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      « Des sources de la connaissance et de l’ignorance » de Karl Popper

      Johan Rivalland · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 31 December, 2022 - 04:00 · 11 minutes

    Ce petit essai est la transcription d’une conférence donnée par Karl Popper à la British Academy en janvier 1960. Il commence par expliquer l’effet voulu du titre : l’ignorance symbolisant la non-connaissance, comment pourrait-elle avoir des sources ? Son intention est en réalité de porter l’attention sur les théories du complot qui sont une sorte de résistance organisée à la connaissance et en ce sens une perversion dont les influences malignes « pervertissent et contaminent nos esprits et nous accoutument de manière insidieuse à opposer une résistance à la connaissance ».

    Les sources de la connaissance

    S’appuyant sur la controverse qui opposait empiristes britanniques (Bacon, Locke, Berkeley, Hume, Stuart Mill) et rationalistes (Descartes, Spinoza, Leibniz), il entend montrer quant à lui que ni l’observation, ni la raison, ne peuvent être définies comme la source de la connaissance.

    Pour autant, nier l’importance de la théorie de la connaissance et de ses conséquences pratiques risque de déboucher sur l’autoritarisme et les conceptions totalitaires . L’enjeu est donc de taille.

    En réalité, le problème est tout à fait simple. Les convictions libérales – la croyance en la possibilité d’une société régie par le droit, d’une justice égale pour tous, de droits fondamentaux, et l’idée d’une société libre – peuvent sans difficulté persister après qu’on a reconnu que les juges ne sont pas infaillibles et risquent de se tromper quant aux faits et que, dans la pratique, lors d’une affaire judiciaire, la justice absolue ne s’accomplit jamais intégralement…

    C’est de cette possibilité de la connaissance et de l’accès à la vérité que l’on est capable de distinguer de l’erreur que sont nées la science et la technique modernes. Et non en invoquant de quelconques autorités.

    L’homme a la faculté de connaître : donc, il peut être libre. Cette formule exprime la relation qui lie l’optimisme épistémologique et les conceptions libérales. La relation inverse existe également. L’absence de confiance dans le pouvoir de la raison, dans la faculté qu’a l’homme de discerner la vérité va presque toujours de pair avec une absence de confiance en l’homme.

    C’est en ce sens que le traditionalisme s’oppose au rationalisme au sens large (incluant l’intellectualisme cartésien et l’empirisme). En l’absence de vérité objective, il oppose l’adhésion à l’autorité de la tradition, au chaos. Tandis que le rationalisme revendique le droit de critiquer toute tradition et toute autorité reposant sur la déraison, les préjugés ou le hasard.

    Se méfier des croyances. Une mise en garde pour l’épistémologue

    L’unique intérêt de l’épistémologue, nous dit Karl Popper, est de découvrir la vérité. Que celle-ci s’accorde ou s’oppose à ses idées politiques. Et en s’écartant de ses désirs utopiques. C’est pourquoi, dit-il, « la meilleure méthode consiste peut-être à commencer par soumettre à la critique nos croyances les plus chères ». Ce qu’il s’applique lui-même en tant que libéral.

    L’erreur résulte du refus coupable de voir la vérité lorsqu’elle est pourtant manifeste « ou dans les préjugés que l’éducation et la tradition ont gravés dans notre esprit, ou encore dans d’autres influences pernicieuses qui ont perverti la pureté et l’innocence originelles de notre esprit ».

    Les théories du complot, à l’instar de la version marxiste visant la supposée conspiration de la presse capitaliste qui déformerait et censurerait la vérité, ou encore celle à l’encontre des messages religieux, sont une autre dérive, non seulement inconciliable avec la tolérance, mais terrain propice à l’ignorance.

    Des croyances fausses parviennent quelquefois à perdurer pendant des siècles de manière surprenante, au mépris de toute expérience, et ce, qu’elles tirent ou non leur force de l’existence d’un complot.

    L’épistémologie positive

    Si l’épistémologie optimiste de Bacon et Descartes ne saurait être vraie, écrit Karl Popper, le paradoxe est qu’elle a été « la principale source d’une révolution intellectuelle et morale sans précédent ».

    Elle a encouragé les hommes à penser par eux-mêmes. Elle les a conduits à espérer qu’ils pourraient, grâce à la connaissance, se libérer eux-mêmes et libérer autrui de la servitude et du dénuement. C’est elle qui a rendu possible la science moderne. C’est elle qui a inspiré la lutte contre la censure et la répression de la liberté de pensée. Elle est devenue le fondement de la conscience non conformiste, de l’individualisme, et elle a donné un contenu nouveau à la dignité humaine ; c’est d’elle qu’est venue l’exigence de lumières universelles, qu’est né le désir d’une société libre. Cette conception a fait que les hommes se sont sentis responsables à l’égard d’eux-mêmes comme d’autrui, et elle leur a imprimé la volonté d’améliorer non seulement leur propre sort, mais aussi celui de leurs semblables . Nous avons là l’exemple d’une idée contestable qui a donné naissance à une multitude d’idées légitimes.

    À l’inverse, elle a aussi eu de terribles conséquences : « La doctrine qui affirme le caractère manifeste de la vérité – que celle-ci est visible pour chacun pour peu qu’on veuille la voir – est au fondement de presque toutes les formes de fanatisme ». On voit bien là émerger les thèses conspirationnistes , centrées sur l’idée qu’on cherche à nous cacher la vérité.

    Mais elle peut aussi être la source des autoritarismes , une autorité étant chargée de fixer ce qui doit être tenu pour la vérité manifeste. De manière forcément arbitraire.

    Ce qui peut inspirer, selon Karl Popper, une épistémologie pessimiste, que Platon lui semble particulièrement incarner. Dans la continuité des illustres poètes antiques qui ont précédé, il existerait des sources divines de la connaissance que nous avons oubliées mais dont la théorie de la réminiscence suppose que nous puissions être en mesure de les reconnaître (ce que symbolise indirectement la maïeutique socratique , qui vise en particulier à tenter de dissiper les préjugés par un questionnement ayant pour but d’accoucher les idées). Qui préfigure le cartésianisme. Mais à travers le mythe de la caverne , Platon stipule que le monde sensible n’est qu’une ombre et que l’accès à cette connaissance divine ne peut se faire qu’au prix de difficultés presque insurmontables, que seuls quelques « élus » sont en mesure d’atteindre, plongeant la majorité des mortels dans l’ignorance. Ce qui débouche sur des conceptions autoritaristes .

    La méthode inductive

    Mais Karl Popper, retenant essentiellement la perspective optimiste, s’intéresse surtout à la méthode inductive interprétative de Bacon (à la suite d’Aristote), dont il dit être un partisan convaincu, consistant à chercher à éliminer les préjugés et fausses croyances, à travers les contre-exemples (à l’instar de ce que pratiquait Socrate). Méthode par nature antiautoritaire et antitraditionaliste, rejoignant aussi l’esprit cartésien, avec quelques différences (volonté d’aboutir à une connaissance absolument certaine chez Descartes, là où Socrate – conscient de nos limites et du fait que nous savons peu – refuse toute prétention à la connaissance ou à la sagesse). Mais qui n’est pas sans difficultés et limites en raison notamment de notre faillibilité qui suppose une critique rationnelle et une autocritique de tous les instants.

    Nous ne saurions en résumer ici trop brièvement et maladroitement la substance, tant Karl Popper convoque de grands esprits pour en établir les subtilités (Erasme, Montaigne, Locke, Voltaire, John Stuart Mill, Bertrand Russel, etc.), au risque d’introduire malgré nous des biais interprétatifs . Idées qui ont débouché chez ces auteurs sur la doctrine de la tolérance, fondée sur l’incertitude de nos connaissances, du fait de les faiblesses et erreurs dont nous sommes tous pétris, tant « … nous sommes nous-mêmes la source de notre ignorance ».

    Karl Popper ne manque pas de rappeler, en ce sens, que « la physique cartésienne remarquable à certains égards était erronée. Or elle ne se fondait que sur des idées qui, de l’avis de Descartes, étaient claires et distinctes et eussent donc dû être vraies ». Ce qui rejoint partiellement le parti de Jean-François Revel de donner pour titre à l’un de ses ouvrages Descartes inutile et incertain .

    Popper discute ensuite de la question de l’origine et de la vérité factuelle, dans une perspective essentialiste, mais nous n’en reprendrons pas les éléments ici.

    Une critique de l’empirisme

    Popper conteste l’observation en tant que source ultime de la connaissance. Toute assertion serait censée reposer sur des observations. Or, constate-t-il, la plupart de nos assertions sont fondées sur d’autres sources que l’observation.

    À travers des exemples simples, il montre la réelle difficulté de pouvoir remonter de manière certaine à la source de la supposée observation. Même des investigations poussées parviendront difficilement à prouver la validité de chacune des assertions en chaîne tendant à démontrer la sûreté de la source. Dans la plupart des cas on parviendrait à une impossibilité logique, rendant vaine une telle démarche. Ladite observation reposant elle-même sur une interprétation, produite tantôt à la lumière du savoir théorique, tantôt à l’abri de toute théorie. Sans compter son lot d’erreurs, de déformations, d’omissions de toutes sortes. Très souvent, les connaissances sont la résultante de références qui se rapportent à une source commune qui elle-même peut être fautive.

    Lorsqu’ils sont possibles, l’expérimentation (voir ce qu’écrivait Jean Fourastié à ce sujet) , ou encore l’examen critique, peuvent constituer des parades à même d’accroître notre connaissance sans qu’il ne s’agisse davantage de sources ultimes et laissant intacte la question de départ et la réponse brutale qu’en fait Popper :

    Mais quelles sont alors les sources de notre connaissance ? La réponse me semble-t-il, est celle-ci : il existe toutes sortes de sources, mais aucune d’elles ne fait autorité .

    On peut penser que certaines références (telle ou telle parution scientifique, par exemple) constituent des sources de connaissance considérées comme sérieuses, ou que certaines communications font davantage autorité que d’autres. Mais, considérant un article d’une parution scientifique de référence, « la source de celui-ci peut fort bien être la mise en lumière d’une incohérence figurant dans un autre article ou bien la découverte de ce qu’une hypothèse proposée dans une autre communication est susceptible d’être testée grâce à telle ou telle expérience ; ces diverses découvertes, qui ne sont pas imputables à l’observation, constituent également des « sources » au sens où elles nous permettent d’accroître notre savoir ».

    Le rationalisme critique

    Selon Popper l’erreur fondamentale est « de ne pas distinguer assez clairement les problèmes d’origine des problèmes de validité ».

    Le problème de l’origine des sources est donc mal posé par l’empiriste, et même à récuser, car appelant une réponse de nature autoritariste. Il établit d’ailleurs une intéressante analogie avec la traditionnelle question de la théorie politique, elle aussi selon lui mal posée, « Qui doit gouverner ? », qui « appelle des réponses autoritaristes comme « les meilleurs , « les plus sages », « le peuple » ou « la majorité » […] Il faudrait lui substituer une question tout à fait différente : « Comment organiser le fonctionnement des institutions politiques afin de limiter autant que faire se peut l’action nuisible de dirigeants mauvais ou incompétents – qu’il faudrait essayer d’éviter bien que nous ayons toutes les chances d’avoir à les subir quand même ? »

    De la même manière, sur la problématique des sources de la connaissance, au lieu de se demander quelles seraient les meilleures, ou les plus sûres, Popper propose de la reformuler ainsi : « De quelle manière pouvons-nous espérer déceler et éliminer l’erreur ? » Rejoignant ainsi la position fort ancienne de Xénophane . Et la réponse de Karl Popper est de nouveau : par la critique (des théories, des suppositions, y compris les siennes propres si possible). Ce qu’il propose d’appeler « le rationalisme critique » distinct du rationalisme de Descartes ou même de Kant . Il peut prendre la forme d’une assertion provisoire que l’on soumet à une critique aussi rigoureuse que possible et qui peut le cas échéant être réfutée par l’expérimentation. Tout au moins pour ce qui est du domaine scientifique ( plus difficilement historique ).

    Pour conclure son intervention, Karl Popper forme une série de dix thèses qui se basent sur les raisonnements précédents. Nous ne les reprendrons pas ici mais en guise de conclusion de cette présentation nous nous contenterons d’en extraire le point suivant (le sixième) qui nous semble plus fondamental que jamais en ces temps de remise en cause de tout ce qui fonde notre civilisation :

    La connaissance ne saurait s’élaborer à partir de rien – d’une tabula rasa – ni procéder de la seule observation. Les progrès du savoir sont essentiellement la transformation d’un savoir antérieur. Bien que ces progrès soient dus quelquefois, en archéologie par exemple, à un hasard de l’observation, l’importance des découvertes réside habituellement dans leur capacité de modifier nos théories antérieures.

    Karl Popper, Des sources de la connaissance et de l’ignorance , Rivages, novembre 2018, 160 pages.

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      N’abandonnons pas la question de la religion aux identitaires !

      Thomas Viain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 14 November, 2020 - 04:25 · 6 minutes

    religions

    Par Thomas Viain.

    Une figure médiatique du Rassemblement national, Jean Messiha, a expliqué récemment sur Sud Radio que l’islam n’était pas compatible avec les valeurs de la République . La déclaration a choqué car elle semble condamner tout musulman à n’être à jamais qu’un citoyen de seconde zone.

    Elle revêt une connotation particulière, alors que le ministre de la Défense affirme le 8 novembre au Caire que la France possède un « profond respect de l’islam » .

    Séparer le croyant de sa croyance

    L’ex-cadre du RN a tenu à clarifier ses propos : il ne faudrait pas confondre l’islam et les musulmans. L’islam comme idéologie et les citoyens musulmans, qui ne se réduisent pas à leur religion. Ce sont des parents, ils aiment l’art, ils exercent une profession etc., et ce serait les essentialiser que de les cantonner à l’islam auquel ils adhèrent.

    Idée authentiquement libérale, selon laquelle la dignité d’un individu commande précisément de ne pas le réduire aux idéologies qui le traversent.

    Cette distinction pourrait même passer pour une marque de respect à l’égard des croyants, en tant qu’ils restent avant tout des individus uniques, dissociables d’un groupe et pouvant se défaire de leurs croyances ; elle est toutefois piquante venant du membre d’un parti faisant l’apologie de l’identité et de l’enracinement, et pas précisément de l’individu libre de ses attaches !

    Les religions revendiquent leur transcendance

    Notre libéralisme s’honore de cette distinction, mais il faut affiner l’analyse : séparer le croyant de sa croyance serait très aisé si les croyances religieuses étaient semblables aux autres croyances.

    Or, l’idée de transcendance se niche au cœur de la conviction religieuse, impliquant une sorte de supériorité de nature sur les autres types de croyances.

    La sécularisation de nos sociétés nous a fait perdre de vue cette réalité et nous considérons trop souvent les religions comme des idéologies relevant de l’ordre social (entraide, solidarité) ou de l’ordre du développement personnel (la prière comme genre de méditation).

    Le philosophe Willard Van Orman Quine utilise une image éloquente pour décrire la structure de nos croyances : un champ de forces concentriques, à la périphérie duquel se trouveraient les croyances les moins structurantes et en son centre, les plus fondamentales.

    Lorsqu’une nouvelle croyance arrive de l’extérieur, elle modifie ce champ pour s’y faire une place. Nos sociétés sécularisées ont tendance à voir les convictions religieuses comme s’ajoutant à la seule périphérie de notre représentation du monde, sans venir modifier le champ de forces en son milieu. Il y a trois raisons principales à cela.

    Tout d’abord, la conviction diffuse qu’une croyance religieuse étant nécessairement irrationnelle (on est loin de l’époque des preuves de l’existence de Dieu valant jusqu’à Kant), elle ne peut que rester à la périphérie, les croyances rationnelles au centre pouvant difficilement lui faire une place, sauf dans le cas du fanatisme.

    Par ailleurs, la foi ne se démontrant pas, elle ne permet pas de partager des vérités intersubjectives et ne peut donc pas investir le champ du débat démocratique. On en déduit que les croyances religieuses sont tout au plus une sorte d’éthique réservée à la vie privée.

    Enfin, enracinée dans nos consciences modernes, se loge une compréhension mal digérée de la fameuse pyramide de Maslow. On imagine spontanément nos désirs s’organisant sagement en partant du biologique : d’abord les besoins essentiels (se nourrir), ensuite seulement les désirs spirituels.

    Dieu avant la République

    On occulte ainsi l’aspect radical des convictions religieuses et on arrive à certaines impasses. On met ainsi en demeure des citoyens musulmans de reconnaître que les lois de Dieu sont supérieures aux lois de la République.

    Suite à l’émoi suscité par un sondage Ifop suggérant que 74 % des jeunes musulmans de moins de 25 ans considèrent leurs convictions religieuses comme supérieures aux valeurs de la République, Nadir Kahia, Président de Banlieues-plus, explique à très juste titre que cette attitude est en réalité propre à la grande majorité des croyants.

    La question piège pour obtenir son brevet de laïcité devient alors : vous considérez-vous d’abord comme citoyen ou comme croyant (la vieille rengaine : musulman français ou français musulman) ?

    Mais comment penser sérieusement un seul instant qu’un individu, toutes religions confondues, qui croit à l’existence d’un être infini, éternel et tout-puissant placera la France en premier, qui ne représente qu’une création parfaitement éphémère, contingente et secondaire du Dieu auquel il croit ?

    Pour sortir de ce dilemme de la supériorité de la vie publique sur la vie privée, on pense organiser la société de telle sorte que chacun puisse vivre les vérités lui semblant les plus importantes. La société reste neutre sur le plan des valeurs (axiologiquement), pour permettre à chacun de vivre au mieux ses propres vérités fondamentales.

    Cela correspond à la position d’Abdallah Zekri, délégué général du CFCM, affirmant que la loi de la République est plus importante que la loi religieuse, car celle-ci n’est qu’une loi personnelle. La loi de la République étant la condition de possibilité de la loi religieuse, elle la précède donc logiquement.

    Mais ce raisonnement a certaines limites mises en lumière par Jean-Claude Michéa : rien ne nous garantit que les conceptions individuelles du bien ne finiront pas par s’affronter, et il faudra alors quelque chose de plus important qu’elles, dans les consciences mêmes des individus, pour s’opposer à une guerre des Dieux.

    Or, ce n’est plus l’organisation de la société en tant que telle qui est le bien commun le plus important : elle n’est qu’un simple moyen pour les citoyens de vivre ce qui leur semble le plus important.

    Nous espérons l’équilibre pérenne, avec Maslow. Cette conception ne pose aucune difficulté lorsqu’il s’agit d’apprécier l’art, de voyager ou de cultiver l’amitié. Mais dans le cas d’une religion, elle devient problématique, puisque bon nombre de religions ont leur propre idée de ce que devrait être une société bien organisée, et ne comptent pas rester en haut de la pyramide de Maslow.

    La solution libérale au problème de la laïcité dans l’espace public ne peut donc pas s’imposer de l’extérieur, au nom d’une loi républicaine qui a beaucoup moins de force que la loi religieuse.

    C’est au sein même des convictions religieuses qu’il faut chercher un espace pour les lois de la cité ; comme chez Augustin, par exemple, où la cité terrestre ne se confond pas avec la cité céleste, et où vouloir que la cité terrestre devienne la cité céleste crée plus de mal que de bien.

    La religion doit trouver ses propres raisons d’être pratiquée dans une société qui ne croit pas et ainsi renoncer à être totalement ce qu’elle voudrait être.

    Un libéral convaincu doit travailler sans relâche à ce projet, par une controverse décomplexée incitant les croyants à expliquer pourquoi leur Dieu devrait être limité.