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      "L'hôtel du temps" a attiré peu de téléspectateurs, mais les curieux étaient conquis

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 3 May, 2022 - 08:36 · 2 minutes

    Dalida était la première invitée Dalida était la première invitée "ressuscitée" par Thierry Ardisson dans "L'hôtel du temps" sur France 3, ce lundi 2 mai 2022

    TÉLÉVISION - Ce lundi 2 mai sur France 3, Thierry Ardisson présentait le premier épisode d’ Hôtel du temps , une émission au concept pour le moins particulier: interviewer des personnalités... décédées. Comment ? Grâce au “Face Engine”, plus connu sous le nom de “ deepfake ”, permettant de récréer un visage à partir d’un grand nombre d’archives.

    Pour marquer son lancement, le présentateur a ramené à la vie une icône du cinéma et de la musique: Dalida, interprétée par la comédienne Julie Chevallier dont le visage a été transformé numériquement. Sa voix a également été arrangée pour rendre l’interview encore plus crédible .

    Malgré un concept intriguant, les chiffres d’audience sont plutôt décevants: seuls 1,40 million de curieux se sont postés devant leur téléviseur, selon les données publiées ce mardi par Mediamétrie.

    En revanche, parmi ces téléspectateurs, beaucoup ont été conquis par ce nouveau projet. Pendant la diffusion, les réactions enthousiastes ont fusé. “Un programme qui sort de l’ordinaire mais dont les effets sont bluffant!”, peut-on notamment lire sur Twitter.

    Et pour cause, France 3 a mis le paquet sur les effets techniques. Ils ont été créés par la société française Mac Guff, à l’origine du tout premier Moi, Moche et Méchant , film pour lequel Gad Elmaleh a prêté sa voix en 2010. À partir de milliers de photos et vidéos d’archives collectées pour l’occasion, Mac Guff est parvenu à récréer une “fausse” Dalida parfaitement clonée. Le résultat en est même troublant.

    En revanche, bien sûr, la production a récupéré des propos authentiques et issus d’interviews que Dalida a accordées de son vivant. Ses héritiers, notamment son frère Orlando, ont également été informés et ont validé le rendu final de l’épisode.

    Reste à savoir si les retours positifs suite à ce premier entretien feront monter les audiences des prochains, ou si la curiosité procurée par la découverte de l’émission s’essoufflera au fil des semaines. Après Dalida, ce sont notamment Jean Gabin, Lady Diana ou encore François Mitterrand qui sont annoncés.

    À voir également sur Le HuffPost: Dans “L’hôtel du temps” sur France 3, Thierry Ardisson interviewe les morts

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      Il y a 35 ans, Dalida mourait les yeux ouverts

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Tuesday, 3 May, 2022 - 07:00 · 8 minutes

    Des touristes devant le buste de Dalida en 2016 Des touristes devant le buste de Dalida en 2016

    DÉCÈS - Le 3 mai 1987, il est vingt heures et des poussières en ce dimanche pluvieux de ce long week-end de la fête du Travail. Bernard Rapp, le présentateur vedette des journaux de l’époque, s’apprête à passer à la page sportive et à céder la parole à Gérard Holtz, mais une dépêche AFP vient de lui parvenir. Bernard Rapp se contente de la lire, laconique et pour tout dire un peu hébété: “La chanteuse Dalida a été retrouvée sans vie par son habilleuse dans sa maison de Montmartre, à l’âge de cinquante-quatre ans”.

    Morte, Dalida ? Quelques mois avant, elle était l’invitée du journal pour évoquer son rôle au cinéma, dans Le sixième jour de Youssef Chahine. Coiffée d’un simple béret, elle parlait à voix basse, sur un ton si tranquille. Elle avait raconté à Rapp son tournage en Égypte, le réapprentissage de la langue arabe, les horaires de travail harassants imposés par Chahine dans ce pays sans syndicat…

    “La vie m’est insupportable. Pardonnez-moi.”

    Bientôt, toutes les rédactions ébruitent le scoop: Dalida s’est suicidée. Cent vingt somnifères dans le ventre et un seul mot digne de la Dame aux camélias sur sa table de chevet: “La vie m’est insupportable. Pardonnez-moi”. Le lendemain, les rumeurs les plus folles circulent. Certains à la machine à café, encore plus romantiques qu’Alexandre Dumas, parlent même d’un assassinat commandité par François Mitterrand.

    Il faut dire que rien ne laissait présager, pour ceux qui ne la regardaient pas de près, un tel dénouement tragique, surtout quand on s’attarde sur les articles dithyrambiques au sujet du film de Chahine et de son personnage d’Égyptienne, voilée des pieds à la tête. Nous sommes loin de Gigi in Paradisco et des projecteurs de Guy Lux . Les critiques parisiens, qui vilipendaient l’artiste hier, revenaient (enfin) de leurs certitudes ankylosées.

    Et si c’était elle, la Maria Casarès des années 1990? Certains scénaristes se laissent même rêver une carrière au théâtre pour ce monstre sacré de trois fois dix-huit ans, avec un Marcello Mastroianni encore fringant. Décidément, Chahine ne s’y est pas trompé. Il est si fier de son actrice, qu’il trouve de plus en plus belle, “avec cet humour égypto-italien inimitable”. Non, vraiment, lui non plus ne pouvait pas imaginer le dénouement de ce week-end du 1 er mai.

    Faire actrice, et pas chanteuse

    C’est au moment de ce retour en Égypte que le spectacle adapté de mon livre, Dalida sur le divan , commence. Un aller simple, pourrait-on dire. Dalida était si heureuse de retrouver Le Caire de son enfance, sa bergamote et son jasmin au feuillage vert foncé. Enfant, elle voulait faire actrice comme métier, pas chanteuse. Alors, elle y croyait. Même à genoux, elle voulait y croire.   Elle oubliait que parfois, on ne revient pas de ces bonheurs incendiaires. L’enthousiasme est si grand, l’engouement si intense, que nous ne pouvons supporter le retour à la vie dans ce qu’elle a de monotone, de cruellement répétitif. Les acteurs nous le disent plus que les autres, d’ailleurs: il faut se méfier de l’atterrissage! Écoutez Blier, Rochefort, Schneider… Ils l’ont tous dit. Le personnage est une deuxième peau qui aliène, qui traque, qui réclame son dû. Seulement, il faut passer au rôle suivant, être capable de cette froideur chirurgicale pour s’arracher à l’affectivité.

    S’il ne restait qu’une Dalida, ce serait celle-là. Epurée, hiératique. Finale. Mais comme les fans attendent surtout ses tubes disco, elle s’exécute, en bon soldat.

    Après le tournage du  film “Le Sixième Jour”, Dalida retrouve les chapiteaux et les galas pour chanter et camper son seul personnage : Dalida . Sans doublure ni filet bien sûr, comme une trapéziste chevronnée qui aime le vide. Elle troque son voile noir pour les robes pailletées qui lui sortent par les yeux. Et alors ? N’a-t-elle pas juré fidélité à son public ? Elle est la femme d’une seule parole.

    Dans son répertoire, on trouve encore “Je suis malade”, “Il pleut sur Bruxelles” ou une magnifique rengaine slave qui raconte un mariage ukrainien ! Habillée en bleu de travail, elle entonnait “Avec le temps” comme personne dans les années 70, à tel point que Léo Ferré lui-même s’inclina.

    S’il ne restait qu’une Dalida, ce serait celle-là. Epurée, hiératique. Finale. Mais comme les fans attendent surtout ses tubes disco, elle s’exécute, en bon soldat. C’est cette dévotion sublime qui lui donne son caractère unique.  Quand elle reprend pour une énième fois “Alabama Song” des Doors et de Kurt Weil, on ressent une fatigue morale indescriptible. Surtout quand, assise sur un tabouret noir, elle dit « Go way ! » à l’un de ses danseurs. Même Jim Morrisson n’a pas puisé en lui une si troublante mélancolie. « Tout est consommé » chantait-elle déjà dans Jésus Kitsch. Seulement, on ne voulait pas la croire. Alors, elle continue le show jusqu’à la lie. Il n’y a que ça de vrai.

    The show must go on

    Dans son ouvrage Les stars , Edgar Morin dit qu’il ne faut pas mésestimer la niaiserie du monde. C’est dans cette niaiserie que nous trouvons les plus beaux diamants, taillés sur mesure pour l’éternité. Pendant trente ans, sans interruption, le répertoire de Dalida a semblé contenir le cœur du vrai public populaire, celui qui se laisse émouvoir par une ritournelle en play-back, celui qui sait retourner à un état d’enfance quand il écoute une vieille mélodie archi-diffusée mais entonnée avec amour.

    A la fin de sa vie, Dalida est à la fois celle qui avait fait danser les grands-parents dans les bals musette des années 50 et celle qui fera se déhancher les jeunes dans les boîtes de nuits du tout Paris. L’exploit force l’admiration, même de ceux qui s’en moquent. « Avec le temps, va, tout s’en va. Ma perruque, mes faux cils, mes seins et cætera » ose même Thierry Le Luron. Il mourra avant elle.

    « Salut, Salaud » semblera lui répondre Dalida, dans l’une de ses dernières chansons réalistes, aux accents de « plus jamais ». Toutes ces prophéties autoréalisatrices, toutes ces textes légers qui recèlent un cœur à vif… Ce n’est pas de la niaiserie, non, c’est du génie ! Et puis, la critique est aisée mais le trapèze difficile, surtout en robe du soir et talons hauts. Avec sa chevelure et son strabisme, la chanteuse se prête si facilement au persiflage.

    Et dans le même temps, ceux qui l’écoutent vraiment savent qu’elle dépasse toujours sa caricature, qu’elle s’en détourne même. Quand elle se perd, c’est pour mieux se retrouver, dans un jeu inconscient avec son producteur visionnaire, ses paroliers, un masochisme maîtrisé et consenti.

    J’ai choisi Lionel Damei et Alain Klingler pour adapter mon livre à la scène car ils sont beaucoup plus proches de Barbara que de Dalida. Il fallait leur noirceur poétique pour ne pas sombrer dans le carnaval du tralala et des trémolos des mauvais imitateurs ne comprenant rien à la femme.

    Quand il avait une vingtaine d’années, Lionel voulait écrire des chansons pour celle qui lui rappelait tant sa grand-mère. Il avait beau lui préférer la grande Dame brune, il voyait en Dalida ce soleil de cendres qui n’en finissait pas de se consumer. La chanteuse comédienne ne lui en laissa pas le temps. « La porte s’ouvre tout à coup, et ma mémoire en prend un coup : c’est toi qui entres », chantait-elle dans “Tables séparées”, en racontant l’histoire d’une femme revoyant son amour de jeunesse, par hasard, dans un restaurant.

    Parachever la légende

    Mais en ce 3 mai 1987, point de miracle. Lasse d’attendre le grand amour, d’entonner des tubes de l’été et même d’écouter des critiques en pâmoison, Dalida paracheva sa légende en se donnant la mort. Trente-cinq ans après, le brassage des générations continue. Alors que tant d’autres stars d’une époque ont été reléguées sur les étagères, sa postérité se renouvelle comme les lilas de Montmartre au printemps. Orlando, son frère, a beau être vu comme un fossoyeur par ceux qui n’ont pas lu Edgar Morin, il continue merveilleusement son travail d’artisan de légende.

    On retrouve Dalida, inchangée, dans une émission de Thierry Ardisson, l’an dernier dans un album d’Ibrahim Maalouf, au début d’un James Bond ou au cœur d’un Xavier Dolan, dans une manifestation contre le confinement et reprise par une chanteuse à la mode sur les ondes de France Inter… Personne, pas même Johnny Hallyday et Charles Aznavour, ne peut se targuer d’une telle mixité. Alors, quand en 1983, elle entonnait pour la première fois Mourir sur scène, ce titre inventé par les avant-gardistes Michel Jouveaux et Jeff Barnell, il ne fallait pas la croire. Mourir sur scène est oxymorique car la scène est comme le diamant : précisément éternelle. Elle s’étire de tout son long et ne tolère aucune limite. Comme Dalida, quand elle convoque la mort dans sa chanson emblème, en constatant fièrement qu’elle l’a déjà vue de près. « Je veux mourir les yeux ouverts », a écrit Marguerite Yourcenar. « D’une mort bien orchestrée » a chanté Dalida. En terminant la phrase et en lâchant toute seule le trapèze.

    À voir également sur Le HuffPost: La métamorphose de Sveva Alviti dans “Dalida”