois de chauffage avait bien sûr suivi. Les subventions déversées par le nouveau chèque vont comme de toute bonne logique aller encore augmenter les prix.

    Les mécanismes en présence

    Ce n’est pourtant pas compliqué à comprendre ! Depuis la mise en place d’un système monétaire décorrélé d’une matière de référence, trois éléments fixent les prix :

    Premièrement : la disponibilité de monnaie « déblocable » comparée à la quantité de monnaie « exigible » par les divers impôts et taxes. Si vous ne payez pas les impôts, les taxes, les cotisations obligatoires… vous allez en prison. Ce n’est pas plus compliqué que cela : vous n’avez pas le choix.

    Cette demande d’argent confère de la valeur à la monnaie en obligeant les individus et les entreprises à vendre des actifs ou à moduler leurs investissements en fonction de la ponction fiscale.

    Deuxièmement : la disponibilité de la monnaie « débloquée », comparée aux actifs « bloqués » et qui est fixée par les taux d’intérêts, le prix à payer pour obtenir de la monnaie échangeable, mais également par la création de rentes, d’obligations d’État qui donnent lieu à intérêts et deviennent disponibles dès qu’elles arrivent à terme.

    Cette offre d’argent réduit la valeur de la monnaie par le mécanisme d’intérêt qui conduit à une augmentation du volume de monnaie.

    Enfin, troisièmement : l’équilibre des prix fixé par les capacités de remplacement. C’est ce que l’on a longtemps appelé « le marché », mais qui est en fait une interconnexion des prix plus ou moins fluide selon la liberté et la capacité d’échange qui se résume dans deux lois : l’effet de substitution et l’effet de revenu .

    Ce dernier mécanisme, microéconomique alors que les deux premiers sont macroéconomiques, agit comme une espèce de matelas amortisseur ou de réseau qui interconnecterait tous les prix les uns avec les autres et les rendraient tous dépendants.

    Le leurre des subventions

    Normalement, tout ce système s’équilibre « naturellement » : l’argent exigé pour les taxes est dépensé par l’État, les placements financiers créent de la valeur qui vient compenser l’augmentation monétaire liées aux intérêts, les consommations se déplacent en fonction des solutions disponibles et amortissent les variations et les variations de demande, de disponibilité et de rentabilité…

    Normalement…

    Reprenons notre bois de chauffage. L’équilibre des prix du pellet et de la bûche est issu de nombre de facteurs qui vont borner ses prix. Bien plus que la disponibilité des produits, c’est la valeur « chauffage » qui va fixer le prix du bois : la quantité de chaleur restituée comparée aux autres moyens de chauffage.

    Imaginons que chaque foyer disposerait à la fois d’une pompe à chaleur (électrique), d’une chaudière au fuel, d’une chaudière à gaz et d’un poêle bouilleur. Clairement, il est logique d’allumer le moyen de chauffage qui donne le meilleur résultat en fonction de la météo et qui lui coûte le moins cher, par exemple le poêle à bois la journée, la pompe à chaleur la nuit pendant les heures creuses sauf pendant les nuits très froides où il est plus économique de faire fonctionner une chaudière au gaz, etc.

    Bien sûr cette situation est imaginaire. Mais dans la réalité, il est loin d’être rare que le poêle ne soit pas couplé à des radiateurs électriques, à une pompe à chaleur ou une chaudière. Même si on n’est pas à 100 % de capacité de substitution d’une source d’énergie par une autre, cet effet de substitution se concrétise à l’échelle macroscopique du pays et s’opère de proche en proche dans d’autres substitutions pour se diffuser à l’ensemble du système de prix : le prix du bois de chauffage va influencer le prix du bois de construction (et inversement), qui va influencer le prix des poutres en bois, qui va influencer le prix des poutres en métal, qui va influencer le prix du fer, qui va influencer le prix des automobiles, qui va influencer le prix des téléviseurs, etc.

    À la moindre variation, le système de prix va se rééquilibrer tout seul (plus ou moins rapidement il est vrai) et la subvention du prix de la bûche et du pellet sera au bout du compte équilibrée par tout une séries de glissement d’autres prix. Ce système est à somme nulle car ce n’est pas lui qui fixe la valeur globale, il ne fait qu’équilibrer un système dont la « somme » doit correspondre à la quantité de monnaie collectée et dépensée par l’État dans son budget de fonctionnement.

    Le fait de subventionner le chauffage au bois ne va donc pas impacter uniquement les foyers à bas revenus se chauffant uniquement au bois, mais tous les prix. En fin de compte, les seuls résultats tangibles auront été de déséquilibrer certains prix (et de créer des problèmes ou des aubaines pour certaines filières) et surtout d’augmenter la quantité de monnaie en circulation et donc de créer de l’inflation : l’effet d’aubaine sur le bois de chauffage se traduira vite en désillusion par l’augmentation d’autres prix.

    L’État inflationniste

    C’est l’équilibre du budget de l’État qui détermine la valeur de l’argent que celui-ci émet pour payer son fonctionnement. On a cru que l’interdiction faite à l’État d’imprimer du papier allait empêcher cette maladie chronique de l’endettement des finances publiques qui a maintes fois créé des crises financières catastrophiques et fait chanceler les souverains et ce depuis la plus ancienne Antiquité .

    Le fameux « système libéral » dénoncé par tous les vendeurs d’illusion a permis une incroyable période de stabilité et de développement économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en donnant la possibilité à l’État de faire disparaître sa création monétaire dans le système bancaire et ainsi d’éviter d’interférer dans l’économie.

    Mais c’était sans compter l’incompétence et l’inconséquence de certains dirigeants et de certains pays, particulièrement la France, qui ont utilisé cette aubaine pour faire n’importe quoi, en particulier pour subventionner des secteurs entiers de l’économie jusqu’au moment où la bulle explose ou que l’État se retrouve au bout de ces capacités de cavalerie, risque qui peut arriver à tout moment.

    Le chauffage au bois vient d’entrer dans la longue liste des secteurs économiques étatisés, non pas par nationalisation, mais par mise en dépendance à l’argent public, après l’immobilier : crise de 1991 en France , crise des subprimes aux USA en 2008… le système de protection sociale en déficit chronique depuis sa création et qui peut s’écrouler à tout moment comme en Grèce en 2010 , les transports…

    Crise à venir

    Le paquebot de l’étatisation de l’énergie est lancé à pleine vitesse avec à la proue les fameuses énergies renouvelables et la lutte donquichottesque contre le thermomètre, façons élégantes de nommer des machines à détourner l’argent public et à créer de la dette souveraine et donc de l’inflation sous forme larvée ou sous forme de bulles. Cette inflation conduira sans aucun doute à une gigantesque crise de l’énergie dans les années à venir, si elle n’a pas déjà commencé.

    Il devient de plus en plus évident que les États-Nation, créés au XIX e siècle sur le modèle de l’État providence imaginé par Bismarck, sont amenés à disparaître ou pour le moins à se transformer radicalement, car dans l’état actuel des choses, ils amènent bien plus de problèmes que de solutions : quand ce ne sont pas les guerres mondiales, ce sont les crises économiques, sanitaires ou sociales mondiales, quand ce n’est pas tout en même temps.

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      « La Chute Finale » de l’Occident de Olivier Piacentini

      Finn Andreen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 4 December, 2022 - 04:00 · 5 minutes

    L’Occident semble avoir accéléré son déclin dans une espèce de folie autodestructrice rarement égalée.

    Les sociétés occidentales subissent les conséquences de la scandaleuse gestion de la pandémie Covid-19 de leurs dirigeants politiques et souffrent d’une inflation des prix, auto-infligée par leurs propres sanctions contre la Russie.

    C’est dans ce contexte qu’il faut lire le dernier livre de Olivier Piacentini, La Chute Finale : l’Occident survivra t-il ? .

    Ce déclin ne date pas d’hier

    Comme l’explique avec beaucoup de verve M. Piacentini, ce déclin ne date pas d’hier.

    L’auteur en fait une vaste et riche revue d’un point de vue non seulement économique mais également politique et culturel en évoquant l’influence socialement destructive du relativisme et du postmodernisme provenant des USA, par exemple sous forme des attitudes woke .

    Qui parle de déclin parle d’abord de cimes déjà atteintes. M. Piacentini rappelle avec érudition les différents facteurs ayant permis la longue ascension de l’Occident, en rappelant l’influence des penseurs grecs, du christianisme, de la Renaissance, de l’État de droit, du libéralisme.

    Cependant, pour ceux qui croient en l’universalité des valeurs libérales et plus particulièrement en les bienfaits d’une politique libérale et d’une économie de marché au niveau mondial, l’auteur insiste peut-être un peu trop sur « l’exception de l’Occident ». Une telle exceptionnalité empêcherait alors le libéralisme d’être répliqué ailleurs car elle serait alors endémique aux conditions occidentales. Au vu du développement économique de l’Asie, cette soi-disant exception occidentale doit être remise en question.

    La position de l’auteur semble alors être davantage pro-occidentale que libérale, rappelant celle de Winston Churchill ou plus récemment celle de l’historien Niall Ferguson.

    L’auteur évoque la « domination de l’Occident […] pendant si longtemps ». Mais il est possible de dire que l’Occident ne se distingue réellement du reste du monde qu’après les révolutions agraires et sanitaires du XVII e siècle. En effet, la Chine représentait un quart de la richesse mondiale jusqu’au XVII e siècle. D’ailleurs, la science politique chinoise actuelle considère que le Chine a une grande avance sur l’Europe car elle s’est unifiée 2000 ans avant cette dernière…

    Une partie du déclin occidental est normale et inévitable. M. Piacentini devrait insister davantage sur ce point car il est relatif aux autres nations qui heureusement s’enrichissent aussi en profitant indirectement des avancées occidentales antérieures.

    Il est aujourd’hui évident que l’Occident a même été surpassé dans plusieurs secteurs de pointe, ce qui encore une fois devrait relativiser cette idée d’exception.

    Revoir le concept d’Occident

    Mais qu’est-ce que l’Occident ?

    L’auteur a presque une tendance à voir l’Occident comme une extension de la France. Une grande partie du déclin décrit dans le livre concerne justement la France que M. Piacentini connaît bien. Il semble considérer l’Occident comme une seule entité homogène et la personnalise même avec des phrases telles que : « l’Occident a peur » (p. 46) ou « l’Occident sûr de lui » (p. 61).

    Mais n’est-ce pas justement l’hétérogénéité et la pluralité de l’Occident une des raisons fondamentales de son succès initial ? En France, l’accent qui est mis sur l’universalité des Lumières est compréhensible mais parfois démesuré, comme Isaiah Berlin avait bien compris . Des historiens libéraux comme Ralph Raico et Donald Livingstone ont montré que justement le manque d’unité et la concurrence décentralisée des petites entités politiques étaient la clef pour leur développement économique et politique.

    De plus, l’Occident actuel est aujourd’hui loin d’être uni : la Russie s’en éloigne , les membres de l’Union européenne sont en sérieux désaccord et les États-Unis semblent vouloir s’enrichir aux dépens des Européens. Aussi, les succès des pays de l’Europe du nord par rapport à ceux du sud (y compris la France) montrent que cette richesse historique et culturelle de l’Occident loué par Olivier Piacentini n’est pas seulement un atout pour un pays mais aussi un poids qui souvent empêche les réformes et l’innovation. L’Italie en est l’exemple phare.

    L’État, toujours l’État

    Le déclin de l’Occident est inextricablement lié aux nocives idées étatistes qui dominent les institutions occidentales depuis des décennies déjà (quoique moins fortement aux États-Unis), comme le souhaitait Gramsci . Cet étatisme s’exprime par un consentement généralisé à un État social qui prélève massivement (p. 91), mais aussi à un État stratège qui s’implique aujourd’hui dans tous les aspects majeurs de la société, de la santé a l’immigration en passant par le marché du travail.

    Les libéraux estiment que ce développement a fait des ravages à tous les niveaux et impacte même la vitalité , au sens large, des sociétés occidentales. L’auteur reconnait et critique habilement ces symptômes au fil du livre mais néanmoins il affirme aussi, par exemple, que l’État crée « les conditions du développement, et participant a l’amélioration des conditions de vie » (p. 33). Or, le déclin de plus en plus rapide de l’Occident est au contraire inversement corrélé à l’interventionnisme de plus en plus exacerbé des États, comme l’explique l’École autrichienne .

    Comme pour beaucoup de livres publiés en France, La Chute Finale ne liste pas les auteurs cités et leurs œuvres, ni les mots clefs, comme dans les livres anglo-saxons. Il ne contient pas une seule référence ni même une table des matières. C’est dommage car M. Piacentini donne beaucoup d’informations à son lecteur sans que celui-ci puisse vérifier les sources. Une deuxième édition corrigeant ces défauts serait la bienvenue et permettrait de prolonger la vie de ce livre en laissant au lecteur la possibilité de s’y référer.

    L’auteur fait donc une excellente description des maux, tout autant économiques, politiques que culturels dont souffre l’Occident. Il termine en promettant des propositions pour résoudre ces graves difficultés dans un prochain ouvrage.

    La Chute Finale est un livre d’un style peut-être un peu trop lyrique pour un thème aussi sérieux. Mais il fait partie des grandes contributions politiques contemporaines françaises décrivant un déclin de l’Occident qui n’a rien d’inévitable. Car ce déclin a surtout à voir avec des politiques publiques qui semblent être un mélange d’incompétence et d’idéologie de la part d’une petite classe dirigeante perturbant sérieusement le développement naturel des pays occidentaux depuis maintenant plusieurs décennies.

    Olivier Piacentini, La chute finale : l’Occident survivra-t-il ? , Édition Godefroy, 2022, 248 pages.

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      Foster et Clark : le « pillage de la nature » comme ossature essentielle du capitalisme ?

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Tuesday, 29 November, 2022 - 19:47 · 21 minutes

    Dérèglement climatique, perturbation du cycle de l’eau, sixième extinction de masse, pollution de l’air, des sols et des rivières. Récemment, le dernier rapport du GIEC nous donnait trois ans pour inverser notre courbe d’émissions de dioxyde de carbone pour limiter le réchauffement climatique à un niveau acceptable d’ici la fin du siècle. De même, les niveaux de pollutions atteints dans l’ensemble des écosystèmes ainsi que la baisse rapide de la biodiversité obligent à agir rapidement. Pourtant, la régulation des rapports économiques avec l’environnement nécessite de dresser un constat clair des causes de sa dégradation généralisée. Où faut-il les chercher ? C’est à une analyse sans concession du système à l’origine de cette rupture avec la nature – le capitalisme – qu’il faut se livrer, répondent les chercheurs éco-marxistes John Bellamy Foster et Brett Clark dans leur dernier livre, Le pillage de la nature , dont la traduction française vient de sortir en avril aux Editions critiques.

    Dans cet essai, ils se livrent à une analyse fine du lien entre le mode de production et de valorisation capitaliste et la destruction généralisée de la nature. Ils proposent une minutieuse enquête à partir des œuvres de Marx et Engels pour construire une matrice globale d’analyse de la crise écologique et sociale. L’objectif affiché est de proposer une synthèse plus générale de la pensée de Marx en intégrant les prémisses de la pensée écologique présentes dans son œuvre. L’utilisation des outils d’analyse issus du marxisme est intéressante à plusieurs titres. La matrice idéologique marxiste, et sa doctrine matérialiste, permet de penser l’interaction entre un mode de production, et donc notre rapport à notre environnement, et des rapports sociaux qui émergent de ce mode de production. Ce mode de production repose et est adossé à des conditions de reproduction d’ordre écologique et social, qui permettent de perpétuer le processus d’accumulation.

    Exploitation du travail humain et expropriation de ses conditions de reproduction

    Pour commencer, plonger avec Marx dans sa description de l’accumulation du capital s’impose. Chez Marx, le capitaliste investit son capital dans l’espoir d’en obtenir plus. La création de valeur supplémentaire, la survaleur (ou encore plus-value), se fait grâce aux travailleurs – seuls capables, par leur force de travail, de créer de la valeur et de transformer le capital (moyens de production et ressources apportées par le capitaliste). De là la célèbre formule marxienne d’accumulation du capital : A-M-A’ (Argent → Marchandise → Argent + plus-value), où la marchandise représente l’ensemble des moyens de production capitalistes – capitaux et travail humain. Chez Marx, le capital est avant tout un rapport social, caractérisé par la séparation des travailleurs d’avec les moyens de production (la propriété) et d’avec les produits de la production, le tout dans une visée lucrative de la propriété. C’est donc un rapport de subordination. Le capital, ce « processus circulatoire de valorisation », n’existe qu’en « suçant constamment, tel un vampire, le travail vivant pour s’en faire une âme ».

    « Marx a toutefois une conscience aigüe que le mode de production capitaliste repose sur des conditions écologiques et sociales extérieures à sa sphère de valorisation. »

    Pour Foster et Clark, Marx a toutefois une conscience aigüe que le mode de production capitaliste repose sur des conditions écologiques et sociales extérieures à sa sphère de valorisation. Pour que le cycle d’accumulation se perpétue indéfiniment, le système s’appuie sur des forces gratuites comme la nature ou le travail domestique, qui ne sont pas valorisées mais sont pourtant indispensables pour alimenter la machine A-M-A’. Tandis que dans son cycle de valorisation, le système du capital exploite le travailleur et la travailleuse, ce cycle nécessite aussi l’expropriation, le « pillage », de la nature. Les auteurs postulent l’existence d’une contradiction fondamentale entre la logique d’accumulation du capital et la préservation de ses conditions de reproduction écologiques et sociales. Foster et Clark distinguent dans le système capitaliste deux dynamiques complémentaires : une dynamique interne (à son circuit de valeur) qui le propulse reposant sur un rapport d’exploitation, et une dynamique externe reposant sur des conditions objectives qui « lui échappent et lui fixent ses limites », gouvernée par un rapport d’expropriation sans échange supposé équivalent. Cette expropriation se déroule en dehors du processus de production et de valorisation du capital. L’expropriation de la nature correspond à la « séparation entre les conditions inorganiques de l’existence humaine et son existence active » (le système économique, la sphère du travail), séparation qui est le fruit du développement du travail salarié et du capital.

    Ainsi Marx distingue d’une part « l’exploitation de la force de travail dans l’industrie capitaliste moderne », différente de « l’expropriation au sens historique plus général de pillage ou vol en dehors du processus de production et de valorisation ».

    Les auteurs avancent alors que le capitalisme sape ses propres fondations. Cette hypothèse s’appuie notamment sur les travaux précurseurs portant sur la « seconde contradiction du capitalisme » du penseur éco-marxiste James O’Connor (1992). Celui-ci détaillait déjà en 1992 comment « la logique du profit conduit le capital à refuser d’assumer les coûts de reproduction des ” conditions de production ” : force de travail, infrastructures, aménagement et planification, environnement. » Pour revenir à Marx, « le capital épuise les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur ».

    En cela, les auteurs rejoignent aussi l’analyse formulée par Andreas Malm dans L’anthropocène contre l’histoire . Malm explique que si le travail est « l’âme du capitalisme », la nature et les ressources qu’elle fournit en sont son corps. Sans la nature, les énergies et les ressources nécessaires à la mise en valeur du capital, le processus d’accumulation fondamental du capitalisme ne serait pas possible. Les énergies fossiles, qui permettent de démultiplier dans des proportions considérables la production d’un travailleur, sont l’adjuvant parfait et le corollaire nécessaire au processus de mise en valeur du capital par le travail humain. Le charbon et l’huile, plus tard le pétrole et le gaz, sont les auxiliaires de la production capitaliste. Ils sont, dit Malm, le « levier général de production de survaleur ». Ils sont les matériaux indispensables à la création de valeur capitaliste. En reprenant la terminologie de Foster et Clark, leur expropriation est une des conditions de reproduction indispensable du mode de production capitaliste.

    Mais quelle est donc le mécanisme fondamental conduisant à une exploitation intensive systématisée des ressources naturelles ? Les chercheurs avancent que « les contradictions à la fois économiques et écologiques du capitalisme trouvent leur source dans les contradictions entre le processus de valorisation et les bases matérielles de l’existence indispensables à la production marchande capitaliste. ». Cette affirmation repose sur une analyse renouvelée de la théorie de la valeur marxiste. Il existe en réalité deux contradictions inhérentes à la machine capitaliste. La première, abordée ensuite, qui opère dans la sphère de la marchandise, intrinsèquement liée au processus de valorisation capitaliste, et la seconde, qui opère dans la sphère de la production, où les ressources naturelles sont surexploitées pour maximiser la productivité des agents.

    Ainsi, la dissymétrie entre la logique du capital et l’environnement est issue du processus-même de valorisation du capital. Du point de vue théorique, le constat semble alors limpide. Alors que les conditions écologiques sont indispensables au déroulement de l’accumulation capitalistique, celles-ci ne sont pas prises en compte dans la sphère de valorisation du capital, au même titre que les autres conditions de reproduction à l’image du travail domestique principalement féminin.

    Le paradoxe de Lauderdale

    Au début du XIXème siècle, le comte de Lauderdale énonçait le paradoxe qui porte son nom qui stipule qu’il existe une corrélation négative entre la richesse publique et les fortunes privées. D’une part la richesse publique repose sur des valeurs d’utilité liées par exemple à l’abondance de l’air, de l’eau ou de jolies forêts, tandis que d’autre part, tout au contraire, les fortunes privées sont constituées à partir de valeurs d’échange, valeurs reposant sur le principe de la rareté. Lauderdale soulignait déjà ici la dialectique centrale de la théorie marxiste entre valeur d’usage et valeur d’échange. La logique du capital conduit alors à confondre valeur et richesse, dans un système fondé sur l’accumulation de valeurs d’échange, aux dépens de la richesse réelle. Le capitalisme se nourrit de la rareté et poursuit ensuite une logique de « marchandisation sélective » d’éléments de la nature. Les auteurs résument cela ainsi : « C’est l’opposition entre la forme valeur et la forme naturelle, inhérente à la production capitaliste, qui génère les contradictions économiques et écologiques associées au développement capitaliste. ». Ils rappellent ensuite que la valeur d’échange « est un rapport social spécifique à la société capitaliste, enraciné dans la classe et la division du travail ».

    Certains travaux récents proposent donc de repenser le système de comptabilité actuel en prenant en compte le prix de la nature, le coût des externalités ou en introduisant des notions comme celle de « capital naturel ». Ce sont des travaux de ce type qui sont par exemple entrepris à la chaire de comptabilité écologique à l’Université Paris-Dauphine. Foster et Clark nous mettent toutefois en garde contre cette approche. Même s’ils permettent de mettre en évidence le caractère absurde du système actuel, ils rappellent que celui-ci reflète précisément les réalités capitalistes de la sous-valorisation des agents naturels. La notion de « capital naturel », quant-à-elle, constitue une « internalisation de la nature au sein de l’économie marchande ».

    De là naît un double-enjeu pour un potentiel modèle socialiste de remplacement de la logique capitaliste. Comment créer un système qui est d’une part conscient de ces éléments indispensables au fonctionnement de notre système économique que sont le travail domestique ou bien les services rendus par la nature, mais d’autre part qui protège ces sphères de la logique de marchandisation et de valorisation ?

    La rupture métabolique et l’exemple de l’Irlande au XIXème siècle

    Les contradictions entre mode de production capitaliste et environnement s’expriment de manière concrète par ce que Marx appelle la rupture métabolique et qui constitue le concept central de l’œuvre de Marx écologiste.

    La rupture métabolique repose sur le constat qu’il existe une « séparation entre les conditions inorganiques de l’existence humaine (i.e. les services de la nature) et l’activité humaine, séparation qui n’a été posée comme séparation totale que dans le rapport du travail salarié et du capital » (Marx, Manuscrits dits Grundrisse). Plus précisément, Marx observe qu’il existe dans les rapports entre capitalisme et nature un décalage entre les rythmes de régénération des conditions naturelles de reproduction du capitalisme et la vitesse à laquelle celui-ci dégrade ces conditions naturelles pour satisfaire ses pulsions d’accumulation. Le capitalisme perturbe le métabolisme entre l’Homme et la Terre et engendre une disjonction entre systèmes sociaux et cycles de la nature.

    « Marx observe qu’il existe dans les rapports entre capitalisme et nature un décalage entre les rythmes de régénération des conditions naturelles de reproduction du capitalisme et la vitesse à laquelle celui dégrade ces conditions naturelles pour satisfaire ses pulsions d’accumulation.»

    Cette analyse découle des travaux du chimiste allemand Justus von Liebig (1803-1873), dont Marx a attentivement lu les travaux. Von Liebig s’est employé à analyser l’impact de l’agriculture capitaliste sur les sols et met en évidence une rupture des cycles des nutriments au sein des terres. Plus précisément, la séparation entre les lieux de production agricoles (les campagnes) et les lieux de consommation (les villes) entraîne un déplacement des nutriments des champs vers les flux de déchets issus de la ville (effluents, ordures) qui ne retournent plus aux champs. Marx et Engels ont alors proposé une description fine des conditions et des rapports sociaux à l’origine de cette rupture métabolique dans le cas de l’Irlande du XIXème siècle (chapitre II).

    Marx distingue dans l’organisation de la société agraire irlandaise deux phases, celle dite des « baux usuraires » (1801-1846) et celle « d’extermination » (1846-1866). Au XIXème siècle, l’Irlande est colonisée par les Anglais depuis au moins 1541, et c’est une classe propriétaire terrienne anglo-irlandaise qui possède la terre. Les propriétaires ne sont pas présents sur place et louent à de petits paysans et métayers irlandais des lopins de terre dans un système dit des « baux usuraires ». Les loyers à payer aux propriétaires sont particulièrement hauts et augmentent régulièrement. Toute amélioration technique (irrigation ou drainage) fait l’objet d’un loyer supplémentaire. La production agricole est orientée selon une rotation triple sur une même année : tout d’abord du blé puis de l’avoine, voués à l’exportation vers l’Angleterre, qui suffisent à peine à payer les loyers et dont l’argent des revenus n’est pas réinvesti mais envoyé vers l’Angleterre par les propriétaires terriens. Puis une rotation de pommes de terre pour assurer la survie des familles. La pression financière entraîne l’impossibilité d’organiser des jachères ou de planter du trèfle notamment pour laisser reposer et réenrichir le sol en nutriments (fixation d’azote, etc.). Ces cultures, très intensives en nutriments, obligent les paysans pauvres à déployer une grande ingéniosité pour assurer le renouvellement des nutriments : recours aux algues, aux excréments d’animaux, au sable, avec des techniques agricoles d’enfumage et d’épandage demandant un investissement humain considérable. Cette action permet de limiter la fuite des nutriments et la rupture métabolique qui va avec.

    Figure 1 – Champs en Irlande

    En 1845 survient en Irlande une maladie, le mildiou de la pomme de terre, qui va gravement pénaliser les rendements de pomme de terre. Aux famines s’ensuivent les exils massifs vers l’Amérique de 1846 à 1866. Au total, ce sont 1 millions d’habitants que perd le sol irlandais, et la disparition de près de 120 000 fermes. La main d’œuvre manquant fortement, l’enfumage des terres et l’entretien du cycle de nutriments ne peuvent plus être pratiqués, entraînant une baisse rapide des productions céréalières de l’Irlande. La loi du remplacement des nutriments de Liebig est violée. De 1855 à 1866, Marx indique que « 1 032 694 Irlandais ont été remplacés par 996 877 têtes de bétails ». L’organisation agraire capitaliste a contribué à stériliser l’Irlande en un demi-siècle pour la transformer en terre à vache peu productive.

    Cette rupture dans le cycle des nutriments prend une dimension mondiale au cours du XIXème siècle pour les Anglais. Afin d’enrichir les sols anglais appauvris par l’agriculture capitaliste et pour augmenter les rendements, les Anglais vont littéralement piller des engrais naturels aux quatre coins du globe. Des quantités considérables de guano et de nitrates sont importées, notamment du Chili, jusqu’à épuiser les réserves des pays pillés. Celles-ci servent à soutenir la production agricole de l’hémisphère Nord. Plus extrême encore, les champs de bataille et les catacombes de l’Europe entière sont vandalisés pour en broyer les os et les répandre sur les champs britanniques, afin de répondre à la rupture du cycle des nutriments, dans une forme d’échange écologique inégal.

    Cette analyse est une illustration des liens que peuvent entretenir rapports sociaux de production et maintien de la fertilité du sol dans le cadre du secteur agricole. Marx explique notamment que « la fertilité n’est pas une qualité aussi naturelle qu’on pourrait le croire : elle se rattache intimement aux rapports sociaux actuels ». Cette analyse peut sembler convaincante dans le cas de la destruction de la terre par le capitalisme. Elle peut par exemple faire penser à la stagnation connue par les rendements agricoles du sol français depuis 1990, alors même que l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires ne cesse d’augmenter. Cette logique de « rupture métabolique » s’observe-t-elle dans nos interactions avec d’autres écosystèmes naturels ? Une telle enquête pourrait être d’une grande pertinence, pour s’intéresser par exemple à l’impact des rapports sociaux de production issus du capitalisme sur l’exploitation des forêts, sur la pêche ou encore en matière énergétique.

    Une exploitation du travail domestique qui suit une même logique

    A partir du même prisme analytique, Foster et Clark tentent dans cet ouvrage de réhabiliter la capacité de la pensée de Marx à théoriser d’autres types de domination s’exerçant sur les femmes, les colonisés [1], les « races inférieures » ou encore les animaux. Ils montrent en particulier l’intersection et la similarité des mécanismes qui existent de manière régulière entre l’expropriation et l’exploitation de la nature d’une part et l’exploitation du travail domestique. Ainsi, au chapitre 3 intitulé « les femmes, la nature et le capital », les auteurs montrent comment la domination de la femme et la non-reconnaissance du travail de reproduction domestique (entendons l’entretien du foyer et le soin des enfants notamment) relèvent d’une logique similaire à l’expropriation de la nature. Marx explique que « la logique interne du capital (…) fait peu de cas de tous les autres rapports naturels et sociaux et des conditions de production héritées, qui restent extérieures à son propre mode de production ». Le travail domestique, principalement accompli par les femmes, est, comme pour la nature, le symbole d’une « externalisation de ses coûts (du capitalisme) sur des domaines situés en dehors de son circuit de valeur interne ». Alors que le travail domestique est une des conditions de reproduction indispensable au mode de production capitaliste (au même titre que les conditions naturelles), celui-ci est exproprié et considéré là encore comme une « force gratuite de la nature ». La logique du capital exproprie le travail de reproduction sociale dans le foyer. En cela, les auteurs se rapprochent beaucoup des analyses faites par les tenants du courant féministe marxistes de la théorie de la reproduction sociale et en premier lieu de Tithi Bhattacharya.

    Pour ce qui concerne l’expropriation du travail de reproduction domestique, les auteurs distinguent deux phases. Une première phase, analysée par Marx et Engels, est celle du 19ème siècle, au cours de laquelle, dans les villes industrielles anglaises, le travail capitaliste détruit profondément ce travail de reproduction pourtant indispensable. Les femmes ouvrières, enchaînées plus de 12h par jour, n’ont, dans l’Angleterre du 19ème, même plus le temps de s’occuper de leurs enfants. Ceux-ci sont confiés à des nourrices, allaités avec des mixtures très peu adaptées. Les taux de mortalité infantile atteignent des niveaux considérables. En somme, un tableau digne des romans de Charles Dickens. La malnutrition et la famine fait tomber à des taux extrêmement bas le nombre de survivants à l’âge adulte. En détruisant et en réduisant plus qu’au strict minimum le travail au foyer, le système capitaliste détruit la santé des travailleurs (et même leur fitness pour reprendre la terminologie spencérienne ou darwiniste sociale) et leur capacité à se reproduire, générant un réel enjeu anthropologique. Les auteurs montrent alors, en s’appuyant sur les travaux de la philosophe Nancy Fraser ou de Maria Mies, comment la société anglaise a paré à ce défi en développant la « femme-au-foyerisation » en faisant reposer ensuite le rôle de soutien de famille uniquement sur les hommes. Un nouveau rôle serait alors dévolu aux femmes, hors de la sphère de valorisation capitaliste, consistant à assurer le travail de reproduction au domicile, avec une nouvelle forme d’expropriation des services rendus par cette sphère.

    Figure 2 – La Spinning Jenny, la machine à filer qui va révolutionner l’industrie du textile britannique et contribuer à exploiter un prolétariat majoritairement féminin et (très) jeune

    Cette analyse du travail domestique reste toutefois à prendre avec des pincettes, dans la mesure où cette dimension est très longtemps restée un impensé de l’analyse de Marx pour la majorité des spécialistes. De surcroît, les progrès scientifiques et médicaux ont profondément transformé le travail de reproduction au foyer au cours des 150 dernières années. En effet, la baisse forte des taux de mortalité infantile ainsi que les évolutions dans l’organisation de la société (déploiement des crèches, médecine infantile) ont permis de nouveau un retour des femmes dans la sphère productive, en retournant au travail. En cela, cette nouvelle dynamique réenclenche un développement des forces productives accru en lien avec la logique d’accumulation du capital.

    Cet essai décrit aussi avec précision l’interaction entre exploitation de la nature et des formes d’oppression raciales. Ils décrivent notamment l’exemple de l’exploitation du guano au Pérou. Cet amas d’excréments d’oiseaux marins, indispensable à la fertilisation des champs britanniques, est exploitée localement par des « coolies », des travailleurs chinois émigrés, traités comme des esclaves et obligés de ramasser le guano dans des conditions épouvantables. Plusieurs autres exemples et analyse viennent émailler les différents chapitres d’illustration du lien entre domination coloniale et dégradation de la nature.

    Capitalisme : un rapport aux frontières dévastateur

    Enfin, l’analyse des auteurs est assez éclairante en ce qui concerne le rapport du système du capital aux limites et aux frontières qu’il rencontre. Selon eux, le capital se distingue par sa « tentative nécessaire et persistante de transcender ou de réajuster ses limites eu égard à ses conditions externes de production, afin de renforcer le processus d’accumulation ». Ainsi, lorsque le capitalisme se heurte à des frontières, à des limites à son expansion, il met en œuvre toute une série de mécanismes et de déplacements pour continuer cette expansion : utilisation de nouvelles ressources, de nouvelles réserves minérales, en changeant le lieu de production ou en développant de nouvelles technologies. Ces déplacements permanents créent de nouvelles frontières d’exploitation et de nouveaux lieux ou mécanismes de domination, de destruction, afin de perpétuer le processus d’accumulation.

    Le capital est guidé par une volonté d’amasser de plus en plus de richesses, « exigeant un débit de plus en plus fort d’énergies et de ressources, (…), générant plus de déchets, (et qui) constitue la loi générale absolue de la dégradation sous le capitalisme ».

    Pillage de la nature : un système socialement et historiquement situé et donc dépassable ?

    Que retenir de cet essai ? Foster et Clark proposent une analyse globalement très convaincante de l’interaction entre logique capitaliste et destruction de la nature. Ils montrent avec précision comment le mode de production capitaliste repose sur des conditions de reproduction sociale et écologique extérieures à sa sphère de valorisation. Le capitalisme reposerait alors sur une externalisation de ses coûts hors de sa sphère productive, coûts qu’il n’assumeraient pas. De là naîtrait alors une contradiction inévitable de la logique du capital, incapable de valoriser ce qui est indispensable à sa reproduction. Cette contradiction est aussi le fruit du conflit entre valeur d’usage et valeur d’échange.

    Le message que tentent de faire passer les auteurs est clair : nous ne pourrons traiter la crise écologique et climatique sans étudier puis transformer les rapports sociaux de production responsables de cette destruction. Pour cela, les auteurs proposent une voie socialiste ayant pour objectif de « sortir de la forme valeur du capitalisme pour permettre le développement d’un monde riche en besoins, tout en régulant le métabolisme entre humanité et nature ». Une sorte de « gouvernance par les besoins » capable de remettre en cause la pratique capitaliste de la valeur d’échange. Crise sociale et crise écologique sont les reflets d’une même image, d’un même système : « la source commune de ces deux crises se trouve dans le processus d’accumulation du capital ». Ou encore « fin du monde, fin du mois, même combat ».

    L’essai livre pourtant une leçon qui permet de nourrir un certain optimisme. La dévastation écologique est le fruit d’un système d’organisation socialement et historiquement situé, celui de la forme capitaliste de l’organisation des modes de production. Loin d’être la conséquence d’une certaine « nature humaine originelle », le rapport dévastateur à l’environnement serait lié au système capitaliste. Pour sortir par le haut de la crise écologique, un dépassement du système d’accumulation du capital s’impose…

    Note :

    [1] Il existe chez les marxistes une controverse quant à la spécificité ou non des rapports entretenus par le capitalisme dans les pays colonisés entre notamment les tenants de « l’accumulation par dépossession » (Harvey) et ceux qui estiment que cette distinction est peu opérante et que le développement rapide du salariat dans les pays colonisés a conduit aux mêmes caractéristiques d’exploitation au Nord qu’au Sud (Wallerstein).

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      Hausses des taux : les banques centrales jouent avec le feu

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Wednesday, 2 November, 2022 - 07:07 · 17 minutes

    Prises de court par l’inflation, les banques centrales américaine (Fed) et européenne (BCE) augmentent leurs taux d’intérêt de manière effrénée, dans l’espoir d’endiguer l’emballement des prix. Le but assumé est de provoquer une hausse du chômage et une baisse des salaires, comme l’a reconnu le président de la Fed, Jerome Powell. Au risque de plonger l’économie mondiale en récession sans parvenir à casser la hausse des prix. Tout semble en effet indiquer que le relèvement des taux ne pourra pas agir directement sur l’inflation, dont les causes se situent du côté d’un resserrement de l’offre plus que d’un excès de demande. L’ONU et Wall Street semblent désormais considérer que l’entêtement des banquiers centraux fait peser un grave risque sur l’économie mondiale.

    Le 21 septembre 2022, la Federal Reserve (Fed) a augmenté son principal taux directeur de 75 points de base. Il s’agissait de la 7e hausse en moins d’un an, faisant passer progressivement le taux directeur de 0.25 à 3.25 %. Un niveau jamais atteint depuis 2007. Il est désormais question d’une hausse identique au mois de novembre . Au-delà du chiffre, c’est la vitesse d’augmentation qui surprend. La Fed a justifié cette nouvelle politique de contraction monétaire par la nécessité de contrôler l’inflation, qui ne montre aucun signe de ralentissement aux États-Unis. Publiés le 13 octobre, les chiffres de septembre marquent une hausse de 0.4 % de l’indice des prix, soit une augmentation de 8.2% par rapport au mois de septembre 2021.

    Suivant la Fed, la Banque centrale européenne (BCE) a également entrepris une politique de hausse des taux excédant les prévisions des marchés en augmentant son taux directeur de 75 points au mois de septembre, puis d’autant le 27 octobre, contre l’avis de la France et l’Italie. Le Financial Times relevait ainsi une tendance globale à la hausse des taux observée sur 20 des principales banques centrales. Avec deux caractéristiques importantes : la vitesse inédite des hausses de taux, et la détermination des banquiers centraux à continuer dans cette voie aussi longtemps que nécessaire.

    Le choix du chômage

    Pour comprendre pourquoi la Fed augmente ses taux aussi drastiquement, il faut revenir aux fondamentaux des modèles économiques qui pilotent son action. Le principe de base de sa politique monétaire (lire notre article Inflation, aux origines de la doxa néolibérale ) repose sur la présomption d’un lien étroit entre le taux de chômage et l’inflation. Selon cette théorie, lorsque le taux de chômage est élevé, les entreprises peuvent baisser les salaires (ou contenir les augmentations), ce qui réduit le revenu disponible des ménages, donc la consommation et in fine les pressions inflationnistes sur les prix. Inversement, lorsque le taux de chômage est faible, les salariés sont en mesure d’arracher de meilleurs salaires tandis que les entreprises doivent offrir des rémunérations plus élevées pour recruter. Le revenu des ménages augmente, la consommation progresse et les prix s’ajustent à la hausse. Il existerait ainsi un taux de chômage d’équilibre, appelé NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) permettant de maintenir une inflation basse et une croissance économique décente. En temps normal, les banques centrales tendent à ajuster leurs taux directeurs pour essayer de maintenir le chômage à un niveau proche du « NAIRU ». Ce qui est particulièrement vrai pour la Fed, dont les prérogatives ne se limitent pas à « garantir la stabilité des prix » (comme la BCE, qui doit cibler un taux d’inflation de 2%) mais également « maintenir le plein emploi » et « modérer les taux d’intérêt à long terme ». Selon ses modèles économiques, des taux élevés pénalisent le crédit et l’investissement, ce qui provoque un ralentissement économique et une hausse du chômage. Inversement, des taux bas doivent faciliter l’accès au crédit, l’investissement, la consommation, et donc l’emploi.

    Jerome Powell, le président de la Fed, a explicitement reconnu que sa politique allait conduire à « une période prolongée de croissance en dessous des tendances normales » et à « un relâchement du marché du travail » – c’est-à-dire une récession et des vagues de licenciements massifs.

    Concrètement, cette théorie implique qu’une politique monétaire visant à réduire l’inflation doit nécessairement provoquer une hausse du chômage. Jerome Powell, le président de la Fed, l’a explicitement reconnu en déclarant que sa politique de hausse des taux allait conduire à « une période prolongée de croissance en dessous des tendances normales » et à « un relâchement du marché du travail » – c’est-à-dire un ralentissement économique pouvant déboucher sur une récession et des vagues de licenciements massifs. La Fed a ainsi indiqué viser un taux de chômage de 4.4% à la fin de l’année, soit un point au-dessus du taux actuel et 1.2 million de chômeurs supplémentaires. Ces chiffres masquent une réalité sociale plus dramatique, faite de baisse des salaires réels et de précarisation accrue, en plus du million d’emplois détruits.

    La décision assumée de provoquer une hausse du chômage pourrait se justifier – dans une certaine mesure – si elle était véritablement un mal nécessaire : une petite part de la population perdrait son emploi et certaines entreprises feraient faillite, mais l’ensemble de la société retrouveraient du pouvoir d’achat et de la stabilité financière.

    En temps normal, un tel « compromis » parait difficile à vendre à l’opinion, comme le reconnaissait Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI et macro-économiste influant, lorsqu’il évoquait « la difficulté d’expliquer à un travailleur qu’il est nécessaire qu’il perde son emploi pour lutter contre l’inflation ». A choisir, un travailleur préfère généralement conserver son salaire, quitte à le voir rogné de 8% par l’inflation, que de perdre son emploi. Or, si la récession semble désormais inévitable, rien ne permet d’assurer qu’elle débouchera sur une baisse de l’inflation. Les travailleurs du monde entier pourraient ainsi se retrouver avec la peste et le choléra : une crise économique avec tout ce que cela implique et une inflation persistante.

    La hausse des taux ne garantit pas la baisse de l’inflation

    Interrogé par la sénatrice démocrate Elizabeth Warren lors d’une audition sous serment devant le Sénat des États-Unis, le président de la Fed avait reconnu que sa politique de hausse des taux n’aurait pas d’impact sur la hausse du prix de l’énergie et des produits alimentaires de base. Et pour cause : ces biens de consommation courante présentent ce que les économistes appellent une demande « inélastique ». En clair, il s’agit de consommation contrainte. Quel que soit le prix, le consommateur peut difficilement arrêter de faire le plein d’essence, de se chauffer ou de se nourrir. Powell a également été forcé d’accorder le point à Elizabeth Warren lorsque cette dernière lui a fait remarquer que les tensions sur les chaines d’approvisionnement n’allaient pas disparaître avec la hausse des taux. En effet, on voit mal comment les pénuries de composants électroniques qui ralentissent la production de certains produits manufacturés pourraient disparaître suite à une baisse de la demande qui résulterait d’un ralentissement économique provoqué par la hausse des taux.

    Powell avait alors admis que sa politique visait à « assouplir le marché de l’emploi », c’est-à-dire éviter une boucle inflationniste prix-salaires qui verrait l’inflation produire une hausse des salaires venant alimenter la hausse générale des prix.

    Mais la théorie économique du « Nairu » sur laquelle semblent reposer ses craintes n’est plus valide depuis des années déjà, comme le notait le Nobel d’économie Paul Krugman. En 2019 Jerome Powell l’avait d’ailleurs admis lors d’une autre audition au Congrès, face à l’élue socialiste Alexandria Ocasio-Cortès . Avant 2020, les faibles taux de chômage constatés aux États-Unis, en Allemagne, au Japon et en Grande-Bretagne n’avaient pas provoqué d’inflation notable, malgré les politiques monétaires par ailleurs expansionnistes des banques centrales respectives. Les milliers de milliards créés par les banques centrales sont en effet restés dans la sphère financière, où une inflation de la valeur des actions a effectivement été constaté. Par ailleurs, les faibles niveaux de chômage dans les pays cités plus haut masquaient une plus grande précarisation de l’emploi et l’explosion des temps partiels (hors Japon). De plus, en Europe comme aux États-Unis, le taux de syndicalisation est au plus bas. Malgré le retour de l’inflation, le rapport de force capital-travail reste donc défavorable aux travailleurs, ce qui rend l’apparition de boucles prix-salaires résultant d’un vaste mouvement social peu probable. On l’a vu en France récemment, où malgré un énorme levier de négociation, les raffineurs ont été contraints d’accepter des hausses de salaire inférieures à l’inflation face à des entreprises pétrolières réalisant pourtant des profits records.

    Si les rémunérations augmentent aux États-Unis, c’est avant tout du fait de la politique volontariste de Joe Biden et de mouvements sociaux isolés et non-coordonnées à l’échelle nationale. Ces hausses restent modestes, très inférieures à la hausse du taux de profit des entreprises et en dessous de l’inflation . Du reste, lorsqu’on observe les tendances à l’échelle mondiale, l’existence de boucle prix-salaire ne s’observe que marginalement dans certains pays.

    Plus de la moitié de l’inflation observée outre-Atlantique proviendrait de la hausse des marges des entreprises.

    À l’inverse, il est de plus en plus communément admis que l’inflation actuelle provient d’abord des pénuries d’offre provoquées par la reprise post-covid mal anticipée par les producteurs, les tensions sur les chaînes d’approvisionnements, la guerre en Ukraine, les aléas climatiques et une stratégie assumée de la part de nombreuses entreprises de profiter de la crise pour accroitre leurs marges en augmentant leurs prix. Aux États-Unis en particulier, on ne compte plus les exemples de PDG admettant publiquement que l’inflation leur fournit une excuse rêvée pour augmenter leur prix. Plus de la moitié de l’inflation observée outre-Atlantique proviendrait ainsi de la hausse des marges des entreprises . Un récent éditorial du Financial Times exhorte d’ailleurs la Fed à admettre cette réalité plutôt qu’à poursuivre vainement des hausses de taux.

    Tous ces éléments pointent vers une inflation causée par des tensions sur l’offre, la demande n’excédant pas les tendances observées avant le covid. Ce qui implique que les hausses des taux de la Fed ne puissent agir que très indirectement sur l’inflation, et vraisemblablement au prix d’une récession sévère.

    Le risque d’une grave récession inquiète les places financières

    Le débat qui anime les places financières porte essentiellement sur la vitesse d’augmentation des taux et la capacité de la Fed à ralentir l’économie sans provoquer trop de dégâts. Powell parle ainsi de « soft landing » (atterrissage en douceur), sans convaincre les marchés financiers, de plus en plus critiques. Comme le notait le magazine Jacobin , Citigroup et Moody’s estiment désormais qu’une récession est l’issue la plus probable. La banque UBS jugeait « particulièrement notable que la Fed admette le risque d’une récession ». Devant le Congrès, les patrons des principales banques ont alerté à ce propos, Jamie Dimond (JP Morgan) déclarant « ces hausses de taux vont assurément provoquer une récession et une hausse du chômage ». Le fonds d’investissement Blackrock jugeait les projections de le la Fed trop optimistes, tout en critiquant une stratégie qualifiée « d’arbitrage brutal » entre prix et salaires qui va « provoquer une large récession ». Surtout, Blackrock ne voit pas en quoi la hausse des taux va contenir l’inflation, qu’il considère provenir d’un problème d’offre.

    Pour Wall Street, il s’agit de prévenir leurs clients qu’une forte dépréciation des actifs financiers est à l’horizon, si la Fed poursuit dans la même voie. Et cette préoccupation va au-delà des simples marchés boursiers. La Banque Mondiale s’inquiétait du fait que « les banques centrales vont sacrifier leur économie à la récession pour contrôler l’inflation ». Les Nations Unies ont alerté sur le fait que les politiques monétaires risquaient « d’infliger des dégâts supérieurs à la crise financière de 2008 et à la pandémie de covid-19 de 2020 ».

    Aux États-Unis, le taux d’emprunt immobilier moyen s’établit désormais à plus de 7,5%, contre 3% en 2021. Soit le plus haut taux en 22 ans, qui provoque de sérieuses craintes d’un retournement du marché immobilier, la demande s’effondrant face à l’inaccessibilité du crédit. Or, une chute brutale de ce secteur pourrait avoir des retombées économiques et financières dramatiques. Tout cela pour des résultats qui se font attendre sur le front de l’inflation.

    Les Nations Unies ont alerté sur le fait que les politiques monétaires risquaient « d’infliger des dégâts supérieurs à la crise financière de 2008 et à la pandémie de covid-19 de 2020 ».

    En septembre, l’indice des prix américains a augmenté de 0,4% par rapport au mois d’août, alors que le marché du travail résistait, tout en ralentissant son rythme de créations d’emplois. Mais si l’économie américaine semble supporter les hausses de taux (à l’exception du marché immobilier), la politique de la Fed impacte déjà négativement le reste du monde.

    En effet, ses hausses de taux provoquent une appréciation spectaculaire du dollar face aux autres monnaies. Ceci s’explique autant par l’attractivité des bons du trésor fédéral que par la confiance accrue dans l’économie américaine, qui semble plus capable de faire face à la conjoncture économique en tant que pays exportateur net de matières premières et énergie (pétrole, gaz, céréales,…). Si l’appréciation du dollar permet aux Américains de réduire le prix des biens importés tout en profitant davantage de leur manne gazière et pétrolière, pour le reste du monde, les effets sont problématiques. Le dollar demeure la monnaie d’échange internationale. Ainsi, la chute de 20% de l’euro augmente mécaniquement le prix du pétrole de 20%, avant même de prendre en compte la hausse de ce dernier. La livre sterling a également perdu plus de 20% de sa valeur face au dollar. Autrement dit, la FED est en train d’exporter l’inflation à tous les autres pays, développés comme émergents.

    Pour limiter cet effet, les autres banques centrales ont emboité le pas à la Fed, augmentant leurs taux – entre autres – pour défendre leur monnaie. Au risque de provoquer à leur tour une récession dans leurs pays respectifs, sans parvenir à juguler l’inflation. Le 27 octobre, Christine Lagarde a reconnu que « l’économie de la zone euro va vraisemblablement ralentir de façon significative au troisième trimestre (…) la récession se profile à l’horizon ». Elle a pourtant justifié une nouvelle hausse des taux de 75 points de base en affirmant qu’un « ralentissement de la demande permettra de faire diminuer l’inflation et la pression sur les prix, notamment de l’énergie ». Des déclarations qui tiennent de la méthode Coué, la BCE ayant par ailleurs admis que l’inflation ne provenait pas d’un emballement de l’économie ou des salaires, mais des prix de l’énergie et de l’alimentation, dont elle prévoit une poursuite de l’augmentation. Comme pour la FED, la Banque centrale européenne admet qu’elle n’a pas de prise directe sur l’inflation tout en assumant prendre le risque de pousser l’économie vers la récession.

    Cette politique monétaire établit un précédent historique inquiétant : jamais une banque centrale n’avait encore renoncé à soutenir ses États membres en période de guerre. Or, le conflit qui oppose objectivement l’UE à la Russie s’ajoute à de nombreuses autres crises nécessitant un soutien monétaire. Citons la crise climatique, une récession déjà actée en Allemagne et l’envolée des prix de l’énergie qui menace le tissu industriel européen. Les États de l’Eurozone vont pourtant devoir financer leur effort de guerre via les marchés financiers, à des taux en hausse du fait de la politique monétaire de la BCE, qui demande par ailleurs aux États d’engager des efforts de désendettement. Tous les ingrédients sont réunis pour provoquer une violente récession.

    De plus, l’augmentation des taux va réduire la capacité du secteur privé et des États à investir dans les domaines indispensables que sont la transition énergétique, l’adaptation au changement climatique et les infrastructures. L’augmentation de la charge de la dette va également réduire les marges de manœuvre des États et collectivités locales en matière de politiques sociales, voire nécessiter des coupes budgétaires drastiques dans les services publics et la protection sociale. La France est d’autant plus exposée que le gouvernement Macron a émis des obligations indexées sur l’inflation, une décision incompréhensible, sauf à vouloir vider le trésor public pour enrichir les investisseurs privés, comme l’a implicitement admis Bruno Le Maire face au Parlement .

    Une attitude incompréhensible, à moins de l’analyser comme une politique de classe.

    Aux États-Unis, l’action de la Fed peut s’analyser comme un effort visant à protéger les détenteurs de capitaux de l’inflation, tout en brisant la capacité du mouvement ouvrier et syndical à obtenir de meilleures conditions de travail. Les mouvements de grèves et de syndicalisation, encore timides et cantonnés à certaines grandes entreprises et secteurs industriels (fret ferroviaire, transport routier, Amazon, Starbucks…) ont déjà provoqué une réaction violente du patronat . Et les commentaires de Jerome Powell sur l’importance d’assouplir le marché du travail sont suffisamment explicites. En juin, il avait estimé que le rapport de force capital/travail était « trop favorable aux travailleurs », confirmant que sa politique monétaire vise aussi à réduire les capacités de négociations des syndicats, et pas uniquement « faire baisser les salaires pour faire baisser l’inflation », comme il l’avait expliqué dès le mois de mai . Les économistes de la Fed estiment pourtant que la politique monétaire de Powell va provoquer une sévère récession, selon les révélations de The Intercept . Ce qui n’empêche pas Powell de poursuivre la hausse des taux. Du reste, la Fed est sujette à l’intense lobbying des grandes banques privées et syndicats patronaux, qui avaient dépensé des millions de dollars pour obtenir la nomination de Powell.

    Mais au-delà du réflexe de classe, qu’on retrouve également du côté de la BCE, l’autre explication de l’entêtement à augmenter les taux tiendrait dans le manque d’alternatives apparentes. À moins d’intervenir directement dans l’économie, en finançant des initiatives publiques visant à agir sur les causes profondes de l’inflation (investissement dans les infrastructures, dans la transition énergétique,…) et confrontées à l’inaction relative des gouvernements, les banques centrales s’en remettent à ce qu’elles savent faire de mieux : agir sur leur taux directeur. Parfois sans y croire, comme le notait le Financial Times . Le journal économique de référence rapportait que Isabel Schnabel, une des principales économistes de la BCE, estimait que les modèles de la Banque Centrale Européenne n’étaient plus valides et que la hausse des prix serait durable, malgré la hausse des taux.

    Se pencher sur d’autres modes d’action remettrait en cause le modèle néolibéral, et dans le cas de la BCE, la logique des traités européens. Quel que soit le bout par lequel on analyse le problème, il s’agit donc bien d’une politique de classe. L’inflation rogne les salaires et l’épargne. La hausse des taux permet de mieux rémunérer les capitaux tout en cassant le pouvoir de négociation des salariés et ainsi maintenir les salaires bas. Mais les conséquences de cette stratégie pourraient échapper au contrôle des banques centrales, en provoquant une grave récession à l’échelle mondiale, avec toute la souffrance que cela implique pour les classes laborieuses de par le monde.

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    Devant le théâtre national de #Toulouse occupé, le maire JL. #Moudenc joue aux arracheurs d’affiche

    Par #TVbruits : http://tvbruits.org/spip.php?article2765

    “Les affiches d’ #ActUp connaissent un succès fou ! À tel point qu’elles s’arrachent, au sens propre comme au sens figuré. Ainsi hier après-midi peu après 16 heures, n’a-t-on pas vu débouler devant le #théâtre de la Cité, surgi d’une voiture électrique, le maire de Toulouse en personne Jean-Luc Moudenc.En quelques secondes il a foncé sur l’une des affiches collées sur la paroi vitrée du théâtre, disant « Moudenc est à la culture ce que Monsanto est à l’agriculture ». Nous l’avons surpris dans son geste d’arracheur d’affiche alors qu’il regagnait prestement la voiture avec chauffeur qui l’attendait tout à côté. Et quand nous lui avons demandé d’expliquer son geste, il nous a benoitement répondu : « c’est pour me distraire »”.

    #lutte #mairie #lrem #lr #culture #occupation #chômage #crise #assuranceChômage #unedic #social #société #politique #actu #actualité #HauteGaronne
    https://upload.movim.eu/files/7b4a27eed4cd52381dd25ae94920402e838b41d3/ZddmrKxCSoWe/158588020_2542666549373358_1889180399360947369_n.jpg

    #Toulouse - #Culture - Jeudi 11 mars : Avec les occupant-es de l’ #Odéon : amplifions partout la #mobilisation !

    #Rassemblement - Rdv : 10 h 30 - Théâtre de la Cité à l’appel de la Coordinations des IntermittentEs et précaires de Midi-Pyrénées ( #CIP MP)

    https://fr-fr.facebook.com/events/202938148250301/

    “Soutien à celles et ceux qui occupent le théâtre de l’Odéon!!
    Le temps de la patience est révolu.
    Nous exigeons des réponses.
    Mesures d’urgences pour les intermittents de l’emploi.
    Prolongation pour touTEs de l’année blanche
    Maintien de droits pour l’accès au congé maladie et maternité
    Abandon définitif de la réforme #chômage
    Ce que nous défendons, nous le défendons pour toutes et tous.”

    #ComitéPrécairesCNT31 #précarité #syndicalisme #lutte #spectacle #capitalisme #crise #social #société #politique #économie #actu #actualité #HauteGaronne #manif #intermittence #unedic #PôleEmploi