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      Victoire écrasante en Iowa : en 2024, le retour de Donald Trump ?

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Friday, 19 January - 16:21 · 19 minutes

    Malgré les affaires et sa tentative de putsch en 2020, Trump a triomphé à la primaire de l’Iowa le 16 janvier dernier, devançant son plus proche adversaire de 30 points. Archi-favori pour représenter le camp républicain, l’ancien Président devrait vraisemblablement affronter de nouveau Joe Biden à la fin de l’année, candidat par défaut du camp démocrate. Compter sur les affaires de Trump, une mobilisation de dernière minute pour « défendre la démocratie » ou un bilan macro-économique positif, comme semble le faire l’actuel locataire de la Maison Blanche, paraît risqué. La ferveur de la base trumpiste tranche en effet avec le manque d’enthousiasme des électeurs démocrates.

    Du fait du poids des États-Unis dans le monde, la présidentielle américaine nous concerne tous. Celle de 2024 aura lieu dans un peu moins de dix mois et devrait logiquement voir s’affronter les mêmes candidats qu’en 2020 : le vieillissant Joe Biden côté démocrate, le multi-inculpé Donald Trump côté républicain. Ce dernier vient de triompher dans l’Iowa, première étape des primaires républicaines. Archi-favori pour remporter la nomination de son parti, il semble disposer de sérieuses chances de revenir au pouvoir. Pourquoi l’Amérique semble condamnée à rejouer le match de 2020, alors que trois électeurs sur quatre rejettent cette affiche opposant un criminel putschiste à un octogénaire au charisme d’huître ? Un troisième candidat pourrait-il créer la surprise ?

    Côté démocrate : pourquoi Biden est le seul « véritable » candidat

    Ceux qui pensaient que Joe Biden ne briguerait pas de second mandat ne connaissent sans doute pas bien le personnage ni son rapport au pouvoir. Lorsqu’il annonce son souhait de se représenter à l’hiver 2023, le Président sortant dispose de solides arguments. Son bilan législatif est largement supérieur à celui d’Obama, avec quatre lois majeures votées en deux ans : le plan de relance Covid, le plan d’investissement dans l’économie (« Build Back Better »), le plan d’investissement dans le secteur électronique (« Chips Act ») et le plan pour la transition énergétique (« Inflation Reduction Act »). En outre, le Parti démocrate a réalisé une performance inespérée lors des élections de mi-mandat, habituellement synonyme de déroute pour le parti au pouvoir : les démocrates ont gagné un siège au Sénat et de nombreux postes de gouverneurs et ont manqué de peu de conserver leur majorité à la Chambre des représentants.

    Le bilan législatif de Biden est largement supérieur à celui d’Obama, avec quatre lois majeures votées en deux ans.

    Par ailleurs, Biden a profité de sa mainmise sur le Parti démocrate pour redessiner le calendrier des primaires. En plaçant l’État de Caroline du Sud en tête des scrutins, il s’assure un démarrage optimal en cas de challenger sérieux. Si cet État vote largement républicain à l’élection générale, Biden y avait triomphé lors des primaires démocrates de 2020, grâce aux électeurs afro-américains qui lui sont durablement acquis . C’était justement en Caroline du Sud qu’il était parvenu à inverser la tendance dans sa bataille contre Bernie Sanders il y a quatre ans, alors que son concurrent de gauche avait remporté les premiers scrutins dans l’Iowa et le New Hampshire.

    Etant donné le bilan honorable de Biden, la difficulté objective à le battre dans des primaires biaisées en sa faveur et le risque de diviser leur camp, les grands argentiers du Parti démocrate n’ont pas jugé utile de convaincre un autre candidat de défier le président sortant. Autrement dit, Biden représente le choix des élites du parti contre celui de ses électeurs, qui préféraient très majoritairement qu’il ne se représente pas.

    Le Parti démocrate ne manque certes pas de talents. Des gouverneurs très en vue et biens financés comme Gavin Newsom (Californie) et Gretchen Whitmer (Michigan) ont préféré patienter. Les gouverneurs Josh Shapiro (Pennsylvanie) et Andy Beshear (Kentucky) avaient également de solides arguments : le premier a remporté l’État clé de l’élection 2020, le second s’était fait élire en terre ultra-trumpiste. Mais l’un comme l’autre doivent d’abord faire leurs preuves au pouvoir dans leur État. Restaient les anciens poids lourds de la primaire 2020, à commencer par l’ambitieux ministre des Transports Pete Buttigieg. L’option logique aurait été la vice-présidente Kamala Harris, mais du fait de son inaptitude politique, elle n’a pas été en mesure de se construire une stature nationale. Moins populaire que Joe Biden, elle aurait eu toutes les peines du monde à justifier de le défier. Tous ces candidats potentiels issus de l’ establishment démocrate n’ont donc pas envie de s’opposer à leur chef et préfèrent attendre 2028 pour laisser libre cours à leurs ambitions.

    Biden représente le choix des élites du parti contre celui de ses électeurs, qui préféraient très majoritairement qu’il ne se représente pas.

    Et à gauche ? Bernie Sanders a un an de plus que Joe Biden et aurait fait face à des difficultés structurelles plus importantes qu’en 2020 pour le battre dans des primaires. Il a donc préféré poursuivre sa stratégie d’entrisme en misant sur la réélection de Biden. Dans cette logique, il a rapidement soutenu la candidature du président sortant, coupant l’herbe sous le pied d’un potentiel challenger issu de l’aile gauche.

    Alexandria Occasio-Cortez est quant à elle trop jeune et isolée pour se sentir capable de défier Joe Biden. D’autres progressistes comme la présidente du Progressive Caucus Pramala Jayapal ou l’élu californien Ro Khanna restent davantage liés à l’appareil du parti. Du reste, Biden avait pris soin de décourager tous les candidats potentiels mentionnés plus haut en leur réservant une place dans son administration (Harris, Buttigieg) ou en les intégrant dans son dispositif de campagne (les gouverneurs, Ro Khanna…). Quant aux petits candidats qui lui disputeront la primaire démocrate, ils n’ont pas d’envergure nationale.

    Sauf accident de santé ou retournement de dernière minute des cadres du parti, Biden sera donc investi candidat démocrate cet été. Il aurait probablement été plus responsable de sa part de laisser la place, mais Biden a toujours été attiré par le pouvoir. Il est, par bien des aspects, le stéréotype d’un politicien ayant passé toute sa vie à Washington.

    Trump assuré d’obtenir la nomination des Républicains

    Si Donald Trump porte mieux son âge (77 ans) que Joe Biden, sa candidature n’était pas nécessairement évidente. En premier lieu, les sondages suggèrent que n’importe quel autre républicain ferait mieux. Cette impression est renforcée par ses performances électorales : en 2018, il perd largement les élections de mi-mandat. En 2020, il rejoint le club très fermé des présidents sortants battus, ce qui n’était pas arrivé depuis 1992, lorsque la droite conservatrice avait aligné deux candidats. En 2021, les républicains perdent le contrôle du Sénat par sa faute lors d’élections spéciales en Géorgie. En 2022, les candidats qu’il avait appuyés aux élections de mi-mandat se sont fait écraser. En cause, sa formidable capacité à mobiliser l’électorat démocrate et indépendant contre lui.

    Deuxièmement, Donald Trump a essayé de renverser le résultat des élections lors d’une tentative de putsch ayant abouti à la mise à sac du Capitole le 6 janvier 2021. Il est d’ailleurs inculpé dans deux procès liés à son rôle dans cette insurrection. Lui-même passe son temps à proclamer qu’une fois réélu, il mettra tout en œuvre pour expédier ses adversaires politiques en prison. Si cette rhétorique mobilise sa base, elle constitue un handicap évident pour l’élection générale. De plus, ses procès risquent de mobiliser une partie de son temps et de ses ressources pendant les derniers mois de la campagne, en plus de présenter le risque d’aboutir sur des condamnations politiquement désastreuses et de générer une couverture médiatique défavorable.

    Pour toutes ses raisons, les cadres du Parti républicain auraient pu tenter d’imposer un autre candidat. Seulement, Trump reste de loin la personnalité la plus populaire auprès de la base qui vote aux primaires et se déplace régulièrement aux élections intermédiaires. Les poids lourds républicains n’ont pas osé défier leur base électorale en prenant des mesures pour stopper Trump en amont. Ils ont ainsi refusé de le destituer après sa tentative de putsch, puis de coopérer avec les démocrates lors de la Commission parlementaire chargée d’enquêter sur le sac du Capitole.

    Trump reste de loin la personnalité la plus populaire auprès de la base qui vote aux primaires et se déplace régulièrement aux élections intermédiaires.

    Aidé par un écosystème médiatique conservateur extrêmement puissant, Trump a réussi à convaincre une majorité d’électeurs républicains que Joe Biden avait volé l’élection de 2020 et que les violences du 6 janvier 2021 avaient été commises par des agents du FBI infiltrés et des militants antifas venus polluer une « manifestation patriotique ». Un pan entier de l’électorat et de nombreux élus républicains vivent ainsi dans une réalité alternative.

    Pour rappel, les tribunaux et la Cour suprême ont tranché plus de 40 fois et de manière unanime contre Trump dans toutes ses plaintes. Trump lui-même a admis dans des conversations enregistrées qu’il cherchait à renverser le résultat sans preuve, de nombreux témoignages de ses équipes et de sa famille attestent qu’il a reconnu en privé avoir perdu l’élection et fabriqué les allégations. Et de multiples gouverneurs républicains et membres de son administration ont rejeté en public et en privé ses allégations de fraudes.

    L’establishment républicain et la justice impuissants face à la popularité de Trump

    Si des candidats a priori sérieux le défient dans les primaires républicaines, Trump s’est placé au-dessus du lot en refusant de participer aux débats télévisés. Ses adversaires ont majoritairement refusé de l’attaquer de front et promis de le soutenir s’il obtenait la nomination, reconnaissant implicitement leur impuissance.

    Parmi les outsiders figurait son ancien vice-président Mike Pence, considéré comme un traître à la cause par la base trumpiste pour avoir osé s’opposer à leur chef. Il a jeté l’éponge avant le scrutin de l’Iowa. Un temps pressenti comme adversaire sérieux, le gouverneur de Floride Ron DeSantis a fait de la lutte contre le wokisme sa marque de fabrique. Sa candidature s’est rapidement effondrée, alors qu’il s’est révélé être dénué de charisme et de capacité à toucher les électeurs. Ses soutiens financiers ont déchanté en observant sa dégringolade dans les sondages, confirmée par une seconde place dans l’Iowa très loin derrière Trump (21%, contre 51 %).

    L’ancienne gouverneur de Caroline du Sud et ambassadrice de l’administration Trump aux Nations-Unies Nikki Haley incarnait, avant la victoire de Trump en 2016, une des étoiles montantes du parti. Cataloguée comme « modérée », elle a su soutenir Trump lorsque cela comptait sans pour autant apparaître comme une extrémiste. Pour autant, ses positions bellicistes (elle avait appelé à bombarder préventivement l’Iran le lendemain de l’attaque du Hamas du 7 octobre) et sa fidélité à la ligne du parti en matière programmatique (baisse des impôts sur les riches, dérégulations de l’industrie, privatisations du secteur public et de la Sécurité sociale, climato-scepticisme…) en font une politicienne extrémiste à tous égards. Mais contrairement à Trump, elle respecte les codes des institutions. Sur les questions internationales, elle est une digne héritière de l’ère Bush, ce qui en faisait le nouvel espoir des grands donateurs du parti républicain. Elle a néanmoins échoué à détrôner DeSantis en Iowa, finissant 3e avec 19 % des voix. L’entrepreneur Vivek Ramaswamy, enfin, avait fait parler de lui comme plus trumpiste que Trump. Après son échec en Iowa, il a mis un terme à sa campagne et apporté son soutien à l’ancien Président.

    Au vu des scores réalisés par les différents candidats dans l’Iowa et des faiblesses des concurrents de Trump, ce dernier est donc déjà quasi-assuré de remporter la nomination de son parti. Pour le bloquer, certains placent leurs espoirs dans les procédures judiciaires, mais ce pari semble hasardeux. Certes, lorsque vous tentez un coup d’État, vous n’avez généralement pas le droit à l’erreur ni de seconde chance. Trump ayant maladroitement tenté un coup d’État, le fait qu’il puisse se représenter à une élection paraît incongru. Pourtant, si certains procès devraient déboucher sur une condamnation, la plupart risquent d’avoir du mal à arriver à un verdict avant les élections de 2024. Et Trump pourra, dans presque tous les cas, faire appel. Appel qui sera suspensif, sauf décision contraire du juge.

    Parmi les innombrables affaires de l’ancien Président, l’une sera tranchée par la Cour Suprême. Elle fait suite à une condamnation de Trump dans l’Etat du Colorado, qui le rend inéligible dans cet État, en s’appuyant sur la section 3 du 14ème amendement de la Constitution , qui interdit à quelqu’un ayant participé ou soutenu des actes insurrectionnels d’exercer des postes à responsabilité. Dominée par le camp républicain – à 6 juges contre 3, dont 3 nommés par Trump – la Cour Suprême reste critique du trumpisme. Cette élite ultra-conservatrice préfère des candidats tout aussi radicaux sur le fond mais moins instables, comme Ron DeSantis ou Nikki Haley. Toutefois, là encore, s’opposer à une figure aussi populaire dans la base républicaine délégitimerait fortement les juges républicains et le Cour suprême. Ainsi, compter sur la justice américaine pour bloquer Trump paraît illusoire.

    Pourquoi Trump est légèrement favori d’après les sondages

    Si l’affiche de l’élection 2024 devrait donc être la même que celle de 2020, cette élection ressemble par bien des aspects davantage à celle de 2016. Trump est vu comme un dangereux personnage, mais fascine les médias. Le candidat démocrate est choisi par défaut, incarne la continuité et n’a pas de grand projet politique à proposer à l’Amérique mis à part la sauvegarde des institutions contre la menace incarnée par le milliardaire. Enfin, l’électorat est tout sauf emballé par l’affiche qu’on lui propose et risque de bouder les urnes. Une recette qui avait permis à Trump de l’emporter il y a bientôt huit ans.

    Les sondages sont historiquement et objectivement mauvais pour Joe Biden.

    Au mieux, les sondages à dix mois de l’élection livrent une photographie de l’état de l’opinion. Aux États-Unis plus qu’en France, ils sont connus pour leur marge d’erreur importante, autour de 4 points aux présidentielles de 2016 et 2020. Et les intentions de vote à l’échelle nationale ne valent pas grand-chose puisque l’élection se joue au niveau des États via le système de Collège électoral. Cela étant, les sondages sont historiquement et objectivement mauvais pour Joe Biden. Si on ne considère que les moyennes compilées par les agrégateurs, sa côte de popularité (38 %) est désastreuse pour un président sortant qui vise un second mandat. Seul Harry Truman, en 1948, était aussi bas. Dans l’hypothèse d’un duel avec Trump, Biden est donné à 1,5% en dessous de son adversaire.

    Surtout, des signaux préoccupants inquiètent les stratèges démocrates, à commencer par l’effondrement de Biden auprès des jeunes électeurs. Les sondeurs ont différentes théories pour expliquer ce constat, mais on peut l’expliquer par un mécontement assez général de cette tranche d’âge du fait du manque d’action climatique de Biden, sa complicité avec Netanyahou dans sa guerre atroce à Gaza et des conditions économiques dégradées pour les jeunes actifs et les étudiants. L’annulation de montants considérables de dette étudiante , malgré une tentative de blocage par la Cour Suprême , n’aura visiblement pas suffi à convaincre cette génération qui doit faire face à un coût de la vie de plus en plus élevé.

    Une tendance similaire s’observe pour d’autres sous-groupes d’électeurs votant traditionnellement démocrate. Le soutien à Biden chez les Américains musulmans serait par exemple passé de 70 % à 18 % à cause de sa gestion des questions au Moyen-Orient. De même, Biden reculerait auprès des Hispaniques et Afro-Américains. Or l’issue de nombreux États clés dépend fortement du vote de ces minorités.

    Ces sondages confirment donc un manque d’enthousiasme de la base militante démocrate pour son candidat. Or, contrairement à 2020, Joe Biden va devoir faire campagne sans se cacher derrière le Covid pour éviter les déplacements. Et il porte son âge d’une manière embarrassante. Au-delà des multiples gaffes, lapsus, il suffit de l’entendre s’exprimer et de comparer sa diction avec ses performances de 2008, lorsqu’il faisait campagne pour Obama, pour réaliser à quel point il est diminué.

    Etat de l’économie, autres candidats, mobilisation… Des facteurs qui comptent

    Si Biden part à priori avec plusieurs handicaps majeurs, l’élection est encore loin. D’ici à novembre, de multiples facteurs vont s’inviter dans la campagne et peuvent inverser la tendance. Sauf crise majeure, comme une guerre étendue au Moyen-Orient, la situation économique et les prix à la pompe devraient jouer un rôle majeur. Sur ce plan, Joe Biden a du souci à se faire.

    Pour l’américain moyen, Biden est le Président qui leur a sucré divers aides tout en causant une inflation galopante.

    Malgré ses victoires législatives indéniables, Biden a présidé pendant une période de forte inflation. Les arguments attribuant celle-ci à ses plans de relance et d’investissement sont peu convaincants : l’Europe a connu une inflation plus forte et persistante sans bénéficier de ce type de politique. Quoi qu’il en soit, la présidence Biden a également coïncidé avec l’expiration de certaines dispositions sociales mises en place par Trump et Biden pour faire face au Covid. En particulier, le moratoire sur le remboursement des prêts étudiants, celui sur les expulsions de logements, la fin du programme d’allocations familiales mis en place entre 2021 et 2023, la fin des subventions publiques pour l’assurance maladie Obamacare et des subventions supplémentaires à l’aide alimentaire.

    Autrement dit, pour l’américain moyen, Biden est le Président qui leur a sucré divers aides tout en causant une inflation galopante. Si la réalité est bien plus nuancée, et que le projet du parti républicain est de faire pire, le retour de l’inflation à des niveaux « normaux » n’efface pas le fait que les prix restent élevés. En particulier, l’accès au logement est devenu très difficile, entre les loyers qui explosent et les taux d’intérêt qui ont flambé suite à la politique monétaire de la FED.

    Certes, les chiffres de l’emploi et de la croissance feraient pâlir d’envie un dirigeant européen. Sous Biden, l’économie américaine a créé de l’emploi à un rythme sans précédent. Les salaires ont également augmenté, en partie sous son impulsion et celle des syndicats qu’il soutient ouvertement. Mais ces excellents résultats macroéconomiques cachent des perspectives plus difficiles pour l’américain moyen, celui qui ne vote qu’à la présidentielle et se souvient avant tout du mandat Trump comme d’une période – crise de Covid exceptée – où l’économie se portait plutôt bien.

    Si l’état ressenti de l’économie est un signal négatif pour les Démocrates, ceux-ci espèrent néanmoins inverser la tendance en rejouant le match des élections de mi-mandat de 2022. Dans d’autres scrutins à l’échelle locale ou au niveau des Etats (référendums locaux, élections de gouverneurs ou autres mandats locaux), les Démocrates ont également réalisé des scores en moyenne supérieur de dix points aux sondages ou résultats de 2020. La suppression du droit à l’avortement à l’échelle fédérale et l’extrémisme du parti républicain ont notamment joué pour mobiliser les électeurs contre ce dernier. Biden aurait ainsi de quoi se rassurer. Mais ces scrutins intermédiaires sont marqués par une faible participation et une surreprésentation d’électeurs aisés ou politisés. Un socle insuffisant pour remporter une présidentielle.

    Inversement, on se souvient de la performance remarquable de Donald Trump en 2020, lui qui avait gagné 12 millions d’électeurs par rapport à 2016 et fait quatre points de mieux que les sondages à l’échelle nationale. Il avait aisément remporté des États qu’on disait disputés comme la Floride, l’Ohio voire le Texas, tout en perdant sur le fil les États qui décidèrent l’élection (de 40.000 voix au total). De nombreux experts estiment ainsi que la portion de l’électorat qui ne se déplace qu’aux présidentielles va favoriser Trump.

    Enfin, reste l’inconnu des candidatures tierces. En 2016, la candidate du Green Party Jill Stein avait potentiellement coûté quelques États à Hillary Clinton. En 2020, c’est le candidat du parti libertarien qui avait peut-être fait perdre Trump. Mais on parle alors de scores marginaux (entre 0.5 et 2 %) et d’électeurs qui n’auraient pas nécessairement voté pour un autre candidat. En 2024 la candidature indépendante de l’excentrique et réactionnaire Robert F. Kennedy est, pour le moment, créditée de 16 points dans les sondages. Reste à savoir comment ce score évoluera, à qui Kennedy prendra le plus de voix et s’il sera capable de figurer sur les listes électorales d’un nombre suffisant d’États clés. Sans le soutien d’un parti institué, il est en effet difficile de figurer sur les bulletins de vote.

    Tout pronostic reste donc à cette heure encore incertain. Mais l’hypothèse d’un remake du match de 2020 se profile et la ferveur de la base républicaine en faveur de Trump tranche par rapport au peu d’enthousiasme que suscite Biden dans son camp.

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      États-Unis : Républicains et Démocrates adorent l’État Léviathan

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 15 March, 2023 - 04:10 · 6 minutes

    Dans les cercles libéraux américains, on dit souvent qu’il y a un « parti unique » ( uniparty ) au Congrès. En d’autres termes : il n’y a pas de différences majeures entre Démocrates et Républicains. Les deux sont partisans d’un gouvernement plus important.

    Les Démocrates ne s’en cachent pas, et la dernière proposition budgétaire de Joe Biden le confirme à nouveau. L’introduction du texte contient plusieurs énormités que les vérificateurs de « faits » auraient derechef débusquées si le président avait été de l’autre parti.

    Non, Biden n’a pas créé 12 millions d’emplois : en fait le taux d’emploi n’a même pas atteint son niveau d’avant la pandémie pour la population générale , les blancs et les Hispaniques, et il est à la baisse pour les Asiatiques . Du côté du taux de participation, il maintient des creux historiques de 46 ans pour la population générale, de 47 ans pour les blancs, de 15 ans pour les noirs et les Asiatiques, et 37 ans pour les Hispaniques.

    Une orgie de taxes et de dépenses

    Selon la Tax Foundation, le budget avance une hausse de taxes et d’impôts sans précédent de 4,7 billions (12 zéros) de dollars. Il est notamment proposé :

    • L’augmentation de l’impôt des sociétés à un niveau même plus élevé que la France (au 31 décembre 2021) et des taxes sur le forage. En incluant les impôts sur les gains en capital, c’est en moyenne 66 % des revenus qui sont taxés.
    • De réintroduire le palier d’imposition de 39,6 % diminué sous Trump. Ainsi, plusieurs États auront un taux combiné d’imposition dépassant les 50 %, largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE.
    • Un impôt minimum de 25 % sur les « gains à venir » pour les milliardaires. Bref, même si le sale riche ne monnaie pas ses gains, il est sujet à un impôt.

    Mais gardez à l’esprit que les revenus projetés sont statiques . Surveillez la Tax Foundation, qui prédira sans doute sous peu une estimation des revenus dynamiques – qui tiennent compte des incitatifs. Car avec des impôts aussi étouffants, les incitations à investir se trouvent fortement diminuées.

    L’on pourrait (naïvement) croire qu’avec autant de revenus, le président se concentrerait sur la réduction du déficit – mot mentionné 10 fois dans le document de la Maison-Blanche. Mais comme c’est (presque) inévitablement le cas, le contraire va se produire.

    Voici comment Biden propose de dilapider tous ces fonds publics, à hauteur de 6,8 billions de dollars (calcul rapide : 2,1 billions de déficit) :

    • Il veut pelleter les problèmes de capitalisation des programmes sociaux (Medicare, Social Security) par en avant. Faire payer aux riches leur « juste part » (11 mentions mais jamais défini) repoussera la faillite de ces programmes de 25 ans. C’est à se demander comment ça se produira, considérant que les obligations desdits programmes dépassent les 57 billions.
    • Il veut augmenter le financement aux écoles pour, croit-il, aider les élèves défavorisés. Si jeter de l’argent à un problème réglait ce dernier, alors les écoles de Baltimore (21 000 dollars/étudiant) et Chicago (35 600dollars/étudiant) ne seraient pas dans les bas-fonds de l’alphabétisation.
    • Il veut « sauvegarder » le climat (11 mentions) en saupoudrant des fonds pour des énergies intermittentes et onéreuses afin de réduire la « pollution » du CO 2 et « créer » des emplois verts. Ne lui en déplaise, le nombre d’emplois dans le solaire et l’éolien révèle leur grande inefficacité par rapport à l’énergie produite .

    Finalement, pour satisfaire les extrémistes woke , on propose une foule de mesures pour favoriser l’équité – mot (et ses synonymes) mentionné plus de 100 fois . Par contre, on ne parle que deux fois du fentanyl , drogue qui tuerait près de 55 000 personnes par an.

    Envahir le Mexique ?

    Plusieurs Républicains, avec raison, sont consternés face à l’inaction causant autant que morts qu’un 11 septembre tous les 20 jours. Mais leurs « solutions » ne régleraient aucunement l’épidémie d’overdoses.

    Récemment, le sénateur Lindsey Graham, un faucon impénitent, a proposé de désigner les cartels de drogue mexicains comme organisation terroriste afin d’utiliser l’armée pour « régler » le problème.

    Cette proposition farfelue, déjà suggérée par Donald Trump, ne tient pas la route. Non seulement elle risque de fortement perturber le commerce avec le Mexique – des commentateurs conservateurs l’admettent à contrecœur – mais elle ne fera qu’empirer la situation.

    En effet, qui dit marché noir dit illégalité, et simplement s’attaquer aux distributeurs augmente logiquement le prix. De plus, l’illégalité est justement ce qui cause autant d’overdoses. Leur augmentation coïncide avec une diminution des prescriptions d’opiacés. Et comme la douleur aiguë des gens n’a pas changé, ces derniers se tournent vers des options non réglementées et souvent fatales.

    Une Amérique maternante

    Par ailleurs, les plus récents sondages montrent que Donald Trump est encore largement favori chez les Républicains pour 2024. Il est donc important de s’intéresser à ses propositions, aussi farfelues soient-elles.

    Parmi elles , on trouve la construction de « villes de liberté » sur les terres fédérales, un soutien à la création de voitures volantes, l’embellissement des villes et des primes à la naissance. Et comme trop souvent, Trump n’explique pas comment financer ces projets grandioses et futiles.

    Futiles parce que les politiques natalistes sont souvent inefficaces et onéreuses. Une diminution de l’emprise du gouvernement sur nos vies, notamment pour le logement , aurait le double avantage d’aider les ménages et de ne rien coûter. Idem pour l’embellissement des villes : plusieurs sont devenues laides à cause de politiques centralisées, notamment l’urbanisme fonctionnel qui a mis du béton partout. C’est ce qui a donné le bunker à Québec, l’autoroute métropolitaine à Montréal et tous ces HLM en banlieue des grandes villes françaises.

    Quant à la proposition de construire des villes sur les terres fédérales, elle cache une idée qui a pourtant du bon . En effet, le gouvernement fédéral « détient » une quantité incroyable de terres, particulièrement à l’ouest du Mississippi – souvent la majorité des terres des États qui s’y trouvent.  Autoriser les États à les utiliser permettrait certainement aux entrepreneurs de mieux y investir et créer plus de richesses. Mais vouloir y créer des villes « libres » est non seulement un pied-de-nez enfantin aux Démocrates, mais ne vaut pas mieux que les villes-fantôme chinoises , construites sans que la demande ne soit au rendez-vous.

    Bref, ne vous demandez pas pourquoi un cynisme aussi fort émane de chez l’oncle Sam. Les deux principaux partis n’ont d’yeux que pour l’augmentation des programmes gouvernementaux qui leur conviennent. Aucun ne veut vraiment diminuer les dépenses nettes ou réformer en profondeur les arnaques pyramidales que sont Medicare et Social Security.

    Si la récente faillite d’une banque de la Silicon Valley est représentative de la situation économique actuelle, alors attendez-vous à une répétition de 2008 avec des secours financiers et une inflation encore plus forte.

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      États-Unis : les démocrates sont maîtres de l’esquive

      Pierre-Guy Veer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 6 November, 2022 - 04:30 · 4 minutes

    Durant une campagne électorale, un politicien et son parti crieront leurs réussites sur tous les toits. À défaut d’accomplissements, ils utiliseront l’énergie du désespoir pour détourner l’attention. Les démocrates, aux prises avec une inflation galopante, une augmentation vertigineuse de la criminalité et de l’immigration irrégulière, ont choisi la seconde voie.

    Le tout commence au sommet avec Joe Biden. Ayant malheureusement tenu sa promesse de détruire l’industrie de l’énergie , il cherche maintenant à diminuer les prix de l’essence afin de sauver la mise pour les élections la semaine prochaine. Il a notamment fait pression sur l’OPEP, et plus particulièrement l’Arabie Saoudite, pour que leur coupure de production attende après l’élection, en vain.

    Maintenant, il menace de riposte , incluant l’arrêt de livraison d’armes. N’a-t-on pas destitué Donald Trump pour un quiproquo semblable ? Le sénateur démocrate qui préside le comité des Affaires étrangères ne semble pas repérer l’ironie. Le Royaume ne s’en est d’ailleurs pas laissé imposer .

    Comme ça n’a pas fonctionné, il est de retour à sa politique de drainage de la réserve stratégique de pétrole et de demande hypocrite aux sociétés pétrolières de diminuer leurs prix et augmenter leur production. Hypocrite parce que, en coulisse , son administration pense que La Grève est un manuel d’instruction.

    Toutefois, les pires exactions sont au niveau local puisque les élections de mi-mandat ont lieu pour le Congrès et plusieurs postes de gouverneur.

    Immunité pour cause de handicap ?

    Récemment en Pennsylvanie, il y a eu un débat entre les deux principaux candidats malgré la promesse du démocrate John Fetterman d’en garder au moins trois. Ce dernier a souffert de fibrillation auriculaire et cardiomyopathie juste avant la primaire et a depuis adopté la « stratégie Biden » de faire campagne dans son sous-sol. Il a ainsi pu éviter la défense de ses idées suspectes comme libérer un tiers de la population carcérale et bannir l’industrie pétrolière de son État.

    On a confronté Fetterman sur cette dernière position. Malgré un dispositif de surtitres, il a été incapable d’expliquer pourquoi il affirme soudainement soutenir l’industrie à laquelle il ne voue que mépris . Sa performance fut d’ailleurs pénible à voir, lui qui avait toute les misères du monde à formuler une phrase intelligible.

    Mais n’osez pas le mentionner ! Cela vous rend « coupable de discrimination », vous voulez renier les accommodements à d’autres handicapés, vous vous seriez moqués de Stephen Hawking, et je ne sais quoi d’autre. On a même humilié une journaliste qui a osé décrire la réalité : Fetterman semblait incapable de la comprendre sans sous-titres instantanés.

    Un souci superficiel

    Finalement, plusieurs candidats démocrates au poste de gouverneur montrent leur incapacité à adhérer aux craintes de leurs électeurs.

    À New York, la gouverneure ne « comprend pas » pourquoi son opposant républicain insiste autant sur la hausse de la violence. Non seulement a-t-il été touché, directement et indirectement , par cette épidémie apparente de violence, mais plusieurs criminels vicieux ont été relâchés presque derechef après leur arrestation à cause d’une abolition presque entière des cautions ou du laxisme du procureur de Manhattan.

    Et ce n’est qu’à quelques semaines du vote que la gouverneure sortante a enfin décidé d’augmenter les forces policières dans le métro de New York. Mais considérant son dédain du deuxième amendement protégeant le port d’arme, on voit bien que c’est par pur opportunisme.

    Finalement en Arizona, contre vents et marées, il semble que la candidate républicaine Kari Lake pourrait remporter la course contre son opposante démocrate. Comme la première a fait carrière dans les médias, elle connaît donc très bien leurs pièges et est parfaitement capable de se défendre d’une manière délicieusement baveuse rappelant Trump.

    En effet, elle est sur la sellette parce qu’elle défend le « grand mensonge » que l’élection de 2020 fut volée. Il n’en fallait pas moins pour que Lake rappelle que l’intégralité des médias a promu le mensonge que l’élection de 2016 fut directement influencée par une collusion entre les Russes et Trump, et que la candidate démocrate de Georgie (en campagne) n’a toujours pas admis la défaite.

    Les médias se sont également ligués contre Lake, suite à une accusation de son opposante, la suspectant d’avoir payé quelqu’un pour pénétrer les bureaux démocrates. Mais quand il fut montré qu’il n’en était rien, ce fut le silence radio et la démocrate esquivait constamment la question pour revenir à l’avortement.

    Bref, si la tendance se maintient, il semble que la vague rouge sera un raz-de-marée. Les démocrates montrent leur désespoir en dépensant des sommes folles dans des courses normalement « sûres » et en cherchant le soutien de démocrates populaires comme Barack Obama.

    Si tel est le cas, ils n’auront qu’eux à blâmer. Une telle insouciance et arrogance devant les soucis des électeurs, fussent-ils loin de la réalité, montre que leur unique but est le pouvoir. Les électeurs ne sont qu’accessoires.

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      Militarisme américain : la lettre des 30 démocrates ne changera rien à Washington

      Finn Andreen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 1 November, 2022 - 04:00 · 4 minutes

    Le 22 octobre 2022, trente élus de l’aile gauche du parti démocrate américain ont publié une lettre dans laquelle ils ont appelé le président Joe Biden à faire des efforts pour « chercher un cadre réaliste pour un cessez-le-feu ». Cela a eu un grand retentissement aux États-Unis car jusqu’à présent, de telles suggestions n’avaient pas été entendues ouvertement, surtout venant du parti démocrate au pouvoir.

    Est-ce que cela veut dire qu’une pression politique est lentement en train de prendre forme à Washington, pression qui permettrait d’initier des premières tentatives de pourparlers avec la Russie pour mettre une fin à ce conflit et diminuer les souffrances du peuple ukrainien ? Pas pour l’instant.

    Les cosignataires démocrates de cette lettre demandent un début de négociations car leurs soutiens dans la gauche anti-guerre s’attendent aujourd’hui à ce genre d’initiatives. Cette lettre est une manière pour eux de répondre à cette demande, surtout après de récentes protestations publiques à leur encontre.

    Mais il n’y a pas réellement une remise en question de la part de ces cosignataires de la politique étrangère néoconservatrice en vigueur à Washington. Cette lettre est loin d’être une révolte envers un parti démocrate alliés aux faucons néoconservateurs, car elle suit la position de la classe politique américaine, en identifiant la Russie comme seule responsable du conflit actuel. Il faut se rappeler que la base d’un accord de paix était à portée de main fin mars 2022 à Istanbul entre la Russie et l’Ukraine, lorsque cette initiative a été torpillée début avril 2022 par Boris Johnson avec, indiscutablement, l’Oncle Sam dans les coulisses.

    De plus, cette lettre ne remet pas en question le soutien humain, financier, militaire et logistique des États-Unis à l’Ukraine. Le conflit aurait probablement pu prendre fin bien plus tôt si les Occidentaux n’avaient pas encouragé Kiev à encaisser de lourdes pertes tout en les dopant d’armes. Comme le signale The Hill , publication de centre-gauche à Washington, ses « cosignataires ont voté pour plus de 50 milliards de dollars sous diverses formes d’aide à l’Ukraine depuis l’invasion de la Russie et, dans la lettre, n’ont exprimé aucun regret à cet égard, liant l’aide aux succès militaires ukrainiens. »

    Pis encore, après la publication de cette timide lettre, la forte réaction du parti démocrate a immédiatement fait rentrer dans le rang ces politiciens soi-disant « militants et révoltés », puisqu’ils se sont immédiatement dédits du contenu . La leader de ce groupe de 30 députés, la congresswoman Pramila Jayapal, s’est désavouée de manière humiliante de cette lettre en disant, très improbablement, qu’un de ses stagiaires l’avait publiée à son insu…

    Pas d’intérêt de négocier pour Washington

    Cet épisode épistolaire n’indique donc pas un début de changement de la politique américaine envers l’Ukraine, mais plutôt le contrôle obsessionnel qu’exerce le parti démocrate et le manque de débat à Washington en ce qui concerne la politique extérieure. De la même manière, un consensus quasi-général existait parmi la classe politique américaine lors des guerres illégales contre la Serbie en 1999 et contre l’Iraq en 2003.

    Cet indécent alignement politique n’est qu’un signe de plus du caractère fasciste du gouvernement fédéral des États-Unis, où les intérêts commerciaux du complexe militaro-industriel influencent fortement depuis des décennies la politique extérieure, avec des conséquences tragiques pour le monde entier. En effet, ce n’est pas une surprise que les ventes des grandes sociétés d’armement américaines, comme Raytheon , sont en forte hausse depuis la début de la guerre en Ukraine.

    Il n’y a probablement que deux choses qui peuvent contraindre aujourd’hui la Maison Blanche et le département d’État à accepter la négociation avec la Russie (avec ou sans implication de l’Ukraine elle-même) afin d’arriver à un cessez-le-feu : les élections de mi-mandat du 8 novembre 2022 ou une imminente victoire militaire russe. Dans le premier cas, un probable nouveau congrès républicain pourrait décider de ne plus accorder de financement à l’Ukraine après les dizaines de milliards déjà octroyés, ce qui augmenterait les possibilités de pourparlers. Dans le deuxième cas, l’offensive russe qui se prépare pour cet hiver pourrait forcer Washington à entrer en négociations si l’Ukraine était sur le point de capituler.

    Le rôle du libéralisme dans un monde instable

    Sur le long terme, uniquement un changement en profondeur de la culture politique à Washington pourra altérer son comportement délétère et déstabilisateur mondial, y compris pour les pays européens. L’inévitable arrivée du monde multipolaire va avoir tendance à réduire le pouvoir de nuisance de l’État fédéral américain dans le monde. Cependant, le risque de conflit augmentera temporairement, car Washington ne semble pas vouloir accepter son déclin naturel avec grâce.

    Un tel changement politique éventuel à Washington nécessiterait forcément une réduction de l’influence de l’État profond, notamment incarné par les dix-huit services de renseignement impliqués ces dernières années dans la censure , la manipulation politique et la violation des libertés individuelles. Un tel bridage ne pourrait être possible qu’avec une résurgence du libéralisme anti-étatique à la Old Right , ce mouvement conservateur libertarien typiquement américain.

    Il y a peu de signes de cela aujourd’hui, mais la situation politique actuelle, non seulement aux États-Unis mais ailleurs en Occident, montre plus que jamais l’importance des idées libérales pour contrecarrer la croissance du pouvoir de l’État.

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      L’Arizona, laboratoire et antidote du trumpisme

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 November, 2020 - 04:25 · 8 minutes

    arizona

    Par Damien Simonneau 1 .
    Un article de The Conversation

    Dans les journées d’incertitude sur les résultats de l’élection présidentielle, l’État d’Arizona est l’un de ceux qui ont le plus tenu les commentateurs en haleine. Malgré un écart de voix serré, et une longue durée de dépouillement dans le comté autour de Phoenix, l’Arizona semble en passe d’attribuer ses onze grands électeurs à un candidat démocrate, une première depuis 1996.

    Cet État du sud-ouest offre un témoignage éloquent de la division de l’Amérique contemporaine. Traditionnel bastion républicain, il fut un laboratoire de contrôle migratoire répressif, précurseur du trumpisme en la matière.

    Aujourd’hui, il apparaît comme un État « violet » grâce à l’activisme débuté au tournant des années 2010 de collectifs de citoyens hispaniques et migrants contre ces mesures répressives, au profit des démocrates. L’Arizona apparaît donc à la fois comme le laboratoire et l’antidote du trumpisme.

    Une évolution démographique favorable aux démocrates

    Côté républicain , ni Doug Ducey, le gouverneur de l’État et soutien du président, ni Martha McSally, candidate malheureuse au deuxième poste de sénateur, ne se sont exprimés depuis l’annonce de la victoire de Joe Biden samedi, se limitant à demander l’achèvement du dépouillement. Il faut dire que l’écart de voix est minime : 49,5 % des voix pour Joe Biden, 49 % pour Donald Trump le 10 novembre, sur 99 % des bulletins comptés .

    Ce qui est sûr, c’est que l’écart en faveur de Joe Biden sera au final beaucoup plus faible que celui enregistré en 2016 entre Hillary Clinton et Donald Trump, qui l’avait emporté avec un avantage de 4 % des voix. De plus, les deux sénateurs de l’Arizona sont désormais démocrates, ainsi que cinq des neuf représentants à la Chambre.

    Plusieurs explications de ce basculement peuvent être avancées. Premièrement, cet État de 7,3 millions d’habitants a connu, ces dernières années, une des plus fortes croissances démographiques du pays .

    Il accueille désormais moins de retraités que dans les années 2000 mais davantage de jeunes, souvent diplômés et cadres supérieurs, qui s’installent notamment dans les banlieues de Phoenix ou de Tucson.

    Deuxièmement, le candidat démocrate a sans doute bénéficié du soutien affiché de républicains modérés bien ancrés dans les territoires ruraux, dans la lignée de l’ex-sénateur John McCain, dont la veuve et la fille ont applaudi l’élection de Joe Biden .

    Troisièmement, le renforcement du poids politique des électeurs hispaniques a été encore plus sensible que lors des élections précédentes. La population dite latino , issue pour une large part de l’immigration mexicaine de ces vingt dernières années, est plutôt jeune : 26 ans en moyenne contre 43 pour les non Hispaniques.

    Elle représente désormais un tiers de la population de l’Arizona, et un quart de l’électorat, contribuant à faire évoluer l’Arizona vers un État de « majorité de minorités » à l’horizon 2030. Cette population pauvre et peu éduquée est particulièrement affectée par la pandémie de coronavirus car elle compte en son sein beaucoup de travailleurs exposés et ne disposant que d’une faible protection sociale.

    La mobilisation de ces électeurs lors de la campagne et lors du vote a été déterminante. Cette mobilisation des Hispaniques en faveur des démocrates a une longue histoire. Elle s’est forgée contre les lois migratoires restrictives adoptées par des institutions contrôlées par les Républicains depuis les années 2000.

    L’Arizona, État-barrière, précurseur du trumpisme

    On connaît aujourd’hui le trumpisme : un mélange de conceptions conservatrices du système fédéral et des valeurs morales, de nationalisme exacerbé, de fierté blanche et surtout de recherche de boucs émissaires, immigrants en tête. La politique migratoire de l’administration Trump en atteste, à l’image du projet de mur dont est contesté le nombre de miles supplémentaires effectivement en chantier.

    Certes, l’attention s’est focalisée sur ce mur et sur des mesures chocs (le « Muslim Ban » ou la séparation des familles de migrants arrêtées à la frontière). Néanmoins, l’administration Trump a surtout refaçonné le système migratoire par près de 400 executive orders .

    Par exemple, le Migrant Protection Protocol a réduit l’éligibilité à l’asile des personnes qui n’ont pas demandé ou se sont vu refuser cette protection dans un pays de transit comme le Mexique.

    Ces mesures aux frontières se sont ajoutées à des raids contre des entreprises employant sans autorisation des migrants, à des menaces de renvois et à une absence de régularisation des 700 000 dreamers , ces non-citoyens arrivés dans la clandestinité alors qu’ils étaient enfants.

    Donald Trump tenta de mettre fin à la protection qui leur avait été octroyée sous Barack Obama. Toutes ces mesures ont gouverné avec effroi le quotidien de familles d’Hispaniques, particulièrement en Arizona.

    Ces mesures répressives ne sont pas sorties du chapeau de l’administration Trump. Depuis les années 2000, l’État d’Arizona s’est construit une réputation d’État-barrière en légiférant dans ce sens.

    En 2010 notamment, une loi a été symptomatique de cela : SB 1070 ( Support Our Law Enforcement and Safe Neighborhoods Act ). L’un des articles de ce texte autorise la police, lors d’arrestations ou de contrôles, à vérifier les documents d’identité et d’immigration de la personne si celle-ci est « raisonnablement suspectée » d’être « illégale » .

    Pour les opposants à la loi, cette disposition constitue ni plus ni moins que l’autorisation d’une discrimination raciale visant en premier lieu les immigrants et les citoyens hispaniques. L’administration Obama a tenté de bloquer l’application de cette loi en justice permettant ainsi de la détricoter, au fur et à mesure des jugements.

    Pour les républicains de l’Arizona, cette loi controversée s’inscrit dans une stratégie de pression sur le gouvernement fédéral. SB 1070 a contribué à faire de l’Arizona le laboratoire du projet républicain porté par Mitt Romney lors du cycle électoral de 2012.

    Ce type de loi a aussi fait des émules dans d’autres États (Alabama, Géorgie, Indiana, Caroline du Sud, Utah) et s’inscrit dans un processus où se multiplient les législations locales en faveur du contrôle migratoire, parallèlement au blocage du Congrès sur une réforme du système migratoire d’envergure nationale.

    Ces mesures ont donc circulé au sein du parti républicain au cours de la dernière décennie et ont constitué l’armature des mesures reprises et amplifiées nationalement par l’administration Trump.

    L’architecte de SB 1070, l’avocat Kris Kobach, a fait partie de l’équipe de campagne puis de transition de Donald Trump en 2016. Certains auteurs ont évoqué à cet égard un processus d’ « arizonification de l’Amérique » .

    Face à ce climat répressif, la mobilisation visant à défendre les droits des Hispaniques s’est structurée sur le terrain et a permis de mobiliser le vote en faveur de candidats démocrates, tout en portant l’espoir d’une rhétorique et de réformes davantage inclusives.

    L’anti-trumpisme : résistances et activisme

    L’adoption de la loi SB 1070 a contribué à la constitution de groupes de défense des citoyens hispaniques comme LUCHA (Living United for Change in Arizona) , Mijente , Chispa AZ , Puente Arizona , Mi Familia Vota ou encore les associations de dreamers comme l’ Arizona Dream Act Coalition .

    Aujourd’hui, ces 23 associations sont regroupées en une coalition pour la cause des citoyens et migrants hispaniques : One Arizona , en lien avec des syndicats comme la Fédération américaine du travail – Congrès des organisations industrielles ( AFL-CIO ).

    LUCHA par exemple, s’est formé dans la foulée de l’adoption de la loi et s’est renforcé lors des campagnes de lutte contre Joe Arpaio , le shérif du comté de Maricopa autour de Phoenix en poste depuis 1995. Figure de proue nationale du combat anti-migrants, il incarnait le tournant répressif des républicains.

    Il a été connu pour avoir lancé dès 2006 des programmes d’arrestations massives sur les lieux de travail et dans les quartiers hispaniques, ce qui lui a valu d’être condamné en juillet 2017 à six mois de prison, suite à un procès pour discrimination raciale intenté sous l’ère Obama par le ministère de la Justice fédéral. Gracié par Donald Trump en août 2017 , il n’a pas été réélu en 2016 (à 43,5 % des voix contre 56,4 % pour le shérif démocrate), en bonne partie grâce à l’inscription sur les listes électorales de nombreux citoyens hispaniques.

    Cette tactique gagnante du « get out the vote » a été renouvelée en 2018 et en 2020. One Arizona inscrivit 190 000 votants en 2018, contribuant à augmenter le taux de participation et favorisant la victoire à l’élection sénatoriale de la démocrate Kyrsten Sinema . Mi familia vota estimait qu’en Arizona 1,2 million de Latinos pouvaient voter mais que la moitié seulement était inscrite – entre les citoyens et naturalisés mal inscrits, les jeunes qui venaient juste d’atteindre leur majorité, et les peurs d’intimidation le jour même du vote.

    Cette année, contrairement aux soutiens du président, l’équipe Biden-Harris a peu fait de porte-à-porte, par peur du coronavirus. Kamala Harris s’est rendue en Arizona, tout comme Donald Trump et son équipe venus à 11 reprises. Chaque camp a dépensé des dizaines de millions de dollars en publicités télévisées .

    Les activistes hispaniques ont donc occupé le terrain en effectuant des appels téléphoniques, en frappant aux portes, en accompagnant les électeurs lors des inscriptions et lors du vote. Certains de ses activistes se sont même portés candidats, comme Raquel Teran , élue au parlement de l’Arizona depuis un district frontalier.

    Le succès démocrate en Arizona est donc aussi le fruit d’un activisme de terrain important, et ce malgré la pandémie. Il témoigne de la transformation socio-ethnique de la société états-unienne mais aussi des conséquences et réactions au trumpisme au cours de cette dernière décennie.

    Sur le web The Conversation

    1. Chercheur postdoctoral en science politique, Université de Bordeaux.
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      Donald Trump a perdu, mais ce sont les démocrates qui pleurent

      Matthieu Vasseur · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 8 November, 2020 - 09:29 · 11 minutes

    Trump

    Par Matthieu Vasseur.

    Économie : et le fossé devint gouffre

    Avant que le Covid ne frappe, l’économie américaine était au nirvana. Le plein-emploi bénéficiait aux moins qualifiés, les salaires augmentaient enfin, et plus particulièrement au plus bas de l’échelle sociale.

    Le coronavirus aurait dû sonner le glas de ce succès. Paradoxalement, il l’a mis en valeur. Confronté au virus, Donald Trump a respecté le fédéralisme. En règle générale, les États bleus (Démocrates) ont choisi de mettre en place des mesures de confinement strictes et de longue durée. Les États rouges (Républicains) ont choisi une approche légère, s’approchant du modèle suédois.

    En Amérique comme en Europe, on n’a observé aucune corrélation entre confinement et bilan sanitaire. En Amérique comme en Europe, on a observé une corrélation sans appel entre confinement et ravages socio-économiques.

    L’Amérique est donc coupée en deux : des États bleus dévastés par la conjonction du confinement et des émeutes raciales encouragées par les édiles, et des États rouges qui, après une faiblesse printanière, ont retrouvé toute leur vigueur. Avant même de voter dans les urnes, les Américains ont voté avec leurs pieds : fuyant par centaines de milliers les États bleus pour retrouver l’ordre, la liberté et la prospérité dans les États rouges.

    Au niveau national, cela s’est traduit par un rebond spectaculaire de l’économie au troisième trimestre après la lourde récession du second trimestre. Pour 2020, la récession devrait se limiter à 3,5 % du PNB aux Etats-Unis contre une prévision de -8,3 % pour l’eurozone, estimée avant même que le deuxième confinement ne soit décidé. Le bilan final sera donc bien pire.

    Avant 2020, l’Amérique confirmait son avance sur l’Europe. En 2020, c’est un gouffre qui s’est creusé. Avec un taux de chômage national revenu à 6,9 % , l’Amérique est de nouveau proche du plein emploi, tandis que l’Europe se prépare à un hiver sans fin de misère et de chômage de masse.

    Un point noir cependant, et de taille : le déficit budgétaire, qu’un regrettable consensus bipartisan a décidé de totalement ignorer. Bonne nouvelle : le Sénat républicain, désormais opposé à un Président démocrate, va soudainement retrouver la vertu.

    Politique étrangère : Trump rebat les cartes

    À Paris et à Berlin, Donald Trump donnait des poussées d’urticaire. Ses attaques contre Angela et Emmanuel étaient parfois justifiées quand il les accusait de ne pas contribuer à leur propre défense, et souvent gratuites.

    Son style exaspérait, et les capitales européennes vont pousser des soupirs de soulagement. Peu importe en fin de compte : il y a belle lurette que l’Europe n’est plus une priorité stratégique pour les États-Unis.

    Le succès majeur de Donald Trump se situe sur un autre terrain : le Moyen-Orient. Prisonnier des dogmes de Foggy Bottom (le Quai d’Orsay américain), Obama avait laissé cette région sombrer dans la violence : guerres civiles en Syrie et au Yemen, montée en puissance de l’État islamique, Iran étendant partout ses tentacules malfaisantes et accord de paix introuvable entre Israêl et ses voisins arabes. John Kerry , exprimant la doxa diplomatique, expliquait qu’il était rigoureusement impossible pour Israël de parvenir à un accord de paix avec ses voisins sans le consentement préalable du leadership palestinien qui, depuis des dizaines d’années, a manifesté qu’il n’avait aucun désir de parvenir à un tel accord : la situation était dans une impasse.

    Donald Trump a brûlé tous les dogmes : il a déplacé l’Ambassade des États-Unis à Jérusalem, il s’est retiré de la Syrie, il a exécuté le général iranien Soleimani. À chaque fois, les sages et les experts prédirent la déflagration, voire une Troisième Guerre mondiale.

    Le résultat final fut la signature historique des accords d’Abraham entre Israël, les Émirats Arabes Unis et Bahreïn, avec l’Arabie Saoudite à venir si Joe Biden a la sagesse de poursuivre dans la même voie. L’impossible est devenu réalité.

    En Chine enfin, Donald Trump a également rebattu les cartes. Joe Biden était avant tout préoccupé d’enrichir sa famille en vendant son influence en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes. Donald Trump, plus préoccupé par l’intérêt national, a choisi une approche de confrontation avec cette dictature émergente. Cette approche ne sera pas remise en cause.

    Drain the swamp (asséchez le marécage)

    L’élection de Donald Trump en 2016 révélait le gouffre qui s’était creusé entre le peuple (définition de Michel Onfray : « ceux sur qui le pouvoir s’exerce » ) et la classe dirigeante (haute administration, agences de renseignement, media, Hollywood, universités, Big Tech).

    Le sociologue John Marini avait identifié que l’hypertrophie de l’« État administratif » était au cœur de la crise de la démocratie américaine. Cette crise se traduisant, selon les termes de Martin Gurri, par une « révolte du public » , qui faisait pendant à la « révolte des élites » diagnostiquée par Christopher Lasch. Toute ressemblance avec la France n’étant en aucune façon fortuite.

    Ce que nul n’aurait pu imaginer en 2016, c’est la violence de la réaction du Léviathan à la victoire de Donald Trump. La fausse « collusion russe », faite de faux dossiers, de diplomates piégés par le FBI, d’écoutes illégales et de fausses informations répandues sans relâche pendant trois ans par les media est probablement le plus grand scandale politique de l’histoire des États-Unis, mêlant l’administration d’Obama, les services de renseignement (FBI et CIA), les media et le parti démocrate dans une entreprise sans précédent de déstabilisation du président élu. Entreprise que les parties prenantes refusent jusqu’à ce jour d’assumer.

    Ce fut également la procédure de destitution entamée en 2019 afin d’empêcher Donald Trump d’enquêter sur la corruption massive de la famille Biden en Ukraine. Confrontés aux preuves incontestables de la culpabilité de Joe Biden et de son fils, les media ont choisi de censurer l’information, tandis que Twitter et Facebook bloquaient tous les comptes qui tentaient de la diffuser.

    Napoléon disait de Talleyrand qu’il était « de la m… dans un bas de soie » . Avec les clans Clinton et Biden, ce sont deux m… qu’Obama avait installées au cœur de Washington, recouvrant leurs trafics d’influence de sa rhétorique soyeuse.

    La politique étrangère des États-Unis était à vendre, pourvu que les millions affluent par dizaines dans la Fondation Clinton et sur les comptes cachés du fils et du frère de Joe Biden.

    Obama avait voulu que son administration soit scandal-free : on sait aujourd’hui qu’elle a été l’une des plus corrompues que les États-Unis aient connues.

    Dans le film The Matrix , le héros Neo est confronté à un choix crucial : s’il choisit la  pilule rouge ( red pill ), il deviendra irrévocablement conscient de l’état d’avilissement insupportable dans lequel la Matrice maintient l’humanité. Si, au contraire, il choisit la blue pill , il restera dans un état de bienheureuse ignorance.

    Au cours des dernières années, de plus en plus d’Américains ont pris la red pill et ont pris conscience du degré de complicité des media dans la corruption qui émane de Washington D.C.

    Parmi les grandes chaînes câblées, seule Fox News a maintenu une diversité d’opinion : les trumpistes inconditionnels (Sean Hannity) affrontent les trumpistes critiques (Tucker Carlson) et les anti-trumpistes impénitents (Chris Wallace).

    Cet espace de diversité explique que Fox News écrase désormais ses concurrents devenus monolithiques dans leur exécration inlassable de Donald Trump (CNN, MSNBC et, dans la presse écrite, New York Times et Washington Post ).

    Plus encourageant encore, un nouvel écosystème se crée, où se développent des espaces de discussions libres, loin du sectarisme maoïste qui étouffe les salles de rédaction des grands media : des podcasts (Joe Rogan, Dave Rubin, Ben Shapiro) qui attirent des millions d’abonnés ou des sites tels que substack.com qui accueille de grands noms de journalistes de gauche (Glenn Greenwald, Matt Taibbi, Andrew Sullivan), réfugiés de l’oppression de leur clan.

    Cette prise de conscience est en soi un espoir pour l’avenir des États-Unis, même s’il reste à déterminer comment elle se traduira en actes.

    Les juges : interpréter la Constitution, pas la réécrire

    Aux États-Unis, le président nomme les juges fédéraux, sous réserve d’approbation du Sénat. Au sommet de la pyramide judiciaire se situe la Cour suprême, dont les neuf membres nommés à vie ont des droits sur tout : avortement, peine de mort,  mariage gay, droit syndical, etc.

    La justice en Amérique est devenue au cours des dernières décennies de plus en plus partisane et politisée. Deux philosophies judiciaires s’affrontent.

    À droite, on penche pour une lecture textualiste ou originaliste de la Constitution : celle-ci dit ce qu’elle dit, ni plus ni moins. Si on veut la changer, ce n’est pas au juge de le faire, celle-ci doit être amendée selon le processus prévu.

    À gauche, on penche pour la théorie de la living Constitution : la Constitution est un document vivant, et le rôle du juge est de favoriser le progrès social sans se restreindre à une lecture littérale de celle-ci.

    Au cœur de cette controverse : « Roe vs Wade », le jugement rendu par la Cour suprême en 1973 par lequel elle contraignait tous les États à reconnaître le droit à l’avortement. Avant Roe vs Wade, les représentants politiques décidaient dans chaque État de reconnaître ou non le droit à l’avortement et en déterminaient les modalités. Avec Roe vs Wade, la Cour suprême a préempté ce processus politique pour imposer son choix à tout le pays.

    Personne ne prétend que la Constitution américaine, rédigée en 1787, n’édicte réellement un droit à l’avortement. Peu importe, les juges ont décidé, les électeurs n’ont qu’à se taire : living Constitution .

    Cette décision empoisonne depuis près de 50 ans le débat politique : les démocrates exigent son maintien, les républicains souhaitent revenir à un processus démocratique et décentralisé.

    En quatre ans, Donald Trump a nommé des centaines de juges à tous les niveaux, dont trois à la Cour suprême. Ce faisant, il a durablement influencé le droit pour les décennies à venir, réaffirmant le principe selon lequel les juges doivent interpréter la loi, mais pas la faire.

    Relations raciales : le parti républicain devient multi-ethnique

    Avec la montée en puissance de l’ identity politics et les émeutes raciales, les démocrates ont mis la question raciale au cœur du débat politique. La méritocratie ne serait que le masque de l’oppression blanche.

    Ainsi, en Californie, un référendum ( Proposition 16 ) exigeait l’inscription de la discrimination raciale, en faveur des minorités, dans la Constitution ; elle a été rejetée.

    Martin Luther King, qui demandait que les individus soient jugés selon leur caractère et non pas selon la couleur de leur peau, est dénoncé comme un laquais des suprématistes blancs.

    De même, en choisissant Kamala Harris, rejetée sans appel par les électeurs démocrates lors des primaires, pour l’unique raison qu’elle est noire et femme, Joe Biden marquait la prévalence des catégories identitaires sur le mérite personnel.

    Avec ce discours de guerre raciale, les démocrates croyaient avoir trouvé la martingale : il allaient dénoncer sans relâche Donald Trump comme raciste et white supremacist , les minorités raciales et sexuelles n’auraient d’autre choix que de voter démocrate.

    Le piège était presque parfait, mais les élections ont signé l’échec total de cette stratégie : Donald Trump a reçu davantage de votes des minorités ethniques (Noirs, hispaniques, Indiens d’Amérique) qu’aucun candidat républicain avant lui depuis 1960.

    De même, le pourcentage d’électeurs LGBT ayant voté pour lui a doublé, passant de 14 % en 2016 à 28 % en 2020. Il se trouve que l’on peut être Noir et/ou homosexuel et préférer être reconnu avant tout comme un individu et comme citoyen, plutôt que de se voir assigné à résidence identitaire. Les démocrates n’avaient pas prévu cela, ils vont devoir retourner à la case départ.

    Adieu Donald !

    Vaincu d’un chouïa par l’incomparable puissance de frappe financière et médiatique de ses adversaires, Donald Trump ne tirera pas sa révérence : il n’a pas ces gracieusetés. Il multipliera les tweets furibards, tout en majuscules et truffés de fautes d’orthographe, mais il partira quand même.

    Ce milliardaire new-yorkais a su comme nul autre comprendre et se faire aimer de l’Amérique profonde, et comme nul autre se faire exécrer par ses pairs de l’élite côtière. Il entre désormais dans l’Histoire. Il peut partir la tête haute : le jugement de celle-ci lui sera clément.