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      Oui, il est possible de "mourir de chagrin" comme le mari de cette prof tuée au Texas

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 27 May, 2022 - 14:11 · 6 minutes

    Des messages de condoléances pour Irma Garcia, enseignante tuée au Texas lors de la tuerie d'Uvalde. Des messages de condoléances pour Irma Garcia, enseignante tuée au Texas lors de la tuerie d'Uvalde.

    ÉTATS-UNIS - Son deuil l’a littéralement tué. Joe Garcia, le mari d’Irma Garcia, une enseignante tuée dans la fusillade survenue mardi 24 mai dans une école d’Uvalde , au Texas, est décédé d’une crise cardiaque jeudi matin après s’être rendu à un mémorial en hommage à sa femme, selon les explications données par son neveu, John Martinez.

    Il semble que le couple se soit formé au lycée avant 24 ans de mariage, et John Martinez a d’abord déclaré que Joe Garcia était mort “de chagrin”. “Je crois vraiment que Joe est mort d’un cœur brisé et que perdre l’amour de sa vie depuis plus de 30 ans était trop difficile à supporter”, a aussi écrit Debra Austin, qui a dit être la cousine d’Irma Garcia, sur une page GoFundMe lancée en soutien pour la famille.

    En réaction à cette information, des lecteurs du HuffPost se sont demandé, en commentaire sous notre post Facebook -très commenté- si on pouvait vraiment “mourir de chagrin”. Certains s’échangeant la page Wikipédia du “syndrome de tako-tsubo”, également appelé “syndrome des cœurs brisés”, qui caractérise “une sidération myocardique survenant après un stress émotionnel”.

    Des causes médicales identifiées

    Il s’avère que oui, on peut mourir dans de telles circonstances, après un choc émotionnel dévastateur. Le chagrin a par exemple été la raison invoquée lorsque, quelques heures après le décès de l’actrice de “Star Wars” Carrie Fisher d’une crise cardiaque en 2016, sa mère, l’actrice Debbie Reynolds, a aussi été victime d’un AVC fatal. Le stress de la mort de sa fille ”était trop fort”, avait expliqué le fils de Debbie Reynolds, Todd Fisher.

    Bien qu’il soit impossible de dire avec certitude si la détresse aiguë est la seule cause de ces deux tragiques décès, il est médicalement possible que des événements stressants de la vie déclenchent des issues fatales pour la santé.

    “Le deuil est une expérience très intime”, expliquait à l’édition américaine du HuffPost , en 2016, le Dr Jose Biller, professeur et président du centre de traitement des accidents vasculaires cérébraux de l’université Loyola de Chicago et porte-parole des associations américaines des accidents vasculaires cérébraux et du cœur.

    Le deuil suite au décès d’une personne très proche est associé à une augmentation immédiate du risque d’affections cardiovasculaires, indiquait le Dr Biller. En effet, d’importantes recherches ont été menées sur ce que l’on appelle “ l’effet veuvage ”, selon lequel le décès d’un conjoint augmente les risques de décès du partenaire vivant.

    Prenez, par exemple, une étude de 2014 publiée dans la revue médicale JAMA Internal Medicine , qui a comparé des adultes âgés de 60 à 89 ans au Royaume-Uni ayant connu le décès de leur partenaire, avec d’autres n’ayant pas connu ce drame, entre 2005 et 2012.

    Les chercheurs ont constaté que dans le mois suivant le décès de leur partenaire, les hommes et les femmes endeuillés couraient un risque accru d’accident vasculaire cérébral ou de crise cardiaque par rapport à leurs pairs qui n’avaient pas perdu leur partenaire. Ce risque accru de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral est ensuite retombé après 30 jours.

    Syndrôme Tako-Tsubo

    Il existe également un phénomène connu sous le nom de syndrome du “cœur brisé”, ou cardiomyopathie tako-tsubo, qui imite les symptômes d’une crise cardiaque et se caractérise par des douleurs thoraciques et un essoufflement à la suite d’un stress émotionnel ou physique important. Ce phénomène se produit malgré l’absence de signes d’obstruction des artères coronaires, selon le Harvard Women’s Health Watch .

    “Le syndrome du cœur brisé” est toutefois rarement mortel, selon la même source, et la plupart des personnes qui en font l’expérience se rétablissent rapidement, sans que l’hypotension, les douleurs thoraciques ou l’essoufflement qui en résultent ne causent de dommages à long terme.

    Et bien que les événements négatifs de la vie soient beaucoup plus susceptibles de déclencher une cardiomyopathie tako-tsubo que les événements positifs, il s’avère que le stress positif (comme une fête d’anniversaire surprise, par exemple) peut déclencher des problèmes cardiaques similaires, selon une étude publiée en mars 2016 dans l’European Heart Journal .

    Les syndromes du cœur brisé et du cœur heureux surviennent en revanche presque exclusivement chez les femmes et, bien que les chercheurs n’en connaissent pas la raison avec certitude, ils pensent qu’il pourrait y avoir un lien entre la baisse du taux d’œstrogènes chez les femmes ménopausées et la cardiomyopathie tako-tsubo.

    “Pas que de la chair”

    Bien que les décès dus au syndrome du cœur brisé soient exceptionnellement rares, les lésions cardiaques dues au deuil peuvent causer des dommages à long terme, surtout si vous présentez déjà un risque d’événements cardiovasculaires. Selon une étude publiée dans la revue de la American Heart Association en 2012, le risque de crise cardiaque a augmenté de 21% dans les 24 heures suivant le décès d’un être cher, et est resté six fois supérieur à la normale pendant la semaine suivante.

    Pour le Dr Biller, l’une des principales leçons à tirer de la mort de Debbie Reynolds est la démonstration que le cerveau et le cœur sont tous deux altérés par le deuil. “Il n’y a aucun doute sur cette connexion délicate et multidimensionnelle entre le cerveau et le cœur”, expliquait-il en 2016, notant que des recherches supplémentaires restaient à être menées sur cette connexion.

    “Après tout, nous ne sommes pas que de la chair”, a-t-il ajouté. “Les émotions. La maladie mentale. La vie spirituelle. Nous sommes des organismes très complexes.”
    ―-

    Cet article est une traduction, réalisée par Le HuffPost , d’un article initialement publié sur l’édition américaine du HuffPost. Une première version de l’article américain avait été publiée en 2016 après le décès de l’actrice Debbie Reynolds. Il a été mis à jour en mai 2022 suite aux événements survenus au Texas. C’est cette dernière version que nous avons traduite.

    À voir également sur Le HuffPost : Après la tuerie d’Uvalde au Texas, le sénateur Ted Cruz fuit les questions sur les armes à feu

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      Dans le contexte du Covid-19, un deuil particulier ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 8 May, 2020 - 03:20 · 9 minutes

    deuil

    Par Cyril Tarquinio 1 .
    Un article de The Conversation

    On préfère ne pas y penser… mais ce virus tue tous les jours. Avec des milliers de familles qui se trouvent dans la peine et la tristesse. C’est-à-dire des hommes, des femmes et des enfants en deuil. On me demande souvent ce que signifie « faire » son deuil, si cela a vraiment un sens. La réponse est tout à la fois simple et compliquée .

    D’une certaine manière on pourrait considérer que le deuil, c’est l’inverse de l’investissement affectif. Quand on rencontre une personne pour la première fois un ami, un amoureux (ou une amoureuse) ou même lorsqu’un enfant vient au monde (à vrai dire cela commence bien avant) on l’investit, c’est-à-dire que l’on crée ou que l’on noue des liens avec cette personne.

    On pourrait dire que nous sommes des sortes de « couturiers du lien ». On « tricote » les liens avec les gens qui nous entourent. On tricote en permanence le fil qui nous lie et nous attache à eux. En fait, c’est bien plus qu’un simple fil, car à y regarder de plus près le maillage est élaboré, subtil, parfois paradoxal, plus ou moins solide et sûr, tout cela étant fonction de notre passé relationnel respectif.

    C’est cela que l’on appelle les « liens d’attachements ». Ils organisent nos histoires relationnelles, toutes nos histoires relationnelles, depuis le « berceau jusqu’à la tombe » comme le disait John Bowlby.

    Êtres sociaux

    Nous sommes donc biologiquement programmés pour nouer des liens avec les autres dans le but de survivre. L’évolution nous a appris en quelque sorte qu’on ne pouvait pas rester seul. Nous sommes des êtres sociaux, c’est-à-dire que nous avons besoin des autres pour vivre et pour ce faire nous nous attachons dès la naissance à ceux qui nous entourent.

    Ces liens, nous les « tricotons » chaque jour. Nous sommes donc comme des « couturiers du cœur » qui mettons en permanence notre ouvrage sur le métier afin de l’adapter à ce qu’est notre vie et à ces aléas. C’est ce travail psychique d’adaptation permanente de notre relation aux autres, qui organise en fait la dynamique de nos liens attachement.

    À l’inverse la mort d’un de nos proches nécessite un processus de désinvestissement. Il faut cette fois « détricoter » définitivement des liens que nous avions mis toute une vie parfois à bâtir, avec celui ou celle qui vient de mourir.

    Ce « détricotage », même s’il ne signifie en rien oublier celui ou celle qui nous a quitté, est en quelque sorte une « recomposition » de nos attachements. Mais c’est en même temps une question de survie. Si pour certains les morts « montent au ciel » (pourquoi pas !), on comprend avec cette métaphore que rester attaché à nos défunts pourrait nous conduire à mettre notre vie en danger et disparaître avec eux dans le ciel.

    Mais on ne peut pas vivre avec les morts, notre place est auprès des vivants. C’est la raison pour laquelle on peut considérer le « deuil », malgré la souffrance qu’il occasionne, comme une force orientée vers la vie. Le détachement n’est pas l’oubli, ni l’abandon, loin de là.

    Le processus du deuil doit nous permettre de rester avec les vivants, avec ceux qui sont encore à nos côtés et qui nous aiment. En lien avec ces autres avec lesquels d’autres liens existent, d’autres fils invisibles, qui dans ces moments-là se doivent d’être d’une solidité exemplaire et tenir le coup, afin de nous aider à rester debout et continuer à vivre. Ce n’est pas toujours simple surtout quand l’autre était devenu un autre soi, une autre partie de nous-mêmes !

    Une pandémie déshumanisante ?

    Avec ce Covid-19 la situation est tout de même particulière. Beaucoup de nos parents sont restés plusieurs jours ou plusieurs semaines dans les services de réanimation puis sont morts, seuls, sans leur famille à leurs côtés. Il y a quelque chose de déshumanisant dans ces situations, alors que nos sociétés n’ont cessé de faire en sorte que l’accompagnement dans la mort devienne aujourd’hui plus qu’hier un temps d’humanité et de dignité pour les mourants comme pour les familles.

    Avec le Covid-19 on reste sur sa « fin » et le processus du deuil peut devenir délicat. Les plus pessimistes parlent de « deuil compliqué » voire de « deuil pathologique » qui pourraient ainsi toucher des milliers de personnes. En la matière, il convient de ne pas s’alarmer plus que nécessaire : l’humanité dispose de ressources insoupçonnées qui ne se révèlent que dans l’épreuve. Nous y sommes !

    Une amie m’a raconté qu’elle avait emmené son père aux urgences pour qu’il se fasse soigner ; 48 heures après son admission on lui avait annoncé sa mort. Elle savait qu’un jour il allait mourir, mais elle ne s’était pas préparée à ce que les choses aillent si vite. Pourtant, très rapidement, il a fallu l’enterrer et il a fallu faire vite, et cela aussi ce fut un choc.

    Les familles endeuillées en cette période de pandémie sont également privées de cérémonies religieuses. Les mosquées et les synagogues sont quasiment toutes fermées. Les églises restent ouvertes pour des prières individuelles et rassemblant moins de vingt personnes.

    Tout cela peut se révéler difficile, notamment le fait de ne pas pouvoir organiser des obsèques « comme avant ». Comme le rappelle Boris Cyrulnik : « Depuis que les êtres humains sont sur Terre, ils font des sépultures, ils font des rituels du deuil. Toutes les cultures en ont, et là on sera obligés de ne plus en faire » .

    Bien entendu, les circonstances actuelles sont dramatiques et parfois inhumaines pour beaucoup de familles. Mais le deuil est un processus qui s’inscrit dans le long terme et qui ne se résume ni aux obsèques, ni aux conditions de fin de vie, même si cela compte, bien sûr !

    Honorer la relation

    Très curieusement, je pense que c’est le défunt lui-même qui reste la dimension essentielle pour nous aider à nous en sortir. Même décédé, un proche ou un parent peut être un tuteur de « résilience ». C’est-à-dire un levier, un modèle, voire un guide pour nous aider dans le processus de deuil et éviter que l’on s’effondre. En effet, la relation que l’on a eue avec lui tout au long de sa vie peut nous servir de guide pour se repérer et savoir quelle voie il convient de prendre. S’il faut poursuivre la lutte ou au contraire abandonner et se laisser terrasser par la peine et la douleur.

    Cette histoire commune, que nous avons partagée avec le défunt, aucun virus, aucun confinement ne pourra jamais nous la voler. Qu’avons-nous vécu ensemble ? Quel héritage (moral, psychologique, spirituel, en termes de valeurs…) est le mien ? Que m’a-t-il (ou elle) transmis ? De quoi suis-je l’héritier ? Qu’est-ce que je comprends de ce qu’a été sa vie et de la relation qu’il avait avec moi ?

    L’attitude du défunt face à sa propre mort, sa lutte pour la vie, sa lutte contre le virus, sa dignité, son courage, ses souffrances peuvent aussi constituer un socle solide pour nous donner envie de nous battre pour être digne et à la hauteur de celui ou celle que l’on a perdu. Ainsi, c’est dans la mort elle-même, même si elle fut terrible, qu’il convient d’aller puiser des forces de vie nouvelles, ainsi que des raisons de vivre et de se battre en mémoire de ceux qui nous ont aimé et que l’on a aimé.

    Personnellement, nous ne savons pas s’il y a un ailleurs ou pas après la mort. Mais nous aimons envisager les deux voies avec nos patients. S’il n’y a rien alors tant pis. Mais s’il y a un ailleurs où nos morts se trouvent et si de là, ils peuvent nous voir, nous demandons à nos patients ce qu’au regard de la connaissance qu’il ont du défunt (de sa vie, de ce qu’il a fait, de ce qu’il leur a apporté…) ce dernier attendrait d’eux ?

    Qu’est-ce que ce père, cette mère, ce grand-père, cette grand-mère, voire même ce fils ou cette fille qui viennent de mourir et avec qui ils ont partagé tant de choses, aimerait les voir faire ? Que souhaiterait-il (ou elle) pour eux là maintenant et pour leur avenir ? Qu’ils s’effondrent ou à l’inverse qu’ils poursuivent leur vie en souvenir de lui ou d’elle, en souvenir de leur histoire passée ?

    La meilleure manière d’être fidèle à celui (ou celle) qui vient de mourir n’est-elle pas de continuer à vivre pleinement et de transmettre à son tour cette force de vie et cet amour que cet autre qui vient de partir nous a donné et laissé en héritage ? Ainsi, paradoxalement dans la mort de l’autre on peut et on se doit de trouver la force de vivre, des forces de vie.

    Vivre avec l’absence

    Alors, finalement, « faire son deuil », qu’est-ce que cela signifie ? Si le temps de la grande souffrance a une fin, le deuil en tant que tel n’en a pas vraiment. Toute sa vie, on devra se confronter à l’absence. On se transformera et on parviendra à trouver un nouveau sens à sa vie. On sera capable alors de mettre le défunt à sa juste place, ni trop loin, pour ne pas sombrer dans l’évitement, ni trop près, au risque de ne pouvoir poursuivre sa route.

    Beaucoup disent que le deuil les a transformés en profondeur. C’est sans doute vrai ! Car en faisant le deuil des êtres aimés, c’est le deuil de soi-même que l’on fait, par la même occasion. Le deuil de celui ou de celle que nous étions avec le défunt. Nous prenons alors conscience que tous ceux qui nous entourent mettent à jour, par leur présence, des parties de nous-mêmes. Ils sont comme des révélateurs qui éclairent des dimensions spécifiques de notre personne.

    Des dimensions que d’autres ne parviennent pas à révéler ! Ainsi, lorsque ces « révélateurs » disparaissent de notre vie, c’est une partie de nous-mêmes qu’ils emportent avec eux. Et c’est aussi cela que nous pleurons, quand nous pleurons nos morts.

    Sur le web The Conversation

    1. Professeur en psychologie, Université de Lorraine.