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      À la droite du Père, Florian Michel et Yann Raison du Cleuziou

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 15 January, 2023 - 04:15 · 3 minutes

    L’association entre droite et catholicisme est une sorte de lieu commun de l’histoire politique française. Depuis la Révolution française, en particulier à gauche, il est assez facile de confondre en un seul ennemi à abattre la réaction d’Ancien Régime, le pouvoir de l’Église catholique et la critique des privilèges sociaux et économique que cette « sainte » alliance protégerait contre le progrès social et la longue marche vers l’émancipation proposée par les diverses chapelles progressistes, qu’elles soient républicaines, socialistes ou communistes.

    Des droites catholiques

    Seulement, si l’influence de l’Église est déterminante dans les engagements et les pratiques civiques à droite, elle est loin de se résumer aux caricatures charriées par la rhétorique militante. Curieusement, si l’influence de l’Église sur la droite est essentielle comme elle le fut sur tout un pays comme la France dont l’identité culturelle a été forgée au sein d’un civilisation chrétienne millénaire, il n’existait pas d’étude scientifique visant à étudier sérieusement le rapport entre l’enseignement de l’Église catholique et ses traductions militantes au sein du camp conservateur français, du centre à l’extrême droite.

    Observer le rapport entre la droite et l’Église revient d’abord à le complexifier au-delà des clichés. Loin de se limiter à la frange réactionnaire, elle influence tout le spectre politique droitier et subit en particulier à partir de l’après-guerre une désaffiliation partisane. Le vote catholique se disperse, se retrouvant aussi à gauche et cela même si la droite catholique reste prépondérante au sein de la majorité des croyants. Plutôt que de ramener le rapport de l’Église à une droite en particulier, il convient d’admettre que plusieurs droites interprètent différemment le message de l’Église pour informer des pratiques militantes parfois aux antipodes les unes des autres. Quel rapport entre la démocratie chrétienne et les militants catholiques traditionnalistes qui investissent les rangs du Front national à partir du début des années 1980 ?

    C’est ce manque dans le domaine universitaire que vient combler cette nouvelle étude supervisée par Florian Michel et Yann Raison du Cleuziou intitulée À la droite du père. Les catholiques et la droite de 1945 à nos jours . Au carrefour de l’histoire immédiate et de la sociologie, l’ouvrage se penche sur des thèmes aussi variés que le catholicisme pendant la guerre froide, les droites conservatrices dans les années 1960, le catholicisme et le gaullisme ou encore l’évolution droitière des nouvelles générations catholiques avec les manifs contre le Pacs ou la Manif pour tous .

    Notons également qu’afin de marquer le pluralisme des droites catholiques, les auteurs se sont attachés à dresser le portrait des figures politiques emblématiques qui en ont marqué l’histoire après guerre.

    Évolution conservatrice des catholiques

    S’il est difficile de rendre compte ici de la richesse et de la variété des contributions, il est toutefois possible de s’arrêter sur le mouvement de radicalisation conservatrice qui travaille les pratiquants depuis les années 1980 et qui correspond peu ou prou à celui de l’accélération de la déchristianisation du pays et à la mise en minorité de la religion catholique en France.

    Comme le note Yann Raison du Cleuziou, l’expérience du déclassement culturel les droitise :

    « Progressivement destitué de ses privilèges majoritaires, le catholicisme se recompose avec ceux qui restent. Les catholiques conservateurs parvenant mieux à transmettre la foi au sein de leurs familles, leur sensibilité croît en importance dans l’Église à mesure que le catholicisme décline. Dans l’espace public, l’image du catholicisme dépend de plus en plus des initiatives de ces observants qui font de la fidélité à la messe dominicale hebdomadaire et du combat pour la vie des signes distinctifs. »

    À la droite du père est un complément indispensable aux études classiques de René Rémond sur les droites en France et passionnera tous les lecteurs intéressés par l’histoire politique du pays.

    Florian Michel, Yann Raison du Cleuziou (dir.), À la droite du père. Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours , Seuil, 2022.

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      Réforme des retraites : drame au sein de LR

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 13 January, 2023 - 04:20 · 5 minutes

    À droite on suit le chef. C’est comme ça. Ça a toujours été comme ça.

    Et quand le chef dit une bêtise, on répète la même bêtise. Quand le chef fonce droit dans le mur, on fonce tous droit dans le mur.

    Bon, ne soyons pas trop dur. Le ralliement des Républicains au projet de la majorité sur le sujet des retraites n’est peut-être pas encore l’achat de billets de dernière minute pour la traversée inaugurale du Titanic ou l’enrôlement dans la légion le jour du dernier parachutage sur Diên Biên Phu, mais c’est quand même a minima une magnifique occasion ratée, un peu comme si Mbappé se retrouvait plein centre seul devant les buts alors que le gardien adverse tombait en se tordant la cheville et que Mbappé envoyait le ballon en touche.

    La droite la plus… au monde

    Ce revirement, d’opposition constructive à lèche-bottes, est très décevant.

    Décevant, mais pas inattendu. Rappelons-nous qu’il y a tout juste un mois, la droite la plus bête du monde a voté en chœur pour l’élaboration d’une nouvelle version de la machine à perdre.

    Déjà que déclarer sa candidature pour les présidentielles un an avant l’échéance n’est en général pas très malin mais déclarer sa candidature pour les présidentielles quatre ans avant sans avoir coalisé autour de soi, sans projet, avec une force militante en pleine pagaille, après avoir subi des revers, sans dynamique, sans le soutien des cadres les plus influents, et en plus le faire par procuration, ça frise le manque d’adjectifs qualificatifs.

    Le couple Laurent Wauquiez – C’est moi le calife et vous allez voir ce que vous allez voir – Éric Ciotti – C’est moi le calife… euh, en fait non, je ne suis le vizir du grand calife – aura réussi son coup : supprimer toute velléité d’introspection sur les erreurs passées et foncer bille en tête dans ce qui fait perdre systématiquement la droite depuis la mort de Georges Pompidou et même depuis bien bien plus longtemps que cela, si on exclut les épisodes réponses à appel « SOS, au secours on coule ! » de Charles de Gaulle.

    La droiche

    Quand est-ce que la droite française arrêtera de faire et de promouvoir une politique de gauche ?

    Le système de retraite par répartition et par régime universel obligatoire géré par l’État est une idée de gauche, totalement et profondément de gauche, radicalement à l’opposé de tous les principes de droite.

    Supporter, vouloir sauver ce pachyderme agonisant c’est comme si LR avait décidé d’organiser une collecte pour envoyer des fonds au gouvernement de Corée du Nord, de Cuba ou du Venezuela.

    Le principe de base de la droite, en France et partout ailleurs, le dogme fondamental de la pensée conservatrice dans tous les pays, c’est la propriété. Pourquoi la droite française y ferait exception ? Quelle raison serait suffisante pour tourner le dos à ce principe ?

    La seule raison compréhensible, bien que difficilement acceptable, serait qu’il n’y ait pas d’autre choix que celui de composer avec la situation.

    C’était le cas en octobre 1945, quand la droite tout juste démobilisée pensait à autre chose et que le Parti communiste et les quelques socialistes qui avaient réussi à s’affranchir ou faire oublier leur rôle pendant l’Occupation menaçaient de replonger le pays dans le chaos.

    C’était aussi le cas en 1993, quand la droite était certes aux affaires mais sous cohabitation de François Mitterrand qui avait mis dans son sac à promesses l’avancement l’âge de départ à 60 ans pour son élection de 1981.

    Le précédent

    La réforme Balladur de 1993 n’est pas une réforme de droite : c’est une réforme de cohabitation rendue à la fois possible et nécessaire par la situation.

    Même si elle fut menée à bien (ce qui en la matière frôle quasiment l’exploit), ce n’est certainement pas une raison pour faire du « report de l’âge de la retraite » un hymne de droite. Ce fût une réforme technique dont les contours étaient très clairement établis par le président de la République de l’époque, François Mitterrand , qui, rappelons-le parce que cela semble nécessaire, était un homme de gauche.

    Pourquoi aujourd’hui, la droite s’évertue-t-elle une nouvelle fois à sauver un totem de gauche ?

    Que le gouvernement et la majorité actuelle veuille sauver cette machine à créer de la dépendance, de la pauvreté et des dettes, on peut le comprendre : elle est toute ou partie de gauche et fondamentalement attachée à préserver la baleine administrative. Que l’extrême gauche et les syndicats jouent la surenchère, on le comprend aussi aisément : ils essayent d’apparaître encore plus de gauche que la majorité actuelle afin d’exister. Que l’extrême droite joue également la surenchère, on le comprend tout aussi facilement : leur programme économique et social est en compétition avec celui de l’extrême gauche et tout aussi collectiviste.

    Mais la droite !

    L’occasion ratée

    Surtout que la droite sans chef (celle d’avant le 11 décembre) avait commencé à trouver sa place, qu’elle avait commencé à aborder le vrai sujet, à formaliser, à présenter, à discuter. D’accord, il aurait fallu sans doute des années voire peut être des décennies pour que l’on s’oriente enfin vers un vrai système de retraite qui permette à la fois d’aider les plus défavorisés ET qui s’évertue à ne laisser personne sur le côté de la route ET qui permette de passer de charge structurellement déficitaire à atout économique ET qui permette de faire marche arrière sur la collectivisation et les atteintes à la propriété, ET…

    Cette solution a bien été évoquée par quelques responsables de LR comme David Lisnard ou dans diverses discussions et commençait à se mettre en forme : une retraite « filet » par répartition mais minimum et substituable, assortie d’ une libéralisation des solutions de retraite par capitalisation , le tout soumis à une obligation de cotisation minimale afin d’éviter les passagers clandestins qui viendraient profiter du système de solidarité.

    Mais non. Badaboum !

    Le chef a décidé qu’il fallait faire « responsable et cohérent », qu’il fallait faire présentable et pas se mêler au joli bazar qui s’annonce. Alors tout le monde s’est tu. Sauf peut-être Xavier Bertrand , qui lui, trouve que le projet gouvernemental n’est pas assez social, pas assez de gauche en somme.

    Est-ce que l’aile libérale-conservatrice de LR y a toujours sa place ?

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      Le LR deviendra-t-il le parti de l’ordre ou le parti libéral ?

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 14 December, 2022 - 04:30 · 4 minutes

    Les militants du parti ont fait le choix d’ Éric Ciotti . Ce choix a-t-il une connotation libérale ? Au lendemain de la joute télévisée entre les trois candidats (le 21 novembre sur LCI) la rédaction du site www.nouvelle-lettre.com faisait un constat plutôt pessimiste :

    « Il n’y a pas eu de quoi stimuler des électeurs libéraux […] les candidats sont loin de la position libérale (du moins dans la ligne de celle que nous diffusons).

    Toutefois, deux positions semblaient positives pour des libéraux : d’une part Éric Ciottti avançait un programme de réduction massive des impôts, d’autre part Bruno Retailleau souhaitait que le parti se donne enfin une doctrine claire. Mais sur ces deux points il y avait antinomie : Bruno Retailleau préférait une baisse des dépenses plutôt qu’un allègement des prélèvements obligatoires et Éric Ciotti se réclamait de la famille gaulliste dont la doctrine est de ne pas en avoir (comme disait Michel Debré, à juste titre).

    Moins d’État ou mieux d’État ?

    La victoire d’Éric Ciotti (très discrètement commentée à cause des matches de foot au Qatar) ne manque pas d’interroger les libéraux et je me pose comme tant d’autres la question impertinente : où va-t-il mener le parti ?

    Sa toute première déclaration a été pour se féliciter du retour à la famille gaulliste mais il a aussi laissé entendre qu’il faut réformer pour libérer. Son plaidoyer pour la flat tax et l’ effet Laffer , jadis pièces maîtresses de la reaganomics , a de quoi séduire les libéraux.

    Le gaullisme, c’est plus d’État, le libéralisme c’est moins d’État. Nous voici donc confrontés au paradoxe très français : peut-on libérer les Français en restaurant l’autorité de l’État français ?

    Il est vrai que dans l’opinion publique les deux approches correspondent à un besoin profond : le déclin et le désordre règnent actuellement grâce au macronisme insaisissable et impuissant et le poids des impôts, des taxes et des règlementations devient intolérable.

    Il est donc tentant de se demander si le parti LR sera celui de l’ordre (capable de reconstruire l’électorat de droite voire de l’extrême droite) ou celui de la liberté (capable de répondre à l’attente d’un électorat libéral aujourd’hui exclu du débat public). Vieille affaire : la droite française a-t-elle été un jour libérale comme elle l’est dans la plupart des pays libres ? J’enfonce donc une porte ouverte.

    Mais je crois précisément que l’opposition entre ordre et liberté est mal comprise et je me fais un devoir de répondre à ceux qui s’interrogent sur sa nature. Je n’ai aucun mérite à relever le défi puisque tout revient à l’opposition qu’Hayek a marquée entre ordre créé et ordre spontané.

    Ordre créé ou ordre spontané ?

    L’exception française bien repérée par Jean-Philippe Feldman est celle de l’ordre créé : c’est le pouvoir politique en place qui décrète ce que les gens doivent faire. Il n’y a aucune limite à cette ingérence de l’État, on va même jusqu’à considérer la Constitution comme une déclaration solennelle des droits individuels.

    Le pamphlet de Bastiat La Loi dénonce l’erreur (de Rousseau) sur la « volonté du peuple » : le législateur élu peut tout régenter. C’est un excellent chemin vers la dictature et la servitude volontaire.

    Par contraste l’ordre spontané est le fruit de la liberté et le garant de la liberté.

    Fruit de la liberté parce que les institutions, règles du jeu social, évoluent naturellement à travers un processus d’essais et d’erreurs.

    Garant de la liberté parce que les règles du jeu ont pour mérite d’anticiper le comportement prévisible des autres individus et rendent possible l’harmonie sociale née de la catallaxie , qui transforme des intérêts contraires en accords réciproques.

    Il y a donc, comme Mises le soulignait, une praxéologie , un pari sur le comportement des êtres humains. Bien qu’Hayek n’ait pas voulu (pour diverses raisons) se référer au droit naturel, il y a bien quelque chose dans la nature de l’être humain qui le pousse à préférer la liberté, la responsabilité, la propriété et la dignité. Sans doute cette nature est-elle encouragée par l’éducation, par l’expérience, capables d’épanouir la personnalité. Voilà pourquoi le parti LR, sous la houlette d’Éric Ciotti, devrait donner priorité à l’école, à la famille, au contrat, là où existent actuellement tous les foyers de haine, de discorde, animés par les tenants de la lutte des classes, des races, des sexes.

    Voilà l’ordre libéral. Puisse-t-il enfin devenir une vraie doctrine pour un vrai parti libéral.

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      La droite ne se redressera que si elle redresse l’industrie

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 2 December, 2022 - 03:40 · 7 minutes

    Le débat du 21 septembre sur LCI entre les trois candidats à la présidence des Républicains a été fort décevant.

    Comme à son habitude, Éric Ciotti a joué la carte de la fermeté en défendant une droite « qui ne s’excuse plus d’être elle-même » ; Bruneau Retailleau s’est fait le partisan d’une droite « fière de ses valeurs avec une ligne claire sur le régalien et l’économie » ; Aurélien Pradié n’a rien trouvé de mieux que de vanter son expérience de maire et de pompier.

    Dans son éditorial du journal Le Figaro des 26 et 27 novembre dernier Yves Thréard déplore :

    « Elle [la droite] ressasse, hésite et doute : il lui manque un projet solide et surtout quelqu’un pour l’incarner ».

    Valérie Pécresse a fait le score désastreux de 4,8 % à l’élection présidentielle. Et ce n’est pas avec l’un de ces trois candidats que la droite va se redresser.

    Pourquoi donc ce débat a-t-il été aussi décevant ? Parce qu’aucun des sujets importants concernant le redressement de notre pays n’a été abordé : rien sur la manière de procéder pour redresser l’économie du pays, rien sur l’Europe et la sauvegarde de notre autonomie de décision face aux oukases de la  Commission de Bruxelles et rien sur la manière de faire face, demain, au déversement sur l’Europe de flux migratoires qui vont la submerger.

    Il faut dire que les deux journalistes qui ont interrogé ces trois candidats n’ont pas été non plus très brillants en posant des questions chrono en main pour faire respecter les temps de parole.

    Ce que nous aurions aimé entendre

    Le redressement de l’économie française

    Depuis des années, les clignotants sont au rouge :

    • chômage excessif bien plus élevé que celui des autres pays européens,
    • balance commerciale déficitaire depuis vingt ans,
    • dépenses publiques et prélèvements obligatoires les plus élevés de tous les pays de l’OCDE,
    • endettement extérieur croissant d’année en année.

    Les trois candidats n’ont rien eu à dire sinon qu’il fallait réduire les dépenses publiques, ce qui est le discours habituel des libéraux, un propos de café du commerce formulé par des personnes qui n’ont pas compris que le mal dont souffre le pays est sa très grave désindustrialisation .

    Le secteur industriel n’a pas cessé de fondre depuis la fin des Trente glorieuses. Ses effectifs sont passés de 6,5 millions de personnes à 2,7 millions aujourd’hui. Depuis Jean Fourastié , ce secteur désigné comme le « second secteur de l’économie » n’intervient plus que pour 10 % dans la  formation du PIB au lieu de se situer à minimum 18 %. C’est donc en redressant le secteur industriel que l’économie du pays se redressera : il n’y aura plus de chômage, la balance commerciale redeviendra positive, les dépenses sociales pourront être réduites puisque le pays sera devenu beaucoup plus riche. Et l’économie ayant retrouvé sa vigueur l’endettement ne sera plus nécessaire.

    Relations avec Bruxelles et construction d’une nouvelle Europe

    La France doit-elle se fondre dans une vaste communauté européenne ou bien doit-elle conserver la maitrise de son destin ? Cette question est essentielle.

    Emmanuel Macron n’a qu’un seul projet : dissoudre la France dans l’Union européenne et confier aux autorités de Bruxelles le destin du pays. Il plaide pour une Europe de la défense et la constitution d’une armée européenne : cela suppose qu’une autorité suprême à Bruxelles soit capable de décider de l’emploi de cette force, au lieu des décisions à prendre à l’unanimité dans 27 pays.

    Du fait de la faiblesse de son économie la France ne peut pas s’extraire de la zone euro, mais doit-elle pour autant abandonner à une autorité étrangère la maitrise de son destin ? Il est curieux que sur une question de cette importance les trois candidats n’aient rien eu à dire.

    Maitriser les flux migratoires

    Ils ne vont pas manquer de se renforcer en direction de notre continent.

    Il s’agit de s’attaquer à la racine du mal et de se donner les moyens de surmonter l’obstacle constitué par les refus systématiques des pays africains de récupérer leurs nationaux lorsque le pays souhaite renvoyer chez eux des migrants qu’il ne peut pas prendre en charge.

    La coopération avec l’Afrique

    La seule solution consiste à lancer un grand plan européen de coopération avec le continent africain visant à aider certains de ses pays à se développer économiquement. C’est indispensable puisque ces migrations sont l’expression de l’extrême pauvreté dans laquelle ils se trouvent. Par ailleurs, cela procurerait des moyens de négociation efficaces pour amener les pays qui font les sourds à rapatrier leurs nationaux.

    Il s’agirait donc de modifier totalement la politique de coopération avec les pays africains en limitant cette aide aux trois objectifs suivants :

    Grands travaux d’infrastructures

    Ils seraient réalisés par les entreprises européennes et répondraient aux besoins de ces pays : routes, voies ferrées, réseaux d’électricité et de communication, ports, aéroports…

    Alimentation d’un fonds d’indemnisation

    Il serait alimenté par l’UE et destiné à couvrir les investissements contre les risques politiques africains.

    Aide à la réinstallation dans leur pays d’origine

    Elle concernerait les migrants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion, comme par exemple les  OQTF en France.

    Actuellement, les aides à l’Afrique sont complètement dispersées et totalement inefficaces, chaque pays européen menant sa propre politique d’aide au développement. La Commission européenne  intervenant elle aussi via le Fonds européen de développement devenu « Europe dans le Monde » en 2021.

    Il faut renoncer à ce type d’aide. Avec cette nouvelle manière d’opérer, les pays européens renonceraient donc à procéder à de l’aide bilatérale, tous les moyens se trouvant dorénavant concentrés dans les mains de la Commission. L’Europe ne s’occuperait plus que des pays africains, et non plus, comme actuellement, de tous les pays sous-développés du monde.

    La création d’un système d’assurance des investissements des entreprises dans les pays africains serait un élément essentiel de ce plan : en effet des pays en voie de développement ne peuvent pas évoluer sans le concours d’investissements étrangers, ce que les économistes nomment des investissements directs étrangers. Les entreprises étrangères apportent non seulement des capitaux pour créer des usines ou mettre des territoires en valeur mais aussi les know-how dont ces pays sont dépourvus, et elles forment sur place la main-d’œuvre. De surcroît, leur concours est indispensable car ce sont elles qui vont nourrir les exportations avec leurs réseaux de distribution dans les pays développés, là où précisément se trouvent les marchés.

    C’est d’ailleurs de cette manière que s’est développée la Chine.

    Selon une étude de la CNUCED, en 2007 les capitaux étrangers intervenaient en Chine pour 30,9 % dans la production industrielle du pays et pour 60 % dans les exportations.

    Actuellement, l’Afrique bénéficie très peu des investissements directs étrangers car les entreprises redoutent d’être spoliées. D’où la nécessité d’un système d’assurance européen contre les risques politiques à l’exemple de la MIGA créée à Washington par la Banque mondiale.

    L’Europe interviendrait donc dans tous ces pays en retard en termes de développement pour les doter des grandes infrastructures qui leur font défaut. Elle ouvrirait ainsi la voie à ses entreprises pour leur permettre d’agir en Afrique. On en serait à l’objectif OCDE de 0,7 % du revenu national brut de l’Europe, c’est-à-dire environ 100 milliards d’euros par an. On agirait sans intervenir dans les affaires internes de ces pays, la seule préoccupation étant d’être efficaces car il y a urgence.

    Un sondage OpinionWay pour le Cevipof du 10 janvier 2022, indiquait que 32 % des Français se considèrent de droite.

    Pour que le parti LR soit en mesure de les mobiliser, il faudrait qu’il puisse se doter d’un programme d’action bien structuré traitant des trois questions fondamentales qui conditionnent l’avenir du pays :  le redressement économique, construire l’Europe de demain et éviter la submersion de flux migratoires incontrôlables.

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      LR, pointe avancée de la dérive de la droite européenne

      news.movim.eu / Mediapart · Thursday, 1 December, 2022 - 18:18


    L’ensemble des partis conservateurs en Europe a tendance à perdre du terrain électoral et à se radicaliser vers la droite. Dans le cas français, ces deux phénomènes sont particulièrement exacerbés.
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      www.mediapart.fr /journal/international/011222/lr-pointe-avancee-de-la-derive-de-la-droite-europeenne

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      Le RN propose d’inscrire la loi Veil dans la Constitution et euthanasie les LR

      Laurent Sailly · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 24 November, 2022 - 03:40 · 2 minutes

    « Caramba encore raté » peuvent se dire les trois candidats à la présidence des LR.

    En votant la motion de censure présentée par la NUPES lors du premier 49-3 de la législature en cours, les députés RN avaient mis en difficulté les députés LR en se présentant comme les premiers opposants au macronisme. Dans un deuxième temps, le RN a réussi une passation de pouvoir sans mélodrame à la tête du parti entre Jordan Bardella et Marine Le Pen (type Fillon-Copé en 2012) tout en évitant les coups bas déshonorants pour la démocratie interne d’un grand parti (à la différence des accusations et invectives Ciotti-Pradié-Retaillaud).

    Mais jamais deux sans trois.

    Alors que deux propositions de loi, l’une issue du groupe Renaissance , l’autre de La France insoumise , prévoient d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, Marine Le Pen a déposé un amendement visant à sanctuariser la loi Veil dans la Loi fondamentale.

    La présidente du groupe Rassemblement national et ses députés refusaient jusque-là de constitutionnaliser l’IVG, considérant qu’il n’était pas en danger en France. Celle-ci indique qu’avec sa proposition c’est « l’équilibre actuel » de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse qui serait gravé dans le marbre de la Constitution, c’est-à-dire le droit dans ses conditions du moment, assorti d’un délai de recours fixé à 14 semaines, auquel Marine Le Pen était pourtant opposée lors de l’examen de la loi Gaillot , et d’une clause de conscience spécifique réservée au personnel soignant.

    Le président de la commission des lois à l’Assemblée, Sacha Houlié (Renaissance), a critiqué, lundi soir sur le plateau de LCP, « un tour de passe-passe », et « une grande hypocrisie » de la part du Rassemblement national qui chercherait avec cette proposition à cacher ses ambiguïtés à propos de l’IVG.

    Mais les plus vives attaques viennent du groupe LR une nouvelle fois débordé !

    Mardi 22 novembre, le président du groupe LR, Olivier Marleix, a pour sa part dénoncé un « mauvais plagiat […] d’un amendement du groupe LR déposé 8 jours avant », qui proposait d’inscrire dans la Constitution « les principes fondamentaux de la loi du 17 janvier 1975 », soit, selon le groupe d’opposition, « le droit de la femme à demander l’interruption volontaire de grossesse » et « le respect de tout être humain dès le commencement de la vie ».

    Toujours est-il que lundi 21 novembre le Rassemblement national a déposé son amendement sur la proposition de loi qui sera débattue jeudi 24 novembre dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe LFI. Il le défendra à nouveau lors de l’examen du texte par la majorité dans l’hémicycle, le 28 novembre.

    Pour la troisième fois depuis l’ouverture de la nouvelle session parlementaire, les stratèges du RN ont étouffé ceux des LR.

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      LR expose son déclin en prime time

      news.movim.eu / Mediapart · Tuesday, 22 November, 2022 - 08:52


    Pour l’unique débat télévisé de la campagne, les candidats à la présidence du parti Les Républicains ont tenté de faire entendre des différences minimes ou tactiques. La soirée a surtout donné à voir l’absence d’idées nouvelles et renforcé le statut de favori d’Éric Ciotti.
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      Politique française : les Républicains en position d’arbitres

      Olivier Maurice · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 17 November, 2022 - 04:00 · 8 minutes

    Les moyens de dissuasion ne sont utiles que tant que l’on ne s’en sert pas. Le vote d’une motion de censure , c’est l’arme de destruction massive de l’ Assemblée nationale . On presse le bouton et boum !

    Avec ses 62 députés, l’alliance de la droite conduite par les Républicains a entre ses mains l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête du gouvernement d’Élizabeth Borne. Dans l’hypothèse d’une dissolution qui suivrait une éventuelle éjection manu militari de l’exécutif, elle détient également le sort des 577 députés de l’actuelle Assemblée.

    Il suffirait pour cela qu’à l’occasion d’une mention de censure déposée par la gauche et votée mine de rien par le Rassemblement national la droite décide de se joindre au vote pour déclencher une crise politique qui viendrait rebattre toutes les cartes dans le pays.

    La droite française se retrouve donc bizarrement et malgré elle avec davantage de responsabilité que si elle était au pouvoir ou y participait.

    La destruction créatrice

    Ironiquement, cette situation ambiguë et instable a le mérite de clarifier les choses.

    Certains élus ont d’ores et déjà choisi de se retirer pour ne pas être embarqués dans l’aventure, comme c’est le cas du maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc . On se souvient par ailleurs de ceux qui avaient anticipé cette situation et avaient grossi les rangs de la coalition de circonstance agglutinée autour du chef de l’État, comme Éric Woerth et plusieurs autres .

    En même temps (comme si la simultanéité était devenue la marque de l’époque), le sort même du parti Les Républicains est suspendu à la nomination de son prochain président. L’indécision plane au-dessus des résultats des trois candidats , avec en coulisse les agissements des tribus et des barons dont l’existence et l’importance caractérisent la vie politique française depuis Vercingétorix et plus particulièrement la droite, soucieuse de conserver cette tradition bien française.

    On peut ici citer de nombreux noms : Gérard Larcher, l’indéboulonnable président du Sénat dont on oublie tout le temps qu’il est quand même le second personnage de l’État ; David Lisnard , aux commandes de la silencieuse mais fondamentale Association des maires de France ; les présidents de cinq régions tenues par LR et dont Laurent Wauquiez se démarque après le fiasco de Valérie Pécresse et les pas de danse de Xavier Bertrand ; François-Xavier Bellamy, le chef des députés européens ; sans compter les nombreux maires et principaux opposants de grandes villes, même si les Républicains y ont subi pas mal de défections et de déboires ces derniers temps.

    Pressés à la fois par le poids de la responsabilité d’avoir le sort du gouvernement entre leurs mains et le besoin pressant de réagir à la dynamique compressive opérée par la majorité présidentielle, les Républicains dans la forme actuelle vont disparaître. Ce n’est ni une prévision ni une spéculation. En fait ils ont déjà disparu et chacun de leurs membres restants a engagé depuis belle lurette l’inventaire que la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy avait étouffé sous un écran de fumée au lendemain de la défaite présidentielle de 2012.

    La grande lessive

    Bruneau Retailleau, François-Xavier Bellamy et Julien Aubert ont ouvert le grand déballage par une tribune parue début octobre dans L’Express et qui est loin d’être passée inaperçue. De nombreux actuels et anciens LR, l’ancien président en tête, ont failli s’étrangler en voyant que l’on osait s’en prendre aux symboles du passé. Ce passé n’est pourtant pas très glorieux. Il a quand même conduit à la situation actuelle dans laquelle se trouvent à la fois le Vieux Grand Parti et le pays.

    Quitte à dresser un inventaire du passé, autant remonter carrément aux origines.

    La France n’a pas vu un budget équilibré depuis 1974 . Mettons de côté toutes les bonnes et mauvaises excuses : la Cinquième République n’a pas survécu au Général de Gaulle et à son Premier ministre Georges Pompidou . Non seulement la Cinquième République n’y a pas survécu mais la droite française non plus.

    Depuis la présidence de Valery Giscard d’Estaing , le pays est divisé, en déficit, en pente descendante dans de nombreux domaines : industrie, éducation, sécurité, libertés publiques… miné par un chômage chronique, rincé par des polémiques quotidiennes et bloqué par l’ambiguïté populiste.

    Bêtement, stupidement, la droite française a cru bon de supporter cette lente descente par le simple argument qu’elle devait assurer ce qu’elle considérait comme étant l’héritage du Général.

    Il y a fort à parier qu’avec sa gouaille de militaire de carrière le grand Charles aurait dit ce qu’il avait expliqué à un tankiste français en mai 1940 qui venait de se faire par trois fois poivrer par les Allemands et avait à chaque fois rebroussé chemin en abandonnant son char d’assaut détruit pour en reprendre un autre : « Et maintenant, qu’est-ce que vous attendez pour y retourner ? »

    Le vrai et le faux conservatisme

    Il y a deux définitions du conservatisme : l’une est de droite, l’autre est de gauche.

    Celle de gauche est que les conservateurs sont réactionnaires et veulent à tout prix empêcher le progrès et conserver le passé ou tout du moins les choses telles qu’elles sont. Cette position finit bien souvent avec des paradoxes totalement ridicules comme celui de défendre l’école publique laïque et républicaine ou de célébrer la Révolution française sous prétexte que ces sujets contre lesquels la droite de l’époque s’est furieusement élevée et même violemment battue font dorénavant partie du passé et donc de l’héritage de la Nation.

    Celle de droite consiste à dire que la conservation des choses, via la propriété, est le fondement des sociétés occidentales selon une longue tradition légaliste datant d’avant l’Empire romain et qui a bon gré mal gré traversé les âges. Selon cette définition, le conservatisme consiste à défendre cette organisation de la société et à la faire évoluer pour plus de liberté et d’épanouissement des individus.

    Le problème c’est que dire en 2022 que la Révolution française a été une catastrophe pour le pays, ce n’est pas être à droite selon les critères moraux actuels du politiquement correct ; c’est être tellement à droite que l’on sort carrément du spectre politique pour se retrouver en dehors de l’orbite terrestre, voire en dehors du système solaire.

    Une droite plus communiste que les communistes

    La droite française a fini par coopter tout une série de choses contraires à ses principes , à la fois par conformisme historique et par opportunisme électoral. Ainsi, le « meilleur système que le monde entier nous envie » imposé par les communistes à la libération et accepté en se bouchant le nez par de Gaulle afin d’éviter une guerre civile et également de négocier le soutien ou la neutralité de Moscou à son statut de grande puissance, est-il devenu un fleuron national défendu bec et ongles par la droite.

    La question n’est pas de savoir si la droite française survivra : elle survivra ne serait-ce que parce qu’aucun système politique n’est jamais consensuel, ce qui est au passage un très sérieux argument mettant à mal cette vision angélique de la Nation, avec son identité unique, sa culture commune, son intérêt général et tout le reste.

    La question est de savoir si la droite française conservatrice au premier sens énoncé (le conservatisme expliqué par la gauche) saura sortir du piège ontologique dans lequel elle a été ou s’est enfermée elle-même et que l’on verra apparaître une droite française conservatrice au sens du conservatisme d’ Edmond Burke et d’ Alexis de Tocqueville .

    Un sacré nettoyage en perspective

    Pour tourner la page de 40 ans de post-gaullisme et disons le tout net de socialisme de droite, la droite a un sacré chantier devant elle.

    Il faut tout d’abord qu’elle explique gentiment aux nostalgiques de l’Empire (et plus particulièrement à ceux de l’Algérie française) qu’ils se sont vraiment fait mettre minable une première fois en 1942 et une seconde fois en 1962 et qu’il est temps de passer à autre chose. Le but de la Cinquième était de rompre avec le républicanisme gauchiste de la Troisième et de la Quatrième République, pas de devenir une caisse de résonnance de revanchards toujours obsédés par l’idée de casser du bronzé et du Yankee 60 ans après les accords d’Alger et 80 ans après le débarquement des GI à Alger et à Oran.

    Le gros problème est qu’à force de cultiver l’ambiguïté avec le nationalisme et le socialisme (les deux étant les deux faces de la même pièce), il va être très difficile de clarifier les choses et d’expliquer que la France a mieux à faire que de mener des combats d’arrière-garde.

    Mais enfin ! Pensez-vous vraiment que c’est en ajoutant le beyaz peynir et le labneh à la liste des 248 fromages que l’on va rendre ce pays ingouvernable ?

    Pensez-vous vraiment que le programme du Front Populaire, rebaptisé programme du Comité national de rassemblement populaire en 1935 ; puis programme du Comité d’action socialiste en janvier 1943 ; puis programme du Comité français de libération nationale en juillet 1943 ; puis programme de la CGT en septembre 1943 ; puis programme du Comité national des Études en novembre 1943 ; puis programme du Front National en janvier 1944 ; puis enfin programme d’action de la Résistance en mars 1944 et finalement programme du Conseil national de la Résistance à la libération, soit vraiment un programme politique de droite ?

    Pour se faire de nouveau entendre, la droite doit impérativement cesser d’être la caisse de résonnance de tous ces déçus du socialisme qui réclament encore plus de socialisme pour sauver le socialisme.

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      Comment Poutine a recruté la droite française

      Pascal Avot · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 15 November, 2022 - 04:30 · 5 minutes

    La France occupe une place très particulière dans les stratégies de l’impérialisme russe : elle a toujours constitué une cible de choix pour les prédateurs du Kremlin. La filiation entre les révolutions jacobine et bolchévique, l’admiration de Lénine pour Robespierre , la puissance du PCF au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’anti-américanisme du général de Gaulle, ajoutés à la passion kitsch mais profonde de nos intellectuels pour Dostoïevski et de nos catholiques pour les encens de l’orthodoxie, font de notre pays un terrain de jeu idéal aux yeux des services secrets russes.

    Staline disait que fomenter une révolution communiste en France était inutile : il entendait nous conquérir en douceur, par la manipulation politique et la contamination idéologique. Il nous pensait plus enclins à nous soumettre à son joug sans combattre que d’autres nations occidentales. La russophilie française n’est donc pas née d’un hasard culturel : elle est le fruit d’un long et patient travail de manipulation qui n’a jamais connu de périodes creuses.

    L’influence russe fut impressionnante dans les années 1940 à 1970, quand le PCF était le premier parti de France, investissant les entreprises nationalisées, l’enseignement supérieur, multipliant à l’infini associations, médias, pétitions, manifestations et grèves. Cette mainmise était logique parce qu’homogène idéologiquement : conçue par un empire communiste, elle prenait appui sur des organisations communistes. On savait à quoi s’attendre.

    Le nouveau parti russe

    À la fin du XX e siècle, coup de théâtre. Suite à la chute du Mur , la Russie cesse de financer grassement ses antennes françaises de gauche. C’est alors que naît un nouveau « parti russe » en France. À la surprise générale, il se situe à droite toute. Le KGB mise sur de nouveaux chevaux. L’accession au pouvoir de Vladimir Poutine est le signal de ce retournement stratégique.

    Autoritaire, parlant en flux tendu de « retour à l’ordre », de « civilisation traditionnelle », de « valeurs chrétiennes » – toutes choses, rappelons-le, auxquelles il ne croit pas un seul instant –, il est l’homme idéal pour séduire une droite française déstabilisée par le progressisme grandissant des Américains. Chirac, Sarkozy, Fillon, Villiers, Marine, Zemmour, Marion Maréchal, seront ses Georges Marchais de substitution.

    La droite tresse alors des couronnes de lauriers à Poutine. On le rencontre avec le plus grand respect. On l’invite avec faste. On le décore. On dit qu’on l’admire et qu’on souhaite à la France un leader aussi patriote. On le trouve plus européen que l’Union européenne. On lui fournit des armes – on tente même de lui vendre des parcs d’attractions. On lui emprunte de l’argent quand on est endetté. On se rend en Russie en observateur pour y valider officiellement les processus électoraux. On se prévaut de son respect. On se lie d’amitié avec les oligarques dont on sait pourtant qu’ils travaillent main dans la main avec le FSB .

    Roosevelt avait son « oncle Joe », la droite a désormais son « oncle Vlad ». Forte de sa doctrine gaulliste que l’on pourrait résumer par « plutôt se faire violer par Moscou que de faire l’amour avec Washington » , elle devient une officine de propagande prorusse plus enthousiaste encore que les diplomates russes.

    Quel est l’objectif de Poutine ? Il est triple.

    D’abord, faire de la France, si prompte à se prendre pour une prophétesse géopolitique, le porte-voix occidental du déclin américain. Ensuite, nourrir un vivier de politiciens kremlino-compatibles qui, s’ils prennent le pouvoir un jour, applaudiront les initiatives impérialistes de Moscou.

    Enfin, monter des kompromat , comme on dit en Russie : des dossiers qui, si nécessaire, seront exposés en place publique et détruiront les carrières des récalcitrants. Car, sachez-le, dès que vous entrez dans l’orbite accueillante du Kremlin, tous vos faits et gestes sont enregistrés, filmés, analysés et archivés. Lors d’un banquet à Moscou, après le verre de vodka de trop, vous avez lancé sur le ton de la plaisanterie que la France est un pays de minables ? C’est noté. À la moindre incartade, la presse française l’apprendra comme par magie. Tenez-vous à carreau, il n’y a plus de marche arrière.

    Le piège se referme

    Et les politiciens ne sont pas les seuls contaminés. Ce parti russe se trouve aussi bien chez certains militaires, diplomates, intellectuels, journalistes et prêtres. Comment sont-ils tombés dans le piège ? Par inculture avant tout mais aussi par intérêt, par fascination pour la supposée âme russe et pour le virilisme de la communication poutinienne.

    Le FSB a déployé ses charmes, ses honneurs, ses flatteries, ses selfies de prestige aux côtés de Poutine, ses promesses de contrats juteux et de soutien électoral. Aucun pouvoir au monde n’est aussi doué pour embrasser ses adversaires sur la bouche et en faire des amants. Combien se sont laissé étreindre par le poutinisme parce qu’il vomissait – à dessein – le mouvement LGBT !

    Maintenant, soyons justes : la plupart de ces compagnons de route de la tyrannie russe sont des proies plutôt que des prédateurs. Ils ont été bernés, envoûtés. Le FSB leur a menti parce qu’il ment tout le temps. Les authentiques taupes et les vrais corrompus sont rares. L’imprudence n’est pas une trahison consciente.

    Ce parti russe ne dirige pas la France, mais il est important numériquement, réellement influent et potentiellement dangereux. Le virus circule. Le rôle des libéraux est de vacciner. Il n’y a rien au monde que Poutine déteste davantage que toi, lecteur. Son idéologue, l’épouvantable Douguine, affirme que les libéraux sont « des sous-hommes » et que le libéralisme est « pire que la mort » .

    Prendre conscience de cette menace est un devoir : on ne gagne pas un duel sans l’accepter. Parce que la droite est opportuniste, elle est réformable. Réformons-la. La guerre en Ukraine nous en fournit l’occasion.